Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle, à Europe 1 le 17 avril 2007, sur son souhait de faire sortir les Français du "système politique bloqué" depuis 25 ans et sur sa certitude d'être présent au deuxième tour.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q- J.-P. Elkabbach : F. Bayrou, bonjour. Merci d'être là, merci de participer aux « Matinales d'Europe 1 » qui sont, comme vous le savez, diffusées en son, en images, sur le site remarqué d'europe1.fr. On vous regarde, mais d'abord on vous écoute. Vous reconnaissez à mes côtés pour vous interroger, H. Fontanaud, A. de Tarlé et C. Nay.
Q- C. Nay : Oui, monsieur Bayrou, S. Royal se réfère à F. Mitterrand ; N. Sarkozy à de Gaulle et Jean-Paul II. Et vous, qui vous inspire ?
R- Voilà une question pour commencer...
Q- J.-P. Elkabbach : C'est bien, ça commence par un éclat de rire.
R- Oui. C'est l'avenir qui m'inspire plus que le passé, à dire vrai. Mais, si je dois me situer dans une lignée, c'est la lignée de ceux qui ont été des résistants, résistants à la violence, résistants à l'ordre établi, résistants aux archaïsmes du passé...
Q- J.-P. Elkabbach : ... de Gaulle aussi.
R- ... de Gaulle, Churchill, Gandhi. J'ai une particulière affection pour Gandhi.
Q- J.-P. Elkabbach : Ce matin, qu'est-ce qui vous fait prévoir, F. Bayrou, que le prochain président de la République sera F. Bayrou ?
R- Les Français ont besoin de sortir du système politique bloqué dans lequel ils vivent depuis 25 ans et les Français ont besoin d'imposer un système politique nouveau.
Q- J.-P. Elkabbach : Ca, vous le disiez au début de la campagne, alors justement !
R- Je suis le seul qui peut devancer N. Sarkozy au deuxième tour, et je suis le seul qui peut faire bouger les lignes, c'est-à-dire composer une majorité nouvelle pour la France qui permettra de travailler ensemble à des gens qui viennent d'horizons différents.
Q- J.-P. Elkabbach : Et aujourd'hui, au moment de la campagne, vous sentez que ça peut être vous ?
R- Non seulement je sens mais je vois tous les jours, c'est une... on était 9.000 personnes hier soir, à Lyon, au Palais des sports de Lyon, un lundi soir à 19 heures, jour de rentrée, et vous voyez que cet élan ou ce soutien du peuple - du peuple, c'est-à-dire pas seulement du monde de ceux qui sont habitués à la politique, mais de ceux qui ne parlent jamais politique, de ceux qui chez eux, dans leur famille, vivent les difficultés du temps - c'est ce soutien-là qui me porte et c'est ce soutien là
qui s'exprimera le 22 avril.
Q- C. Nay : Donc, le vote utile dimanche, c'est F. Bayrou ou S. Royal ?
R- Le vote utile c'est évidemment le seul qui puisse gagner au deuxième tour, et le vote utile c'est le seul qui puisse faire bouger les choses en France. Il y a, vous le savez bien, un mur de Berlin, une espèce de frontière qui est une frontière d'un autre temps, qui sépare des gens de gauche et des gens de droite qui en réalité ont les mêmes convictions et sont prêts à travailler ensemble à la modernisation de la France.
Q- J.-P. Elkabbach : On va voir comment, si vous voulez bien. Donc, vous prévoyez un deuxième tour sans candidat socialiste. Cela veut dire un 22 avril comme le 21 avril 2002 est possible aujourd'hui pour la gauche ?
R- C'est drôle, parce qu'il se trouve que le deuxième tour oppose deux candidats, et deux seuls, c'est la règle de la Vème République. Cette règle, elle fait que forcément sur les trois qui peuvent être élus à la présidence de la République, il n'y en aura que deux au deuxième tour. Convenez qu'il est dans mon rôle de vouloir être l'un de ces deux, autrement je n'aurais pas été candidat à l'élection présidentielle.
Q- J.-P. Elkabbach : Tout à fait !
R- Serais-je opposé à N. Sarkozy ou à S. Royal ? Je n'en sais rien, on le verra, c'est les électeurs qui en décideront, mais il faut arrêter de faire peser sur les électeurs la culpabilité de leur choix. Excusez-moi de vous le dire, les électeurs sont libres.
