Interview de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France et candidat à l'élection présidentielle, à Europe 1 le 3 avril 2007, sur la réussite de sa gestion en Vendée et ses propositions pour l'appliquer à la France.

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Q- Bonjour P. De Villiers... Vous attendiez avec impatience, l'égalité des temps de parole pour tous les candidats. Cette période traduit-elle un frémissement, le frémissement que vous attendiez en votre faveur ?
R- Incontestablement. Quand on voit que le Palais des Congrès a été débordé et que partout sur le terrain, je vois pour la première fois des Français qui se tournent vers moi en disant : on pensait voter Bayrou, on pensait voter Sarkozy, mais on vous écoute et on est plus sûr de notre choix désormais, parce que Bayrou c'est la « droiche » - un mélange de droite et de gauche, donc on ne sait pas où l'on va - et que Sarkozy nous donne le tournis, il tourne sur lui-même comme une toupie.
Q- Vous pronostiquez des surprises, vous n'êtes pas un petit peu à la méthode Coué, parce qu'on a plutôt l'impression que la campagne ronronne aujourd'hui ?
R- Justement, c'est parce qu'elle ronronne qu'il y aura des surprises, parce que le peuple français en fait écoute, regarde, et va fixer son choix dans les toutes dernières heures.
Q- Monsieur de Villiers, ni C. Pasqua, ni C. Millon, ni B. Mégret n'ont réussi à s'inscrire entre la droite et l'extrême droite. Qu'est-ce que vous avez pour réussir, qu'est-ce qui vous rend différent ?
R- Moi j'ai trois points forts dans cette campagne qui vont apparaître dans ces trois dernières semaines. Le premier point fort c'est que j'ai un bilan, j'ai réussi là où j'ai agi, c'est-à-dire en Vendée.
Q- Oui, mais ce n'est pas la France.
R- Mais quand on a réussi, quand on est réputé, aux yeux des Français avoir réussi
sur un morceau de la France, on a plus d'aptitude à réussir sur la France entière.
Q- Mais là, Sarkozy pourrait dire ça à Neuilly et S. Royal en Poitou-Charentes.
R- Justement, S. Royal ne peut pas dire ça du Poitou-Charentes, où elle s'est comportée comme une étoile filante, poursuivie par les médias, dans le feu des projecteurs. Quant à N. Sarkozy, si vous voulez me parler de son bilan à Beauvau, c'est un bilan médiatique qui a eu 350.000 entrées régulières et irrégulières par an depuis 2002 et les atteintes aux personnes ont augmenté de 13,9% en cinq ans. Il suffit de voir le bilan de N. Sarkozy, il y a 50.000 voitures brûlées en 2006, il y a 600 quartiers où lui-même ne peut pas pénétrer. On a reconstitué les frontières à l'intérieur qu'on avait abolies à l'extérieur. Et puis il y a 10.000 policiers blessés en interpellation, c'est-à-dire quand un policier interpelle un jeune dans une banlieue, aujourd'hui, il prend un vrai risque. Donc, moi j'ai un bilan. Deuxièmement, un bilan par exemple sur le plan économique : premier département français pour la création d'entreprise, je sais ce que c'est qu'une PME, je sais ce que c'est que le RMI, deux fois plus d'apprentis.
Q- Les patrons préfèrent toujours Sarkozy.
R- Alors, attendez, deuxième chose, une cohérence dans la durée. Je ne suis pas une toupie, je ne suis pas une girouette. Moi j'ai mené les combats, que ce soit contre la corruption, contre les marées noires, sur l'Europe, contre le libre échangisme mondial - j'ai été le premier à en parler - ou sur l'euro. Je m'amuse de voir aujourd'hui S. Royal et N. Sarkozy rejoindre mes positions. Je vais vous dire, M. Tronchot, les victoires idéologiques précèdent toujours les victoires politiques. Et j'ai un projet, c'est mon troisième point fort, mon projet qui est le patriotisme populaire et ce projet, le fait que les autres parfois viennent s'y alimenter lui donne un peu plus de crédit.
Q- Les autres, ils ne sont pas les vrais patriotes ?
