Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, président de l'UMP et candidat à l'élection présidentielle, à France inter le 18 avril 2007, sur le débat politique pendant la campagne électorale, la politique économique et sociale et l'Europe politique.

Prononcé le

Média : France Inter

Texte intégral

Q- N. Demorand : On peut dire que vous êtes en campagne depuis cinq ans, de manière encore plus active depuis trois mois. Quel bilan personnel tirez-vous de cette première phase ?
R- Bilan personnel, ça n'a pas grand intérêt. Je crois que ce qui est intéressant, c'est que cette campagne c'est la première fois depuis bien longtemps qu'elle se fait non pas sur des propositions, mais plutôt sur des valeurs. Il y a une soif de débat de la part des Français, il y a énormément de monde dans les meetings, de tous les candidats d'ailleurs, il y a beaucoup d'auditeurs, beaucoup de téléspectateurs, il y a une grande passion. J'imagine que c'est une quête de sens, que les gens souhaitent savoir quelles sont les valeurs qui mobilisent les candidats, quelle est l'orientation que l'on donnera à la société française, qu'est-ce que ça veut dire "la France", qu'est-ce que ça veut dire "être français", quel est le rôle de l'école, mais pas tellement en termes de tuyaux, de structures ou même de moyens. A quoi ça sert l'école de la République ? J'ai employé des mots comme "exigence", comme "autorité", comme "respect", comme "excellence", "la valeur travail". Moi j'ai essayé de susciter des débats, de porter des débats et de les installer : le travail, l'identité, tout cela. Je crois que c'est une campagne intéressante et peut-être même originale par rapport aux autres. Souvenons-nous de 97 : les 35 heures. Souvenons-nous de 2002 : exclusivement la sécurité. Elle est très différente.
Q- H. Jouan : Dans l'ensemble justement, vous craignez qu'il y ait à nouveau un rendez-vous manqué entre la France et cette campagne ? Là, vous avez l'impression effectivement que vous avez été, vous, au rendez-vous, que vous avez réussi à susciter le débat ?
R- Ne me prêtez pas une telle fatitude, enfin, ce n'est ça. Oui, j'avais peur qu'on ait, de la même façon qu'en 2002, on n'a pas eu de débat, souvenez-vous en, on n'a pas eu de débat parce que la présence de Le Pen au deuxième tour a tué toute forme de débat, c'était la mobilisation contre le Front national. Alors, on peut être pour, on peut être contre, peu importe, il n'y a pas eu de débat ! Là, j'ai essayé de porter des débats. La pensée unique, celle qui fait qu'on a le droit de dire rien sur rien, a essayé de cadenasser ce débat. Quand j'ai proposé "identité nationale et immigration", pour réfléchir à ce qu'était la France, et comment..
Q- H. Jouan : Il y a eu un débat, on a pu contester ce que vous aviez dit, mais il y a eu un débat.
R- Oui, tant mieux ! Oui, enfin, il y avait une volonté de dire quand j'ai parlé de la nécessité de maîtriser l'immigration, j'étais "raciste" ; quand j'ai parlé de "la nation", j'étais "nationaliste" ; quand j'ai dit : "attendez, on ne peut pas faire entrer la Turquie en Europe quand même ! elle est en Asie Mineure", j'étais "protectionniste". Alors, à chaque fois, avant que le débat ait lieu... Et puis les Français ont imposé la poursuite du débat, ont décadenassé la pensée unique. Et c'est cela qui a été formidable.
Q- N. Demorand : Votre discours s'est "droitisé" ces dernières semaines. Alors,juste la question...
R- Juste un mot là-dessus...
Q- N. Demorand : Je pose la question après, alors. [Mais d'abord, ndlr] la note de bas de page pour "droitisé"...
R- Pardon, excusez-moi, parce que, vous ne pouvez pas, excusez-moi de vous le dire,
dire comme ça, asséner quelque chose : "votre discours s'est droitisé". Qu'est-ce que ça veut dire ?
