Interview de M. Patrick Ollier, président de l'Assemblée nationale, à Europe 1 le 25 avril 2007, sur d'éventuels accords électoraux pour le deuxième tour de l'élection présidentielle et pour les élections législatives.

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Média : Europe 1

Texte intégral

J.P. Elkabbach : On va écouter P. Ollier, qui peut être imprécateur, mais qui a écouté sagement D. Strauss-Kahn. Est-ce que vous voyez plus clair avec la nouvelle stratégie de S. Royal maintenant ?
 
[...]
 
P. Ollier.- J'ai beaucoup de respect pour D. Strauss-Kahn mais je me demande dans quel chaudron il est tombé ? On va en parler cinq minutes. Quelle est votre question monsieur Elkabbach ?
 
J.P. Elkabbach : J'ai dit, est-ce que vous voyez plus clair dans la nouvelle stratégie ?
 
R.- Je suis consterné par ce que je viens d'entendre. On parle de négociation d'appareil, "donne-moi tes voix, je te donne des ministres", on parle de "convergence", on ne parle pas de différence...
 
J.P. Elkabbach : Oui, mais votre candidat, il ne négocie pas, mais il offre déjà des ministres UDF et il offre un parti au centre.
 
R.- Il y a quand même une énorme différence entre N. Sarkozy qui propose cette majorité de changement qui a crée, une vraie dynamique, qui a retrouvé l'électorat populaire dans cette dynamique-là, qui propose à nos amis du centre, qui ont toujours effectivement gouverné avec nous - monsieur Bayrou était membre du gouvernement en même temps que N. Sarkozy et d'autres - il leur propose simplement de continuer le chemin ensemble pour mieux changer. Je crois qu'on est dans une logique... - D'ailleurs demandez à monsieur Albertini qui a conçu lui-même le projet de monsieur Bayrou, député-maire de Rouen qui, hier soir, a dit qu'il allait voter N. Sarkozy, il vous répondra. Ce qui m'étonne du côté du Parti socialiste, c'est qu'on ne pense pas aux électeurs. Moi, j'avais envie de poser la question et un journaliste l'a un peu posée : qu'est-ce qu'on fait des près des 4 millions d'électrices et d'électeurs qui ont voté Besancenot, qui ont voté Laguiller, qui ont voté Buffet, qui ont voté Bové, qui ont voté Voynet et qui veulent un changement, entre guillemets, "révolutionnaire" de la société ? Ils n'ont pas voté pour que monsieur Bayrou soit ministre de madame Royal, je ne le crois pas. Et les électeurs centristes n'ont pas voté pour demain retrouver dans la même urne, leur bulletin à côté de ces près de 4 millions d'électeurs de l'extrême gauche. On fait comme si ça n'existait pas...
 
J.P. Elkabbach : Mais vous ne croyez pas qu'on est en train de vivre peut-être un tournant historique et qu'il y a une recomposition des forces politiques à partir des résultats du premier tour, et puis de cette extraordinaire campagne ?
 
R.- Mais N. Sarkozy l'a dit et la revendique, cette recomposition. Au deuxième tour, il y a deux projets de société - nous, nous adressons aux Françaises et aux Français - : N. Sarkozy veut construire un projet de société pour les Français, il ne veut pas négocier avec un appareil pour des postes ministériels. Cet appel que nous faisons aux Français se porte à travers un projet cohérent. N. Sarkozy l'a dit, on ne changera pas le projet, on peut éventuellement l'améliorer sur des points précis. Nos amis centristes, par exemple, sur les institutions - je suis président de l'Assemblée nationale, je sais de quoi je parle - souhaitent plus de contrôle du Gouvernement - ça tombe bien moi aussi - par le Parlement, etc. Voilà des choses que l'on peut faire sur l'Etat impartial sur lequel on s'engage. Mais le fond du projet...
 
J.P. Elkabbach : Depuis R. Barre, on le répète, "l'Etat impartial, l'Etat impartial"... Et F. Mitterrand avait récupéré en 88, l'idée de l'Etat impartial. Est-ce que je peux vous poser une question ? Hier au meeting de S. Royal, on a entendu D. Cohn-Bendit dire, interpeller F. Bayrou, lui dire : « François, tu as soutenu Prodi contre Berlusconi, avec la gauche italienne, le pouvoir de l'argent des médias soutient Sarkozy. Donc tu dois soutenir Ségolène contre Sarkozy. » La comparaison Berlusconi/Sarkozy, qu'est-ce que vous en pensez vous ?
 
R.- [Rires]. Je la réfute en rigolant, parce que quand on sait qui l'a dit, D. Cohn-Bendit, qui était sur les barricades, vous, vous en souvenez en 68 et qui n'a pas changé depuis. Bien ! Je respecte aussi sa position, ce n'est pas le problème. Le problème est que vous parlez des puissances d'argent. Mais on nous fait rire avec les puissances d'argent, qui a dénoncé les parachutes dorés ? Qui a dit qu'il allait dans la loi...
 
