Texte intégral
Bonjour F. Goulard.
Bonjour.
Q- Vous êtes membre de l'UMP, ministre depuis mars 2004 et vous êtes l'un des derniers ministres à ne pas avoir pris publiquement position en faveur d'un candidat à l'élection présidentielle. Alors qui avez-vous choisi de soutenir, F. Goulard ?
R- Je le fais, et je le fais ce matin et j'ai décidé de soutenir F. Bayrou.
Q- Pour quelle raison ?
R- Ah, j'ai d'abord regardé les programmes. Programme du président de l'UMP, programme de la candidate PS, programme de F. Bayrou.
Q- Alors, vous n'auriez pas pu soutenir S. Royal, quand même ? Si ?
R- Non, bien sûr. Le seul programme sérieux, le seul qui échappe à la démagogie, le seul qui n'ait pas ouvert la boutique aux cadeaux, promesses en libre-service, le seul qui ne désigne pas l'euro comme le bouc-émissaire, la source de toutes les difficultés - alors qu'on n'y peut rien à la parité de l'euro-dollar, c'est pas le politique en France qui en décide - le seul qui prend les électeurs au sérieux, eh bien c'est F. Bayrou et c'est la raison pour laquelle moi, j'ai décidé de le soutenir, de soutenir l'homme et de soutenir le projet politique.
Q- Le programme de N. Sarkozy est démagogique ?
R- 50 milliards de dépenses publiques supplémentaires, ce n'est pas sérieux. Et puis, il y a une autre chose : je crois que nous avons un besoin de moderniser la politique en France. Nous sommes archaïques. Regardons ce qui se passe ailleurs en Europe : des pays où des gens de droite et des gens de gauche sont capables de se rassembler sur des projets. En France, nous avons une politique des postures. On prend des postures. Alors, certes, on attire un certain nombre d'électeurs et on en rejette d'autres. Prenez l'exemple du ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale dont on parlait un instant. Eh bien, ça, bien sûr il y a des électeurs qui adhèrent. Et puis, il y en a d'autres qui sont blessés.
Q- Ca, c'est une promesse de N. Sarkozy.
R- Il y en a d'autres qui se sentent rejetés. Pensez à tous ces Français qui sont issus de l'immigration. Ils se sentent désignés comme portant atteinte, d'une certaine manière, à l'identité nationale.
Q- Ca vous a choqué, vous, ce ministère ?
R- Eh bien, ça c'est inacceptable. Ca m'a choqué et je crois que ça empêche d'avoir des politiques efficaces parce que quand on est au pouvoir... Oh, certes, pour être au pouvoir, il faut 51% des voix !... Mais quand vous rejetez dans une opposition viscérale une partie de la population, sur quelque sujet que ce soit, vous ne pouvez pas gouverner. Alors moi, je dis qu'il est temps de sortir des postures pour aller vers des logiques de projet parce que les projets, ça rassemble, les projets ça oblige à tenir compte des réalités. Voilà ce que je pense et voilà pourquoi la démarche de F. Bayrou me paraît utile aujourd'hui et moderne.
Q- Vous pratiquez le pardon des offenses parce que F. Bayrou dans sa campagne, dit que les gouvernements successifs ont échoué depuis vingt-cinq ans. Donc, le vôtre aussi, F. Goulard. Il a même voté la censure contre le Gouvernement auquel vous appartenez ?
R- C'est vrai mais là, nous parlons de l'avenir. Nous ne parlons pas du passé. L'impuissance politique, l'impuissance publique en France c'est une réalité. Prenez le problème des retraites. Qui en parle le premier ? Un homme de gauche : M. Rocard. Et il faut presque vingt ans pour qu'on aboutisse à un début de réforme. Je dis bien : à un début. Pourquoi ? Parce qu'un syndicat, la CFDT, a accepté de sortir de sa posture traditionnelle, a accepté de faire bouger les lignes. Et puis, demain, il faudra aller plus loin, il faudra à nouveau changer. Est-ce que vous pensez qu'en disant qu'on va supprimer les régimes spéciaux, on pose les conditions d'une réforme possible ? Je ne le pense pas.
Q- Vous diriez que le Gouvernement a échoué ? Ce Gouvernement, F. Goulard ?
R- Le Gouvernement n'a pas échoué. D'abord, le président de la République est un homme de rassemblement, il ne faut pas l'oublier. Et je ne suis pas sûr que le candidat de l'UMP ou la candidate du PS, aujourd'hui, soit un homme ou une femme de rassemblement.
Q- Mais le Gouvernement actuel, il a échoué ou il n'a pas échoué ?
R- Le Gouvernement a un bilan. Ce bilan est présentable, il est positif. Nous aurions pu aller plus loin avec davantage de consensus, avec davantage d'adhésions de la part de notre population.
Q- Au début de l'année, F. Goulard vous disiez : "Les idées libérales ne sont pas suffisamment portées par l'UMP". Elles le sont suffisamment par F. Bayrou, d'après vous ?
