Texte intégral
Je veux simplement vous dire à quel point je suis heureux et ému de votre présence nombreuse. Ceci n'était pas un meeting de campagne, mais une rencontre amicale. C'est le premier soir des vacances, alors je vous remercie d'être venus si nombreux, spécialement les jeunes qui sont si nombreux dans cette salle.
J'ai été heureux d'être accueilli par Gérard Faivre, je veux remercie Nathalie Griesbeck, députée européenne, de son accueil, je veux vous présenter les amis parlementaires qui sont avec moi Claude Biwer, sénateur de la Meuse, Jacqueline Gourault, sénatrice du Loir-et-Cher. Je veux également adresser un salut particulier à Antoine Waechter qui nous a accompagnés toute la journée.
J'ai été heureux de cette journée. Elle a commencé ce matin sur le marché d'Auxerre, dans l'Yonne, avec un accueil extrêmement émouvant et chaleureux. Elle s'est poursuivie à Vesoul, puis dans la campagne de Haute-Saône, puisque nous étions chez Gérard Pelletier, Président des maires ruraux de France qui m'a apporté son soutien.
Je voulais ainsi manifester l'intérêt qui est le nôtre pour l'équilibre des territoires et pour la ruralité.
Cette journée s'achève ce soir à Besançon. J'aime beaucoup cette ville, je crois que de nombreux Français aiment beaucoup cette ville. J'ai des raisons particulières et familiales d'accorder de l'attention à Besançon et je suis donc très heureux de me retrouver au milieu de vous et de percevoir votre amitié et votre soutien.
Je veux simplement vous dire ce que nous vivons, au moment où nous entrons dans cette, j'ose à peine le dire, dernière ligne droite, car, pour moi, celle-ci aura lieu dans les dernières heures de la campagne électorale. Selon certaines analyses ou commentaires, les Français sont indécis et ils sont dix-huit millions à l'être, d'après mes lectures.
Je n'interprète pas du tout de cette manière la situation psychologique des Français. Je pense qu'ils ne sont pas indécis, qu'ils sont en réflexion et c'est un signe extrêmement positif et heureux pour moi que cette entrée en réflexion des Français, car cela signifie, comme je le soutiens depuis des années, qu'ils en ont fini avec le vote obligatoire. Ils en ont fini avec le vote automatique qui fait que, lorsque l'on est d'un bord, on vote pour une étiquette et que, lorsque l'on est de l'autre bord, on vote pour l'autre étiquette.
Si les Français sont entrés en réflexion, c'est car ils ont, en effet, décidé de rompre avec le vote automatique pour entrer dans le vote réfléchi, conscient, de citoyens qui ont l'intention de peser sur le destin de leur pays.
Plus le nombre de Français en réflexion sera grand, plus important sera le score que nous obtiendrons, car nous sommes les seuls à proposer un changement du paysage politique français.
Alors, je m'empresse donc d'indiquer, avant de décrire le changement du paysage politique français, que je trouve indispensable, pour le destin du pays, que j'entre dans cette dernière semaine avec la conscience absolue que toutes les manipulations auront désormais droit de citer.
Je veux que l'on le sache, que vous le sachiez et que nous nous y préparions, car il se trouve naturellement que les deux appareils qui dominent la France depuis vingt-cinq ans sont décidés à conserver leur pouvoir absolu, coûte que coûte et, pour cela, ils vont naturellement organiser la bipolarisation entre les deux candidats qui se croient principaux. Ils vont l'organiser de toutes les manières possibles. Ainsi, les manipulations que l'on fait subir aux chiffres des instituts de sondages, vous allez voir, un jour ou l'autre, cela ne va pas être l'instrument le moins utilisé pour obtenir ce genre de résultat.
Je veux que vous sachiez que le sondage que les Français font tous les jours -il suffisait, pour le constater de traverser, tout à l'heure, la place de Besançon- et vont imposer dans les urnes le 22 avril, est, pour nous, la garantie absolue que le changement est en route et qu'il ne s'arrêtera pas. Les Français sont déterminés à faire leur choix et à ne pas laisser s'opérer le choix que les appareils veulent imposer par tous les moyens qui sont à leur disposition.
C'est du choix de chaque citoyen français qu'il s'agit et c'est parce que c'est le choix de chaque citoyen français, c'est parce que le général de Gaulle a décidé que chaque citoyen français allait imposer son choix, que, naturellement, chacune et chacun d'entre vous, dans sa vie personnelle, dans sa réflexion de citoyen, aura, entre les mains, le crayon pour dessiner le nouveau paysage politique français.
Les plus anciens d'entre vous se souviendront que, lorsque l'on a voté en 1962 pour l'élection du Président de la République au suffrage universel, il y avait une affiche extrêmement explicite : un doigt dirigé vers les lecteurs qui regardaient l'affiche et qui disait : Oui, c'est vous qui choisirez le Président de la République".
Effectivement, oui, c'est vous, c'est chaque citoyen français qui s'est vu remettre ce pouvoir. Ce ne sont pas les appareils des partis qui sont les patrons de la République, ce sont les citoyens qui sont les patrons de la République et ils vont le montrer le 22 avril et le 6 mai.
Je veux vous dire pourquoi, pour moi, cela est indispensable. Dans un pays comme le nôtre, un pays qui a traversé bien des difficultés et bien des crises, ce n'est pas la première fois que nous rencontrons une crise, mais il s'agit, là, d'une crise comme nous n'en avons jamais rencontrée.
Ce n'est pas la première fois. Nous avons déjà vécu des crises historiques :
- Il y a eu la libération de la France, un pays qui était détruit dans une partie de son existence physique et, en même temps, profondément blessé dans son âme, en 1945,
- Il y a eu la période où nos institutions étaient malades, en 1958,
- Il y a eu la période où l'on a eu à faire face à l'immense drame, chance pour les un, drame pour les autres de la décolonisation dans lequel tant de Français avaient mis une part d'eux-mêmes et tant de pays avec qui nous avions écrit cette page qui en étaient blessés,
- Il y a eu la crise sociale ou sociétale -je ne sais pas comment le dire- en 1968,
- Il y a eu la crise la grande crise du pétrole dans les années 1974 et 1975.
La France a connu toutes ces crises, des crises économiques, des crises sociales, des crises politiques, des crises historiques, mais elle n'a jamais connu toutes ces crises en même temps. Telle est la situation dans laquelle nous sommes.
Je voudrais vous inviter -c'est dommage que ce ne soit pas possible- à faire avec moi les kilomètres que je parcours au milieu des Français en parlant avec eux. Si vous saviez comme ils ont des difficultés à vivre, si vous saviez le nombre de ceux qui disent : " Monsieur, j'ai une toute petite retraite, je touche six cents cinquante euros par mois. Monsieur, j'ai un emploi précaire, je vis avec sept cents euros par mois. Monsieur, je ne trouve pas de logement. Monsieur, j'élève mes enfants toute seule et je n'y arrive pas. Monsieur, je suis au chômage depuis des années"...
Hier, une dame me disait : " Voyez-vous, j'ai élevé mes enfants et j'ai divorcé à cinquante ans, âge auquel je me suis retrouvée toute seule, puis j'ai trouvé un emploi pour quatre ou cinq ans. J'ai fait des CES, des emplois précaires et, aujourd'hui, je vais avoir soixante ans, mais je n'ai pas de retraite, je n'ai pas de métier et personne ne veut plus m'embaucher". Comme cela, ce sont des millions de Français qui sont dans des situations de très grave difficulté et de très grande inquiétude.
En même temps, le chômage se multiplie et pèse sur la plupart des familles, l'exclusion touche un million et demi de Français et le pouvoir d'achat s'effondre, pas seulement celui des Français qui sont au bas de l'échelle des salaires, mais également celui des Français qui sont des classes moyennes et qui, pendant des années, ont eu un niveau de vie convenable, acceptable et arrivaient même à mettre de l'argent de côté. Aujourd'hui, mêmes les Français des classes moyennes ont des difficultés.
C'est un pays tout entier qui s'appauvrit. C'est un pays tout entier qui souffre du manque de croissance.
En réalité, avoir eu un point de croissance de moins que tous les autres pays européens pendant vingt-cinq ans nous met naturellement en situation d'affaiblissement de notre pouvoir d'achat, d'affaiblissement de notre capacité économique et toutes ces crises se doublent de l'immense problème de la crise du climat, ainsi que de l'immense problème du déséquilibre entre les pays riches et les pays pauvres qui engendrent naturellement toutes les inquiétudes possibles -l'immigration en est une, parfois le terrorisme en est une- et il faut absolument mobiliser notre énergie et notre fermeté autour de problèmes comme notre peuple n'en a jamais rencontrés.
Si vous ajoutez le besoin d'une réforme de l'éducation pour que chacun des enfants ait sa chance, si vous ajoutez l'inquiétude sur tous les blocages de la société française et si vous ajoutez, par-dessus tout cela, la crise européenne, alors vous vous dites que nous sommes devant un panorama de difficultés comme notre peuple n'en a pas rencontré depuis très longtemps.
Voyez-vous, si je dois dire le fond de ce que je pense, je pense que cela va plus mal en 2007 qu'en 1958. Je pense que c'est plus difficile et plus grave que cela n'allait avant où on avait naturellement une crise politique, mais également, comme l'on dit, les Trente glorieuses, à savoir un pays qui se portait bien, qui construisait, qui produisait, dont l'agriculture fonctionnait, tout comme l'industrie et où le plein emploi était une réalité. Or, lorsque la situation est celle-ci, on peut résoudre facilement la crise politique ou la crise monétaire.
Aujourd'hui, c'est plus difficile que tout cela. Nous sommes dans une situation qui nous impose d'avoir plus de volonté, plus d'imagination, plus de mobilisation de notre énergie nationale que nous n'avons jamais dû en fournir dans les périodes récentes de notre histoire.
Voilà ce que nous avons devant nous.
Devant cette situation, il existe deux réponses possibles, dont la première est celle des onze autres candidats à l'élection présidentielle et, singulièrement, des deux qui se croient "principaux". Leur réponse est la suivante : "Surtout, ne changeons rien, continuons comme l'on a toujours fait, c'est-à-dire continuons avec un pays coupé en deux, avec toujours les deux mêmes partis au pouvoir, l'un dans l'opposition, l'autre au Gouvernement, l'un toujours contre, l'autre toujours pour, deux partis en embuscades perpétuelles l'un contre l'autre et, lorsque le pouvoir propose quelque chose, l'opposition dit toujours non."
Je vous invite à en faire la démonstration : allumez votre télévision, ce n'est pas la peine de mettre le son, quand vous voyez l'image vous savez ce qu'ils vont dire. Ceux qui sont du côté de la majorité penseront que l'idée du Gouvernement est géniale et ceux qui sont du côté de l'opposition penseront que le Gouvernement, comme toujours, se trompe et favorise je ne sais quel intérêt, bref la caricature perpétuelle et, quand arrive une alternance, ceux qui arrivent détruisent ce qu'avaient fait leurs prédécesseurs.
C'est ainsi que fonctionne la France depuis vingt-cinq ans et, plus exactement, c'est ainsi que la France ne fonctionne pas depuis vingt-cinq ans.
Moi qui ai observé de près, de l'intérieur, cette manière de procéder dans une démocratie française, par ailleurs stupidement confisquée, cette manière qui fait que ceux ayant gagné l'élection prennent tous les pouvoirs dans le pays sans aucune exception et ceux qui ont perdu l'élection sont poussés sur le bord de la route et comptent pour quantité négligeable pendant cinq années, je sais que cette manière d'agir épuise l'énergie de la France et l'empêche de mobiliser ce qu'elle a de plus juste, de plus favorable, de plus créatif, de plus inventif et de plus généreux en elle.
Je me suis fait, hier, une réflexion que, au fond, j'aurais du me faire depuis beaucoup plus longtemps. Vous rendez-vous compte que, depuis vingt-cinq ans, jamais un Président de la République n'a réuni les grandes forces politiques du pays autour de la table en disant : " Nous avons un problème, que pourrions-nous faire ?"...
Ce que je décris là n'est tout de même pas une révolution, n'est-ce pas ?!...
Nous sommes un grand pays démocratique ou prétendu tel. Je pense que nous sommes un grand pays qui se prétend démocratique et qui ne l'est pas. Nous avons des forces politiques expérimentées, une Gauche, une Droite, un Centre avec d'autant plus de courants nouveaux, des écologistes, même dispersés, tout de même, cela vaudrait la peine que nous nous asseyons au bord de la table pour réfléchir à ce que nous pouvons faire devant l'immense crise que nous rencontrons.
En vingt-cinq années, écoutez bien, jamais une consultation ! Nous étions réunis parfois, lorsqu'il y avait des otages pour nous tenir au courant de leur situation, une fois ou deux en cas de guerre pour nous tenir au courant, mais, lorsqu'il s'est agi de parler de la situation de notre pays, jamais.
Ceux qui sont au volant considèrent qu'ils savent tout et que ceux qui sont exclus de la conduite des affaires ne comptent pour rien. Ainsi, ils n'ont qu'une attitude à avoir, c'est de s'opposer à tous, sans aucune exception.
Je trouve que tout ceci est stupide.
Vivre dans un pays comme la France, avec les défis qui sont devant nous, avec la mondialisation que nous allons devoir affronter comme une immense compétition internationale, en organisant la division perpétuelle, l'affrontement perpétuel, la guerre perpétuelle entre les partis principaux qui tiennent le "haut du pavé" dans la démocratie française ou la République est totalement absurde.
J'ai donc, ayant observé le fonctionnement de ce système, décidé de proposer aux Français qu'il fallait en sortir, qu'il fallait passer du temps de la division à celui du rassemblement et qu'il fallait proposer aux Français une bonne fois pour toutes, au lieu de se diviser pour rester immobile, de se rassembler pour avancer et répondre aux grands problèmes qui se posent à notre pays.
Figurez-vous qu'il existe des personnes que j'estime sur la droite de l'échiquier politique et sur la gauche de l'échiquier politique. Il y a des personnes de Gauche que j'estime. Il existe des personnes de Droite que j'estime. Il y a des écologistes que j'estime et je réclame le droit, lorsque je les estime, de pouvoir travailler avec eux au redressement du pays.
