Texte intégral
Vous accueillir à la CGPME est pour nous un honneur et je tiens à vous remercier d'avoir accepté notre invitation.
Nous n'avons pas coupé le ruban mais sachez que vous inaugurez cette salle entièrement refaite.
La faire baptiser par celui que le magazine L'Expansion, dans son numéro de mars, appelle le « candidat des Patrons et des PME » est particulièrement opportun.
Plus sérieusement, vous avez su, et c'est sans doute cela qui explique le remarquable parcours que vous effectuez, tenir un véritable discours d'Homme d'Etat en ne perdant jamais de vue certains points essentiels tel que celui de l'endettement abyssal de la France.
Je vous avoue néanmoins que, pour un chef d'entreprise, l'idée de devoir inscrire dans la Constitution l'interdiction pour un Gouvernement de présenter un budget en déficit de fonctionnement semble totalement surréaliste !
Nous partageons naturellement l'un de vos objectifs affichés : faire de la France, un Pays pro-entreprise.
Il y a du chemin à faire !
Et pourtant du pouvoir d'achat au dialogue social, de la formation des jeunes à l'emploi, de la fiscalité à la protection sociale, du travail manuel à l'innovation, de l'environnement à l'Europe, quels que soient les sujets, les entreprises sont au centre de la vie de nos concitoyens.
C'est précisément l'une des raisons pour laquelle la CGPME a décidé de prendre part au débat public pré-électoral pour que chacun se prononce, selon ses convictions, mais en toute connaissance de cause.
Les chefs d'entreprises patrimoniales issus de toute la France et de tous secteurs d'activités sont en effet atterrés de l'image de l'entreprise dans notre Pays. Comment peut-on tout à la fois placer le chômage au premier rang de ses préoccupations et critiquer sans relâche ceux qui créent l'emploi ?
Est-il normal que l'on entende toujours parler de redistribution de richesses et si rarement de création de richesses ?
Pour nous, opposer économique et social est un non sens. Or nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins. Le financement de notre protection sociale atteint aujourd'hui les limites de l'économiquement acceptable. Il suffit pour s'en convaincre de constater que la création de richesses est en grande partie « confisquée » pour financer la protection sociale.
Et l'on s'étonne que, dans de telles conditions, l'économie française soit moins compétitive et perde des parts de marchés ! Sans doute est-ce là une véritable question à se poser : Comment faire en sorte que la France gagne des parts de marchés dans une économie globalisée ?
Le poids grandissant de la sphère publique est pour nous, chefs d'entreprises, qui luttons chaque jour pour équilibrer notre bilan, incompréhensible. Peut-on raisonnablement admettre que depuis 1980, l'effectif des fonctions publiques croisse 1,6 fois plus vite que le nombre de salariés dans le secteur privé ?
Vous avez devant vous, Monsieur BAYROU, des patrons de PME patrimoniales qui savent ce qu'est le risque. Ils ont créé leur entreprise à partir d'une idée autour de laquelle ils ont su fédérer pour bâtir des réussites avec celles et ceux qui les accompagnent.
Ce n'est pas un hasard si la devise de la CGPME est « notre valeur ajoutée, c'est l'homme ».
Je ne sais pas si « nous nous levons tôt », mais en tout cas nous travaillons tard, et beaucoup plus de 35 heures ! Le travail, l'effort, l'initiative et le partage sont d'ailleurs les valeurs qui nous réunissent. Nous les mettons chaque jour en pratique dans nos entreprises.
Ceux qui sont dans cette salle risquent leurs biens propres. Leurs décisions ne leur sont pas dictées par un quelconque fonds de pension. Ils connaissent individuellement leurs salariés et ne les considèrent, en aucun cas, comme une simple variable d'ajustement.
Les PME présentes ce matin sont confrontées à la mondialisation mais ne délocalisent pas leurs activités. Nos résultats nous les faisons en France et c'est ici que nous créons de l'emploi !
Alors oui, il faut le dire la France a besoin de très grandes entreprises. Ces champions nationaux sont une locomotive économique et technologique indispensable.
Qu'on cesse de les montrer du doigt pour des raisons dogmatiques ; c'est nous que l'on touche !
De même passer immédiatement le SMIC à 1500euros serait une erreur majeure car cela augmenterait le coût du travail. Pour nos petites entreprises ce serait catastrophique ! N'oublions pas que les entreprises de - 10 salariés n'ont d'autre choix que d'avoir un tiers de leur effectif au SMIC, alors que seulement 8 % des entreprises de plus de 500 salariés sont concernés !
Sans allonger mon propos, je voudrais toutefois - si vous me le permettez - commenter 2 points importants de votre programme.
Le libéralisme tempéré que nous professons passe par la nécessité de garantir les conditions d'une concurrence saine et loyale qui s'accommode mal de situations de quasi-monopole dues aux positions trop dominantes. Rétablir l'équilibre entre les petites et les grandes entreprises est juste. Si j'osais, je dirais même que c'est sans doute cela le véritable « ordre juste ».
Le SBA est une idée que nous défendons depuis bien des années. C'était même le thème de notre Amicale Parlementaire de mars 2006. Nous appuyons donc sans réserve votre proposition. Enrichir le dispositif d'une mesure simple, non coûteuse, pourrait être révolutionnaire :
avant toute décision, réaliser une étude d'impact sur son effet sur les PME.
Cela se pratique ailleurs, pourquoi pas en France ?
Donner à toute entreprise le droit de créer deux emplois nouveaux sans charge pendant 5 ans est une excellente idée. Le poids des charges sociales est sans nul doute le premier frein à l'emploi.
Pour autant, je ne vous cache pas que nous sommes beaucoup plus circonspects sur la concentration des exonérations de charges sur les salaires au dessous de 1,3 SMIC, au lieu de 1,6 actuellement. Les dégâts en matière d'emploi risquent d'être importants. Par contre, les trappes à bas salaires sont une réalité et nous souhaiterions, au contraire, réfléchir à une franchise de charges sur les 200 premiers euros de tous les salaires.
Pour conclure, je voudrais, en forme de clin d'oeil, vous livrer une phrase de l'industriel et essayiste de la fin du 19e siècle, Auguste Detoeuf :
« Il n'y a de bonne politique que celle du juste milieu. Le difficile n'est que de savoir où il est ! »
François BAYROU, je vous cède cette tribune.Source http://www.cgpme.fr, le 19 mars 2007