Réponses de M. José Bové, candidat à l'élection prtésidenrtielle 2007, à un questionnaire sur la situation dans les territoires palestiniens, présenté aux candidats à l'élection présidentielle par la "Plateforme des ONG françaises pour la Palestine" regroupant 28 associations, Paris le 30 mars 2007.

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Texte intégral

1. La France étant membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, quelles mesures comptez-vous prendre pour permettre :
* La création d'un Etat palestinien, conformément à la résolution 1397 (2002) du Conseil de sécurité des Nations Unies ?
* L'application des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) demandant le retrait d'Israël des territoires occupés en 1967 ?
* Le respect du statut internationalement reconnu de Jérusalem-Est comme « territoire palestinien occupé » (résolutions 465 de 1980) ?
* L'application de la résolution 194 de l'Assemblée générale (1948) qui reconnaît le droit au retour des réfugiés palestiniens, dont les modalités d'exercice seront à définir dans le cadre de futures négociations ?
R - L'Etat israélien maintient sous occupation le peuple palestinien alors que l'Assemblée générale des Nations Unies a reconnu, dans la résolution 2535, que le peuple palestinien était un sujet de droit international, ce qui est primordial car, dès lors, il aurait dû bénéficier du droit à l'autodétermination - résolution 2649 du 30 novembre 1970- et des droits à la souveraineté et à l'indépendance nationale -résolution 3236 du 2 novembre 1974.
Rappelons que cette dernière résolution fait obligation à tous les états et organisations internationales d'aider le peuple palestinien dans sa lutte pour recouvrer ses droits, conformément à la Charte. Rappelons aussi que l'alinéa 3 de l'article 1 des deux Pactes internationaux précise que les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies. Pour mémoire, rappelons que l'Etat d'Israël a ratifié les deux Pactes internationaux en 1991. D'un côté, des Etats qui ont obligation d'aider un peuple à recouvrer ses droits, de l'autre un Etat qui doit faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
La France doit être du côté des Etats qui oeuvre activement pour que le peuple palestinien recouvre ses droits.
Nous nous engageons, pour garantir la création d'un Etat palestinien indépendant et viable dans les frontières de 1967 avec Jérusalem Est comme capitale, à demander la réunion immédiate d'une Conférence internationale sous l'égide de l'ONU ayant pour base l'application de l'ensemble des résolutions des Nations Unies, y compris celles concernant la question des réfugiés et de leur droit au retour, à ce que la France utilise son influence auprès de la commission européenne pour que cette conférence internationale se tienne dans les meilleurs délais.
La France doit avoir une position claire d'une part, en ce qui concerne le statut de Jérusalem Est, territoire sous occupation étrangère, et d'autre part, en congruence avec les résolutions de l'ONU sur ce point.
2. Alors que la France a des obligations en tant que partie à la IVème Convention de Genève,
* Quelles mesures comptez-vous prendre pour contraindre l'État israélien à se conformer à l'avis de la Cour internationale de justice (CIJ) du 9 juillet 2004, qui rappelle que tous les Etats signataires de la IVème Convention de Genève « ont l'obligation de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention » (cet avis ayant été confirmé par la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies du 20 juillet 2004) ?
R - Les Etats ont l'obligation de faire respecter, mais nous ajoutons qu'ils doivent aussi respecter, le droit international humanitaire. Dès lors, nous prendrons toutes les mesures prévues afin que l'Etat de droit soit réellement respecté. Ainsi, l'Etat français doit tout faire pour ramener l'Etat israélien au respect de la Convention, sachant que si l'on veut que le système de protection prévu par la Convention soit efficace, il faut que les parties contractantes fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour que les principes humanitaires, à la base de la Convention, soient universellement appliqués. Ce principe n'est pas une clause de style, à la lecture attentive de la Convention, il revêt un caractère impératif.
La France doit donc respecter et faire respecter cette Convention. Sa responsabilité est autant engagée si elle ne respecte pas la Convention que si elle ne la fait pas respecter.
* Quelles mesures comptez-vous prendre pour contraindre l'Etat israélien à se conformer à la IVème Convention de Genève qui interdit : les colonies de peuplement dans les territoires occupés, les transferts forcés de population, la destruction des maisons, les bouclages ou toutes autres mesures de nature à entraver la liberté de circulation des travailleurs ?