Ce que je suis entrain de décrire, n'est ni original ni surprenant, ni dans le temps ni dans l'espace. Ce n'est pas original et surprenant. Lorsqu'il a fallu faire face aux grandes échéances de crise que j'évoquais, c'est ce qu'a fait le Général de Gaulle en obligeant, par exemple en 1958, toutes les grandes forces politiques françaises, le PS de l'époque, qui s'appelait la SFIO, le Centre de l'époque, qui s'appelait le MRP, la Droite de l'époque qui s'appelait les indépendants, à participer ensemble au Gouvernement avec ceux qui le soutenaient de manière à faire le liant entre les trois. C'est ainsi que l'on a redressé la France entre 1958 et 1962.
C'est ce qu'avait proposé un homme que j'admire beaucoup, qui s'appelle Pierre Mendès-France, lorsqu'il s'est agi, en 1954, d'essayer de sortir la France de la grande crise coloniale de l'Indochine et de l'Afrique du nord, comme l'on disait à l'époque.
C'est ce qu'avaient proposé et fait les forces de la Libération au lendemain de la Guerre, y compris en mettant, alors c'était autre chose que les grandes forces démocratiques du pays, le PC de l'époque au Gouvernement.
Naturellement, tout cela avait provoqué des soubresauts, mais, chaque fois qu'il s'est agi de redresser le pays, on a décidé de le rassembler et, après tout, c'est ce qui vient de se faire en Allemagne, de l'autre côté du Rhin où, il y a dix-huit mois, les électeurs allemands ont obligé les deux grands partis qui se faisaient la guerre depuis trente ans à se mettre ensemble autour d'une table et à former un Gouvernement.
Ils avaient pourtant, ces deux partis, protesté pendant toute la campagne électorale qu'ils n'avaient rien à faire ensemble, qu'ils étaient absolument inconciliables. Puis, les électeurs allemands ayant prononcé leur jugement, ils ont bien été obligés de faire le contraire de ce qu'ils avaient dit. Ils se sont mis autour de la table et, en dix-huit mois, les résultats du Gouvernement allemand époustouflent l'Europe.
En dix-huit mois, ils sont passés de la place de dernier en Europe à celle de premier. En dix-huit mois, alors qu'ils avaient une croissance de 1 %, ils sont passés à une croissance de 3 %. En dix-huit mois, ils ont redescendu leur déficit, qui était comme le nôtre, du haut plus bas taux possible en Europe, c'est-à-dire à peine 1 % et leur dette a cessé de grandir pour, au contraire, maintenant décroître.
Voilà ce qu'était la situation de l'Allemagne et ce qu'elle est devenue dix-huit mois après.
Je trouve que, rien que cela, devrait nous obliger à réfléchir. Tous les pays qui nous entourent sans exception depuis les pays du Bénélux -Belgique, Hollande, Luxembourg-, en passant par l'Autriche, l'Allemagne, tous les pays scandinaves, ont décidé que ce n'était pas parce que l'on était différent que l'on ne pouvait pas travailler ensemble.
Ce qui s'est fait ailleurs, nous pouvons le faire chez nous.
Jusqu'à ce matin, naturellement, les observateurs ou les électeurs disaient : " Mais, Monsieur Bayrou, ce que vous nous dites, c'est très intéressant, c'est même tentant, mais où sont les partenaires que vous pourriez trouver pour bâtir ce système politique nouveau en France ?!"...
Ce matin, en fin de matinée, il s'est passé une chose très importante : Michel Rocard, ancien Premier ministre du PS, a indiqué qu'il allait bien falloir trouver une manière nouvelle de gouverner le pays et il a indiqué que, en effet, il fallait, désormais, réfléchir à une rencontre ou à un rassemblement nouveau puisque, a-t-il dit, plus rien de substantiel ne nous sépare et que nous pouvons affronter ensemble les grands défis qui se posent pour l'avenir du pays.
Je considère que cet événement est très important, car la question, qui était dans toutes les têtes et qui était celle-ci "C'est intéressant ce que François Bayrou nous propose, mais est-ce possible ?" trouve tout d'un coup une réponse.
Oui, c'est possible. Oui, c'est à portée de la main et, oui, nous pouvons le faire et c'est maintenant à partir du 22 avril et du 6 mai et, en effet, il y a des femmes et des hommes qui sont au PS depuis longtemps, qui ont des valeurs de Gauche, comme l'on dit, qui sont ouverts à l'édification d'une démarche politique nouvelle et je puis vous dire qu'il y a aussi, sur la Droite, des femmes et des hommes républicains qui, entre nous, ne se reconnaissent pas dans la démarche que Nicolas Sarkozy essaie d'imposer toujours plus à droite pour ce côté de l'échiquier politique, des femmes et des hommes qui considèrent que notre bien le plus précieux, c'est la République et que celle-ci ne s'accommode pas d'un certain nombre de dérapages qui ne concernent pas seulement la politique, mais les valeurs fondamentales et la manière dont l'on regarde l'homme et la société dans notre pays, qui considèrent que nous devons défendre ces valeurs, qui considèrent que c'est même notre bien le plus précieux.
C'est ainsi que des hommes comme François Goulard, ministre de la Recherche du Gouvernement, dont on ne peut pas dire qu'originairement, ce fut un homme du Centre gauche, c'était un homme clairement de Droite, clairement engagé, clairement libéral, se déclarent aujourd'hui publiquement intéressés par cette démarche nouvelle, car nous allons peut-être maintenant pouvoir faire se rencontrer les sensibilités nécessaires à l'avenir du pays.
Comment voulez-vous qu'il en soit autrement lorsque l'on est ministre de la Recherche ?
Imaginez-vous, même si vous étiez originairement de droite, vous devenez ministre de la Recherche et, tout d'un coup, vous avez, en face de vous, les savants les plus éminents, dans tous les domaines de la pensée, scientifique, sociologique, historique, des sciences humaines et des sciences "dures", comme l'on dit dans notre pays, et vous vous apercevez tout d'un coup que, si vous ne voulez travailler, comme ministre de la Recherche, qu'avec des personnes qui sont de votre opinion quand vous venez de la Droite, vous allez vous retrouver un peu seul, ce qui n'est pas une vocation lorsque l'on est ministre et que l'on doit entraîner un grand département ministériel.
Tous, nous avons fait cette expérience selon laquelle il était désormais impossible de se contenter d'avoir des oeillères et de ne voir, pour notre pays et son avenir, qu'une seule étiquette et qu'une seule pensée. Tous, nous avons fait l'expérience, allez, disons-le, dans nos familles, du temps où, dans la famille, tout le monde votait comme le chef de famille. Ce temps-là, Mesdames et Messieurs, est assez loin derrière nous. J'ai connu -tout comme peut-être quelques uns parmi vous dont l'âge n'est pas encore canonique- le temps où c'était ainsi dans les villages.
Dans le petit village de Bordères au pied des Pyrénées d'où je suis originaire, comme dans le village de Cermorlas (d'où ma mère est originaire, oui, bien sûr, les Bayrou, à Bordères, cela valait dix-sept voix. Lorsque vous vous arrangiez avec le patron de la maison pour les élections municipales, vous aviez dix-sept voix, en réalité seize assurées, car, n'est-ce pas, chez nous, il y avait des femmes et elles étaient indépendantes et elles ne disaient pas toujours pour qui elles votaient.
Avouez que ce temps a bien changé. Pensez à votre table de famille et vous découvrirez alors que, autour de la table, les enfants ne pensent pas toujours comme les parents, les mères de famille ne pensent pas toujours comme les pères de famille. Entre les générations, il existe de sacrées différences et, je vais aller encore plus loin, nous ne sommes pas assurés, chacun d'entre nous, de penser toujours comme nous-mêmes.
Il existe des cas où l'on est naturellement de Droite, du Centre, de Gauche ou Écologiste, mais il est des jours où l'on se demande si les autres n'ont pas aussi en partie raison et même s'il n'arrive pas qu'ils aient plus raison que nous-mêmes.
Ceci, c'est le monde moderne, c'est le monde dans lequel nous sommes entrés. C'est un monde dans lequel nous avons heureusement renoncé au simplisme, c'est un monde dans lequel, la vie n'est heureusement plus en noir et blanc. C'est un monde dans lequel on est bien obligé d'acquérir le sens de la nuance, on est bien obligé, même si l'on est terriblement traditionnel dans sa propre vie, de s'apercevoir que les enfants le sont un peu moins, on est bien obligé de considérer que, dans l'entreprise, tout le monde ne pense pas exactement la même chose et qu'il faut bien, pourtant, la faire avancer.
C'est de ce monde nouveau que nous sommes, car nous avons décidé, nous, une fois pour toutes, qu'il y avait des idées à prendre d'un côté et de l'autre, qu'il y avait des compétences, des expériences et des bonnes volontés d'un côté et de l'autre, que nous ne renoncerions à aucune de ces valeurs, à aucune de ces idées, à aucune de ces compétences, à aucune de ces expériences, que nous allions les conjuguer, conjuguer toutes les forces de la France pour que notre pays, une fois pour toutes, trouve une énergie pour se redresser, une énergie pour se reconstruire et que, cela, nous le devons à nos enfants.
Alors, les appareils politiques sont naturellement en désaccord absolu avec cette espérance. Les appareils politiques ont décidé, comme toujours, que leur réaction serait de verrouiller et donc vous avez entendu François Hollande expliquer avec force démonstration que jamais il n'y aurait de possibilité de faire travailler ensemble des femmes et des hommes venus de bords différents.
On a entendu Jack Lang expliquer que le programme ou le projet de Ségolène Royal et le mien étaient absolument inconciliables. Il a bien de la chance de connaître le projet de Ségolène Royal, parce qu'elle avance une idée tous les jours, la retirant tous les jours, inventant un jour un CPE pour la Gauche et le lendemain la prise en main du drapeau national pour répondre à tous les problèmes économiques et sociaux de la France. En effet, il y a peut-être de l'inconciliable là-dedans, mais je suis obligé de me dire que je me perds en conjecture.
Bref, je sais que tout cela est une attitude, une posture, un verrouillage des appareils, mais je sais aussi que les citoyens français, eux, se fichent des appareils -je suis désolé de le dire à M. Hollande et à M. Lang- comme de l'an 40. Ils sont déterminés, une fois pour toutes, à imposer le changement dont leur pays a besoin et je suis désolé de dire à ces excellences socialistes que ce sont les électeurs qui sont les patrons et qu'ils ont bien l'intention de le montrer.
Nous avons l'intention de le montrer avec eux, car, nous, nous pensons, non pas à l'intérêt du PS ou à celui de l'UMP, mais nous avons, nous, l'intention de penser à l'intérêt général de la France, à l'intérêt de chacune de nos familles, à l'intérêt de chacun de ceux qui souffrent dans notre pays et nous disons, au nom de ceux qui attendent que l'on s'occupe de leur situation, que le temps n'est plus de s'occuper de l'intérêt partisan d'un parti ou de l'autre, mais de regrouper les forces pour que, en matière d'emploi, de logement, d'éducation, de lutte contre l'exclusion, de lutte pour un grand plan écologique, pour tout ce que nous avons à bâtir, nous avons besoin de réponses concrètes et non plus de réponses partisanes.
Je voudrais maintenant aborder chacun des chapitres de l'avenir de notre pays pour vous dire pourquoi et comment je crois que nous pouvons redresser la France, pour peu que, en effet, nous rassemblions les forces et que nous soyons capables de tourner le dos aux clivages d'hier.
Nous avons besoin de faire vivre ensemble des attentes, des valeurs et des exigences qui, autrefois, étaient réputées des valeurs et des exigences de Droite, avec des valeurs et des exigences qui, autrefois, étaient réputées des exigences de Gauche, car la France demande d'abord que l'on veuille bien lui donner du travail. Tous ceux que je rencontre, tous ceux que je croise me disent : " Monsieur Bayrou, on n'a pas besoin de discours, on a besoin de travail. On a besoin que vous fassiez en sorte que, dans notre pays, les emplois se multiplient et non pas qu'ils se raréfient".
Avoir une politique en direction du travail, donc en direction du soutien à l'entreprise, cela impose un certain nombre d'orientations. Je vais vous parler de ces orientations.
Je suis pour que l'on soutienne les créateurs d'entreprise. Voyez-vous, je les mets au même rang que les créateurs de science, les chercheurs et presque au même rang que les créateurs culturels, que les créateurs artistiques. Pour moi, aussi étrange que cela puisse paraître, c'est la même démarche de pensée.
Un pays qui ne s'accommode pas de ce qu'il a et qui, tout d'un coup, décide de déplacer les frontières pour aller chercher plus que ce qu'il avait. Aux créateurs d'entreprise, je suis pour qu'on leur accorde une année sans avoir à acquitter ces charges extrêmement lourdes qui sont celles de l'URSSAF, des différentes caisses auxquelles on vous demande de cotiser avant d'avoir rentré le premier chiffre d'affaires.
Je suis pour que l'on préserve la première année de l'entreprise et que les créateurs soient, ainsi, aidés.
Voilà un créateur d'entreprise qui applaudit, il a bien raison !
La question des créateurs d'entreprise est la suivante : " Comment puis-je aller emprunter à la banque ? Je n'ai pas de relations, je n'ai pas de famille. Comment je vais faire ?"... Je propose que l'on mette en place une caution mutuelle qui permettra à toutes les entreprises françaises de garantir les premiers créateurs d'entreprise, ce qui sera une manière d'éviter de faire la course à tous les parents, tous les cousins, tous les amis, tous les voisins qui, parfois, ne peuvent pas faire face à ce genre d'exigence. Je suis pour aider la création d'entreprise.
Je suis pour aider les petites entreprises, une fois qu'elles ont été créées.
Mes idées ne sont pas très originales, mais ce qui l'est tout de même, c'est de le faire. Les États-unis ont mis en place ce qu'ils appellent le Small business act, c'est-à-dire une loi de protection et de soutien de la petite entreprise, il y a cinquante-quatre ans et, depuis cinquante-quatre ans, cela fonctionne.