Q- N. Demorand : Cela veut dire, ministère de...
R- Mais ce n'est pas vrai...
Q- N. Demorand : ... de l'immigration et de l'identité nationale.
R- Mais je m'en explique !
Q- N. Demorand : Cela veut dire des propos sur l'eugénisme, des attaques très fortes...
R- Non, non, pas du tout ! Pas du tout ! Non, non, non...
Q- N. Demorand : ...contre vos concurrents, etc., etc.
R- Non, non, non. Des attaques très fortes de moi contre mes concurrents ? Jamais !
Q- N. Demorand : Quand vous dites qu'ils sont, par exemple, du côté des voyous et des émeutiers, après l'événement de la Gare du Nord.
R- Non, non, non, non ! Vous êtes trop intelligent pour caricaturer à ce point ! Je vous ai connu plus fin, hein ?
Q- N. Demorand : Vous voulez que je vous fasse une citation du Figaro, ce matin, N. Sarkozy ?
R- Faites moins du gros rouge et ça ira mieux. Ecoutez, qu'est-ce ça veut dire "droitisé" ? Mais enfin, ne commencez pas à faire cette erreur de laisser le monopole de la nation à Le Pen ! Enfin, écoutez ! Il y a des tas d'électeurs de gauche... J'étais hier dans une usine, avec des tas d'ouvriers, il y en avait 300, qui étaient autour de moi, on a parlé ! Vous ne pouvez pas dire que, dès qu'on veut parler de la nation et de la France, c'est "la droitisation" ! De la même façon qu'il serait absurde, parce que je parle du pouvoir d'achat, des salaires qui sont trop bas, de la place des fonctionnaires... Les fonctionnaires doivent être respectés. C'est inadmissible que l'on puisse frapper des fonctionnaires ! C'est inadmissible que des enseignants ne soient pas respectés dans leur classe ! Ce n'est pas de la droitisation. Il y a des valeurs qui sont celles de la France et des Français, qui vont bien au-delà de la gauche et de la droite. Et alors, les médias, pour les raisons que je peux comprendre, il y a une volonté de résumer, parfois de caricaturer. Ce n'est pas de "la droitisation" quand on parle de la France. Ce n'est pas de "la gauchisation" quand on parle du pouvoir d'achat. Enfin, il y a un débat, il y a une campagne, il y a des gens qui échangent des éléments. Je n'ai rien proposé d'autre que des choses parfaitement raisonnables, qui se font dans toutes les démocraties. Nous sommes la seule démocratie d'Europe qui ne peut pas débattre tranquillement, sans qu'on vous assène des bêtises de ce niveau-là ! Il y a un ministère de l'Immigration dans 14 pays
d'Europe !
Q- N. Demorand : Et de l'identité nationale, ce serait une première dans le monde !
R- Et alors ! Quand je vais en Martinique, j'étais en Martinique - vous aimez les Belles Lettres, j'ai rencontré A. Césaire - la première chose dont A. Césaire, le poète de la négritude m'a parlée, c'est de l'identité martiniquaise, il m'en a parlé avec des mots extrêmement forts. Pourquoi aurait-on le droit de parler de l'identité martiniquaise, de l'identité provençale, de l'identité corse, de l'identité bretonne, et parler d'identité nationale française, ce ne serait pas bien ! Au nom de quoi ? Il faut expliquer à ceux qui veulent devenir français ce qu'est la France, pour leur permettre d'apporter leur identité à l'identité nationale.
Q- H. Jouan : Est-ce que vous ne participez pas quand même un peu vous-même au brouillage des clivages ? Vous avez cité Jaurès plus souvent que n'importe quel autre candidat de gauche. Vous allez vous recueillir sur la tombe du général de Gaulle. Vous citez Jean Paul II. On ne sait plus très bien où vous êtes finalement, peut-être pendant cette campagne.
R- Alors, mettez-vous d'accord avec votre collègue de ce matin. Il est vrai qu'il a dit que vous aviez mauvaise mine. J'ai contesté fortement cette...