R- Si, mais ils font passer l'Europe avant la France et moi je fais passer la France avant l'Europe. Exemple : N. Sarkozy dit que son premier voyage sera pour aller à Bruxelles pour faire passer son projet de mini traité européen qui a vocation à être voté ensuite par le Parlement. Vous savez ce qu'il y a dans son mini traité européen ? Il y a tous les éléments d'une Europe supra nationale qui l'empêchera de faire une politique de l'immigration et de la sécurité, qui l'empêchera par exemple de faire ce qu'il faudrait faire pour rétablir les frontières, pour mettre fin au regroupement familial, pour mettre fin aux avantages des sans-papiers - autant de choses qu'il n'a pas fait depuis 2002 - ; pour changer le droit de nationalité parce qu'avec son mini traité européen, c'est l'Europe qui commandera en France, encore plus qu'aujourd'hui parce que son mini traité européen, c'est sur le mode mineur ce qui a été refusé par le peuple français sur le mode majeur par la grande porte du suffrage universel, la Constitution européenne.
Q- Monsieur De Villiers, vous savez ce que tout le monde pense : vous vous démarquez normalement de N. Sarkozy, par exemple la droite aujourd'hui, mais vous allez le rejoindre après, nécessairement.
R- Ah non mais attendez, moi je ne fais pas de la politique de..., moi je ne fais pas de la cuisine, moi je défends des idées. M. Tronchot, vous me connaissez depuis longtemps, moi je me bats pour des idées. C'est un acte libre. Quand on a réussi...
Q- Oui mais il n'y a pas qu'un tour dans une élection présidentielle.
R- Quand on a réussi chez soi comme j'ai réussi chez moi, comme président du conseil général de la Vendée et aussi dans ma vie privée de créateur, de scénariste, bâtisseur au Puy du Fou, j'ai crée quand même une entreprise qui est le troisième parc français aujourd'hui, on n'a pas besoin de la politique. Si je fais de la politique nationale, si je suis candidat à l'élection présidentielle, c'est parce que j'ai un projet et ce projet, le patriotisme populaire, s'impose à partir de trois idées que les autres ne défendent pas. La première, c'est moi je veux une protection douanière européenne de nos emplois et je veux une protection monétaire de nos emplois, c'est-à-dire un euro faible.
Q- Il faudrait signer des traités.
R- Comment ?
Q- Il faut re-signer des traités.
R- Mais bien sûr. Moi je suis le seul à dire que...
Q- Vous allez isoler la France.
R- Mais pas du tout. Il ne faut pas isoler la France, il faut affirmer la France. Et quand N. Sarkozy parle de préférence communautaire ou S. Royal d'Europe protectrice, eux ne veulent pas faire ce que je veux faire. Eux, ils veulent garder les traités actuels qu'ils ont contribué à faire voter et à faire ratifier. Nice, Marrakech, Amsterdam, comment pourrait t-il demain y avoir une Europe protectrice sans changer les traités ? La deuxième chose que je veux faire et dont ils ne parlent pas parce que c'est contraire à leurs convictions, moi je veux une loi cadre sur le renouveau des repères civiques et moraux. Je ne suis pas d'accord avec Sarkozy sur le mariage homosexuel. Moi je veux une grande politique familiale. Je veux une vraie liberté de l'école. Je veux une vraie liberté de choix de l'école et je veux une école qui, de manière expérimentale, puisse aller vers le meilleur, vers l'excellence, supprimer les IUFM, les remplacer par des écoles de formation de l'excellence. Et puis la troisième chose que je veux faire dont ils ne parlent jamais, je suis le seul à avoir ouvert le débat sur le communautarisme islamique. Affirmer l'autorité de l'Etat pour faire reculer le communautarisme en France.
Q- Vous semblez continuer à penser que le non au référendum peut être un tremplin alors même que les Français mettent en situation de l'emporter, parce qu'il faut quand même regarder les choses concrètement, trois personnes qui ont appelé à voter oui lors de ce référendum sur la Constitution européenne. Comment est-ce que vous expliquez ça ? Les Français ne sont pas cohérents ?
R- Derrière le non au référendum, il y a une volonté de changer les choses. Les Français ne s'intéressent pas à l'Europe, ils s'intéressent à la France. Et aujourd'hui, les Français voient bien que la France est menacée trois fois dans sa souveraineté puisque nous n'avons plus les pouvoirs - on n'est même plus capable de baisser la TVA pour les restaurateurs - ; dans son identité, à tel point que même S. Royal et N. Sarkozy s'en sont aperçus puisqu'ils parlent de l'identité nationale et aussi dans sa vitalité puisque le phénomène des délocalisations, de la mondialisation sauvage aspire nos entreprises. Alors il ne suffit pas de dire comme Royal ou Sarkozy : on va valoriser le travail. Le travail il part en Chine. Repartez ce qui se passe avec Arena. Et donc pour valoriser le travail, il faut d'abord qu'il y ait des droits compensateurs pour mettre à égalité les producteurs européens et les producteurs chinois qui travaillent dans des conditions qui n'ont rien à voir avec les nôtres, sur le plan des normes sociales ou environnementales.