Ce Small business act est l'administration qui soutient cette petite et moyenne entreprise. Elle est l'une des plus légères, mais l'une des plus efficaces des États-unis. Le Canada a suivi quelque vingt ans après. Eh bien, je veux que l'on fasse la même chose pour la France.
Loi de protection et de soutien de la petite entreprise qui, pour moi, comporte quatre décisions ou orientations principales.
Première décision ou orientation principale : il faut arrêter d'imposer les mêmes charges de démarches administratives et de contrôle fiscal et social aux très grandes entreprises et aux très petites entreprises, car les très grandes entreprises ont des services qui sont des avocats, des DRH, des services de droit social infiniment plus compétents que les fonctionnaires qu'elles ont en face d'elles, mais quand vous êtes plombier au coin de la rue, c'est votre femme qui fait les papiers et cela devient extrêmement lourd, trop lourd, pour une personne seule d'avoir à assumer ce genre de chose.
Je m'empresse de dire que, pour l'agriculture, c'est la même chose. Il n'est pas possible d'accepter que l'on soit obligé, quand on est un petit agriculteur, d'avoir le tiers de son temps pris par des démarches administratives et des papiers à remplir qui font des liasses absolument impressionnantes au lieu d'être au volant de son tracteur et dans ses champs pour faire avancer les choses.
Deuxièmement : la simplification. La simplification, cela fait tellement longtemps qu'on en parle, et si longtemps qu'on ne l'a pas faite, que je vais prendre une mesure radicale : au lieu de la faire faire par l'administration, je vais la faire faire par les usagers. On va donc mettre en place des commissions d'usagers qui seront autour de la table pour dire : "Excusez-nous, tous les renseignements que vous nous demandez, vous les avez, il n'y a qu'à les mettre sur une banque de données, vous irez les chercher quand vous en aurez besoin et, si vous n'en êtes pas satisfaits, à ce moment-là vous nous saisirez en nous disant qu'il y a des évolutions selon vous, vous nous parlerez gentiment" ! J'y tiens beaucoup.
Cela a l'air idiot ce que je viens de dire, mais je considère que c'est très important. Il faut que l'environnement administratif, fiscal et social de notre pays soit un environnement respectueux et plein de considération à l'égard de ceux qui produisent la richesse qui fait vivre notre pays et, après tout, cela vaut peut-être, pas un coup de chapeau, mais en tout cas que l'on parle avec la considération et le respect nécessaires, et non pas le soupçon perpétuel que l'on fait peser, comme si c'était, en face de soi, des coupables en puissance.
Je voudrais que l'on considère que la présomption d'innocence, cela ne vaut pas seulement pour la justice pénale, cela vaut aussi pour l'environnement administratif, fiscal et social de notre pays à l'égard des contribuables et des citoyens et des entreprises.
Autre considération : je suis persuadé que nous sommes assis sur un gisement d'emplois qui ne demande qu'à être valorisé.
C'est la raison pour laquelle je vais faire une proposition à toutes les entreprises de notre pays, les grandes, les petites, les toutes petites, et même les héroïques, je veux dire celles qui ont zéro salarié -elles sont un million cint cents mille en France- et les entreprises qui ont entre un et neuf salariés seulement sont un million. En tout, cela fait deux millions cinq cents mille entreprises. 95 % des entreprises françaises.
Je vais offrir à toutes les entreprises, quels que soient leur taille et leur secteur d'activité, la possibilité de créer deux emplois sans avoir à payer de charges pendant cinq ans sauf 10 % pour les retraites et, là je vous demande, s'agissant de la vertu de cette orientation, de ne pas me croire sur parole. Ne croyez jamais un homme politique sur parole ! Plus exactement si vous avez un homme politique à croire sur parole, choisissez-moi ! mais vérifiez. Je vous propose d'aller, demain matin, rencontrer le commerçant, l'artisan qui est sur votre passage au coin de votre rue, dans votre village ou dans votre quartier, demandez lui si cela l'intéresse. Moi, jusqu'à maintenant, je n'ai rencontré que des artisans et des commerçants qui m'ont dit : "Monsieur Bayrou, si c'est cela, nous, demain, on embauche parce qu'on a du boulot, simplement ce que l'on n'a pas, c'est la certitude que le rendement de ce salarié permettra d'assumer son salaire."
Si vous prenez les charges pendant cinq ans, nous, nous embauchons et nous allons créer de l'emploi et nous allons faire en sorte que ces centaines de milliers d'emplois bloqués, gelés, tout d'un coup, viennent au jour et que l'on puisse les voir apparaître.
C'est la deuxième disposition de ce Small business act que je vais proposer pour les Français.
Troisième disposition : je vais proposer que l'on réserve à ces petites entreprises une part incompressible des marchés publics en France pour éviter que les gros donneurs d'ordres n'étranglent les sous-traitants. Je vais donc demander qu'il y ait 100 % du marché public lorsqu'il s'agit de moins de cinquante mille euros et 20 % du marché public au-dessus qui soient réservés aux petites entreprises pour que tout le monde, dans notre pays, les petits commerçants et les petits artisans, aient le moyen de respirer sans être écrasé par les géants dont nous savons qu'ils occupent presque l'essentiel des marchés.
Troisième mesure, mesure de justice et mesure indispensable.
Enfin, quatrième mesure, je vais proposer que l'État soit désormais obligé, cela n'a l'air de rien, mais c'est tout de même une petite chose, de respecter les règles qu'il impose aux autres. Je vais proposer que, notamment en matière de délai de paiement -et on peut aller plus loin, je ne sais pas si j'ose aller au bout de cette idée car c'est une idée de grandes conséquences en matière d'intérim, de temps partiel, de CDD-, l'État soit obligé de respecter les règles qu'il impose aux entreprises privées.
C'est tout de même fort de café de considérer que l'État impose à toute entreprise privée, chaque fois qu'elle prend un intérimaire, d'être obligée d'avoir une démarche de respect et parfois d'embauche au bout de deux intérims ou de deux CDD et que, lui-même, considère qu'il est tout à fait normal qu'il ait des intérimaires pendant dix ans, notamment dans l'Éducation nationale dans un certain nombre de banlieues et qu'il peut s'en débarrasser après comme des kleenex.
Là, je trouve que cela ne va pas et que l'on va devoir réfléchir à tout cela.
Alors, s'agissant de cette dernière règle, je vous le dis à l'avance, il faudra un peu de temps parce qu'il y a de lourds passifs dans toutes ces histoires-là. Il y a du stock et on va devoir y réfléchir.
Voilà quatre idées pour soutenir la petite entreprise dans notre pays et faire en sorte de rétablir à peu près l'égalité entre les petites et les grandes entreprises, mais en disant cela, notamment les deux emplois sans charges, je traite évidemment de l'emploi.
Comme vous le savez, depuis des années, les grandes entreprises détruisent de l'emploi et les petites entreprises créent de l'emploi et c'est quelque chose d'absolument notable pour l'avenir de la France. C'est à ce vivier d'entreprises petites et moyennes qu'il faut s'adresser si l'on veut renforcer le tissu économique du pays et créer de l'emploi pour les jeunes qui nous entourent et les plus de cinquante ans qui sont les deux populations les plus martyrisées par le marché de l'emploi, comme il existe aujourd'hui en France.
Voilà une orientation claire pour l'entreprise.
Deuxième orientation claire : si l'on veut faire face à l'immense compétition que la mondialisation induit, il faut savoir qu'il n'y a qu'une seule réponse possible. Elle est très ambitieuse, très difficile, mais je la soumets à votre réflexion : si nous voulons gagner le combat de la mondialisation, il faut que nous ayons les jeunes les mieux formés de la planète.
C'est cela, et pas autre chose.
Si nous avons les jeunes les mieux formés de la planète, nous gagnerons la bataille de la mondialisation, autrement nous la perdrons. Il n'y a donc pas d'échappatoire. Il faut une grande politique de l'Éducation nationale, de la formation des jeunes et de la recherche.
Cette grande politique suppose un certain nombre de déterminations, et je dis que nous avons tous les moyens car, en France, l'éducation est une grande tradition nationale. Il y a eu des décennies et des décennies pendant lesquels le monde entier nous a regardés comme le pays qui était la référence en matière d'éducation. Je veux que nous le redevenions.
La première détermination est la suivante : apporter à l'Éducation nationale le soutien dont elle ne doit pas manquer.
Président de la République, je ne tolérerai pas que l'on fasse de l'Éducation nationale, des femmes et des hommes qui la servent, le bouc émissaire de tous les problèmes de la société française.
Je suis là pour qu'on les soutienne, qu'on les aide, qu'on leur apporte la compréhension nécessaire.
Deuxièmement, il faut des moyens.
Vous savez que je suis, depuis le début de cette campagne, celui qui a mis la dette et le déficit au coeur de la campagne électorale. Nous allons devoir apporter des réponses à ces questions, sinon nous allons aggraver encore l'écrasement que nous avons créé et qui pèsent sur les épaules des jeunes Français qui vont travailler dans les vingt et vingt-cinq ans qui viennent.
Cela veut dire évidemment qu'il va falloir faire des économies en matière de train de vie de l'État. Cela veut dire évidemment qu'il va falloir un pays sobre, un État sobre, dans lequel on fasse des réformes qui rendent à l'État, dans notre pays, l'équilibre dont il n'aurait jamais dû se départir.
Cependant, malgré ce contexte budgétaire difficile, je garantirai les moyens de l'Éducation nationale et de la recherche. Je ferai en sorte que notre système éducatif ait les moyens de faire face aux défis que nous allons maintenant énoncer.
En revanche, ayant le soutien et les moyens, je demanderai que l'on écrive les ambitions de notre pays, qu'elles soient écrites et vérifiées au fur et à mesure que nous les réalisons.
La première des ambitions de notre pays, pour qu'il y ait égalité des chances réelles entre les enfants et entre les familles en France, est de décider qu'il n'y aura plus aucun enfant qui entrera en sixième sans savoir auparavant lire et écrire, car si nous ne sommes pas capables de faire cela, alors cela veut dire non- assistance à personne en danger. Nous les laissons entrer en sixième, mais nous savons pertinemment qu'ils n'ont aucune chance de rattraper le retard qui est le leur en matière de maîtrise de l'écrit et donc, en fait, nous les abandonnons au désarroi le plus absolu.
Quand un petit garçon ou une petite fille n'est pas capable de suivre en classe simplement parce qu'il n'a pas les instruments élémentaires, alors il ne lui reste qu'une seule chose à faire : déstabiliser la classe dans laquelle il se trouve, la cour de récréation dans laquelle il se trouve. Ne cherchez pas plus loin un certain nombre des enfants qui sont en effet, malgré leur jeune âge, des perturbateurs dangereux de tous les établissements de l'Éducation nationale, un de ceux qui font que les parents croient, pensent où savent que leurs enfants ne sont plus en sécurité dans les établissements de l'Éducation nationale.
Je veux que tout le monde apprenne à lire et à écrire et je veux que tous les établissements de France, quel que soit le quartier ou la région dans laquelle ils soient installés, garantissent la sécurité, la discipline et le calme sans lequel il n'y a pas d'étude possible.
Je veux que l'on revienne à la discipline et au calme républicain.
Troisièmement, je veux que, dans tous les établissements, on ait une voie vers l'excellence. Il n'y a aucune raison que l'excellence soit réservée aux établissements huppés de centre-ville, il n'y a aucune raison que l'on ne trouve pas, à Besançon ou à Pau, en banlieue comme dans le monde rural, les mêmes chances de faire des études qui conduisent à un niveau supérieur, à un niveau de réussite que tout le monde saluera. Il n'y a aucune raison que l'on ait plus de chance de réussir dans ses études à Henri IV ou à Louis-le-Grand qu'à Besançon à Pau dans la banlieue ou dans le monde rural.
Cela, c'est l'école républicaine, c'est la valeur que nous avons tous ici expérimentée dans un certain nombre de générations précédentes. Il y a eu une école où l'on considérait que les boursiers de la République était au fond la réserve d'excellence du pays. Tout à l'heure, en centre-ville, un jeune homme m'a interrogé sur les études classiques. Il y a eu un temps où l'on faisait du latin et du grec dans tous les établissements de la République, que ce soit en banlieue ou dans le monde rural profond, il y a eu un temps ou l'on considérait que les options devaient être réparties également sur l'ensemble du territoire national. Il y a eu un temps où l'on considérait qu'on avait le droit d'être très bon, même si l'on était un fils d'ouvrier, un fils de paysan ou un fils de chômeur dans un des établissements de la République. Je veux que l'on retrouve ce temps-là. Je veux que l'on en revienne au temps où la République considérait que tout le monde avait droit, au fond, à courir sa chance et à gagner sa première chance.
Quand on parle d'éducation, comme on est à Besançon, je veux aussi parler d'université. On a un grand problème d'université française. On a un problème de moyens, car l'université est pauvre en France. On a un autre problème : on a vécu pendant très longtemps sur un contrat entre les familles et l'État et ce contrat était celui-ci : c'est le diplôme qui garantit l'emploi.
On a cru, pendant très longtemps, que c'était comme cela que cela fonctionnait et toutes les familles de France ont vécu, et vivent encore pour certaines, avec l'idée que, si les enfants travaillaient bien à l'école, ils auraient une situation meilleure que celle de leurs parents. On a tous vécu avec cela.
Puis une grande partie du désarroi, de la démoralisation française est venue de ce que les parents, spécialement les parents des familles modestes, se sont aperçus que, ce n'est pas parce qu'on avait un bac+3, un bac+4, un bac+5, une licence ou un master que, pour autant, on trouvait un emploi, et ils en sont désespérés.
Il faut traiter cette question les yeux dans les yeux. Il faut dire que, désormais, il faut que l'université française considère qu'elle n'a plus seulement vocation à transmettre des connaissances, plus seulement vocation à faire de la recherche, mais il faut aussi qu'elle s'occupe d'insertion professionnelle des étudiants diplômés, les conduisant vers l'emploi, les formant pour qu'ils puissent trouver une expérience professionnelle au sortir de leur diplôme.