Q- H. Jouan : J'ai posé deux questions différentes.
Q- N. Demorand : C'est un bel exemple de démocratie et de polyphonie.
R- Non, mais regardez comme ce n'est pas commode. Il y a deux minutes - c'est son droit - N. Demorand me dit : "est-ce que vous êtes droitisé". Mme Jouan, deux minutes après, dit : "ah, vous brouillez les repaires, on ne sait pas si vous êtes à gauche ou à droite, parce que vous parlez de Jaurès à de Gaulle"...
Q- N. Demorand : La question est bien quand même...
R- Non, mais la question est formidable, elle est meilleure celle-là...
Q- N. Demorand : Alors répondez-y, répondez-y !
R- Je suis un passionné d'histoire. Pour moi il y a une seule histoire de France, parce qu'il n'y a qu'une France : il n'y a pas une histoire de France de gauche et une histoire de France de droite. Je n'aime pas la repentance, celle qui demande au fils de s'excuser des fautes présumées du père ; celle qui consister à juger le passé avec les préjugés du présent. Jaurès fait partie de l'histoire de France, J. Ferry...
Q- H. Jouan : Oui, mais le combat idéologique ce ne sont pas des valeurs précises...
R- Jaurès n'appartient pas à la gauche ; de Gaulle n'appartient pas à la droite. L'histoire de France... Enfin, écoutez, Marc Bloch, ce grand historien républicain, extraordinaire, a décrit des pages magnifiques. Il a dit quoi ? "Ne comprend rien à la France celui qui ne vibre pas au sacre de Reims, et qui n'est pas ému devant la Fête de la Fédération". C'est Napoléon, de Clovis au Comité de Salut public. J'assume tout. La France c'est une synthèse. Pour prendre un dernier exemple : les Rois de France ont rêvé l'unité de la France, c'est la République qui l'a faite. Ce que les Rois ont rêvé, la République l'a fait. Eh bien, c'est une synthèse. Mes valeurs : il y a Jean Paul II, il y a le général de Gaulle. Mais moi je me reconnais dans Blum.
Q- N. Demorand : Une synthèse ou une "marketterie" ?
R- C'est une synthèse ! Ecoutez, Blum, le Blum de 1920, c'est un géant ! Il n'y a pas la télévision, la radio n'est pas ce qu'elle en est. Et le Blum du Congrès de Tours comprend, mais c'est un visionnaire, que le communisme va virer au stalinisme. Tous ceux qui se sont trimballés en Union Soviétique dans les années 60 et qui n'ont rien vu, pardon, excusez-moi, ce sont des tout petits intellectuellement par rapport à Blum ! Blum fait partie de l'histoire de France. Et je me sens aussi l'héritier de cette tradition-là. Il faut parler de l'histoire de France quand on aime la France.
Q- B. Guetta : Vous réclamez les débats de fond. Allons-y. Les libéraux considèrent que trop d'impôts tuent l'impôt, que l'Etat n'est pas la solution mais le problème, que la protection sociale enferme les plus faibles dans l'assistanat. Etes-vous un libéral ?
R- Si c'est ça, pas tout à fait. Je m'en explique.
Q- B. Guetta : Alors, allez-y.
R- Le marché dit la vérité à court terme, ne dit pas la vérité à long terme. Le marché condamnait Alsthom. J'ai sauvé Alsthom, en faisant racheter par l'Etat 22 % du capital d'Alsthom. Deux ans après, Alsthom est une des plus belles entreprises françaises. Je me suis battu contre la Commission, je me suis battu contre mes amis libéraux sur cette question-là.
B. Guetta : C'est-à-dire que vous êtes partisan d'un rôle de l'Etat dans l'économie ?
R- Je pense que le ministre des Finances sert à autre chose que rester assis sur sa chaise les bras croisés. Je n'ai pas apprécié la disparition de Péchiney, sans que l'on ne dise rien. Je n'ai pas apprécié ce qui s'est fait en Lorraine avec la sidérurgie.