R - Dans la mesure où les violations de la IV Convention de Genève constituent des crimes de guerre, la France doit assurer et assumer que la justice soit rendue par l'intermédiaire de tribunaux nationaux compétents et par celui de la cour pénale internationale.
La France doit se positionner clairement sur le fait que les violations graves du droit humanitaire international ne peuvent rester couvertes par l'impunité : leurs acteurs doivent être traduits devant des tribunaux et leurs crimes sévèrement punis pour que de tels actes soient réprimés avec la fermeté qui s'impose et que les responsables sachent que, là où ils violeraient les règles de protection des droits humains et celles du droit international, ils devront répondre de leurs actes, quel que soit leur rang et place dans l'appareil étatique.
Demander à ce que la Suisse, dépositaire des Conventions de Genève, en particulier de la IVème convention, interpelle les Hautes parties contractantes afin qu'elles respectent leurs engagements en rappelant à l'Etat d'Israël ses obligations en matière de droit humanitaire international.
Cette demande vise aussi à ce que la Suisse remplisse son mandat de suivi pour la mise en oeuvre de la résolution AG ES-10/15 endossant l'Avis de la CIJ, à laquelle a souscrit l'ensemble des pays européens.
* Exigerez-vous la libération des prisonniers politiques, qu'ils soient en détention administrative ou prisonniers d'opinion, et notamment des quelque 400 enfants détenus ?
R - La question des prisonniers politiques est l'un des aspects politique essentiel car il est le résultat de la lutte pour la libération nationale et l'indépendance. Cette question ne peut se poser indépendamment de celle de la lutte contre l'occupation et du même coup du droit à la résistance. Nous sommes pour la libération immédiate de l'ensemble des prisonniers politiques et d'opinion car leur détention constitue une violation des droits civils et politiques garantis par le pacte international des droits civils et politiques dont l'Etat d'Israël est signataire ; tout comme nous sommes pour la libération des enfants dont la détention est en complète violation de la Convention internationale des droits de l'enfant et en contradiction avec le droit israélien appliqué aux mineurs israéliens, alors que les jeunes enfants palestiniens sont détenus dans les mêmes prisons.
3. Alors que l'Etat français a l'obligation de faire respecter le droit international par ses ressortissants, y compris les entreprises,
* Quelles mesures comptez-vous prendre afin d'empêcher la participation de deux entreprises françaises (Alstom et Véolia) à la construction et à l'exploitation d'une ligne de tramway desservant les colonies installées à Jérusalem-Est et ses alentours, qui renforce sur le terrain les mesures illégales d'annexion et de colonisation prises depuis 1967 ?
r - Les entreprises françaises sont responsables pour la signature de ce contrat, en effet, elles savent pertinemment que l'Etat d'Israël est responsable de nombreuses violations des droits humains et à ce titre, elles auraient dû en refuser la signature, ou en tout état de cause, introduire des clauses en ce qui concerne les droits inaliénables du peuple palestinien (pas de tracé au-delà de la ligne de 1967, respect du statut de Jérusalem-Est) et refuser que le tracé donne lieu à des déplacements et des expropriations.
L'Etat français doit être tenu pour responsable de cet état de fait, il n'aurait pas dû faciliter cette signature par l'intermédiaire d'un de ses représentants. Sa responsabilité au regard du droit international est engagée, dès lors, il doit être demandé à ce que l'Etat français exige de ces entreprises la rupture ou une renégociation du contrat et engage une procédure sur le plan international pour que le tracé n'emprunte pas les territoires palestiniens occupés, sans le consentement de leurs autorités légitimes.
Il doit aussi mettre fin à la situation illicite et oeuvrer pour que l'Etat israélien répare les dommages occasionnés. En ce qui concerne le premier point, l'obligation d'un Etat, responsable de mettre fin à un fait internationalement illicite, est bien ancrée en droit international général et dans la jurisprudence internationale. Il en va de même pour l'obligation de réparation. Selon le droit international, l'auteur de la violation d'une règle internationale doit en répondre à l'égard d'un autre sujet auquel il a causé un préjudice à travers l'atteinte à ses droits.
De fait, il est temps de demander des comptes à l'Etat français pour la gestion de cette question.
4. La France a été, en 1999, l'un des deux derniers pays à ratifier l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël. L'article 2 de cet accord stipule en effet que « les relations entre les deux parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent sur le respect des droits de l'Homme et des principes démocratiques »
* Êtes-vous favorable à la suspension de l'accord d'association, tant que l'Etat d'Israël continue de violer les droits de l'Homme et le droit international ?
