Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle de 2007, dans "Sud Ouest" du 16 avril 2007, sur sa conception du renouveau de la vie politique.

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Média : Sud Ouest

Texte intégral

Q- Sud Ouest : Les déclarations de Michel Rocard et de Bernard Kouchner sont-elles de nature à changer la donne ?
R- François Bayrou : Ils se déclarent en faveur d'une majorité nouvelle qui fasse travailler ensemble des gens de camps différents. Voilà ce que je propose aux Français depuis le début de cette campagne avec la certitude que c'est la seule solution pour sortir de la crise. Pendant des semaines, les Français se sont dit « cette idée est intéressante et novatrice, mais est-elle possible. François Bayrou va-t-il trouver des partenaires ? » Aujourd'hui, ils savent que des personnalités compétentes, expérimentées, acceptent cette idée qu'il va falloir travailler ensemble.
Q- S.-O. : Est-ce suffisant ?
R- F. B. : C'est en effet le preuve que cette majorité nouvelle est à portée de la main. A droite, des gens responsables et compétents disent la même chose. Par exemple, François Goulard, l'actuel ministre de la recherche qui m'a reçu hier dans sa ville de Vannes, des personnalités écologistes comme Corinne Lepage ou Antoine Waechter, donc ce rassemblement est désormais crédible.
Q- S.-O. : Ségolène Royal et François Hollande ont pourtant dit non très fermement ?
R- F. B. : L'appareil du PS verrouille autant que l'appareil UMP. Ils veulent empêcher tout dialogue constructif. Ils veulent que tout le pouvoir reste entre leurs mains. Selon eux quiconque n'est pas avec eux est contre eux. C'est une manière archaïque de gouverner ! Songez que jamais depuis vingt ans aucun président de la République n'a réuni les forces politiques du pays pour demander leur avis sur un des grands problèmes que nous avons à régler, comme si chacun pouvait avoir raison tout seul. C'est de cette culture de la division qu'il faut sortir.
Q- S.-O. : La candidate socialiste n'a-t-elle pas besoin de vous quoiqu'il arrive au premier tour ?
R- F. B. : Quel est le seul candidat qui devance Nicolas Sarkozy dans tous les sondages de deuxième tour ? Quel est le seul candidat qui garantisse qu'il va faire bouger les lignes ? C'est parce que je réunis ces deux assurances que pour beaucoup de Français je serai dimanche prochain le vote utile.
Q- S.-O. : Vous êtes le meilleur candidat du « Tout sauf Sarkozy » ?
R- F. B. : Dimanche prochain, le choix sera entre ceux qui veulent que la politique continue comme elle se fait depuis 25 ans, camp contre camp, et ceux qui veulent qu'on se rassemble au lieu de se diviser et c'est moi.
Q- S.-O. : Au sein du PS, des militants se rassemblent pour appeler en votre faveur. Avez-vous des contacts avec eux ?
R- F. B. : Je n'ai pas de contacts parce que je ne fais aucune manoeuvre. Mais je sais qu'il y a des millions de Français qui sont aujourd'hui sur cette ligne. Ils savent que si je suis élu, je respecterai leurs valeurs et qu'ils auront leur place dans la nouvelle majorité. Ils savent aussi, comme l'ont écrit Michel Rocard et Bernard Kouchner que plus rien d'essentiel ne nous sépare parce que le Mur de Berlin est tombé depuis longtemps.
Q- S.-O. : Un accord avant le premier tour est-il possible entre le PS et le Centre ?
R- F. B. : Une élection présidentielle, c'est chaque candidat qui se présente devant les Français avec son projet et sa proposition de majorité. Et c'est à ce moment là que se dessinera le paysage politique que voudront les Français. Ma proposition de majorité, c'est celle qui a été défendue par Michel Rocard et Bernard Kouchner , qu'on puisse dépasser ce vieux clivage pour faire ensemble des choses positives et constructives. Il est indispensable que l'on se regroupe pour faire face à l'incroyable somme de défis que nous avons à affronter.
Q- S.-O. : En fait, l'espace qui vous sépare de Nicolas Sarkozy est beaucoup plus grand?
R- F. B. : Beaucoup de gens à droite s'inquiètent de la manière dont sa candidature se développe et de ce que sa campagne révèle de sa manière de penser aussi bien que de sa personnalité. Vendredi, il est allé à Meaux, la ville de Jean-François Coppé pour rencontrer une centaine de jeunes et il y avait 326 policiers et CRS pour surveiller ! Cela révèle bien la tension qu'il fait monter dans la société française.
Q- S.-O. : Son rapprochement avec le Front National est inquiétant ?
R- F. B. : Pendant des années, les Républicains, à droite, ont refusé tout compromis avec le Front National et Jacques Chirac, en particulier, a été de ceux-là et je l'ai approuvé. Aujourd'hui, on a l'impression que ce verrou est en train de sauter et qu'on cherche des rapprochements. Ce n'est pas l'avis de beaucoup de Républicains de droite, qui ont toujours pensé qu'il ne fallait pas jouer avec ça.
Source http://www.bayrou.fr, le 16 avril 2007