Nouvelle mission pour l'université qui va requérir beaucoup de mobilisation dans toute la société française. Cette rencontre entre l'entreprise et l'université, voilà un immense enjeu de ce que nous avons à faire pour que l'université française redevienne un lieu d'espérance au lieu d'être, pour trop de familles, particulièrement des familles modestes, un lieu de désespérance.
Je veux l'espérance à l'université.
L'économie, l'éducation, je veux un grand plan de lutte contre l'exclusion. Je ne veux plus que l'on soit dans une situation où le nombre des RMIstes gonfle continuellement. Il y avait un million de Rmistes en 2002, il y a un millions quatre cents mille RMIstes en 2007. Vous vous rendez compte ? En cinq ans, on a augmenté de 40 % le nombre des RMIstes dans notre pays.
Pourquoi est-on dans cette situation ?
Pour deux raisons auxquelles je propose de remédier : la première est que, dans notre pays, il y a un certain nombre de personnes, notamment de femmes seules qui se trouvent, en réalité, obligées de rester au RMI car le nombre des allocations que l'on a accumulées et qui sont liées à la situation de minimum social, le nombre d'"avantages", par exemple, exonération des impôts locaux, exonération de la redevance télévision, cantine gratuite pour les enfants, en Île-de-France carte de circulation pour le Rmiste et toute sa famille plus l'allocation logement, plus la CMU, plus un certain nombre d'aides venant de la municipalité, font que, lorsque la jeune femme en question envisage de reprendre un emploi, elle fait ses comptes et s'aperçoit que, si elle reprend l'emploi, elle ne va pas y gagner, elle va y perdre.
Eh bien ceci est une situation sociale qui ne correspond pas à ce que nous devons vouloir pour notre pays.
Nous allons donc reprendre l'ensemble de ce système avec une idée simple : quand on reprend un emploi, on doit y gagner et y gagner nettement de manière que ce soit une gratification et une justification de cette reprise d'emploi et une manière de ne pas être piégé dans les minimums sociaux. Je veux que, dans notre pays, ce soit un accomplissement de retrouver un travail et pas une perte.
Pour les autres, pour ceux qui n'y arrivent pas, alors je veux qu'on les sorte de l'inactivité dans laquelle ils sont enfermés, dans laquelle il s'enferme et dans laquelle les enferme le regard des autres car, sur le même palier, dans la même maison, vous imaginez comme on regarde de travers celui qui ne travaille pas.
On dit qu'il ne se lève pas le matin. Moi, je n'aime pas du tout cette expression. Il y a des meetings dans lesquels on fait siffler ceux qui ne se lèvent pas le matin et applaudir ceux qui se lèvent le matin.
Je veux simplement dire qu'il y a beaucoup de gens qui ne se lèvent pas le matin qui aimeraient pouvoir se lever le matin. Je considère que c'est notre manière de regarder les choses.
Et donc, pour que cette réputation cesse, cette exclusion supplémentaire cesse, je veux que l'on propose à toutes les personnes qui sont dans les minima sociaux une activité utile à la société dans les associations ou dans les collectivités locales pour qu'ils arrondissent leurs fins de mois et qu'en même temps ils retrouvent le sentiment, la justification de leur existence dans une société où ils seront considérés comme positifs et pas comme dans l'assistance.
Ceci est un immense plan qui va requérir la mobilisation de beaucoup de gens, je le dis en particulier aux jeunes retraités pour que l'on puisse encadrer tous ces travaux d'utilité sociale dans lesquels ils vont trouver, je crois, une justification, une manière nouvelle d'être.
Grand, vaste plan : économie, emploi, éducation, lutte contre l'exclusion. Si nous faisons cela pour notre pays, nous aurons, d'une certaine manière, un peu remis d'aplomb ce qui va si mal aujourd'hui.
Cela ne suffit pas parce qu'on a d'autres crises qui arrivent. C'est la première fois dans son histoire que l'humanité découvre qu'elle est menacée dans son existence, même probablement par la croissance immense des activités qu'elle a organisée elle-même, menacée parce qu'elle a brûlé, en quelques dizaines d'années, la totalité ou presque, en tout cas une part substantielle du pétrole, du gaz et du charbon que les millions d'années écoulées avaient accumulés dans les sous-sols de la planète, puis qui se sont retrouvés dans l'atmosphère et qui, aujourd'hui, font l'incroyable réchauffement auquel nous assistons.
Cette lutte contre l'effet de serre, c'est une responsabilité nationale à l'intérieur de nos frontières et c'est plus important encore une responsabilité de la France pour convaincre les autres États que, désormais, c'était une priorité de l'humanité que d'avoir à organiser un plan de résistance contre cette perturbation du climat que nous avons créée nous-mêmes.
J'ai signé le pacte écologique de Nicolas Hulot, je suis content de l'avoir fait et je respecterai les engagements que j'ai pris, mais j'en ajouterai un : je veux -et je dis cela devant Antoine Waechter- que le Président de la République française soit celui qui porte, dans le monde et en Europe -je vais vous dire pourquoi en Europe-, l'impératif d'une responsabilité à l'égard de la crise climatique et de la lutte contre la disparition de la biodiversité à la surface de la planète.
C'est une affaire internationale. Je la porterai comme Président de la République française parce que, vous le mesurez bien, c'est une obligation internationale de la France.
On me fait signe ce que le temps passe ! Je vois des éclairs de haine dans vos regards disant : "Jusqu'à quand il va nous tenir comme cela ?". J'en vois qui regarde leur montre... remarquez, ce n'est pas le pire de regarder sa montre. Le pire, quand on l'a regardée, c'est de l'enlever fébrilement, de la secouer et de la porter à l'oreille pour voir si elle marche encore.
Cela, c'est mauvais signe pour l'orateur ! De ces gestes, je n'en ai vu aucun, mais je fais attention et en particulier parce que nous avons à décoller avant que les créneaux horaires ne nous empêchent de le faire, ce qui m'obligerait à passer la nuit à Besançon, ce qui me serait très agréable, mais compromettrait un tout petit peu les engagements que j'ai demain matin !
Nous aurions beau, par une politique courageuse, de long terme, une politique du durable, une politique d'isolation, une politique de transfert du transport routier vers le rail et vers le fluvial, une politique de recherche des énergies alternatives, une politique de biocarburants, une politique d'éoliens, une politique d'hydroélectricité, une politique de solaire, solaire passif ou solaire photovoltaïque -enfin toutes ces politiques que nous avons à construire si nous voulons que notre pays soit au premier rang de ceux qui recherchent des voies nouvelles dans ce domaine si important de la lutte contre les désordres climatiques- nous aurions beau faire tout cela, même si nous diminuions de moitié, des deux-tiers ou des trois quarts, ce qui est naturellement extrêmement difficile, nos émissions de gaz effet de serre, la composition de notre atmosphère ne varierait pas d'un millième de millième parce que l'air ne reste pas enfermé à l'intérieur des frontières de l'hexagone. Les vents balaient la planète et l'atmosphère, c'est un immense mixeur qui fait que nous respirons tous l'air respiré par les autres et donc tout cela ne peut se faire que si nous réussissons à bâtir une Europe qui s'occupe enfin de l'essentiel au lieu de s'occuper de l'accessoire.
Je veux réconcilier les Français avec l'Europe et l'Europe avec la France et je dis explicitement, tant pis je ne vais pas me faire des amis, mais je vais dire ce que je pense : je pense que l'Europe s'est beaucoup occupée de concurrence ces dernières décennies, elle s'est beaucoup occupée d'échanges commerciaux, beaucoup occupée de nous imposer des règles qui permettent aux produits, aux services de franchir les frontières, je considère que c'était justifié dans la plupart des cas, je dis dans la plupart des cas parce que, honnêtement, il y a un ou deux cas où j'ai trouvé que, franchement, si l'on avait pu s'en passer, cela aurait été aussi bien. Par exemple, je ne vais pas me faire des amis encore ! Je considère que cela n'a pas été un très grand progrès de la civilisation que de passer du "12" au "118 700" et quelque chose pour les renseignements téléphoniques, car je ne sais pas vous, mais en tout cas, moi, je considérais que c'était facile, on savait comment cela marchait et je savais qui j'avais à l'autre bout du fil, tandis que, là, chaque fois je suis obligé de me gratter la tête pour me souvenir du numéro que je veux appeler et je ne sais jamais qui est à l'autre bout du fil, je sais seulement que des centaines d'emplois ont disparu du territoire national pour s'en aller sur des centres d'appels à l'étranger. Je n'ai pas considéré cela comme une victoire de la civilisation.
Permettez-moi de dire au passage, puisque nous nous sommes occupés de maires ruraux et de petits villages cet après-midi, que je considère que c'est la même chose pour la Poste. Je me battrai pour que la Poste conserve des missions de service public, spécialement dans les banlieues et dans les zones rurales défavorisées.
Mais enfin, pour l'essentiel, s'agissant des produits agricoles, agroalimentaires, industriels, c'était bien de faire que les produits puissent trouver un grand marché plutôt qu'un petit marché que donc qu'ils puissent franchir les frontières, mais je considère que la vocation de l'Europe n'est pas de s'occuper principalement de concurrence, je considère que la vocation de l'Europe, c'est de s'occuper de l'essentiel, c'est-à-dire je veux que l'Europe ait une politique de défense pour que nous partageons la charge de la défense et de la sécurité de notre continent.
Je considère qu'il faut que l'Europe ait une action diplomatique parce que nous avons besoin, par exemple au Proche-Orient, d'être pas seulement des payeurs, des signeurs de chèques, mais des acteurs politiques puisque les États-Unis ne peuvent plus, depuis la guerre d'Irak faire face tout seul aux missions de garantie qui sont les leurs.
Je considère que nous devons nous occuper d'énergie, je pense que la question de l'énergie va être la grande question du XXI ème siècle et je veux que l'Europe fasse face à ces obligations en matière d'énergie. Je veux que l'Europe s'occupe de recherche parce que nous avons besoin de grands programmes de recherche pour que notre continent fasse le même effort dans la même direction et avec la même performance que les États-Unis le font.
Nous avons besoin que l'Europe s'occupe de l'essentiel et pas de l'accessoire.
Je veux qu'elle s'occupe de politiques qui valent la peine et pas seulement de ce qui est financier et commercial qui est sans doute important, mais que je ne peux pas considérer comme essentiel.
L'Europe, c'est fait pour défendre notre société, nos civilisations, nos valeurs, elle doit s'occuper des politiques essentielles qui touchent à l'avenir de nos sociétés.
Le premier rang me fait des yeux effrayés en disant : c'est fini, c'est fini, il faut que tu arrêtes !
Je n'arrêterai pas sans dire que, parmi ces politiques essentielles dont il faut que nous nous occupions et que l'Europe s'occupe, il y a le développement des pays les plus pauvres de la planète, spécialement des pays africains.
Je considère que toute polémique sur l'immigration est une polémique vaine tant que l'on ne s'occupe pas de la cause de l'immigration et, la cause de l'immigration, c'est la misère, la cause de l'immigration, c'est qu'il y a des femmes et des hommes qui n'ont plus l'espoir de trouver une vie dans leur pays. Donc je veux que nous nous occupions du développement de l'Afrique pour garantir aux paysans africains qu'ils vont pouvoir nourrir leur continent, aux ouvriers, aux techniciens et aux ingénieurs africains, qu'ils vont pouvoir équiper leur continent comme, après tout, nous l'avons fait après la guerre de 40 avec un Plan Marschall pour l'Europe et la préférence communautaire qui garantissait que l'on pourrait vivre et travailler au pays.
Tout cela, c'est l'Europe et je considère comme de mon devoir de proposer à la France de sortir de la crise dans laquelle nous sommes enlisés qui fait que l'on a voté non au référendum et, selon moi, on a voté non parce qu'on avait un texte illisible, que chacun des citoyens français a reçu sous son enveloppe, qu'il a ouvert, qu'il a commencé à lire avec l'intention d'aller jusqu'au bout et, à la troisième page, il s'est arrêté en disant : Ce n'est pas un texte pour moi, c'est un texte pour les professeurs d'université de droit européen, chère Nathalie, et encore, il y a des professeurs d'université de droit européen qui n'ont pas lu le texte jusqu'au bout, rarement naturellement, mais cela a pu arriver ! Donc, je dis que ce texte était illisible, même pour ceux qui l'on écrit !
Comme les Français sont un grand peuple démocrate, citoyens et républicains, ils ont considéré que, si le texte était illisible, c'est qu'il y avait un loup, un piège et ils ont pensé que le piège était qu'on voulait leur imposer un projet de société qui n'était pas le leur. Ils ont pensé que l'on voulait grosso modo leur imposer le projet de société ultra libérale, anglo-saxon, dont ils redoutent qu'il soit le seul horizon de l'Europe et comme d'autres redoutaient, en même temps, que l'ouverture des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ne pose en même temps des problèmes d'identité pour notre continent, ils ont voté non.
Moi, je suis pour que l'on sorte de cette crise par le haut et, sortir de cette crise par le haut, cela veut dire écrire un texte lisible, court, simple, compréhensible par tous les citoyens, qui traite de la seule question dont il devrait traiter : comment se prennent les décisions en Europe et quels sont les droits des citoyens d'être informés et de peser sur ces décisions. Point à la ligne.
Et, quand ce texte sera écrit -je me suis assuré que des dirigeants européens de premier plan étaient prêts à faire cet effort-, je le soumettrai au référendum des citoyens pour refermer la blessure qui s'est ouverte entre les Français et l'Europe.
Voilà le plan, voilà l'avenir et voilà le projet.
Ce plan, cet avenir et ce projet, il exige que nous tournions la page sur vingt-cinq années d'échec et c'est maintenant que cela va se jouer.
Je vous remercie du fond du coeur d'être venus dans la préparation de ces dates essentielles pour l'avenir de notre pays et d'une certaine manière de l'Europe.
Je vous remercie d'être venus si nombreux à Besançon pour préparer cet événement essentiel du 22 avril et du 6 mai qui va nous permettre, en effet, de changer tous ensemble le destin de la France.