Q- J.-P. Elkabbach : Ben oui !
R- Ils choisissent qui ils veulent.
Q- J.-P. Elkabbach : Et ils ne retiennent même pas les sondages.
R- Et ils choisissent qui ils veulent, et ils annoncent... c'est drôle, parce que j'aie vu ce matin un sondage qui est assez rigolo, assez intéressant, ce sondage il dit, on demande aux électeurs français s'il va y avoir une surprise, et ils sont 85 % à dire « Oui, il va y avoir une surprise à l'élection présidentielle », parce que ça, cette surprise, c'est un peu de leur pouvoir à eux, un peu de leur souveraineté de citoyens.
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, mais est-ce que ça veut dire que quand vous lisez ce sondage rigolo qui dit « une surprise », vous dites la surprise c'est moi, Bayrou ?
R- Ah, je pense que je peux être la surprise, oui, en effet, mais peut-être ça n'est pas la seule, il peut en avoir d'autres.
Q- H. Fontanaud : Qu'est-ce qui vous paraît le plus important aujourd'hui : écarter S. Royal ou N. Sarkozy ?
R- Il faut pour être élu que je batte l'un au premier tour, et l'autre au second, ou l'une autre premier tour et l'autre au second, c'est la règle du jeu de cette élection qui se présente un peu comme une compétition avec des demi-finales et une finale. Il faut être en finale pour gagner.
Q- A. de Tarlé : Et pour le pays, selon vous, monsieur Bayrou, qui est le plus dangereux, c'est N. Sarkozy ou S. Royal ?
R- L'un et l'autre portent une forme de danger. N. Sarkozy, c'est une société très dure, très violente, dans laquelle il y a ceux qui ont la chance d'être nés du bon côté et ceux qui n'ont pas cette chance, par exemple quand il dit : « on va permettre la transmission des fortunes et des patrimoines sans qu'il y ait de prélèvements au passage », vous voyez bien qu'au fil des générations, vous accumulez ainsi de l'argent pour que les uns aient tout et les autres ils se transmettent ce qu'ils peuvent, c'est-à-dire pas grand-chose. Et c'est aussi une société, je vais le dire avec prudence, dans laquelle la naissance - ce qui est joué avant de naître - est considérée comme le plus important, et cette idée-là, cette idée que tout est joué avant de naître et que par exemple on va pouvoir très tôt dans la vie, à 2 ou 3 ans, repérer les futurs délinquants, cette société-là c'est une société qui ne retrouve pas les valeurs autour desquelles la France et la République se sont formées.
Q- J.-P. Elkabbach : Cela vous semble l'addition de dangers d'un côté. L'autre côté, sans caricaturer ?
R- De l'autre côté, vous voyez bien, S. Royal c'est une série de propositions sans beaucoup de suite, sans cohérence entre elles, d'ailleurs très souvent avancées, puis retirées. Mais ce qu'on retient au bout du compte quand on lit attentivement, ce que j'ai fait, ce qu'elle ou ses équipes ont dit, c'est que devant tous les problèmes c'est retour et recours à l'État, depuis la petite enfance, jusqu'à l'orientation des jeunes, jusque à la caution, je ne sais quoi, partout création de nouveaux services publics. Or, il se trouve que notre État a tellement de choses à faire, et tellement de difficultés à les faire, que chaque fois qu'on fait miroiter aux citoyens que c'est l'État qui va leur permettre de résoudre leurs problèmes, eh bien on leur raconte des histoires parce que cet État est épuisé.
Q- J.-P. Elkabbach : Mais vous n'allez pas jusqu'au bout du libéralisme. Comme disait hier L. Parisot, dans Les Echos, aucun des candidats n'accepte vraiment d'aller jusqu'au bout de sa logique et d'aller jusqu'au libéralisme.
R- Ecoutez, même si la présidente du Medef considère que je ne suis pas assez libéral, j'assume ma vision. Il se trouve que je pense que l'économie de liberté c'est bon mais que cette économie de liberté doit être régulée. Par exemple, les scandales à la tête des grandes entreprises qui font que se distribuent ainsi des millions d'euros sans contrôle, sans que les salariés soient informés, eux qui par ailleurs paient l'addition lorsque les difficultés se présentent, sans que les petits actionnaires soient informés, eh bien en effet je trouve que ça ne va pas et qu'il faut une loi de moralisation de la vie économique de manière qu'une vraie transparence soit établie. Alors, je ne sais pas si ceci est du libéralisme ou au contraire une contrainte sur le libéralisme, mais je suis certain que c'est nécessaire parce que l'image des entreprises en souffre, y compris les petites entreprises qui se trouvent frappées par quelque chose à quoi elles sont totalement étrangères.
