Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, à France Info le 4 mai 2007, sur la campagne présidentielle.

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Média : France Info

Texte intégral

O. de Lagarde.- J'imagine que vous avez lu les journaux, comme nous. Les sondages qui donnent N. Sarkozy très nettement en tête. Vous êtes, du coup, très confiante ?
 
R.- Pour moi, une élection n'est complètement gagnée ou perdue, que lorsque le dernier bulletin est dépouillé. Et donc, bien sûr, avoir des sondages qui sont positifs, c'est une satisfaction, cela donne confiance, mais cela ne doit pas du tout conduire à relâcher l'attention et à relâcher l'action.
 
Q.- Mais vous sentez une dynamique quand même ou... ?
 
R.- Ce que je sens effectivement depuis le début de cette campagne, c'est une très forte mobilisation, cela s'est d'ailleurs traduit par la participation au premier tour. Ce que je note, c'est dans les meetings, j'ai pratiquement fait un meeting tous les soirs depuis maintenant six semaines, il y a toujours deux fois plus de monde que prévu. Ce que je note aussi, c'est dans les aéroports ou dans la rue, sur les marchés, comme j'y vais, des gens qui sont très ouverts, très souriants lorsque je me déplace. Je pense que cela c'est effectivement un signe.
 
Q.- Vous serez d'ailleurs en meeting ce soir en Corrèze, symboliquement une terre très chiraquienne.
 
R.- [...]
 
Q.- F. Bayrou, a pris la plume pour l'écrire solennellement dans Le Monde : il ne votera pas N. Sarkozy. Ne craignez-vous pas qu'il emmène avec lui ceux qui ont voté pour lui au premier tour ?
 
R.- Il y a une chose dont je suis convaincue et depuis longtemps, c'est que nul n'est propriétaire de ses voix. Et d'ailleurs, N. Sarkozy s'est adressé à tous les électeurs, nous ne nous adressons pas à des leaders de partis, nous nous adressons à l'ensemble des Français pour les convaincre que, avec N. Sarkozy, il y a effectivement des perspectives d'action, il y a la réponse à un certain nombre des inquiétudes des Français, face notamment à notre monde, qui est effectivement un monde de plus en plus dangereux. Un monde également, où il y a un certain nombre de risques, mais où nous avons des atouts, en France, considérables. Des atouts, qui peuvent nous permettre de profiter de ces perspectives. Alors, si vous voulez, F. Bayrou, de toute façon, avait laissé entendre ce qu'il voulait faire, il y a déjà plus d'une semaine. Aujourd'hui, il le répète, c'est son choix. C'est une voix et puis, il y a tous les autres.
 
Q.- Mais pour vous, il a franchi le Rubicon ?
 
R.- Ecoutez...
 
Q.- Sera-t-il possible de s'entendre à nouveau à l'UMP avec F. Bayrou ?
 
R.- Nous avons une attitude qui a toujours consisté à tendre la main, à dire : il y a une majorité présidentielle. Il y a déjà pas mal de temps que F. Bayrou, à titre personnel, a pris des positions. Par exemple, en ne votant pas le budget à l'Assemblée nationale. C'est-à-dire, qu'il s'est mis carrément dans une position d'opposition sur cet acte, qui est un acte essentiel. C'est le vote du budget chaque année qui, finalement, détermine qui est avec la majorité et qui est contre.
 
Q.- Donc, pour vous, aujourd'hui, F. Bayrou est entré dans l'opposition ?
 
R.- F. Bayrou, n'est pas "rentré dans l'opposition" par rapport à une majorité qui n'est pas encore constituée. Il aura un choix à faire, comme l'ensemble d'ailleurs des députés au moment des élections législatives.
 
Q.- On est au dernier jour de cette campagne officielle. Comment jugez-vous la campagne de N. Sarkozy ? D'abord, auriez-vous fait la même campagne si vous aviez été candidate ?
 