Vive la République et vive la France."Source http://www.bayrou.fr, le 16 avril 2007
J'ai été heureux d'être accueilli par Gérard Faivre, je veux remercie Nathalie Griesbeck, députée européenne, de son accueil, je veux vous présenter les amis parlementaires qui sont avec moi Claude Biwer, sénateur de la Meuse, Jacqueline Gourault, sénatrice du Loir-et-Cher. Je veux également adresser un salut particulier à Antoine Waechter qui nous a accompagnés toute la journée.
J'ai été heureux de cette journée. Elle a commencé ce matin sur le marché d'Auxerre, dans l'Yonne, avec un accueil extrêmement émouvant et chaleureux. Elle s'est poursuivie à Vesoul, puis dans la campagne de Haute-Saône, puisque nous étions chez Gérard Pelletier, Président des maires ruraux de France qui m'a apporté son soutien.
Je voulais ainsi manifester l'intérêt qui est le nôtre pour l'équilibre des territoires et pour la ruralité.
Cette journée s'achève ce soir à Besançon. J'aime beaucoup cette ville, je crois que de nombreux Français aiment beaucoup cette ville. J'ai des raisons particulières et familiales d'accorder de l'attention à Besançon et je suis donc très heureux de me retrouver au milieu de vous et de percevoir votre amitié et votre soutien.
Je veux simplement vous dire ce que nous vivons, au moment où nous entrons dans cette, j'ose à peine le dire, dernière ligne droite, car, pour moi, celle-ci aura lieu dans les dernières heures de la campagne électorale. Selon certaines analyses ou commentaires, les Français sont indécis et ils sont dix-huit millions à l'être, d'après mes lectures.
Je n'interprète pas du tout de cette manière la situation psychologique des Français. Je pense qu'ils ne sont pas indécis, qu'ils sont en réflexion et c'est un signe extrêmement positif et heureux pour moi que cette entrée en réflexion des Français, car cela signifie, comme je le soutiens depuis des années, qu'ils en ont fini avec le vote obligatoire. Ils en ont fini avec le vote automatique qui fait que, lorsque l'on est d'un bord, on vote pour une étiquette et que, lorsque l'on est de l'autre bord, on vote pour l'autre étiquette.
Si les Français sont entrés en réflexion, c'est car ils ont, en effet, décidé de rompre avec le vote automatique pour entrer dans le vote réfléchi, conscient, de citoyens qui ont l'intention de peser sur le destin de leur pays.
Plus le nombre de Français en réflexion sera grand, plus important sera le score que nous obtiendrons, car nous sommes les seuls à proposer un changement du paysage politique français.
Alors, je m'empresse donc d'indiquer, avant de décrire le changement du paysage politique français, que je trouve indispensable, pour le destin du pays, que j'entre dans cette dernière semaine avec la conscience absolue que toutes les manipulations auront désormais droit de citer.
Je veux que l'on le sache, que vous le sachiez et que nous nous y préparions, car il se trouve naturellement que les deux appareils qui dominent la France depuis vingt-cinq ans sont décidés à conserver leur pouvoir absolu, coûte que coûte et, pour cela, ils vont naturellement organiser la bipolarisation entre les deux candidats qui se croient principaux. Ils vont l'organiser de toutes les manières possibles. Ainsi, les manipulations que l'on fait subir aux chiffres des instituts de sondages, vous allez voir, un jour ou l'autre, cela ne va pas être l'instrument le moins utilisé pour obtenir ce genre de résultat.
Je veux que vous sachiez que le sondage que les Français font tous les jours -il suffisait, pour le constater de traverser, tout à l'heure, la place de Besançon- et vont imposer dans les urnes le 22 avril, est, pour nous, la garantie absolue que le changement est en route et qu'il ne s'arrêtera pas. Les Français sont déterminés à faire leur choix et à ne pas laisser s'opérer le choix que les appareils veulent imposer par tous les moyens qui sont à leur disposition.
C'est du choix de chaque citoyen français qu'il s'agit et c'est parce que c'est le choix de chaque citoyen français, c'est parce que le général de Gaulle a décidé que chaque citoyen français allait imposer son choix, que, naturellement, chacune et chacun d'entre vous, dans sa vie personnelle, dans sa réflexion de citoyen, aura, entre les mains, le crayon pour dessiner le nouveau paysage politique français.
Les plus anciens d'entre vous se souviendront que, lorsque l'on a voté en 1962 pour l'élection du Président de la République au suffrage universel, il y avait une affiche extrêmement explicite : un doigt dirigé vers les lecteurs qui regardaient l'affiche et qui disait : Oui, c'est vous qui choisirez le Président de la République".
Effectivement, oui, c'est vous, c'est chaque citoyen français qui s'est vu remettre ce pouvoir. Ce ne sont pas les appareils des partis qui sont les patrons de la République, ce sont les citoyens qui sont les patrons de la République et ils vont le montrer le 22 avril et le 6 mai.
Je veux vous dire pourquoi, pour moi, cela est indispensable. Dans un pays comme le nôtre, un pays qui a traversé bien des difficultés et bien des crises, ce n'est pas la première fois que nous rencontrons une crise, mais il s'agit, là, d'une crise comme nous n'en avons jamais rencontrée.
Ce n'est pas la première fois. Nous avons déjà vécu des crises historiques :
- Il y a eu la libération de la France, un pays qui était détruit dans une partie de son existence physique et, en même temps, profondément blessé dans son âme, en 1945,
- Il y a eu la période où nos institutions étaient malades, en 1958,
- Il y a eu la période où l'on a eu à faire face à l'immense drame, chance pour les un, drame pour les autres de la décolonisation dans lequel tant de Français avaient mis une part d'eux-mêmes et tant de pays avec qui nous avions écrit cette page qui en étaient blessés,
- Il y a eu la crise sociale ou sociétale -je ne sais pas comment le dire- en 1968,
- Il y a eu la crise la grande crise du pétrole dans les années 1974 et 1975.
La France a connu toutes ces crises, des crises économiques, des crises sociales, des crises politiques, des crises historiques, mais elle n'a jamais connu toutes ces crises en même temps. Telle est la situation dans laquelle nous sommes.
Je voudrais vous inviter -c'est dommage que ce ne soit pas possible- à faire avec moi les kilomètres que je parcours au milieu des Français en parlant avec eux. Si vous saviez comme ils ont des difficultés à vivre, si vous saviez le nombre de ceux qui disent : " Monsieur, j'ai une toute petite retraite, je touche six cents cinquante euros par mois. Monsieur, j'ai un emploi précaire, je vis avec sept cents euros par mois. Monsieur, je ne trouve pas de logement. Monsieur, j'élève mes enfants toute seule et je n'y arrive pas. Monsieur, je suis au chômage depuis des années"...
Hier, une dame me disait : " Voyez-vous, j'ai élevé mes enfants et j'ai divorcé à cinquante ans, âge auquel je me suis retrouvée toute seule, puis j'ai trouvé un emploi pour quatre ou cinq ans. J'ai fait des CES, des emplois précaires et, aujourd'hui, je vais avoir soixante ans, mais je n'ai pas de retraite, je n'ai pas de métier et personne ne veut plus m'embaucher". Comme cela, ce sont des millions de Français qui sont dans des situations de très grave difficulté et de très grande inquiétude.
En même temps, le chômage se multiplie et pèse sur la plupart des familles, l'exclusion touche un million et demi de Français et le pouvoir d'achat s'effondre, pas seulement celui des Français qui sont au bas de l'échelle des salaires, mais également celui des Français qui sont des classes moyennes et qui, pendant des années, ont eu un niveau de vie convenable, acceptable et arrivaient même à mettre de l'argent de côté. Aujourd'hui, mêmes les Français des classes moyennes ont des difficultés.
C'est un pays tout entier qui s'appauvrit. C'est un pays tout entier qui souffre du manque de croissance.
En réalité, avoir eu un point de croissance de moins que tous les autres pays européens pendant vingt-cinq ans nous met naturellement en situation d'affaiblissement de notre pouvoir d'achat, d'affaiblissement de notre capacité économique et toutes ces crises se doublent de l'immense problème de la crise du climat, ainsi que de l'immense problème du déséquilibre entre les pays riches et les pays pauvres qui engendrent naturellement toutes les inquiétudes possibles -l'immigration en est une, parfois le terrorisme en est une- et il faut absolument mobiliser notre énergie et notre fermeté autour de problèmes comme notre peuple n'en a jamais rencontrés.
Si vous ajoutez le besoin d'une réforme de l'éducation pour que chacun des enfants ait sa chance, si vous ajoutez l'inquiétude sur tous les blocages de la société française et si vous ajoutez, par-dessus tout cela, la crise européenne, alors vous vous dites que nous sommes devant un panorama de difficultés comme notre peuple n'en a pas rencontré depuis très longtemps.
Voyez-vous, si je dois dire le fond de ce que je pense, je pense que cela va plus mal en 2007 qu'en 1958. Je pense que c'est plus difficile et plus grave que cela n'allait avant où on avait naturellement une crise politique, mais également, comme l'on dit, les Trente glorieuses, à savoir un pays qui se portait bien, qui construisait, qui produisait, dont l'agriculture fonctionnait, tout comme l'industrie et où le plein emploi était une réalité. Or, lorsque la situation est celle-ci, on peut résoudre facilement la crise politique ou la crise monétaire.
Aujourd'hui, c'est plus difficile que tout cela. Nous sommes dans une situation qui nous impose d'avoir plus de volonté, plus d'imagination, plus de mobilisation de notre énergie nationale que nous n'avons jamais dû en fournir dans les périodes récentes de notre histoire.
Voilà ce que nous avons devant nous.
Devant cette situation, il existe deux réponses possibles, dont la première est celle des onze autres candidats à l'élection présidentielle et, singulièrement, des deux qui se croient "principaux". Leur réponse est la suivante : "Surtout, ne changeons rien, continuons comme l'on a toujours fait, c'est-à-dire continuons avec un pays coupé en deux, avec toujours les deux mêmes partis au pouvoir, l'un dans l'opposition, l'autre au Gouvernement, l'un toujours contre, l'autre toujours pour, deux partis en embuscades perpétuelles l'un contre l'autre et, lorsque le pouvoir propose quelque chose, l'opposition dit toujours non."
Je vous invite à en faire la démonstration : allumez votre télévision, ce n'est pas la peine de mettre le son, quand vous voyez l'image vous savez ce qu'ils vont dire. Ceux qui sont du côté de la majorité penseront que l'idée du Gouvernement est géniale et ceux qui sont du côté de l'opposition penseront que le Gouvernement, comme toujours, se trompe et favorise je ne sais quel intérêt, bref la caricature perpétuelle et, quand arrive une alternance, ceux qui arrivent détruisent ce qu'avaient fait leurs prédécesseurs.
C'est ainsi que fonctionne la France depuis vingt-cinq ans et, plus exactement, c'est ainsi que la France ne fonctionne pas depuis vingt-cinq ans.
Moi qui ai observé de près, de l'intérieur, cette manière de procéder dans une démocratie française, par ailleurs stupidement confisquée, cette manière qui fait que ceux ayant gagné l'élection prennent tous les pouvoirs dans le pays sans aucune exception et ceux qui ont perdu l'élection sont poussés sur le bord de la route et comptent pour quantité négligeable pendant cinq années, je sais que cette manière d'agir épuise l'énergie de la France et l'empêche de mobiliser ce qu'elle a de plus juste, de plus favorable, de plus créatif, de plus inventif et de plus généreux en elle.
Je me suis fait, hier, une réflexion que, au fond, j'aurais du me faire depuis beaucoup plus longtemps. Vous rendez-vous compte que, depuis vingt-cinq ans, jamais un Président de la République n'a réuni les grandes forces politiques du pays autour de la table en disant : " Nous avons un problème, que pourrions-nous faire ?"...
Ce que je décris là n'est tout de même pas une révolution, n'est-ce pas ?!...
Nous sommes un grand pays démocratique ou prétendu tel. Je pense que nous sommes un grand pays qui se prétend démocratique et qui ne l'est pas. Nous avons des forces politiques expérimentées, une Gauche, une Droite, un Centre avec d'autant plus de courants nouveaux, des écologistes, même dispersés, tout de même, cela vaudrait la peine que nous nous asseyons au bord de la table pour réfléchir à ce que nous pouvons faire devant l'immense crise que nous rencontrons.
En vingt-cinq années, écoutez bien, jamais une consultation ! Nous étions réunis parfois, lorsqu'il y avait des otages pour nous tenir au courant de leur situation, une fois ou deux en cas de guerre pour nous tenir au courant, mais, lorsqu'il s'est agi de parler de la situation de notre pays, jamais.
Ceux qui sont au volant considèrent qu'ils savent tout et que ceux qui sont exclus de la conduite des affaires ne comptent pour rien. Ainsi, ils n'ont qu'une attitude à avoir, c'est de s'opposer à tous, sans aucune exception.
Je trouve que tout ceci est stupide.
Vivre dans un pays comme la France, avec les défis qui sont devant nous, avec la mondialisation que nous allons devoir affronter comme une immense compétition internationale, en organisant la division perpétuelle, l'affrontement perpétuel, la guerre perpétuelle entre les partis principaux qui tiennent le "haut du pavé" dans la démocratie française ou la République est totalement absurde.
J'ai donc, ayant observé le fonctionnement de ce système, décidé de proposer aux Français qu'il fallait en sortir, qu'il fallait passer du temps de la division à celui du rassemblement et qu'il fallait proposer aux Français une bonne fois pour toutes, au lieu de se diviser pour rester immobile, de se rassembler pour avancer et répondre aux grands problèmes qui se posent à notre pays.
Figurez-vous qu'il existe des personnes que j'estime sur la droite de l'échiquier politique et sur la gauche de l'échiquier politique. Il y a des personnes de Gauche que j'estime. Il existe des personnes de Droite que j'estime. Il y a des écologistes que j'estime et je réclame le droit, lorsque je les estime, de pouvoir travailler avec eux au redressement du pays.
