Point de presse de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur la mobilisation internationale et la réponse politique et humanitaire à la crise du Darfour, Paris le 2 mai 2007.

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Circonstance : Remise à Philippe Douste-Blazy de la pétition du Pélerin pour une mobilisation internationale en faveur du Darfour, à Paris le 2 mai 2007

Texte intégral

Je voudrais d'abord saluer le directeur de la rédaction du "Pèlerin", la rédactrice en chef, les responsables du "Pèlerin", avec lesquels je suis souvent en relation depuis qu'ils ont pris cette initiative.
Ce faisant, la direction du "Pèlerin" contribue à la mobilisation des consciences. Vous venez de me remettre 60 000 signatures : chacune d'entre-elles est un geste d'espoir qui vient soutenir les efforts internationaux déployés pour apporter une réponse politique, et une réponse humanitaire à la crise.
Grâce à vous, grâce à vos milliers de lecteurs, grâce à un extraordinaire élan international, la plus importante opération humanitaire au monde est engagée au Darfour depuis trois ans. 13.000 travailleurs humanitaires, représentant 14 agences des Nations unies et près de 80 ONG, sont à l'oeuvre sur le terrain. Pour 2007, c'est plus d'un milliard d'euros qui devrait être mobilisé pour ces opérations.
L'ampleur des besoins, considérable, reflète la détresse dans cette région du monde. Sur un territoire grand comme la France, les deux tiers des six millions d'habitants du Darfour sont dépendants de l'aide humanitaire. 2,2 millions d'entre eux ont rejoint des camps de déplacés et 250.000 ont trouvé refuge au Tchad.
Selon l'ONU, cet extraordinaire élan international a permis de ramener la situation sanitaire dans les camps de déplacés du Darfour à un niveau souvent meilleur que la situation prévalant sur d'autres terrains d'intervention humanitaire en Afrique. Ce qui ne remet nullement en cause l'ampleur de la détresse au Darfour.
Mais il faut aller au-delà. Si vous le permettez, je profiterais de votre venue pour donner ma vision des choses :
D'abord au niveau humanitaire, car la situation demeure particulièrement précaire.
Fin mars, les autorités soudanaises se sont engagées auprès de l'ONU à lever l'ensemble des restrictions administratives appliquées aux travailleurs humanitaires. Il s'agit désormais de rétablir un niveau de sécurité suffisant pour lever les restrictions d'accès à l'aide internationale. J'avais plaidé cela auprès du président Bechir, lorsque je m'étais rendu au Soudan, il y a quelques semaines.
Ensuite, au niveau politique, la mobilisation internationale doit porter sur la nécessité d'un cessez-le-feu respecté par toutes les parties et sur le déploiement d'une force internationale robuste.
Certes, la situation n'a rien à voir avec celles de 2003-2004, mais les violences sont généralisées, du fait d'actions de groupes isolés ou de milices, de violences entre tribus - souvent d'ailleurs entre les tribus arabes elles-mêmes - et de plus d'une dizaine de bombardements aériens confirmés depuis le début de l'année.
Il est donc plus que jamais urgent de déployer les renforts de l'ONU tant attendus.
Sur ce dossier, majeur, il faut relever que les autorités soudanaises viennent de donner leur accord à l'envoi de 3.000 casques bleus, ainsi que d'hélicoptères de combat, qui viendront renforcer les 7.000 soldats africains présents sur le terrain.
Si le gouvernement soudanais a cessé de s'opposer à l'arrivée de casques bleus au Darfour, c'est justement parce ce que la communauté internationale a su rester unie et ferme. Je voudrais saluer ici les efforts de l'ex-Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et aussi de l'actuel Secrétaire général, M. Ban Ki-Moon. Je n'oublierai jamais cette réunion d'Addis Abeba, au mois de novembre 2006, autour de Kofi Annan.
Il faut agir de la même façon pour obtenir que les autorités soudanaises donnent maintenant au plus vite leur accord définitif à une force hybride de l'ONU et de l'Union africaine. A ce titre, la menace de sanctions doit demeurer une perspective crédible, pour appuyer les démarches du Secrétaire général des Nations unies.
Enfin, et surtout, c'est mon message principal aux responsables du "Pèlerin", aucune paix durable ne saurait être envisageable sans un règlement politique de la crise qui devra traiter les racines du conflit : le partage du pouvoir et le partage des richesses, car c'est de cela qu'il s'agit.
Comme vous le savez, un accord de paix a été signé à Abuja, voici près d'un an, le 5 mai 2006. Il est resté peu efficace, car il ne concerne qu'un seul groupe rebelle. Il faut donc impérativement rallier les groupes rebelles non-signataires à un processus de négociation politique avec les autorités soudanaises, ce que je pourrais appeler un accord Abuja plus. C'est en ce sens que l'ONU et l'Union africaine mènent actuellement une médiation conjointe, en liaison étroite avec les efforts de facilitation engagés par plusieurs Etats de la région - je pense en particulier à l'Erythrée - avec des résultats souvent non négligeables. Nous devons tous faire converger nos efforts en ce sens.
Une réunion très importante a eu lieu la semaine dernière, à Tripoli, avec l'ensemble des partenaires qui travaillent aujourd'hui sur cette crise, de loin, la plus grave et la plus lourde de conséquences de celles qui frappent le continent africain. Je voudrais dire en conclusion qu'autour des Nations unies, de l'Union africaine et de l'Union européenne, étaient présents à Tripoli les représentants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité : la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Chine, la Russie, ainsi que ceux des diplomaties régionales les plus activement impliquées : la Libye, l'Egypte, l'Erythrée, le Soudan et le Tchad.
L'accent y a été mis sur cette nécessité de travailler conjointement à la mise en place d'un accord politique et à la mise en place de la force hybride ONU/Union africaine.
Aucune issue uniquement militaire n'est possible, ni viable sur la durée, au Soudan comme ailleurs, sinon au détriment précisément de la population civile soudanaise, dont la sécurité doit rester notre priorité.
Q - Le ministre soudanais vient de rejeter les premiers mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale. Quelle est votre réaction ?
R - La France a voulu cette résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui vise à traduire les responsables des exactions au Darfour devant la Cour pénale internationale. Cela fait partie des missions de la France de défendre les Droits de l'Homme partout dans le monde, en particulier, aujourd'hui, dans des endroits comme le Darfour qui sont des enfers.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a voté à l'unanimité cette résolution. Il est évident que nous devons continuer à tout faire pour faire respecter les résolutions des Nations unies partout dans le monde.
Q - Avez-vous de nouvelles informations sur la situation des otages en Afghanistan ?
R - Vous vous doutez que nous travaillons, bien évidemment, sur ce sujet. La seule règle qu'il convient de suivre, c'est celle de la détermination et de la discrétion.
Merci beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 mai 2007