R - Bien sûr, nous sommes pour respecter l'article 2 du l'accord d'association ce qui entraîne, de facto, la suspension des accords d'association aussi bien économiques que militaires. Nous sommes pour une coopération équitable et solidaire favorisant une paix juste, durable et démocratique.
La politique étrangère européenne doit être remise à plat et les accords d'association revus au regard de cet article 2.
Pour ce faire, un sommet des chefs d'Etats européens doit être convoqué immédiatement avec pour ligne directrice l'application du droit international et particulièrement le respect des droits humains.
5. Après les élections législatives palestiniennes de janvier 2006, tenues de manière démocratique, les Etats-Unis et l'Union européenne ont imposé des sanctions économiques contre le peuple palestinien et ses institutions. Ces mesures s'ajoutent à celles déjà prises par Israël et conduisent à la paralysie de l'Autorité palestinienne. Pour remédier à cette situation,
* Dans quelle mesure comptez-vous intervenir au sein de l'Union européenne pour que celle-ci reprenne son aide à l'Autorité palestinienne et lui permette, ainsi, d'assurer à nouveau le paiement des salaires des fonctionnaires et les services de base à la population ?
R - oeuvrer pour que soit convoquée une réunion de la commission européenne afin que les sanctions prises à l'égard du peuple palestinien et de ses institutions soient levées. L'Union européenne doit reprendre son rôle de premier contributeur économique du peuple palestinien même si la première condition d'un développement durable en Palestine reste l'arrêt de l'occupation. En attendant, les Palestiniens ont besoin de toute l'aide internationale pour sortir du « dé-développement » auquel l'occupation les réduit.
La France doit exiger que l'UE se recentre sur le respect des droits humains et des droits fondamentaux, dont le droit à la vie pour l'ensemble du peuple palestinien ; dès lors, les ministres européens ne peuvent plus cautionner une mesure qui entraîne famine, crise sanitaire et désordres sociaux.
D'autant que l'Union européenne a reconnu que les élections ayant porté le Hamas au gouvernement ont été organisées et se sont déroulées dans le respect de la démocratie et du droit. Que certains pays membres s'alarment des positions politiques du Hamas est une chose.
La France doit assurer que les opinions politiques ne peuvent surpasser le droit et refuser que soit imposée, au peuple occupé, l'obligation de faire la preuve préalable de sa capacité à l'autodétermination et à l'indépendance en donnant des gages à la puissance occupante pour poursuivre sa stratégie unilatérale d'annexion et de violation du droit international. Il est temps de redonner une existence à la paix.
La France doit montrer, par des décisions fermes, qu'elle est attachée à la justice et à l'équité et non pas participer à la mise en place d'une politique du « deux poids, deux mesures » de l'Union européenne et des Etats-Unis.
* Quelles initiatives envisagez-vous pour contraindre l'Etat d'Israël à restituer l'ensemble des taxes dues à l'Autorité palestinienne, dans le cadre des accords d'Oslo ?
R - Le "Protocole sur les relations économiques"- basé sur la libre circulation des biens et des personnes- entre Israël et l'OLP est signé à Paris le 29 avril 1994 et précise, dans son préambule, que "les deux parties coopéreront dans ce champ dans le but d'établir une base économique solide pour ces relations, lesquelles seront gouvernées dans les différentes sphères par le principe de mutuel respect des intérêts économiques de chacun, de réciprocité, d'équité et de justice".
Au regard de cet accord, la France doit assumer ses responsabilités et en tant que contributeur européen à l'aide directe versée demander aux autorités compétentes de tout mettre en oeuvre pour que l'Etat israélien respecte les engagements pris lors des accords d'Oslo.
Refuser l'entrée dans l'Union européenne aux produits israéliens provenant des colonies de peuplement, pour marquer ainsi le caractère illégal de ces implantations. refuser à l'Etat d'Israël toute aide financière européenne aussi longtemps que sa politique ne s'alignera pas sur les prescriptions complètes du droit international.
* Quelles initiatives envisagez-vous pour obtenir la libération des députés et ministres arrêtés et détenus en Israël dans des conditions contraires au droit international humanitaire ?