R- Vous savez, il ne s'agit pas de savoir si F. Bayrou a toutes les idées du monde. Il s'agit de savoir si des gens qui ont leurs convictions - et j'ai les miennes, et je les assume - sont capables de travailler ensemble, comme on le fait d'ailleurs dans d'autres pays européens. Ca n'est pas un hasard si en Europe, aujourd'hui, il y a plusieurs pays où des gens de droite et des gens de gauche sont capables de travailler ensemble. Vous savez, en France, la droite et la gauche sont bloquées, sont tenues par leurs extrêmes. La gauche, parce qu'elle n'a pas su se moderniser suffisamment, elle est bloquée d'un point de vue idéologique, elle n'a pas fait sa mutation comme les autres partis sociaux-démocrates en Europe. Et la droite est bloquée par l'extrême-droite avec ses tentatives de chasser sur les terres de Le Pen. Je pense que nous avons besoin de bouger, nous avons besoin de changer, d'évoluer, de moderniser la vie politique en France.
Q- Est-ce que vous rendez service à F. Bayrou en le rejoignant. Lui, il fait surtout des clins d'oeil à la gauche. C'est de la gauche qu'il attend des renforts. Et c'est vous, F. Goulard, qui le rejoignez ce matin. Est-ce que vous lui rendez service ?
R- Mais F. Bayrou a besoin que des hommes et des femmes de droite et de gauche disent : "On est d'accord pour y aller, on est d'accord pour gouverner ensemble. Nous sommes d'accord pour nous rassembler autour de projets". Voilà.
Q- Et si jamais il y avait un deuxième tour Sarkozy - Royal ? Vous préféreriez voter pour S. Royal plutôt que pour N. Sarkozy ?
R- Nous sommes avant le premier tour et nous verrons. Et je pense que le score que fait aujourd'hui F. Bayrou dans les sondages est une indication très forte que beaucoup de Français - oh pas tous, loin s'en faut ! - beaucoup de Français ont envie de changement.
Q- Mais là, aujourd'hui, vous homme de droite traditionnellement, on peut le dire comme ça...
R- Mais je l'assume.
Q- ... qui êtes prêt en rejoignant F. Bayrou à travailler avec des gens de gauche ? Entre la gauche et la droite, s'il fallait choisir aujourd'hui, que choisiriez-vous ?
R- Mais je suis un homme de droite. Je suis un homme de droite. Je dis simplement que si nous ne bougeons pas, nous n'avons aucun espoir de moderniser la vie politique en France. Il ne s'agit pas pour F. Bayrou d'élargir le centre, de dire que tout le monde pense la même chose. Il s'agit de dire simplement qu'il y a des projets qui dépassent des clivages. J'entendais Mme Royal parler de clivage droite - gauche : elle veut diviser les Français. Et ça, je ne crois pas que ce soit bon. Je crois qu'en réalité, les Français ont des partis politiques qui ne sont pas à la hauteur aujourd'hui. La France vaut mieux que ces partis politiques qui sont des partis politiques archaïques, archaïques, qui n'ont pas évolué et qui ne savent pas prendre en compte les réalités.
Q- Vous avez toujours été proche ou dans une certaine proximité avec D. de Villepin ?
R- Bien sûr.
Q- Vous l'avez informé de votre choix ?
R- Je l'ai informé.
Q- Qu'est-ce qui vous a dit ?Sans commentaire.
R- Sans commentaire. Vous ne me le direz pas ? Est-ce qu'on peut dire, ce matin,
sur RTL, F. Goulard, que vous souhaitez la défaite de N. Sarkozy ?
Je souhaite évidemment la victoire du candidat que je soutiens.
Q- C'est pas tout à fait ma question...
R- Non et c'est ma réponse...
Q- Donc, vous souhaitez la défaite de N. Sarkozy ?
R- Je souhaite la victoire de F. Bayrou. Pourquoi ? Pourquoi ?
Q- Il faut changer la vie politique mais enfin, il faut toujours continuer à ne pas répondre aux questions.
R- Soyons logique. J'apporte, ce matin, un soutien à un candidat. Ca veut dire tout simplement que je souhaite sa victoire.
Q- Et donc la défaite de N. Sarkozy ? Vous allez quitter l'UMP, F. Goulard ?
R- Question assez secondaire pour ne pas dire subalterne.
Q- J'en conviens. C'est pour ça que je la pose à la fin
R- Je ne sais pas. Et je ne sais pas ce que fera l'UMP. Ce n'est pas mon souci aujourd'hui.
Q- L'UMP soutient N. Sarkozy. Et vous, vous ne soutenez pas le candidat de l'UMP.
R- Eh bien je prends une position claire : je l'assume totalement et je soutiens F. Bayrou.
Q- Et est-ce que vous en tirez les conséquences en quittant l'UMP ?
R- Ah, je pense que ça va de soi.
F. Goulard, qui ne soutient donc pas N. Sarkozy mais F. Bayrou. C'est la fin
du suspense.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 mars 2007