Q- B. Guetta : Et pourtant, vous vous êtes longtemps réclamé d'une rupture libérale.
R- Juste un mot là-dessus : on a martyrisé la Lorraine, en disant que la sidérurgie ça ne servait à rien et qu'il y avait trop d'acier. Aujourd'hui, il n'y a pas assez d'acier, le prix de l'acier explose, on voit ce qu'il nous en a coûté. Deuxièmement, je refuse l'assistanat. Mais la protection sociale, le mot "protéger", je le fais mien. Le rôle de l'Etat c'est de protéger. Mais protéger cela veut dire quoi ? Cela veut dire quelqu'un qui est à un minima social doive exercer une activité en contrepartie.
Q- B. Guetta : Et cela veut dire qu'à vos yeux il y a trop de protection sociale ?
R- Il y a trop d'assistanat. Je prends un exemple, essayons d'être concret...
Q- B. Guetta : Non, non, il y a trop de protection sociale ?
R- Il y a trop d'assistanat !
Q- B. Guetta : Vous ne me répondez pas là.
R- Mais si, je vais vous répondre. Quand le Conseil régional socialiste d'Ile-de- France décide de la gratuité des transports pour les RMIstes, je pense qu'ils font une erreur, parce que celui qui est au RMI a les transports gratuits ; il reprend un emploi, comme récompense d'avoir repris un emploi, on lui dit : maintenant, tu paieras tes transports. Ce n'est pas comme cela qu'on encourage le travail. Je prends un autre exemple : je suis pour que les indemnités de chômage soient augmentées. Mais je demande qu'on ne puisse pas refuser plus deux offres d'emploi consécutives qui correspondent à vos qualifications, parce que l'assistanat enferme une personne dans une inutilité sociale. La protection sociale, c'est celle qui consistera à dire à tous les RMIstes : on va vous donner une formation qui vous permettra d'exercer un emploi. La crise morale française porte un nom : c'est la crise du travail.
Q- B. Guetta : Donc, on a bien compris, sur ce point en tout cas, vous rejoignez les libéraux. Mais...
R- Non, on ne peut pas m'enfermer dans une idéologie...
Q- B. Guetta : Je ne vous enferme pas, je dis : sur ce point.
R- J'essaye d'être un pragmatique. Je crois plus à l'économie de marché par exemple.
B. Guetta : Autre question : êtes vous plus atlantiste que J. Chirac ?
R- Si être atlantiste c'est reconnaître que la France c'est aussi l'océan Atlantique, alors je suis incontestablement atlantiste.
B. Guetta : Vous savez très bien ce que signifie "atlantiste".
R- Mais pardon de le dire, nous n'avons jamais été en guerre contre les Etats-Unis, jamais. Est-ce que c'est une raison pour nous fâcher avec eux ? Je dis aux grandes puissances et notamment aux Etats-Unis qu'ils ont tort sur la non signature du protocole de Kyoto, qu'ils ont eu tort sur l'Irak. Mais enfin nous partageons des valeurs communes, parce que c'est une grande démocratie. Et après tout, s'il fallait que je dise, est-ce que je suis plus proche des Etats-Unis ou de la Russie, qui se comporte comme on l'a vu en Tchétchénie, je suis plus proche des Etats- Unis. Est-ce que les Etats-Unis ont eu raison en Irak ? Ils ont eu tort. Est-ce que les Etats-Unis qui sont bordés pas deux océans et lesquels, le Pacifique d'un côté, l'Atlantique de l'autre, doivent être concernés par le réchauffement de la planète et la montée des eaux ? Donc je demande qu'on soit des amis des Etats-Unis mais des amis libres. Après tout, c'est exactement la position du général de Gaulle.
Q- H. Jouan : Toujours sur le rôle de l'Etat mais dans un domaine différent. La justice française a suspendu hier le lancement de la construction d'une grande mosquée à Marseille au motif que la ville avait accordé une subvention déguisée, violant la loi sur la séparation des églises et de l'Etat. Est-ce que ça vous conforte dans l'idée qu'il faut réaménager cette loi de 1905 ?