R - La libération des députés palestiniens renvoie à celle des détenus politiques, leur arrestation et leur transfert en Israël constituent autant de violations de la Convention de Genève. En effet, en les transférant des territoires occupés en Israël, l'Etat israélien commet une faute grave au regard de l'article 49 de la IVe Convention de Genève « les transferts forcés en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre Etat, occupé ou non, sont interdits, quel qu'en soit le motif ». Ce qui a été plusieurs fois rappelé par le Conseil de sécurité, entre autres avec la résolution 694 qui rappelle que l'action des autorités israéliennes de déporter des Palestiniens est en violation avec la IVe Convention de Genève de 1949, applicable sur l'ensemble des territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem. L'Etat d'Israël est signataire de la IVe Convention de Genève, même s'il n'en a pas ratifié les Protocoles additionnels de 1977. Par ailleurs, les députés, membres démocratiquement élus du Conseil national législatif, bénéficient de l'immunité parlementaire, dès lors leur maintien en détention dans les prisons israéliennes constitue une infraction grave au sens de l'article 147 de cette même Convention. L'arrestation et la détention des députés et des ministres sont irrégulières et illégitimes ; tout comme celle du député Marwan Barghouti.
6. Dans une logique d'escalade de la violence et de poursuite de la colonisation, la situation se dégrade chaque jour dans les Territoires palestiniens occupés : la population subit incursions et bombardements de l'armée israélienne s'ajoutant aux nombreuses restrictions à la liberté de circulation des personnes et des biens par la puissance occupante :
* Quelles mesures comptez-vous prendre pour promouvoir l'envoi d'une force multinationale de protection et d'interposition, sous mandat clair de l'ONU, déployée le long de la « frontière » de 1967, destinée à protéger les populations civiles, et dans la perspective d'une reprise des négociations.
7. L'Union européenne, premier bailleur de fonds de l'Autorité palestinienne et premier partenaire économique de l'Etat d'Israël, a un rôle politique majeur à jouer au Proche-Orient. Dans cette perspective,
* Quelles initiatives envisagez-vous pour que la France engage l'Union européenne à organiser la tenue d'une conférence internationale pour une paix israélo-palestinienne, sous l'égide de l'ONU, et en vue d'un règlement global de la situation au Proche-Orient ?
R - Reconnaître officiellement l'Etat de Palestine, puisque de nombreux gouvernements ont fait savoir qu'ils étaient en faveur de la création de cet Etat. Annoncer cette reconnaissance et obtenir de nombreux pays de l'Union européenne qu'ils le fassent, de façon ensuite à contraindre l'UE de le faire.
Rappeler à l'Union Européenne que l'ensemble des pays qui la composent sont dans l'obligation de respecter les engagements pris à New York lors de l'Assemblée générale des Nations Unies -2004- en vue de mettre en oeuvre l'Avis de la Cour internationale concernant la construction illégale du mur et leur obligation de faire respecter l'ensemble des résolutions de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations Unies.
8. Alors que l'évolution de la situation dans la région ouvre la voie à une extension et à une aggravation de la guerre qui pourrait prendre une dimension nucléaire,
* Etes-vous favorable à la mise en place d'une zone dénucléarisée au Proche et Moyen-Orient (incluant l'Iran et Israël) ?
R - Il est évident que la seule position politique raisonnable est, pour le Proche et le Moyen Orient, mais aussi pour la paix et la sécurité internationales, la mise en place d'une zone dénucléarisée. Seule en effet, la création d'une zone dénucléarisée au Moyen-Orient, demandée à plusieurs reprises par l'ONU, peut désamorcer le danger, y compris celui de l'Iran.
* Etes-vous favorable à l'inspection de l'arsenal nucléaire israélien par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et à l'adhésion d'Israël au Traité de non-prolifération (TNP) ?
R - Etant donné que l'Etat d'Israël entend maintenir son monopole nucléaire dans la région, aidé en cela par une active campagne diplomatique des Etats-Unis pour généraliser et renforcer les sanctions contre l'Iran et entraîner le plus grand nombre de pays dans le soutien, direct ou indirect, à l'aventure militaire, nous pensons légitime et surtout indispensable qu'une inspection menée par l'AIEA soit programmée très rapidement, pour éviter que cette position prise par l'Etat d'Israël, n'aboutisse à une accélération irréversible. La guerre préparée par les Etats-Unis et l'Etat d'Israël est probablement, nucléaire. Par ailleurs, rappelons que dans la profession de foi, notre candidat s'est positionné pour le démantèlement de la bombe atomique. La question que nous posons est comment arrêter ainsi la prolifération nucléaire et comment éviter que ce qui se prépare ne se réalisesource http://www.unisavecbove.org, le 19 avril 2007