Q- La TVA sociale que préconise monsieur Sarkozy, consacrer une partie de la TVA au financement de la protection sociale, c'est une idée intéressante ?
R- Alors c'est une idée intéressante mais moi, je ne l'accepte pas parce que c'est trois points d'impôt supplémentaires qui seront payés par les consommateurs. Il y a une idée qui est beaucoup plus simple, c'est de trouver comme assiette des cotisations sociales de toutes les PME, la différence entre le chiffre d'affaire et la masse salariale, de telle manière que celui qui embauche sera favorisé et quel importateur sera défavorisé. Un producteur de jouets d'Orléans qui fabrique en France avec des travailleurs français, aujourd'hui paie plein pot tous les impôts, toutes les charges, toutes les cotisations. Il fait faillite - c'est un exemple vécu il y a quelques jours - il se réinstalle comme importateur de jouets chinois, les mêmes jouets, le même matériau, les mêmes formes : il fait fortune. Donc quand on fait fortune en France comme importateur et qu'on fait faillite comme producteur parce qu'on a embauché des travailleurs français, c'est que quelque chose ne va pas dans notre système fiscal.
Q- Mais l'intérêt de la TVA sociale, c'est qu'on réduit le coût du travail pour les entreprises, on taxe les importations et on favorise les exportations. Donc tout va bien.
R- Tout à fait mais l'inconvénient de la TVA sociale, c'est que c'est un impôt supplémentaire. Moi je ne veux pas d'impôt supplémentaire. Il est urgent de diminuer les impôts des Français, de diminuer la dépense budgétaire pour pouvoir diminuer la dette. Donc toute forme d'impôt supplémentaire est symboliquement une erreur.
Q- Vous êtes un ancien élève de l'ENA. Vous trouvez que cette école mérite qu'on la désigne à la vindicte populaire comme le font régulièrement certains, le dernier étant F. Bayrou en l'occurrence ?
R- Ecoutez ! Bayrou fait parler de lui. Moi, personnellement, j'ai toujours été favorable à la disparition de cette école. Avant, il y avait des concours individuels par ministère, par exemple les Affaires étrangères etc. La question à mon avis, il y a des questions beaucoup plus importantes comme la suppression nécessaire de l'immunité parlementaire pour que tout le monde soit logé à la même enseigne, le peuple et les représentants du peuple, la disparition de l'amnistie, de toute forme d'amnistie politique et je dirais, tout homme politique condamné pour corruption doit être inéligible à vie. Ca c'est très important pour rendre la confiance aux Français sur le monde politique.
Q- Le nouveau ministre de l'Intérieur, monsieur Baroin, invite à la vigilance face à d'éventuels attentats en faisant allusion au contexte de l'élection présidentielle. Il a raison ?
R- Oui, c'est évident qu'aujourd'hui, on a laissé sur le territoire français s'infiltrer des terroristes en puissance puisqu'il y a 5000 salafistes sur le territoire français et que comme c'est un débat qu'on ne veut pas ouvrir, il y a dans certaines mosquées des prêches qui sont extrêmement dangereux. C'est la raison pour laquelle, je propose une charte pour la construction de mosquées, l'interdiction du voile islamique sur le territoire français parce que ce n'est pas à la France à s'adapter à l'Islam, c'est à l'Islam à s'adapter à la France.
Q- F. Bayrou vous accuse d'exciter les passions ou de surfer sur le thème de l'insécurité ?
R- Je ne sais pas quelles passions excite F. Bayrou mais il y a une différence entre lui et moi, c'est que lui fait carrière et moi, je fais une campagne du bien commun.
Q- Journée importante pour un fleuron de l'industrie, le TGV. Un commentaire ?
R- Formidable. J'écoutais il y a deux jours le récit de ce qui allait se passer aujourd'hui, mon pronostic c'est 570, 580. C'est fantastique, c'est l'avion et donc ça veut dire qu'en termes d'aménagement du territoire, à terme, il n'y aura plus de zones mises à part. On pourra développer tout le territoire grâce au TGV.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 avril 2007