R- Je dirais que la France est diverse, la France est multiple, la France c'est la laïcité, la laïcité ce n'est pas l'ennemi des religions, c'est le respect de toutes les croyances. Il n'y a aucune raison qu'une religion ne puisse pas vivre son culte tranquillement. J'ai été ministre de l'Intérieur pendant quatre ans, je peux vous dire une chose : les problèmes que nous avons sont dans les caves et les garages, pas dans les mosquées. C'est une première réponse. Deuxième réponse, je n'ai pas à commenter une décision de justice. Quand je l'ai fait, Madame Jouan, vous n'avez pas été la dernière à me rappeler à mes devoirs. Mais je dis aussi...
Q- H. Jouan : C'est de votre projet dont je vous parle, est-ce que vous avez l'intention si par exemple vous êtes président de la République de changer cette loi ?
R- Non, la loi de 1905 est un bon équilibre. Simplement, il faudra travailler à ce qu'on arrête de faire venir en France des imams qui ne parlent pas un mot de français. Il faudra qu'on coupe, me semble-t-il, l'islam de France d'un certain nombre de financements étrangers. Je suis d'ailleurs pour un islam de France et opposé à un islam en France ! C'est parfaitement clair.
Q- H. Jouan : On ne change pas le financement, la façon de financer éventuellement la construction...
R- On ne change pas les grands équilibres de la loi de 1905.
Q- N. Demorand : Un certain nombre de candidats ont dénoncé la collusion entre de grands groupes industriels et de grands médias, c'était notamment F. Bayrou sur Bouygues et TF1, Lagardère, Dassault. On ne vous a pas entendu sur ce sujet, N. Sarkozy. Pensez-vous qu'il faille mettre fin à ce
genre de choses ou contrôler davantage ces intérêts croisés ?
R- Ecoutez, je n'ai pas insulté les journalistes, c'est vrai. Et je pense que ce n'est pas du tout le problème de la presse. Si vous regardez aujourd'hui la presse française, dire qu'il y a une concentration entre quelques grands groupes, c'est tout simplement le contraire de la vérité. Il y a un service public, nous y sommes aujourd'hui. Qui peut dire que ce service public n'est pas indépendant ? Vous avez Bouygues qui est propriétaire de TF1, Lagardère qui est propriétaire d'un certain nombre, le groupe Pearson pour les Echos, B. Arnault pour La Tribune, la totalité de la presse quotidienne régionale qui appartient à d'autres familles que ceux-ci...
Q- B. Guetta : A Lagardère un peu...
R- Excusez-moi, si vos regardez Ouest-France, qui est l'un des plus grands, non ; Le Télégramme de Brest, non et vous le savez parfaitement.
Q- B. Guetta : Non mais Lagardère un peu.
R- Le problème, monsieur Guetta, de la presse aujourd'hui ce n'est pas un problème de concentration, c'est un problème de sous capitalisation. Premier point : il n'y a pas assez de capitaux pour développer des grands journaux qui ont des tirages trop petits. M. de Rothschild, si brillant avec Libération...C'est assez curieux, quand il s'agit de journaux qui disent du mal de moi, ça ne gène pas que ça soit un "capitaliste" entre guillemets qui en soit propriétaire. Quand ce sont des journaux plus objectifs, alors là ça devrait devenir gênant. Il y a un deuxième problème pour la presse, c'est la distribution, on n'arrive plus à acheter son journal. Le journal c'est un produit frais, il faudrait tendre la main pour pouvoir y accéder, pour pouvoir l'acheter, c'est ça le problème.
Q- N. Demorand : Donc contrairement à d'autres, vous ne pensez pas qu'il faille réformer cette chose-là ? Séparer justement les intérêts industriels des intérêts médiatiques ?