Q- A. de Tarlé : Justement, sur les grands patrons, L. Parisot était très choquée par votre déclaration, vous l'avez dit : « Il faut que quand un grand patron est mis en examen il
démissionne ».
R- Non, ça serait stupide.
Q- A. de Tarlé : Alors, ça veut dire qu'en France tout le monde à la présomption d'innocence, sauf les grands patrons ?
R- Ca serait stupide. C'est une déclaration ou bien que j'ai mal faite ou bien qui a été mal interprétée.
Q- J.-P. Elkabbach : Eh bien, c'est l'occasion de la corriger !
R- La présomption d'innocence existe. J'ai été interrogé sur un cas particulier d'accusation d'utilisation de corruption à la tête d'une entreprise et j'ai fait une réponse qui en tout cas ne signifiait pas que la présomption d'innocence disparaîtrait parce que ça voudrait dire que n'importe qui faisant inculper un chef d'entreprise obtient sa tête, ça n'aurait pas de sens et voilà une occasion d'avoir à préciser cette réflexion.
Q- J.-P. Elkabbach : F. Bayrou, vous avez dit tout à l'heure, et vous l'aviez dit il y a quelques jours : « Les murs de Berlin sont en train de se fissurer », et vous ajoutez : « Cette alliance possible avec les socialistes n'aura pas lieu au premier tour », c'est évident. Donc, vous dites qu'elle aura lieu pour le deuxième tour ?
R- Vous n'avez, je crois, pas retenu ce que j'ai dit en débutant cette émission, mais je veux le redire : les problèmes de la France exigent qu'on sorte de la guerre d'un camp contre l'autre. Les problèmes de la France exigent qu'on soit capable de se rassembler au lieu de se diviser. Ceci n'est pas autre chose que le message que des hommes aussi éminents que de Gaulle ou Mendès-France ont porté dans la vie politique française. Je vous dis, monsieur Elkabbach, la situation est pire qu'elle n'était en 58 : le pays est plus délité, le pays est plus divisé et plus inquiet. Ce que nous avons à bâtir en matière de croissance, en matière de recherche, en matière d'éducation, en matière de banlieues, en matière de lutte contre l'exclusion, tout cela exige une réponse exceptionnelle comme il n'y en a pas eu depuis longtemps.
Q- J.-P. Elkabbach : Mais pour ça, il faut un accord de tous et en même temps de tous ceux qui sont concernés. Vous dites : il y a un accord, quelle forme d'accord ?
Q- H. Fontanaud : Ca pourrait être une alliance, un contrat entre les principaux partis qui seraient appelés - dont certains membres pourraient être appelés - au sein de...
Q- J.-P. Elkabbach : ... et au-delà des partis, des électeurs.
R- Vous avez parfaitement raison, il faudra un contrat de législature, c'est-à-dire sur les grands axes que les Français auront choisis en m'élisant, en choisissant le président de la République, sur ces grands axes-là, je tendrai la main à droite et à gauche pour que des responsables politiques conscients de ce que nous sommes en train de vivre et du grand changement que les Français auront choisi, pour que ces responsables politiques-là acceptent de travailler ensemble. Et, il y a un moyen de les obliger ou d'être assuré qu'ils vont le faire, c'est que cinq semaines après l'élection présidentielle, il y a les élections législatives. Et donc, le peuple qui choisit un Président le 6 mai, il a le 10 juin la possibilité ou la certitude qu'il va pouvoir contraindre à ce choix. Ceux qui diront oui, ils entreront pour les citoyens, dans le cercle de ceux qui peuvent être élus ; ceux qui diront non, les citoyens les écarteront.
Q- J.-P. Elkabbach : Pour clarifier, ça veut dire, F. Bayrou, que c'est après le 10
juin qu'il y aura cet appel mais pas entre les deux tours.
R- Non, non, non, cet appel...