Ce que je suis entrain de décrire, n'est ni original ni surprenant, ni dans le temps ni dans l'espace. Ce n'est pas original et surprenant. Lorsqu'il a fallu faire face aux grandes échéances de crise que j'évoquais, c'est ce qu'a fait le Général de Gaulle en obligeant, par exemple en 1958, toutes les grandes forces politiques françaises, le PS de l'époque, qui s'appelait la SFIO, le Centre de l'époque, qui s'appelait le MRP, la Droite de l'époque qui s'appelait les indépendants, à participer ensemble au Gouvernement avec ceux qui le soutenaient de manière à faire le liant entre les trois. C'est ainsi que l'on a redressé la France entre 1958 et 1962.
C'est ce qu'avait proposé un homme que j'admire beaucoup, qui s'appelle Pierre Mendès-France, lorsqu'il s'est agi, en 1954, d'essayer de sortir la France de la grande crise coloniale de l'Indochine et de l'Afrique du nord, comme l'on disait à l'époque.
C'est ce qu'avaient proposé et fait les forces de la Libération au lendemain de la Guerre, y compris en mettant, alors c'était autre chose que les grandes forces démocratiques du pays, le PC de l'époque au Gouvernement.
Naturellement, tout cela avait provoqué des soubresauts, mais, chaque fois qu'il s'est agi de redresser le pays, on a décidé de le rassembler et, après tout, c'est ce qui vient de se faire en Allemagne, de l'autre côté du Rhin où, il y a dix-huit mois, les électeurs allemands ont obligé les deux grands partis qui se faisaient la guerre depuis trente ans à se mettre ensemble autour d'une table et à former un Gouvernement.
Ils avaient pourtant, ces deux partis, protesté pendant toute la campagne électorale qu'ils n'avaient rien à faire ensemble, qu'ils étaient absolument inconciliables. Puis, les électeurs allemands ayant prononcé leur jugement, ils ont bien été obligés de faire le contraire de ce qu'ils avaient dit. Ils se sont mis autour de la table et, en dix-huit mois, les résultats du Gouvernement allemand époustouflent l'Europe.
En dix-huit mois, ils sont passés de la place de dernier en Europe à celle de premier. En dix-huit mois, alors qu'ils avaient une croissance de 1 %, ils sont passés à une croissance de 3 %. En dix-huit mois, ils ont redescendu leur déficit, qui était comme le nôtre, du haut plus bas taux possible en Europe, c'est-à-dire à peine 1 % et leur dette a cessé de grandir pour, au contraire, maintenant décroître.
Voilà ce qu'était la situation de l'Allemagne et ce qu'elle est devenue dix-huit mois après.
Je trouve que, rien que cela, devrait nous obliger à réfléchir. Tous les pays qui nous entourent sans exception depuis les pays du Bénélux -Belgique, Hollande, Luxembourg-, en passant par l'Autriche, l'Allemagne, tous les pays scandinaves, ont décidé que ce n'était pas parce que l'on était différent que l'on ne pouvait pas travailler ensemble.
Ce qui s'est fait ailleurs, nous pouvons le faire chez nous.
Jusqu'à ce matin, naturellement, les observateurs ou les électeurs disaient : " Mais, Monsieur Bayrou, ce que vous nous dites, c'est très intéressant, c'est même tentant, mais où sont les partenaires que vous pourriez trouver pour bâtir ce système politique nouveau en France ?!"...
Ce matin, en fin de matinée, il s'est passé une chose très importante : Michel Rocard, ancien Premier ministre du PS, a indiqué qu'il allait bien falloir trouver une manière nouvelle de gouverner le pays et il a indiqué que, en effet, il fallait, désormais, réfléchir à une rencontre ou à un rassemblement nouveau puisque, a-t-il dit, plus rien de substantiel ne nous sépare et que nous pouvons affronter ensemble les grands défis qui se posent pour l'avenir du pays.
Je considère que cet événement est très important, car la question, qui était dans toutes les têtes et qui était celle-ci "C'est intéressant ce que François Bayrou nous propose, mais est-ce possible ?" trouve tout d'un coup une réponse.
Oui, c'est possible. Oui, c'est à portée de la main et, oui, nous pouvons le faire et c'est maintenant à partir du 22 avril et du 6 mai et, en effet, il y a des femmes et des hommes qui sont au PS depuis longtemps, qui ont des valeurs de Gauche, comme l'on dit, qui sont ouverts à l'édification d'une démarche politique nouvelle et je puis vous dire qu'il y a aussi, sur la Droite, des femmes et des hommes républicains qui, entre nous, ne se reconnaissent pas dans la démarche que Nicolas Sarkozy essaie d'imposer toujours plus à droite pour ce côté de l'échiquier politique, des femmes et des hommes qui considèrent que notre bien le plus précieux, c'est la République et que celle-ci ne s'accommode pas d'un certain nombre de dérapages qui ne concernent pas seulement la politique, mais les valeurs fondamentales et la manière dont l'on regarde l'homme et la société dans notre pays, qui considèrent que nous devons défendre ces valeurs, qui considèrent que c'est même notre bien le plus précieux.
C'est ainsi que des hommes comme François Goulard, ministre de la Recherche du Gouvernement, dont on ne peut pas dire qu'originairement, ce fut un homme du Centre gauche, c'était un homme clairement de Droite, clairement engagé, clairement libéral, se déclarent aujourd'hui publiquement intéressés par cette démarche nouvelle, car nous allons peut-être maintenant pouvoir faire se rencontrer les sensibilités nécessaires à l'avenir du pays.
Comment voulez-vous qu'il en soit autrement lorsque l'on est ministre de la Recherche ?
Imaginez-vous, même si vous étiez originairement de droite, vous devenez ministre de la Recherche et, tout d'un coup, vous avez, en face de vous, les savants les plus éminents, dans tous les domaines de la pensée, scientifique, sociologique, historique, des sciences humaines et des sciences "dures", comme l'on dit dans notre pays, et vous vous apercevez tout d'un coup que, si vous ne voulez travailler, comme ministre de la Recherche, qu'avec des personnes qui sont de votre opinion quand vous venez de la Droite, vous allez vous retrouver un peu seul, ce qui n'est pas une vocation lorsque l'on est ministre et que l'on doit entraîner un grand département ministériel.
Tous, nous avons fait cette expérience selon laquelle il était désormais impossible de se contenter d'avoir des oeillères et de ne voir, pour notre pays et son avenir, qu'une seule étiquette et qu'une seule pensée. Tous, nous avons fait l'expérience, allez, disons-le, dans nos familles, du temps où, dans la famille, tout le monde votait comme le chef de famille. Ce temps-là, Mesdames et Messieurs, est assez loin derrière nous. J'ai connu -tout comme peut-être quelques uns parmi vous dont l'âge n'est pas encore canonique- le temps où c'était ainsi dans les villages.
Dans le petit village de Bordères au pied des Pyrénées d'où je suis originaire, comme dans le village de Cermorlas (d'où ma mère est originaire, oui, bien sûr, les Bayrou, à Bordères, cela valait dix-sept voix. Lorsque vous vous arrangiez avec le patron de la maison pour les élections municipales, vous aviez dix-sept voix, en réalité seize assurées, car, n'est-ce pas, chez nous, il y avait des femmes et elles étaient indépendantes et elles ne disaient pas toujours pour qui elles votaient.
Avouez que ce temps a bien changé. Pensez à votre table de famille et vous découvrirez alors que, autour de la table, les enfants ne pensent pas toujours comme les parents, les mères de famille ne pensent pas toujours comme les pères de famille. Entre les générations, il existe de sacrées différences et, je vais aller encore plus loin, nous ne sommes pas assurés, chacun d'entre nous, de penser toujours comme nous-mêmes.
Il existe des cas où l'on est naturellement de Droite, du Centre, de Gauche ou Écologiste, mais il est des jours où l'on se demande si les autres n'ont pas aussi en partie raison et même s'il n'arrive pas qu'ils aient plus raison que nous-mêmes.
Ceci, c'est le monde moderne, c'est le monde dans lequel nous sommes entrés. C'est un monde dans lequel nous avons heureusement renoncé au simplisme, c'est un monde dans lequel, la vie n'est heureusement plus en noir et blanc. C'est un monde dans lequel on est bien obligé d'acquérir le sens de la nuance, on est bien obligé, même si l'on est terriblement traditionnel dans sa propre vie, de s'apercevoir que les enfants le sont un peu moins, on est bien obligé de considérer que, dans l'entreprise, tout le monde ne pense pas exactement la même chose et qu'il faut bien, pourtant, la faire avancer.
C'est de ce monde nouveau que nous sommes, car nous avons décidé, nous, une fois pour toutes, qu'il y avait des idées à prendre d'un côté et de l'autre, qu'il y avait des compétences, des expériences et des bonnes volontés d'un côté et de l'autre, que nous ne renoncerions à aucune de ces valeurs, à aucune de ces idées, à aucune de ces compétences, à aucune de ces expériences, que nous allions les conjuguer, conjuguer toutes les forces de la France pour que notre pays, une fois pour toutes, trouve une énergie pour se redresser, une énergie pour se reconstruire et que, cela, nous le devons à nos enfants.
Alors, les appareils politiques sont naturellement en désaccord absolu avec cette espérance. Les appareils politiques ont décidé, comme toujours, que leur réaction serait de verrouiller et donc vous avez entendu François Hollande expliquer avec force démonstration que jamais il n'y aurait de possibilité de faire travailler ensemble des femmes et des hommes venus de bords différents.
On a entendu Jack Lang expliquer que le programme ou le projet de Ségolène Royal et le mien étaient absolument inconciliables. Il a bien de la chance de connaître le projet de Ségolène Royal, parce qu'elle avance une idée tous les jours, la retirant tous les jours, inventant un jour un CPE pour la Gauche et le lendemain la prise en main du drapeau national pour répondre à tous les problèmes économiques et sociaux de la France. En effet, il y a peut-être de l'inconciliable là-dedans, mais je suis obligé de me dire que je me perds en conjecture.
Bref, je sais que tout cela est une attitude, une posture, un verrouillage des appareils, mais je sais aussi que les citoyens français, eux, se fichent des appareils -je suis désolé de le dire à M. Hollande et à M. Lang- comme de l'an 40. Ils sont déterminés, une fois pour toutes, à imposer le changement dont leur pays a besoin et je suis désolé de dire à ces excellences socialistes que ce sont les électeurs qui sont les patrons et qu'ils ont bien l'intention de le montrer.
Nous avons l'intention de le montrer avec eux, car, nous, nous pensons, non pas à l'intérêt du PS ou à celui de l'UMP, mais nous avons, nous, l'intention de penser à l'intérêt général de la France, à l'intérêt de chacune de nos familles, à l'intérêt de chacun de ceux qui souffrent dans notre pays et nous disons, au nom de ceux qui attendent que l'on s'occupe de leur situation, que le temps n'est plus de s'occuper de l'intérêt partisan d'un parti ou de l'autre, mais de regrouper les forces pour que, en matière d'emploi, de logement, d'éducation, de lutte contre l'exclusion, de lutte pour un grand plan écologique, pour tout ce que nous avons à bâtir, nous avons besoin de réponses concrètes et non plus de réponses partisanes.
Je voudrais maintenant aborder chacun des chapitres de l'avenir de notre pays pour vous dire pourquoi et comment je crois que nous pouvons redresser la France, pour peu que, en effet, nous rassemblions les forces et que nous soyons capables de tourner le dos aux clivages d'hier.
Nous avons besoin de faire vivre ensemble des attentes, des valeurs et des exigences qui, autrefois, étaient réputées des valeurs et des exigences de Droite, avec des valeurs et des exigences qui, autrefois, étaient réputées des exigences de Gauche, car la France demande d'abord que l'on veuille bien lui donner du travail. Tous ceux que je rencontre, tous ceux que je croise me disent : " Monsieur Bayrou, on n'a pas besoin de discours, on a besoin de travail. On a besoin que vous fassiez en sorte que, dans notre pays, les emplois se multiplient et non pas qu'ils se raréfient".
Avoir une politique en direction du travail, donc en direction du soutien à l'entreprise, cela impose un certain nombre d'orientations. Je vais vous parler de ces orientations.
Je suis pour que l'on soutienne les créateurs d'entreprise. Voyez-vous, je les mets au même rang que les créateurs de science, les chercheurs et presque au même rang que les créateurs culturels, que les créateurs artistiques. Pour moi, aussi étrange que cela puisse paraître, c'est la même démarche de pensée.
Un pays qui ne s'accommode pas de ce qu'il a et qui, tout d'un coup, décide de déplacer les frontières pour aller chercher plus que ce qu'il avait. Aux créateurs d'entreprise, je suis pour qu'on leur accorde une année sans avoir à acquitter ces charges extrêmement lourdes qui sont celles de l'URSSAF, des différentes caisses auxquelles on vous demande de cotiser avant d'avoir rentré le premier chiffre d'affaires.
Je suis pour que l'on préserve la première année de l'entreprise et que les créateurs soient, ainsi, aidés.
Voilà un créateur d'entreprise qui applaudit, il a bien raison !
La question des créateurs d'entreprise est la suivante : " Comment puis-je aller emprunter à la banque ? Je n'ai pas de relations, je n'ai pas de famille. Comment je vais faire ?"... Je propose que l'on mette en place une caution mutuelle qui permettra à toutes les entreprises françaises de garantir les premiers créateurs d'entreprise, ce qui sera une manière d'éviter de faire la course à tous les parents, tous les cousins, tous les amis, tous les voisins qui, parfois, ne peuvent pas faire face à ce genre d'exigence. Je suis pour aider la création d'entreprise.
Je suis pour aider les petites entreprises, une fois qu'elles ont été créées.
Mes idées ne sont pas très originales, mais ce qui l'est tout de même, c'est de le faire. Les États-unis ont mis en place ce qu'ils appellent le Small business act, c'est-à-dire une loi de protection et de soutien de la petite entreprise, il y a cinquante-quatre ans et, depuis cinquante-quatre ans, cela fonctionne.