R- Oui, c'est ça. Alors qui investirait dans les journaux et qui seraient les propriétaires des journaux ? J'aimerais le savoir. J'ai vu que monsieur Bayrou aimait taper sur les journalistes et sur la presse...
Q- B. Guetta : Des familles propriétaires comme au New York Times...
R- Et alors, quelle serait la différence ?
Q- B. Guetta : Ah ben, c'est une grande différence. Un groupe de presse adossé sur une industrie d'armement ou une industrie qui vend prioritairement à l'Etat, c'est tout à fait différent d'une famille qui possède son journal.
R- Le Monde appartient pour partie à Lagardère - ou il y a des intérêts ; est-ce qu'on peut dire que Le Monde est un journal qui me soit extrêmement favorable ?
Q- B. Guetta : Ne ramenez pas tout à vous, on parle d'un problème général.
R- Bien sûr, naturellement ! C'est un problème classique que les candidats qui ne vont pas très bien critiquent les sondages surtout quand ils ne sont pas bons, et la presse surtout quand ils ont des ennuis, ça n'a jamais été mon cas, je ne le ferai jamais.
Q- H. Jouan : Le 22 avril, "une autre campagne commence", avez-vous dit. Quel message porterez-vous si vous êtes qualifié le soir du 22 avril ? Quel nouveau message porterez-vous et quel signe adresserez-vous notamment aux électeurs de l'UDF ?
R- D'abord, je ne sais pas si je serai qualifié, ce sont les Français qui décideront, et les Français seulement. Premièrement.
Q- H. Jouan : C'est une hypothèse.
R- Mais c'est vrai que c'est une autre campagne qui commence. Pourquoi c'est une autre campagne ? Parce qu'aujourd'hui, nous sommes douze candidats à égalité stricte et que naturellement, à partir du deuxième tour, il n'y a plus que deux candidats, et à ce moment-là, le débat aura lieu forcément entre ces deux candidats. Mais pour moi, il ne s'agit pas de dire un message aux électeurs UDF, un message aux électeurs Front national. Moi je veux parler à tous les Français, parce que le président de la République c'est l'homme de la nation, c'est l'homme qui aime tous les Français et qui rassemble.
Q- H. Jouan : Mais comment on parle encore plus à tous les Français ?
R- Eh bien moi je me battrai sur mon projet. Regardez la différence, est-ce que vous m'entendez critiquer les autres ? Je suis attaqué matin, midi, et soir, et avec quelle violence ! Entre monsieur Le Pen, qui me conteste le droit d'être candidat parce que je suis immigré, entre monsieur Bayrou qui me conteste pour tout un tas de raisons les plus absurdes et madame Royal qui est passée de "ignoble" pour qualifier mes propositions à "brutal" pour qualifier ma personnalité. Moi j'essaye d'expliquer mon projet : la France a besoin de changements, de changements profonds, eh bien il y a des solutions. J'essaye de défendre ces idées, j'essaye de dire aux Français que je vais les rassembler, que pour cela je dois les aimer, les comprendre, les écouter, c'est ce que je ferai au deuxième tour, si j'y suis.
Q- H. Jouan : Mais entre les deux tours, vous savez bien qu'il y a toujours des grands meetings où, tout à coup, on rassemble des familles un peu plus élargies. Cela s'est passé notamment en 1995.
R- Ecoutez, en 2002 à la même époque, J. Chirac dans les sondages - dans les sondages - était aux alentours de 20 %. Moi, dans les sondages, on verra ce que ça donne, je suis aux alentours de 30 %. J'aimerais qu'on m'explique comment celui qui pourrait faire aux alentours de 30 % - je ne sais pas si je le ferai - au deuxième tour, a moins de capacité de rassemblement que si je faisais 20 % ?
Q- H. Jouan : Je ne vous dénie pas la capacité de rassemblement, je vous demande quel signe supplémentaire vous ferez pour rassembler toute votre famille ?