J.P. Elkabbach : Qui les a laissé faire ?
 
R.- Qui a dit, dans la loi, qu'il allait changer les choses ? C'est N. Sarkozy. Le premier mois, présidant de la Commission des Affaires Economiques, j'ai engagé le combat, souvenez-vous, avec monsieur Forgeard. Nous avons des idées précises, il y a des choses choquantes auxquelles il faut mettre un terme. Mais monsieur Elkabbach, le problème n'est pas là, le problème c'est quel projet pour la France ? Est-ce que madame Royal va dire à son électorat, qu'elle est en train de tromper en ce moment, qui est le dindon de la farce dans cet aménagement de partis ou d'appareils qu'on est en train de construire, monsieur Bayrou, madame Royal ? Qui est le dindon de la farce ? Je pose la question aux électeurs socialistes mais aussi aux électeurs centristes.
 
J.P. Elkabbach : Heureusement que ce n'est pas à nous. Chaque jour...
 
R.- Vous pouvez me répondre, monsieur Elkabbach.
 
J.P. Elkabbach : Je ne veux pas me substituer à madame S. Royal et ses porteparole. Chaque jour, la question d'un journaliste d'Europe 1, F. Namias.
 
F. Namias : Monsieur Ollier, N. Sarkozy, paraît-il, souhaite constituer un pôle centriste aux côtés de l'UMP. La finalité c'est quoi ? C'est qu'il n'y ait plus ou presque plus de député UDF dans l'Assemblée que vous présidez ?
 
R.- Tout à l'heure, vous avez entendu parler par monsieur Strauss-Kahn convergences entre les uns et les autres. Parlons des convergences. Effectivement, ces convergences peuvent permettre...
 
J.P. Elkabbach : Avec qui ? ...
 
R.- Au sein de la majorité diverse, qui va se constituer autour de N. Sarkozy - oui, au passage, monsieur Strauss-Kahn n'a pas parlé des divergences, parce que si avec monsieur Bayrou, par exemple, ils mettent sur la table un certain nombre de sujets, les 35 heures, d'autres, l'immigration etc. on verra qu'ils ne sont pas d'accord. Parlons de la question que vous posez. Cette majorité diverse, N. Sarkozy l'appelle de tous ses voeux. Qu'est-ce qu'il dit aux électeurs centristes ? Il leur dit « je ne vous demande pas de changer de parti, je ne vous demande pas d'abandonner l'UDF, je respecte l'UDF, nous le disons aussi. » Quand j'étais à Brioude, à un meeting, le président du Conseil Général, monsieur Roger est venu dire : « Je suis UDF et je vote Sarkozy », j'ai pris la parole, je ne lui ai pas demandé de démissionner de l'UDF. Donc N. Sarkozy dit que cette majorité plurielle doit avoir un pôle centriste...
 
J.P. Elkabbach : Vous qu'est-ce que vous dites P. Ollier ? Parce que depuis tout à l'heure, vous nous dites "N. Sarkozy, N. Sarkozy", mais vous, qu'est-ce que vous dites ? Par exemple, ce matin, on a entendu D. Strauss-Kahn ; cet après-midi, on entendra la position de F. Bayrou. D'après les premières confidences de ses proches, qui sont peut-être un peu trop bavards, F. Bayrou laissera la liberté de vote. C'est-à-dire qu'il ne choisira pas, chaque électeur ira et se prononcera en fonction de sa conscience et de son intérêt. Et lui, il pense qu'il serait fidèle et à ses promesses et à ses convictions, qui rejetaient les deux finalistes du système. S'il fait ça, qu'est-ce que vous répondrez ? Ce qui est probable d'ailleurs.
 
R.- Je trouve dommage que dans un débat démocratique, dans un choix de société aussi important pour l'avenir, celui ou ceux qui affirment des convictions, lorsqu'il s'agit de choisir entre deux projets fondamentalement différents, le projet socialiste d'un côté et le projet de N. Sarkozy de l'autre, refusent le choix. Je le regrette profondément car c'est à ce moment-là qu'il faut choisir. Moi, je suis gaulliste, j'ai fait un choix, c'est clair, de m'inscrire derrière N. Sarkozy, avec M. Alliot-Marie et bien d'autres parlementaires et responsables de notre ancienne sensibilité. Nous sommes parfaitement à l'aise. Nos amis centristes aussi, qui ont été au Gouvernement avec nous, pendant des années, sont à l'aise avec nous. Nous, on les appelle à rester dans cette maison, dont vous parliez tout à l'heure, parce que c'est de cette maison-là qu'on peut construire le plus facilement tous ensemble. Et c'est N. Sarkozy qui le porte...
 
J.-P. Elkabbach : Mais à force de perdre, F. Bayrou et les centristes sont en train de gagner.
 