Ce Small business act est l'administration qui soutient cette petite et moyenne entreprise. Elle est l'une des plus légères, mais l'une des plus efficaces des États-unis. Le Canada a suivi quelque vingt ans après. Eh bien, je veux que l'on fasse la même chose pour la France.
Loi de protection et de soutien de la petite entreprise qui, pour moi, comporte quatre décisions ou orientations principales.
Première décision ou orientation principale : il faut arrêter d'imposer les mêmes charges de démarches administratives et de contrôle fiscal et social aux très grandes entreprises et aux très petites entreprises, car les très grandes entreprises ont des services qui sont des avocats, des DRH, des services de droit social infiniment plus compétents que les fonctionnaires qu'elles ont en face d'elles, mais quand vous êtes plombier au coin de la rue, c'est votre femme qui fait les papiers et cela devient extrêmement lourd, trop lourd, pour une personne seule d'avoir à assumer ce genre de chose.
Je m'empresse de dire que, pour l'agriculture, c'est la même chose. Il n'est pas possible d'accepter que l'on soit obligé, quand on est un petit agriculteur, d'avoir le tiers de son temps pris par des démarches administratives et des papiers à remplir qui font des liasses absolument impressionnantes au lieu d'être au volant de son tracteur et dans ses champs pour faire avancer les choses.
Deuxièmement : la simplification. La simplification, cela fait tellement longtemps qu'on en parle, et si longtemps qu'on ne l'a pas faite, que je vais prendre une mesure radicale : au lieu de la faire faire par l'administration, je vais la faire faire par les usagers. On va donc mettre en place des commissions d'usagers qui seront autour de la table pour dire : "Excusez-nous, tous les renseignements que vous nous demandez, vous les avez, il n'y a qu'à les mettre sur une banque de données, vous irez les chercher quand vous en aurez besoin et, si vous n'en êtes pas satisfaits, à ce moment-là vous nous saisirez en nous disant qu'il y a des évolutions selon vous, vous nous parlerez gentiment" ! J'y tiens beaucoup.
Cela a l'air idiot ce que je viens de dire, mais je considère que c'est très important. Il faut que l'environnement administratif, fiscal et social de notre pays soit un environnement respectueux et plein de considération à l'égard de ceux qui produisent la richesse qui fait vivre notre pays et, après tout, cela vaut peut-être, pas un coup de chapeau, mais en tout cas que l'on parle avec la considération et le respect nécessaires, et non pas le soupçon perpétuel que l'on fait peser, comme si c'était, en face de soi, des coupables en puissance.
Je voudrais que l'on considère que la présomption d'innocence, cela ne vaut pas seulement pour la justice pénale, cela vaut aussi pour l'environnement administratif, fiscal et social de notre pays à l'égard des contribuables et des citoyens et des entreprises.
Autre considération : je suis persuadé que nous sommes assis sur un gisement d'emplois qui ne demande qu'à être valorisé.
C'est la raison pour laquelle je vais faire une proposition à toutes les entreprises de notre pays, les grandes, les petites, les toutes petites, et même les héroïques, je veux dire celles qui ont zéro salarié -elles sont un million cint cents mille en France- et les entreprises qui ont entre un et neuf salariés seulement sont un million. En tout, cela fait deux millions cinq cents mille entreprises. 95 % des entreprises françaises.
Je vais offrir à toutes les entreprises, quels que soient leur taille et leur secteur d'activité, la possibilité de créer deux emplois sans avoir à payer de charges pendant cinq ans sauf 10 % pour les retraites et, là je vous demande, s'agissant de la vertu de cette orientation, de ne pas me croire sur parole. Ne croyez jamais un homme politique sur parole ! Plus exactement si vous avez un homme politique à croire sur parole, choisissez-moi ! mais vérifiez. Je vous propose d'aller, demain matin, rencontrer le commerçant, l'artisan qui est sur votre passage au coin de votre rue, dans votre village ou dans votre quartier, demandez lui si cela l'intéresse. Moi, jusqu'à maintenant, je n'ai rencontré que des artisans et des commerçants qui m'ont dit : "Monsieur Bayrou, si c'est cela, nous, demain, on embauche parce qu'on a du boulot, simplement ce que l'on n'a pas, c'est la certitude que le rendement de ce salarié permettra d'assumer son salaire."
Si vous prenez les charges pendant cinq ans, nous, nous embauchons et nous allons créer de l'emploi et nous allons faire en sorte que ces centaines de milliers d'emplois bloqués, gelés, tout d'un coup, viennent au jour et que l'on puisse les voir apparaître.
C'est la deuxième disposition de ce Small business act que je vais proposer pour les Français.
Troisième disposition : je vais proposer que l'on réserve à ces petites entreprises une part incompressible des marchés publics en France pour éviter que les gros donneurs d'ordres n'étranglent les sous-traitants. Je vais donc demander qu'il y ait 100 % du marché public lorsqu'il s'agit de moins de cinquante mille euros et 20 % du marché public au-dessus qui soient réservés aux petites entreprises pour que tout le monde, dans notre pays, les petits commerçants et les petits artisans, aient le moyen de respirer sans être écrasé par les géants dont nous savons qu'ils occupent presque l'essentiel des marchés.
Troisième mesure, mesure de justice et mesure indispensable.
Enfin, quatrième mesure, je vais proposer que l'État soit désormais obligé, cela n'a l'air de rien, mais c'est tout de même une petite chose, de respecter les règles qu'il impose aux autres. Je vais proposer que, notamment en matière de délai de paiement -et on peut aller plus loin, je ne sais pas si j'ose aller au bout de cette idée car c'est une idée de grandes conséquences en matière d'intérim, de temps partiel, de CDD-, l'État soit obligé de respecter les règles qu'il impose aux entreprises privées.
C'est tout de même fort de café de considérer que l'État impose à toute entreprise privée, chaque fois qu'elle prend un intérimaire, d'être obligée d'avoir une démarche de respect et parfois d'embauche au bout de deux intérims ou de deux CDD et que, lui-même, considère qu'il est tout à fait normal qu'il ait des intérimaires pendant dix ans, notamment dans l'Éducation nationale dans un certain nombre de banlieues et qu'il peut s'en débarrasser après comme des kleenex.
Là, je trouve que cela ne va pas et que l'on va devoir réfléchir à tout cela.
Alors, s'agissant de cette dernière règle, je vous le dis à l'avance, il faudra un peu de temps parce qu'il y a de lourds passifs dans toutes ces histoires-là. Il y a du stock et on va devoir y réfléchir.
Voilà quatre idées pour soutenir la petite entreprise dans notre pays et faire en sorte de rétablir à peu près l'égalité entre les petites et les grandes entreprises, mais en disant cela, notamment les deux emplois sans charges, je traite évidemment de l'emploi.
Comme vous le savez, depuis des années, les grandes entreprises détruisent de l'emploi et les petites entreprises créent de l'emploi et c'est quelque chose d'absolument notable pour l'avenir de la France. C'est à ce vivier d'entreprises petites et moyennes qu'il faut s'adresser si l'on veut renforcer le tissu économique du pays et créer de l'emploi pour les jeunes qui nous entourent et les plus de cinquante ans qui sont les deux populations les plus martyrisées par le marché de l'emploi, comme il existe aujourd'hui en France.
Voilà une orientation claire pour l'entreprise.
Deuxième orientation claire : si l'on veut faire face à l'immense compétition que la mondialisation induit, il faut savoir qu'il n'y a qu'une seule réponse possible. Elle est très ambitieuse, très difficile, mais je la soumets à votre réflexion : si nous voulons gagner le combat de la mondialisation, il faut que nous ayons les jeunes les mieux formés de la planète.
C'est cela, et pas autre chose.
Si nous avons les jeunes les mieux formés de la planète, nous gagnerons la bataille de la mondialisation, autrement nous la perdrons. Il n'y a donc pas d'échappatoire. Il faut une grande politique de l'Éducation nationale, de la formation des jeunes et de la recherche.
Cette grande politique suppose un certain nombre de déterminations, et je dis que nous avons tous les moyens car, en France, l'éducation est une grande tradition nationale. Il y a eu des décennies et des décennies pendant lesquels le monde entier nous a regardés comme le pays qui était la référence en matière d'éducation. Je veux que nous le redevenions.
La première détermination est la suivante : apporter à l'Éducation nationale le soutien dont elle ne doit pas manquer.
Président de la République, je ne tolérerai pas que l'on fasse de l'Éducation nationale, des femmes et des hommes qui la servent, le bouc émissaire de tous les problèmes de la société française.
Je suis là pour qu'on les soutienne, qu'on les aide, qu'on leur apporte la compréhension nécessaire.
Deuxièmement, il faut des moyens.
Vous savez que je suis, depuis le début de cette campagne, celui qui a mis la dette et le déficit au coeur de la campagne électorale. Nous allons devoir apporter des réponses à ces questions, sinon nous allons aggraver encore l'écrasement que nous avons créé et qui pèsent sur les épaules des jeunes Français qui vont travailler dans les vingt et vingt-cinq ans qui viennent.
Cela veut dire évidemment qu'il va falloir faire des économies en matière de train de vie de l'État. Cela veut dire évidemment qu'il va falloir un pays sobre, un État sobre, dans lequel on fasse des réformes qui rendent à l'État, dans notre pays, l'équilibre dont il n'aurait jamais dû se départir.
Cependant, malgré ce contexte budgétaire difficile, je garantirai les moyens de l'Éducation nationale et de la recherche. Je ferai en sorte que notre système éducatif ait les moyens de faire face aux défis que nous allons maintenant énoncer.
En revanche, ayant le soutien et les moyens, je demanderai que l'on écrive les ambitions de notre pays, qu'elles soient écrites et vérifiées au fur et à mesure que nous les réalisons.
La première des ambitions de notre pays, pour qu'il y ait égalité des chances réelles entre les enfants et entre les familles en France, est de décider qu'il n'y aura plus aucun enfant qui entrera en sixième sans savoir auparavant lire et écrire, car si nous ne sommes pas capables de faire cela, alors cela veut dire non- assistance à personne en danger. Nous les laissons entrer en sixième, mais nous savons pertinemment qu'ils n'ont aucune chance de rattraper le retard qui est le leur en matière de maîtrise de l'écrit et donc, en fait, nous les abandonnons au désarroi le plus absolu.
Quand un petit garçon ou une petite fille n'est pas capable de suivre en classe simplement parce qu'il n'a pas les instruments élémentaires, alors il ne lui reste qu'une seule chose à faire : déstabiliser la classe dans laquelle il se trouve, la cour de récréation dans laquelle il se trouve. Ne cherchez pas plus loin un certain nombre des enfants qui sont en effet, malgré leur jeune âge, des perturbateurs dangereux de tous les établissements de l'Éducation nationale, un de ceux qui font que les parents croient, pensent où savent que leurs enfants ne sont plus en sécurité dans les établissements de l'Éducation nationale.
Je veux que tout le monde apprenne à lire et à écrire et je veux que tous les établissements de France, quel que soit le quartier ou la région dans laquelle ils soient installés, garantissent la sécurité, la discipline et le calme sans lequel il n'y a pas d'étude possible.
Je veux que l'on revienne à la discipline et au calme républicain.
Troisièmement, je veux que, dans tous les établissements, on ait une voie vers l'excellence. Il n'y a aucune raison que l'excellence soit réservée aux établissements huppés de centre-ville, il n'y a aucune raison que l'on ne trouve pas, à Besançon ou à Pau, en banlieue comme dans le monde rural, les mêmes chances de faire des études qui conduisent à un niveau supérieur, à un niveau de réussite que tout le monde saluera. Il n'y a aucune raison que l'on ait plus de chance de réussir dans ses études à Henri IV ou à Louis-le-Grand qu'à Besançon à Pau dans la banlieue ou dans le monde rural.
Cela, c'est l'école républicaine, c'est la valeur que nous avons tous ici expérimentée dans un certain nombre de générations précédentes. Il y a eu une école où l'on considérait que les boursiers de la République était au fond la réserve d'excellence du pays. Tout à l'heure, en centre-ville, un jeune homme m'a interrogé sur les études classiques. Il y a eu un temps où l'on faisait du latin et du grec dans tous les établissements de la République, que ce soit en banlieue ou dans le monde rural profond, il y a eu un temps ou l'on considérait que les options devaient être réparties également sur l'ensemble du territoire national. Il y a eu un temps où l'on considérait qu'on avait le droit d'être très bon, même si l'on était un fils d'ouvrier, un fils de paysan ou un fils de chômeur dans un des établissements de la République. Je veux que l'on retrouve ce temps-là. Je veux que l'on en revienne au temps où la République considérait que tout le monde avait droit, au fond, à courir sa chance et à gagner sa première chance.
Quand on parle d'éducation, comme on est à Besançon, je veux aussi parler d'université. On a un grand problème d'université française. On a un problème de moyens, car l'université est pauvre en France. On a un autre problème : on a vécu pendant très longtemps sur un contrat entre les familles et l'État et ce contrat était celui-ci : c'est le diplôme qui garantit l'emploi.
On a cru, pendant très longtemps, que c'était comme cela que cela fonctionnait et toutes les familles de France ont vécu, et vivent encore pour certaines, avec l'idée que, si les enfants travaillaient bien à l'école, ils auraient une situation meilleure que celle de leurs parents. On a tous vécu avec cela.
Puis une grande partie du désarroi, de la démoralisation française est venue de ce que les parents, spécialement les parents des familles modestes, se sont aperçus que, ce n'est pas parce qu'on avait un bac+3, un bac+4, un bac+5, une licence ou un master que, pour autant, on trouvait un emploi, et ils en sont désespérés.
Il faut traiter cette question les yeux dans les yeux. Il faut dire que, désormais, il faut que l'université française considère qu'elle n'a plus seulement vocation à transmettre des connaissances, plus seulement vocation à faire de la recherche, mais il faut aussi qu'elle s'occupe d'insertion professionnelle des étudiants diplômés, les conduisant vers l'emploi, les formant pour qu'ils puissent trouver une expérience professionnelle au sortir de leur diplôme.