R.- Non, sans doute pas, c'est peut-être pour cela d'ailleurs que je ne l'ai pas été. Mais ce que je veux dire, c'est que d'abord, cela a été une campagne extrêmement longue, et c'est ce qui m'a frappé. Par rapport aux campagnes précédentes, qui duraient, grosso modo, de l'ordre de deux mois au maximum. Là, c'est une campagne qui a commencé très très tôt. La deuxième caractéristique de cette campagne, c'est une campagne qui a été toujours très active. Elle a été très active, avant le 14 janvier, elle a accéléré depuis, et je dirais qu'elle a encore accéléré après le premier tour. Donc, on est dans un mouvement qui est de plus en plus rapide, dans une action qui est de plus en plus forte, et qui porte, semble-t-il, ses fruits. Et je pense que pour les Français, cela a été également un grand élément de mobilisation. Vous le disiez tout à l'heure, il n'y a jamais eu autant de participation que aux meetings ; il y a rarement eu une participation aussi importante au premier tour d'une élection. Et de ce que l'on entend, il semblerait que la participation sera également très importante au deuxième tour.
 
Q.- Mais qu'auriez-vous fait différemment ?
 
R.- J'aurais sans doute commencé une campagne plus tard, et c'était donc certainement quelque chose de différent. Pour le reste, quant à la forme de la campagne, ce que je constate, c'est que N. Sarkozy est allé beaucoup sur le terrain, en dehors même des meetings où il a réuni énormément de personnes, il est allé au contact des Français, il est allé au contact des salariés dans les entreprises, des ouvriers dans les entreprises, au contact des agriculteurs, et je l'ai accompagné à de nombreuses reprises ; il est allé au contact des femmes en difficulté, il est allé au contact des malades. Et je crois que cela a certainement contribué à enrichir, à la fois, sa vision de la société française, sa vision de ce qu'il convenait de faire, à enrichir également son discours, et donc les propositions qu'il a apportées aux Français. Je crois que c'est ce qui apparaissait bien d'ailleurs dans le débat d'avant-hier, et ce qui apparaît dans ses discours, c'est cette connaissance de l'intérieur des problématiques, et en même temps, des aspirations des Français. N. Sarkozy, est certainement aujourd'hui celui qui est le plus proche et le plus conscient de ce que peuvent être les angoisses, les espoirs, les énervements également, mais les aspirations des Français.
 
Q.- Et vous, comment voyez-vous votre avenir ? Allez, si N. Sarkozy l'emporte ?
 
R.- Ce que je souhaite, c'est de pouvoir continuer à servir mon pays...
 
Q.- Oui, d'accord.
 
R.-...Depuis cinq ans, j'essaie de le faire. Je suis quelqu'un qui aime agir.
 
Q.- Vous avez aimé le ministère de la Défense ?
 
R.- Le ministère de la Défense, c'est un ministère absolument formidable, et cela a été pour moi une grande joie, en même temps qu'un grand honneur, d'être à la tête de ce ministère qui comporte des hommes et des femmes absolument formidables.
 
Q.- Y a-t-il d'autres domaines qui vous intéressent ?
 
R.- Bien sûr, mais vous savez, je n'ai pas commencé ma vie politique avec le ministère de la Défense.
 
Q.- Lesquels ?
 
R.- J'ai été à l'Education nationale, il y a de fort nombreuses années, on l'a peut-être oublié, mais j'étais secrétaire d'Etat à l'Enseignement. J'ai été à la Jeunesse et aux Sports. Par ailleurs, avant d'être directement impliquée dans l'action ministérielle, j'ai également été dans des cabinets ministériels, aux Affaires sociales, par exemple, et autres. J'ai quand même vu beaucoup de choses. Et mon expérience à la fois dans les collectivités territoriales, en tant que Maire de Saint-Jean-de-Luz, en tant que premier vice-président d'un Conseil général. Tout ceci m'a donné effectivement le goût de l'action et le goût du service de la France. Je suis, vous le savez bien, une gaulliste de renouveau. Donc, mon action, je ne la conçois pas sans que ce soit au service de mon pays et au service des Français.
 
Q.- Si on vous propose Matignon, vous acceptez ?
 
R.- Il est évident que, Matignon, c'est quelque chose à quoi on se prépare. Il avait question à un moment donné que je sois effectivement nommée Premier ministre, le président de la République a choisi quelqu'un d'autre, et c'est son choix, comme ce sera le choix de N. Sarkozy. Mais il est évident que j'ai une carrière qui m'y prépare, et je m'y suis aussi préparée. Maintenant, le problème...Cela me paraît la moindre des choses quand on est responsable politique, à un certain niveau, que d'être prêt à assumer toutes les responsabilités, y compris, si on vous en fait la proposition, celle de Matignon.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 4 mai 2007