F. Namias : Dans ce système, on voudrait savoir à quoi ressemblerait la prochaine Assemblée ? Comment seraient répartis les députés ? Il y aurait toujours des députés UDF, des députés UMP ?
 
J.P. Elkabbach : Parce que vous les menacez de représailles et ils vous répondent « nous aussi, on va mettre des candidats dans 577 circonscriptions et vous allez voir ce que vous allez voir ? »
 
R.- Non, monsieur Elkabbach, remettons les choses en ordre s'il vous plaît. L'UDF a déjà annoncé, il y a plusieurs mois, qu'il y aurait des candidats dans toutes les circonscriptions. Moi-même dans ma circonscription, j'ai déjà depuis plusieurs mois, un candidat UDF qui s'est annoncé. Donc ceci a déjà été fait depuis longtemps. En revanche, l'UMP n'a pas voulu mettre de candidat contre les candidats de l'UDF, parce que nous avons pensé que ceux-ci, qui ont toujours été avec nous, devaient pouvoir se trouver à l'aise dans la nouvelle majorité. Jusqu'au dernier moment...
 
J.P. Elkabbach : Même ceux qui ne soutiendront pas N. Sarkozy ?
 
R.- Attendez, je termine, jusqu'au dernier moment nous resterons fidèles à cette conception des choses. C'est-à-dire que nous ne mettrons pas candidats contre ceux qui s'engagent avec nous, pour le changement derrière Sarkozy. Si d'aventure, certains font le choix du Parti socialiste, on en tirera les conséquences c'est bien évident.
 
J.P. Elkabbach : C'est-à-dire la raclée si c'est possible ?
 
R.- Ça c'est les électeurs qui décident monsieur Elkabbach. Nous sommes à un moment de choix, il faut que les électeurs aient une lisibilité, il faut que les électeurs sachent s'ils votent pour l'un, ils votent pour tel projet de société. S'ils votent pour l'autre, il y a un autre projet de société. Il ne faut pas essayer de masquer la position des uns et des autres à travers des aménagements d'appareils et d'états-majors. Ce que madame Royal ou monsieur Bayrou donnent l'impression de faire. Voilà ce que je dis. Et N. Sarkozy, qui a déclenché un grand mouvement populaire autour de lui, sera en mesure de gagner l'élection, le 6 mai, j'en suis convaincu.
 
J.P. Elkabbach : Mais qu'est-ce que ça vous fait de sentir qu'il peut y avoir en France, un accord entre les socialistes et les centristes ? Même contrairement à ce qu'on avait entendu jusqu'au 1er tour ? Qu'est-ce que ça vous fait, vous, gaulliste, vous UMP ?
 
R.- Je viens de vous dire ce que ça me fait, ce sont des négociations d'appareils...
 
J.P. Elkabbach : Au-delà de ça ? ...
 
R.- En vue de conquérir une majorité. Moi, personnellement, ça me choque. Ça me choque dès lors que les projets ne sont pas les mêmes, dès lors que les aspirations ne sont pas les mêmes et que les finalités ne sont pas les mêmes. Une fois de plus, je repense aux électeurs de monsieur Besancenot qui vont voter pour S. Royal...
 
J.P. Elkabbach : Les centristes, ils sont à vous, dans votre poche, mais pas dans la poche de S. Royal.
 
R.- Non, les centristes ont toujours été les alliés de la droite et du centre, puisque nous sommes la droite et le centre. Le RPR a parfaitement bien travaillé avec eux. Ils étaient nombreux dans notre Gouvernement, il y a même eu un Premier ministre centriste monsieur Barre. Bref, nous n'avons aucun problème d'éthique ou de société avec nos amis centristes. Le fait qu'ils aillent chez les socialistes serait effectivement une sorte de trahison de leur électorat. C'est ça que l'on dit.
 
J.P. Elkabbach : Oh ! la, oh la ! Des traites. Les indications des instituts sérieux de sondage constatent un certain resserrement entre les deux finalistes. Vous avez un peu peur ou pas ?
 
R.- Vous savez c'est logique, que ces instituts de sondage réagissent comme ils le font. Souvenez-vous avant le premier tour, qui aurait pu penser que N. Sarkozy allait faire 31 % au premier tour, n'est-ce pas ? Moi, je suis assez satisfait d'ailleurs de ce qui se passe. Pourquoi ? Parce que ça va garder notre électorat mobilisé. Pour gagner, il faut qu'on soit mobilisé. Quand on sait qu'il y a un point près dans les sondages, que la victoire...
 
J.P. Elkabbach : La peur, ça fait resserrer les rangs de chaque...
 
R.- Ce n'est pas la peur, mais ce sont les frissons effectivement qui précèdent la victoire. Nos électeurs seront encore plus mobilisés, ça assurera notre victoire le 6 mai, je l'espère.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 25 avril 2007.