Nouvelle mission pour l'université qui va requérir beaucoup de mobilisation dans toute la société française. Cette rencontre entre l'entreprise et l'université, voilà un immense enjeu de ce que nous avons à faire pour que l'université française redevienne un lieu d'espérance au lieu d'être, pour trop de familles, particulièrement des familles modestes, un lieu de désespérance.
Je veux l'espérance à l'université.
L'économie, l'éducation, je veux un grand plan de lutte contre l'exclusion. Je ne veux plus que l'on soit dans une situation où le nombre des RMIstes gonfle continuellement. Il y avait un million de Rmistes en 2002, il y a un millions quatre cents mille RMIstes en 2007. Vous vous rendez compte ? En cinq ans, on a augmenté de 40 % le nombre des RMIstes dans notre pays.
Pourquoi est-on dans cette situation ?
Pour deux raisons auxquelles je propose de remédier : la première est que, dans notre pays, il y a un certain nombre de personnes, notamment de femmes seules qui se trouvent, en réalité, obligées de rester au RMI car le nombre des allocations que l'on a accumulées et qui sont liées à la situation de minimum social, le nombre d'"avantages", par exemple, exonération des impôts locaux, exonération de la redevance télévision, cantine gratuite pour les enfants, en Île-de-France carte de circulation pour le Rmiste et toute sa famille plus l'allocation logement, plus la CMU, plus un certain nombre d'aides venant de la municipalité, font que, lorsque la jeune femme en question envisage de reprendre un emploi, elle fait ses comptes et s'aperçoit que, si elle reprend l'emploi, elle ne va pas y gagner, elle va y perdre.
Eh bien ceci est une situation sociale qui ne correspond pas à ce que nous devons vouloir pour notre pays.
Nous allons donc reprendre l'ensemble de ce système avec une idée simple : quand on reprend un emploi, on doit y gagner et y gagner nettement de manière que ce soit une gratification et une justification de cette reprise d'emploi et une manière de ne pas être piégé dans les minimums sociaux. Je veux que, dans notre pays, ce soit un accomplissement de retrouver un travail et pas une perte.
Pour les autres, pour ceux qui n'y arrivent pas, alors je veux qu'on les sorte de l'inactivité dans laquelle ils sont enfermés, dans laquelle il s'enferme et dans laquelle les enferme le regard des autres car, sur le même palier, dans la même maison, vous imaginez comme on regarde de travers celui qui ne travaille pas.
On dit qu'il ne se lève pas le matin. Moi, je n'aime pas du tout cette expression. Il y a des meetings dans lesquels on fait siffler ceux qui ne se lèvent pas le matin et applaudir ceux qui se lèvent le matin.
Je veux simplement dire qu'il y a beaucoup de gens qui ne se lèvent pas le matin qui aimeraient pouvoir se lever le matin. Je considère que c'est notre manière de regarder les choses.
Et donc, pour que cette réputation cesse, cette exclusion supplémentaire cesse, je veux que l'on propose à toutes les personnes qui sont dans les minima sociaux une activité utile à la société dans les associations ou dans les collectivités locales pour qu'ils arrondissent leurs fins de mois et qu'en même temps ils retrouvent le sentiment, la justification de leur existence dans une société où ils seront considérés comme positifs et pas comme dans l'assistance.
Ceci est un immense plan qui va requérir la mobilisation de beaucoup de gens, je le dis en particulier aux jeunes retraités pour que l'on puisse encadrer tous ces travaux d'utilité sociale dans lesquels ils vont trouver, je crois, une justification, une manière nouvelle d'être.
Grand, vaste plan : économie, emploi, éducation, lutte contre l'exclusion. Si nous faisons cela pour notre pays, nous aurons, d'une certaine manière, un peu remis d'aplomb ce qui va si mal aujourd'hui.
Cela ne suffit pas parce qu'on a d'autres crises qui arrivent. C'est la première fois dans son histoire que l'humanité découvre qu'elle est menacée dans son existence, même probablement par la croissance immense des activités qu'elle a organisée elle-même, menacée parce qu'elle a brûlé, en quelques dizaines d'années, la totalité ou presque, en tout cas une part substantielle du pétrole, du gaz et du charbon que les millions d'années écoulées avaient accumulés dans les sous-sols de la planète, puis qui se sont retrouvés dans l'atmosphère et qui, aujourd'hui, font l'incroyable réchauffement auquel nous assistons.
Cette lutte contre l'effet de serre, c'est une responsabilité nationale à l'intérieur de nos frontières et c'est plus important encore une responsabilité de la France pour convaincre les autres États que, désormais, c'était une priorité de l'humanité que d'avoir à organiser un plan de résistance contre cette perturbation du climat que nous avons créée nous-mêmes.
J'ai signé le pacte écologique de Nicolas Hulot, je suis content de l'avoir fait et je respecterai les engagements que j'ai pris, mais j'en ajouterai un : je veux -et je dis cela devant Antoine Waechter- que le Président de la République française soit celui qui porte, dans le monde et en Europe -je vais vous dire pourquoi en Europe-, l'impératif d'une responsabilité à l'égard de la crise climatique et de la lutte contre la disparition de la biodiversité à la surface de la planète.
C'est une affaire internationale. Je la porterai comme Président de la République française parce que, vous le mesurez bien, c'est une obligation internationale de la France.
On me fait signe ce que le temps passe ! Je vois des éclairs de haine dans vos regards disant : "Jusqu'à quand il va nous tenir comme cela ?". J'en vois qui regarde leur montre... remarquez, ce n'est pas le pire de regarder sa montre. Le pire, quand on l'a regardée, c'est de l'enlever fébrilement, de la secouer et de la porter à l'oreille pour voir si elle marche encore.
Cela, c'est mauvais signe pour l'orateur ! De ces gestes, je n'en ai vu aucun, mais je fais attention et en particulier parce que nous avons à décoller avant que les créneaux horaires ne nous empêchent de le faire, ce qui m'obligerait à passer la nuit à Besançon, ce qui me serait très agréable, mais compromettrait un tout petit peu les engagements que j'ai demain matin !
Nous aurions beau, par une politique courageuse, de long terme, une politique du durable, une politique d'isolation, une politique de transfert du transport routier vers le rail et vers le fluvial, une politique de recherche des énergies alternatives, une politique de biocarburants, une politique d'éoliens, une politique d'hydroélectricité, une politique de solaire, solaire passif ou solaire photovoltaïque -enfin toutes ces politiques que nous avons à construire si nous voulons que notre pays soit au premier rang de ceux qui recherchent des voies nouvelles dans ce domaine si important de la lutte contre les désordres climatiques- nous aurions beau faire tout cela, même si nous diminuions de moitié, des deux-tiers ou des trois quarts, ce qui est naturellement extrêmement difficile, nos émissions de gaz effet de serre, la composition de notre atmosphère ne varierait pas d'un millième de millième parce que l'air ne reste pas enfermé à l'intérieur des frontières de l'hexagone. Les vents balaient la planète et l'atmosphère, c'est un immense mixeur qui fait que nous respirons tous l'air respiré par les autres et donc tout cela ne peut se faire que si nous réussissons à bâtir une Europe qui s'occupe enfin de l'essentiel au lieu de s'occuper de l'accessoire.
Je veux réconcilier les Français avec l'Europe et l'Europe avec la France et je dis explicitement, tant pis je ne vais pas me faire des amis, mais je vais dire ce que je pense : je pense que l'Europe s'est beaucoup occupée de concurrence ces dernières décennies, elle s'est beaucoup occupée d'échanges commerciaux, beaucoup occupée de nous imposer des règles qui permettent aux produits, aux services de franchir les frontières, je considère que c'était justifié dans la plupart des cas, je dis dans la plupart des cas parce que, honnêtement, il y a un ou deux cas où j'ai trouvé que, franchement, si l'on avait pu s'en passer, cela aurait été aussi bien. Par exemple, je ne vais pas me faire des amis encore ! Je considère que cela n'a pas été un très grand progrès de la civilisation que de passer du "12" au "118 700" et quelque chose pour les renseignements téléphoniques, car je ne sais pas vous, mais en tout cas, moi, je considérais que c'était facile, on savait comment cela marchait et je savais qui j'avais à l'autre bout du fil, tandis que, là, chaque fois je suis obligé de me gratter la tête pour me souvenir du numéro que je veux appeler et je ne sais jamais qui est à l'autre bout du fil, je sais seulement que des centaines d'emplois ont disparu du territoire national pour s'en aller sur des centres d'appels à l'étranger. Je n'ai pas considéré cela comme une victoire de la civilisation.
Permettez-moi de dire au passage, puisque nous nous sommes occupés de maires ruraux et de petits villages cet après-midi, que je considère que c'est la même chose pour la Poste. Je me battrai pour que la Poste conserve des missions de service public, spécialement dans les banlieues et dans les zones rurales défavorisées.
Mais enfin, pour l'essentiel, s'agissant des produits agricoles, agroalimentaires, industriels, c'était bien de faire que les produits puissent trouver un grand marché plutôt qu'un petit marché que donc qu'ils puissent franchir les frontières, mais je considère que la vocation de l'Europe n'est pas de s'occuper principalement de concurrence, je considère que la vocation de l'Europe, c'est de s'occuper de l'essentiel, c'est-à-dire je veux que l'Europe ait une politique de défense pour que nous partageons la charge de la défense et de la sécurité de notre continent.
Je considère qu'il faut que l'Europe ait une action diplomatique parce que nous avons besoin, par exemple au Proche-Orient, d'être pas seulement des payeurs, des signeurs de chèques, mais des acteurs politiques puisque les États-Unis ne peuvent plus, depuis la guerre d'Irak faire face tout seul aux missions de garantie qui sont les leurs.
Je considère que nous devons nous occuper d'énergie, je pense que la question de l'énergie va être la grande question du XXI ème siècle et je veux que l'Europe fasse face à ces obligations en matière d'énergie. Je veux que l'Europe s'occupe de recherche parce que nous avons besoin de grands programmes de recherche pour que notre continent fasse le même effort dans la même direction et avec la même performance que les États-Unis le font.
Nous avons besoin que l'Europe s'occupe de l'essentiel et pas de l'accessoire.
Je veux qu'elle s'occupe de politiques qui valent la peine et pas seulement de ce qui est financier et commercial qui est sans doute important, mais que je ne peux pas considérer comme essentiel.
L'Europe, c'est fait pour défendre notre société, nos civilisations, nos valeurs, elle doit s'occuper des politiques essentielles qui touchent à l'avenir de nos sociétés.
Le premier rang me fait des yeux effrayés en disant : c'est fini, c'est fini, il faut que tu arrêtes !
Je n'arrêterai pas sans dire que, parmi ces politiques essentielles dont il faut que nous nous occupions et que l'Europe s'occupe, il y a le développement des pays les plus pauvres de la planète, spécialement des pays africains.
Je considère que toute polémique sur l'immigration est une polémique vaine tant que l'on ne s'occupe pas de la cause de l'immigration et, la cause de l'immigration, c'est la misère, la cause de l'immigration, c'est qu'il y a des femmes et des hommes qui n'ont plus l'espoir de trouver une vie dans leur pays. Donc je veux que nous nous occupions du développement de l'Afrique pour garantir aux paysans africains qu'ils vont pouvoir nourrir leur continent, aux ouvriers, aux techniciens et aux ingénieurs africains, qu'ils vont pouvoir équiper leur continent comme, après tout, nous l'avons fait après la guerre de 40 avec un Plan Marschall pour l'Europe et la préférence communautaire qui garantissait que l'on pourrait vivre et travailler au pays.
Tout cela, c'est l'Europe et je considère comme de mon devoir de proposer à la France de sortir de la crise dans laquelle nous sommes enlisés qui fait que l'on a voté non au référendum et, selon moi, on a voté non parce qu'on avait un texte illisible, que chacun des citoyens français a reçu sous son enveloppe, qu'il a ouvert, qu'il a commencé à lire avec l'intention d'aller jusqu'au bout et, à la troisième page, il s'est arrêté en disant : Ce n'est pas un texte pour moi, c'est un texte pour les professeurs d'université de droit européen, chère Nathalie, et encore, il y a des professeurs d'université de droit européen qui n'ont pas lu le texte jusqu'au bout, rarement naturellement, mais cela a pu arriver ! Donc, je dis que ce texte était illisible, même pour ceux qui l'on écrit !
Comme les Français sont un grand peuple démocrate, citoyens et républicains, ils ont considéré que, si le texte était illisible, c'est qu'il y avait un loup, un piège et ils ont pensé que le piège était qu'on voulait leur imposer un projet de société qui n'était pas le leur. Ils ont pensé que l'on voulait grosso modo leur imposer le projet de société ultra libérale, anglo-saxon, dont ils redoutent qu'il soit le seul horizon de l'Europe et comme d'autres redoutaient, en même temps, que l'ouverture des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ne pose en même temps des problèmes d'identité pour notre continent, ils ont voté non.
Moi, je suis pour que l'on sorte de cette crise par le haut et, sortir de cette crise par le haut, cela veut dire écrire un texte lisible, court, simple, compréhensible par tous les citoyens, qui traite de la seule question dont il devrait traiter : comment se prennent les décisions en Europe et quels sont les droits des citoyens d'être informés et de peser sur ces décisions. Point à la ligne.
Et, quand ce texte sera écrit -je me suis assuré que des dirigeants européens de premier plan étaient prêts à faire cet effort-, je le soumettrai au référendum des citoyens pour refermer la blessure qui s'est ouverte entre les Français et l'Europe.
Voilà le plan, voilà l'avenir et voilà le projet.
Ce plan, cet avenir et ce projet, il exige que nous tournions la page sur vingt-cinq années d'échec et c'est maintenant que cela va se jouer.
Je vous remercie du fond du coeur d'être venus dans la préparation de ces dates essentielles pour l'avenir de notre pays et d'une certaine manière de l'Europe.
Je vous remercie d'être venus si nombreux à Besançon pour préparer cet événement essentiel du 22 avril et du 6 mai qui va nous permettre, en effet, de changer tous ensemble le destin de la France.
Vive la République et vive la France."Source http://www.bayrou.fr, le 16 avril 2007