Q- J.-P. Elkabbach : ... pour faire la majorité et pour gagner, est-ce qu'il faut que ce soit avant le deuxième tour, si vous êtes en tête ?
R- Avant le deuxième tour, il y a forcément une majorité nouvelle qui se crée. Il faut voir ce qu'est l'élection présidentielle : chaque candidat se présente avec son projet et son idée de majorité. N. Sarkozy, c'est une idée de majorité à droite, très à droite. S. Royal, c'est une idée de majorité à gauche. Et je suis le seul à porter un projet de majorité pour faire travailler ensemble des gens venant de bords différents, une grande majorité centrale capable de réunir des gens qui viennent de la gauche ouverte - il y en a beaucoup qui se sont exprimés -, et des gens qui viennent de la droite républicaine et qui sont capables de se mettre d'accord sur un projet de redressement du pays.
Q- C. Nay : Donc, il vous faudra une majorité après les législatives sous un sigle
qui sera le vôtre.
R- Oui !
Q- J.-P. Elkabbach : Et avec qui ? ça c'est l'hypothèse où vous êtes en tête, et on marque une pause et on va voir l'autre hypothèse où vous n'êtes pas en tête...
[Pause]
Q- J.-P. Elkabbach : ...Contrat de législature, avez-vous dit, F. Bayrou, c'est vous qui êtes notre invité. Vous nous avez dit, et c'est un élément nouveau, vous l'annoncez maintenant, vous le négociez ou vous le discutez quand : avant le deuxième tour pour voir la chronologie, pour clarifier les choses ?
R- On discute un contrat de législature lorsqu'il s'agit de former un gouvernement et on forme le Gouvernement dans les huit jours qui suivent l'élection présidentielle. Le peuple français choisit entre les deux tours, on voit bien qu'entre les deux tours, un certain nombre de personnalités se prononcent pour celui qui va être élu. Il est élu. Il y a à ce moment-là un moment très fort dans lequel le nouveau président de la République prépare la formation du Gouvernement qui intervient à peu près une semaine après. C'est à ce moment-là qu'on discute de qui va accepter de participer au nouveau Gouvernement. Et généralement, pour participer à un Gouvernement, la question c'est pas qui trouver, mais comment choisir dans le nombre de ceux qui veulent y participer.
Q- J.-P. Elkabbach : Vous voulez dire qu'à ce moment-là la soupe est bonne et......
R- Oh non, je n'emploie pas d'expression comme celle-là.
Q- H. Fontanaud : On voit bien le débat qui a cours en ce moment au Parti socialiste. On a vu M. Rocard, B. Kouchner d'un côté, qui appellent de leurs voeux cette nouvelle union, mais il y a aussi des gens comme L. Jospin, hier, qui parle de "mystification" et qui dit que vous avez toujours été à droite et que vous resterez à droite. Qu'est-ce que vous répondez, mais y compris aux électeurs de gauche qui sont peut-être tentés par votre démarche mais qui hésitent encore, peut-être parce qu'il n'y a pas eu assez de clarification ?
R- Les électeurs de gauche savent avec certitude que ce que je propose est nouveau pour la France et que je porte des valeurs et un combat dans lequel beaucoup d'entre eux se reconnaissent. Alors, il reste, évidemment, la gauche la plus fermée, la plus archaïque, pour l'instant. L. Jospin s'est exprimé sur ce thème, L. Fabius aussi, qui disent : « jamais, jamais, jamais, il faut que la gauche reste la gauche et que la droite reste la droite et que jamais elles ne rencontrent », pour parodier le grand poète Kipling. Et, il se trouve que "jamais", dire "jamais", ça ne leur appartient pas. Ils ne sont pas aperçus que ça n'est pas à eux de dire jamais, que c'est au peuple français. Et que le peuple français a besoin aujourd'hui qu'on fasse bouger les lignes et qu'on lui propose autre chose que ce perpétuel affrontement qu'il connaît depuis 25 ans. Vous croyez que c'est encourageant pour les Français de penser qu'ils vont repartir avec le PS comme il l'est, ou l'UMP comme elle est, pendant peut-être dix ans encore ?
Q- J.-P. Elkabbach : Donc, F. Bayrou, il y a une recomposition des partis qui est en cours, qui est en train d'être en route en 2007.