R- On verra si je suis au deuxième tour. Pour l'instant, je joue le premier tour à fond, jusqu'au dernier jour et je me souviens très bien de la mésaventure de L. Jospin qui était tellement sûr d'être au deuxième tour qu'il n'a pas passé le premier.
Q- B. Guetta : Etes-vous favorable ou hostile à l'idée défendue notamment par F. Bayrou, de la Constitution d'une Europe politique au sein d'une Europe marché, celle des Vingt-sept ?
R- Je suis fondamentalement d'accord avec la constitution d'une Europe politique. C'est la raison pour laquelle je demande des frontières car plus nous serons nombreux, moins nous pourrons faire l'Europe intégrée, l'Europe politique. A vingt-sept, c'est déjà l'extrême limite. Il reste les Balkans...
Q- B. Guetta : C'est possible à vingt-sept ou pas ?
R- Bien sûr que c'est possible, c'est possible notamment si on supprime la règle de l'unanimité qui empêche ceux qui veulent avancer plus vite de pouvoir le faire. Mon projet, c'est l'Europe politique. C'est la raison pour laquelle je ne veux pas de l'entrée de la Turquie en Europe, qui mettrait un terme à toute forme d'Europe politique. La meilleure preuve c'est que monsieur Bush qui n'a jamais voulu l'Europe politique, est favorable à l'entrée de la Turquie.
Q- N. Demorand : Une question de Xavier, d'Aulnay-sous-Bois, je la cite telle qu'elle m'arrive : "Puisque les média sont choisi de ne pas bousculer monsieur Sarkozy sur ses opérations immobilières à Neuilly-sur-Seine, j'aimerais savoir si N. Sarkozy est prêt à donner aux auditeurs quelques éclaircissements ?" Réponse.
R- Ecoutez, je considère comme tout à fait normal de me soumettre à toutes les questions. Je veux que vous sachiez que je suis le seul candidat qui ait écrit au directeur général des impôts pour lui demander s'il y avait un problème avec mon ISF ? Le directeur général des impôts a répondu que j'avais été contrôlé, que mon ISF avait été parfaitement évalué et qu'il n'y avait aucun problème ! Que les autres candidats fassent de même !
Q- N. Demorand : Deuxième question - on revient sur la question des médias - Jean-Claude de Montclar nous pose la question suivante et vous la pose également : "La presse réellement indépendante a fait état d'interventions plus ou moins violentes, avec menaces auprès des directions ou amis dans les rédactions, suite à un article ou un accueil qui avait déplu à N. Sarkozy. Quelle est votre position vis-à-vis de l'indépendance des médias, est-il normal qu'une bonne partie de la presse appartienne à des groupes économiques ?" Sur ça on est déjà venus, mais votre position donc sur ces accueils et ces mouvements de colère dans les rédactions ?
R- Il faudrait que l'on me donne des exemples, cela fait trente ans que je fais de la politique, je connais tous les journalistes, ils peuvent porter témoignage, j'ai été l'homme politique sans doute le plus caricaturé, le plus attaqué et je n'ai pas l'habitude d'être désagréable avec qui que ce soit. Et pourtant j'en aurais des raisons, monsieur Demorand !
Q- N. Demorand : Ah bon ? C'est une menace ?
R- Oh oui, incontestablement, monsieur Demorand ! Ecoutez, je vous vois théoriser, ce qui prouve que vous êtes quelqu'un de bien, monsieur Demorand.
Q- N. Demorand : Merci infiniment du compliment et bonne fin de campagne à vous, avant le premier tour de dimanche.
R- Merci et puis j'espère qu'on aura l'occasion de se revoir. Et puis, je vais vous dire une chose, je crois que cette campagne est passionnante, elle est passionnée et qu'au fond, ce que je pressentais c'est que c'est une campagne électorale présidentielle, c'est quelque chose qui change un homme, parce que ça engage totalement : ce qu'il dit, il doit le penser et plus tard, il devra le faire. N. Demorand : Eh bien voilà, vous avez répondu à la question personnelle en fin de parcours.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 avril 2007