R- Il y a une rénovation de la politique qui est en cours et qui est nécessaire et cette rénovation elle ne peut être imposée que par les Français, par les citoyens français qui vont secouer tout ça en disant : écoutez, excusez-nous, votre obsession de la gauche et votre obsession de la droite c'est peut-être très bien pour vous, mais c'est très mal pour nous, les Français, parce que tant que vous passez votre temps à cette dispute perpétuelle, vous ne vous occupez pas de nous.
Q- J.-P. Elkabbach : Alors, dépassons les choses et allons voir le fond.
R- Vous n'avez réglé aucun des problèmes qui se pose à nos familles.
Q- J.-P. Elkabbach : Si l'hypothèse S. Royal est en tête, C. Nay.
Q- C. Nay : Ben oui, si elle est en tête, est-ce que vous voyez en faiseur de reine ?
R- Si S. Royal est en tête et si je suis contre elle au deuxième tour de l'élection présidentielle, je proposerai la même idée, car au fond il y a un point commun...
Q- J.-P. Elkabbach : ... oui, mais si ce n'est pas elle ? Soyons réaliste, si ce n'est pas elle ? Elle peut être là, elle peut ne pas être là.
R- Il y a un point commun entre N. Sarkozy et S. Royal, c'est que eux deux veulent défendre le système qui est en place depuis 25 ans, ils sont tous les deux candidats pour que le système ne change pas. Et je suis candidat pour qu'il change.
Q- H. Fontanaud : Mais si les électeurs leur donne raison, si au deuxième tour, vous n'êtes pas là, et ils sont l'un contre l'autre ?
R- Il se trouve que je suis engagé dans cette élection pour gagner, pas pour examiner l'hypothèse où je ne gagnerais pas. Cette élection, vous voyez bien, elle porte en elle quelque chose de très important, elle porte en elle le besoin d'une surprise qui bousculera la manière traditionnelle de faire de la politique. Les électeurs ont essayé cette surprise en 2002 avec J.-M. Le Pen, avec l'extrême droite, et en votant Le Pen, en fait, ils ont renforcé le système en place, ils lui ont donné tous les pouvoirs pendant cinq ans.
Q- J.-P. Elkabbach : Ca on l'a bien analysé, donc la surprise c'est vous, mais si c'est la surprise pour F. Bayrou, c'est qu'il ne soit pas là. Si vous n'êtes pas là, ça serait une surprise à vos yeux. On est obligé de voir des hypothèses.
R- Oui mais vous êtes obligé de voir, mais moi en tout cas je suis engagé pour ne pas entrer dans l'hypothèse où cette vague du changement ne réussirait pas le 22 avril et le 6 mai. Il se trouve que je crois que la France en a besoin. Il se trouve que je suis déterminé à la porter et les Français, eux, ont besoin d'un candidat qui les entraîne. Et pas d'un candidat qui commence à examiner des hypothèses.
Q- J.-P. Elkabbach : D'accord, ça veut dire que la foi et la foi en soi peut aveugler.
R- Non, la foi en soi, en son combat, en ses valeurs, elle est nécessaire pour se battre, c'est comme ça.
Q- J.-P. Elkabbach : Chacun dit la même chose, chacun porte en lui la même foi.
Q- H. Fontanaud : Votre combat pour la rénovation ne s'arrête pas si vous êtes éliminé au premier tour, donc comment vous continuez à le mener au deuxième tour si vous n'y êtes pas. Est-ce que vous rompez complètement avec l'UMP, est-ce que vous cherchez à participer à une nouvelle majorité, dont vous n'êtes peut-être pas l'animateur principal, mais un des membres éminents ? Comment vous répondez au besoin qui continuera de s'exprimer, même si ce n'est pas majoritairement, d'une rénovation ?
R- L'élection présidentielle exige l'engagement de toute la personnalité, de toutes les forces de ceux qui la livrent. L'élection présidentielle, elle va, le 22 avril connaître un acte et le 6 mai connaître un autre acte. Je suis là pour gagner le 22 avril et gagner le 6 mai. Et je ne me laisserai détourné en rien de cette exigence de ce travail à conduire, de ces forces à mobiliser, car ce que je porte, ça n'est pas seulement mon envie de gagner, c'est des millions de Français qui attendent que quelqu'un s'occupe d'eux de manière différente, qu'on l'a fait depuis 25 ans. Des millions de Français qui attendent que l'on bouscule les choses et qu'on fasse bouger les lignes et qu'après le 6 mai, ça ne soit pas comme avant.
Q- J.-P. Elkabbach : Alors l'économie. F. Bayrou les Français réclament face à la mondialisation une croissance solide, des emplois, un pouvoir d'achat décent. A. de Tarlé.
Q- A. de Tarlé : Tout d'abord un mot sur la croissance. Vous dites qu'il faut sortir de cette sclérose, c'est vrai qu'on a eu l'an dernier une croissance de 2 % - avant-dernier de la zone euro. Qu'est ce que vous faites vous pour qu'au moins on rattrape la moyenne européenne qui est 2,7 ? Nous, on est à 2 % avant-dernier ?
R- Je fais ce que les Allemands viennent de faire, c'est-à-dire le peuple allemand, en obligeant ce nouveau gouvernement à se mettre en place pour faire travailler ensemble le grand parti de la droite et le grand parti de la gauche allemande. Ils ont en même temps décidé de résoudre, ou en tout cas de supprimer chacun des verrouillages qui empêchaient la croissance allemande, l'industrie allemande, l'économie allemande, d'être à la hauteur du temps. Ils l'ont fait. En 18 mois, vous le savez, la croissance allemande qui était la dernière de la zone euro est devenue la première de la zone euro.
Q- J.-P. Elkabbach : C'est les suites de l'Agenda 2010 de G. Schröder qui a été battu et qui est remplacé par la Chancelière Merkel et qui en profite.
R- Et heureusement, ils ont continué à faire une politique maintenue dans le temps qui est une politique dans laquelle l'Allemagne retrouve ses forces et vous savez les succès qu'elle obtient aujourd'hui.
Q- A. de Tarlé : Ils ont fait la TVA sociale, les Allemands.
R- Non, excusez-moi de vous dire, les Allemands n'ont pas fait la TVA sociale, les Allemands ont mis un point de TVA sociale. Et pour le reste...
Q- A. de Tarlé : C'est une mauvaise idée ?
R- Non, je pense que c'est une idée intéressante, mais qu'il faut prendre avec prudence. Qu'est-ce que c'est la TVA sociale ? Peut-être pour expliquer, ça consiste à basculer les charges sociales qui pèsent sur le travail, à les basculer sur la TVA, en consommation donc. Si on veut basculer une somme suffisamment importante, il faut faire de l'ordre de 5% de point de TVA en plus. Ca n'est pas une petite chose quand vous êtes un consommateur, quand vous êtes un petit consommateur, quand vous avez une petite retraite, que d'avoir une TVA qui augmente de 5 %. Ce n'est pas une petite chose, même si l'on peut expliquer qu'en effet sur les produits fabriqués en France, normalement, ça ne devrait pas augmenter pour la même somme, mais quand même ! Et donc je ne veux pas prendre une décision ou une orientation de cet ordre sans prudence. Je veux regarder ce qui se passe ailleurs et en tout cas pour moi, je privilégie une autre approche, qui est ce matin dans les Echos plébiscitée par les chefs d'entreprise qui disent : c'est la meilleure mesure qu'on propose dans cette élection, qui est la possibilité de créer deux emplois par entreprise sans avoir à payer de charges pendant cinq ans. Et les patrons ou les chefs d'entreprise, surtout de petites entreprises ils disent : voilà une idée qui nous paraît nous pouvoir débloquer l'emploi et créer des centaines de milliers d'emplois, c'est un sondage dans les Echos, ce matin.
Q- C. Nay : Vous venez de parler de l'Allemagne, mais quel serait le premier voyage à l'étranger du président Bayrou ?
R- Je ferai un tour des capitales européennes et j'irai en effet à Berlin, j'irai à
Bruxelles.
Q- J.-P. Elkabbach : En commençant par ?
R- J'irai en Italie, j'irai à Rome, j'irai rencontrer mes homologues des autres pays européens pour que l'Europe sorte enfin de la léthargie dans laquelle elle se trouve et qu'elle puisse trouver un destin. Qu'on puisse en effet la sortir de la crise et lui permettre maintenant de faire les choses essentielles dont nous avons besoin.
Q- A. de Tarlé : Le magazine The Economist qui se passionne pour ces élections s'est amusé à imaginer la première photo du futur président de la République. Alors pour N. Sarkozy, il imagine que ça sera avec T. Blair. Pour S. Royal, il imagine que ça serait avec M. Bachelet, la présidente du Chili. Et pour vous, eh bien, il y a un point d'interrogation du The Economist.
Q- J.-P. Elkabbach : Il n'y a même personne sur la photo.
Q- A. de Tarlé : Ils n'ont pas d'idée. Alors, avec qui ça serait, le premier grand leader international ?
R- Je viens de vous faire la liste des grands leaders européens qu'il est nécessaire de rencontrer.
Q- J.-P. Elkabbach : Et ça ne peut pas être un Français ou une Française ?
R- Ca serait mieux que ça soit un Français ou une Française.
Q- J.-P. Elkabbach : Il reste cinq jours de campagne, qu'est-ce qui va être déterminant F. Bayrou, maintenant ?
R- L'envie de changement des Français.
Q- J.-P. Elkabbach : Et entre les deux tours, quels seront les thèmes qui vont monter qui seront déterminants, si vous êtes là ?
R- Faisons l'élection... Entre les deux tours, il ne faut pas devancer trop les choses, parce que l'élection prend naturellement une forme différente selon ceux qui seront au deuxième tour, mais ce qui est essentiel dans les cinq jours qui viennent, c'est que les Français mûrissent leurs décisions. On dit souvent qu'ils sont indécis. Je trouve que l'adjectif est inadapté, ils ne sont pas indécis.
Q- J.-P. Elkabbach : Ils réfléchissent.
R- Ils sont en réflexion. Ils ont autrefois - d'ailleurs c'est très éclairant vous voyez, et vous voyez à quel point à mon sens, ça va dans le sens de ce que je dis -, autrefois, on veut être pour son étiquette, on savait à l'avance qu'on voterait pour son camp, pour son étiquette, pour son parti et on ne se posait pas de question. Eh bien maintenant, les Français dans leur majorité, ils ont décidé que le vote n'était pas automatique, et qu'ils allaient voter selon ce qui leur paraîtrait essentiel pour l'avenir de la France. Ils ont repris leur liberté de vote, et ils s'interrogent en se demandant : où est le changement le plus utile et le plus rassurant pour le pays ? On a besoin des deux choses : on a besoin de changement et on a besoin d'être rassuré. On a besoin d'être certain qu'il n'y aura pas de dérapage et qu'on va pouvoir rassembler les Français au lieu de les diviser.
Q- J.-P. Elkabbach : Chaque jour est une nouvelle bataille, autrement dit vous prévoyez une finale et peut-être une victoire à l'arrachée, à la dernière seconde, quel que soit le vainqueur.
R- Ca ressemblera à ça, et c'est d'ailleurs formidable, parce que ça veut dire que c'est le peuple qui est souverain, ce n'est pas les médias qui commandent, ce n'est pas les instituts de sondage qui commandent, que ce n'est pas les appareils de parti qui commandent. Ceux qui commandent, ce sont les citoyens. Tout seuls en face de la table de vote, ils vont choisir le destin qui va apporter le changement maximal aux Français.
Q- J.-P. Elkabbach : La dernière question : qu'est ce que la campagne vous a appris sur vous-même ?
R- Elle m'a appris que la vision qui était la mienne de la société française et des attentes des Français était juste.
Q- J.-P. Elkabbach : C'est-à-dire vous vous donnez raison.
R- Etait juste, c'est-à-dire que, contrairement à tous les pronostics que vous aviez émis largement, eh bien les Français sont en effet prêts à imposer dans cette élection la surprise et le changement qui leur permettront au fond d'avoir de l'espoir, parce qu'ils savent bien que si on continue comme depuis 25 ans, ils n'auront pas de nouvel espoir. Ils ont envie d'avoir un nouvel espoir et c'est cela qu'ils vont imposer en votant. Ils ont envie que ça bouge.
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, oui nous on a tous envie que ça bouge.
R- On a tous envie que ça bouge.
J.-P. Elkabbach : Voilà, nous serons ensemble aussi la semaine prochaine
puisqu'on prend rendez-vous pour le milieu de la semaine prochaine. Bonne
journée à vous. Vous disiez bien que chaque journée est une nouvelle bataille.
Demain, invité pour « Les matinales d'EUROPE 1 » O. Besancenot.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 avril 2007