Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Vous êtes le plus Sarkozyste des UDF ?
R.- Ah non, il y en a beaucoup d'autres, rassurez-vous.
Q.- Vous êtes ministre, vous soutenez donc N. Sarkozy ; et hier, F. Bayrou qui a été éliminé lors du premier tour de l'élection présidentielle, mais qui a tout de même recueilli 6,8 millions de voix - ce qui est beaucoup - a dit de N. Sarkozy, "que sa proximité avec les milieux d'affaire et les puissances médiatiques, son goût de l'intimidation et de la menace étaient un problème pour la République". La charge est violente ?
R.- Non, elle est immorale, surtout...
Q.- Immorale ?
R.- ... de la part de F. Bayrou, qui a fait une partie de campagne sur le thème de la moralité en politique, sur le thème d'ailleurs du désintérêt des Français pour la politique. D'une part, là vraiment il donne le très, très mauvais exemple d'un homme politique qui fait une déclaration véritablement immorale... Immoralité.
Mais en quoi ? En quoi Q.-, il est immoral ?
R.- Parce qu'il fait des attaques en-dessous de la ceinture et la politique, c'est faire des débats de société pour la France et envisager les cinq années à venir. C'est çà.
Q.- Mais la personnalité d'un élu est aussi au centre du débat !
R.- On n'attaque pas les personnes, figurez-vous, quand on fait une campagne électorale.
Q.- Mais on s'interroge sur les personnes ?
R.- On attaque, on défend ou on propose des idées. Voilà ce que c'est la politique. Et je crois qu'il faut rester là. Et je trouve que, franchement, c'est aussi immoral d'avoir emmené 6,8 millions de Français de bonne foi vers un vote. On disait : "Vous allez voir. D'abord, je vais arriver en tête ou en seconde position, je serai présent au deuxième tour", on peut se tromper. C'est une erreur, c'est un échec. En plus de ça, les laisser, les laisser, alors là vraiment complètement en rade en disant : je ne me prononcerais pas. Cela aussi, sur le plan politique, c'est immoral. On doit se prononcer. Quand on est responsable politique, on doit prendre des décisions et les dire en toute clarté aux Français. Si on n'est pas un responsable politique, voilà ce que je voulais dire. Finalement aujourd'hui quand j'entends monsieur S. July, qu'est-ce qu'il devient F. Bayrou ? Un supplétif du Parti socialiste.
Q.- Revenons un instant sur N. Sarkozy.
R.- Revenons...
Q.-
Vous voyez bien que sa personnalité est au centre de ce deuxième tour. N. Sarkozy, à tort ou à raison, mais c'est dans le débat, suscite de l'inquiétude. L'intimidation, la menace. Un ministre l'a dénoncée dans un livre : A. Begag...
R.- Ecoutez monsieur Aphatie, est-ce qu'on pourrait quitter les attaques personnelles...
Q.- Est-ce que légitimement, je vais terminer avec ma question, est-ce que légitimement, la personnalité de celui qui postule à la plus haute charge de la République n'est pas dans le débat ?
R.- Simplement parce que comme il est celui qui va peut-être gagner, et qui a gagné le premier tour, il devient la cible de tout le monde. Et si les journalistes se mêlent à ce type de combat-là, et se mêlent à cette sorte d'acharnement sur un candidat sous prétexte qu'il est le plus capable de faire bouger la France, qu'il est le plus capable d'émettre des idées nouvelles, de défendre ses idées nouvelles, d'assumer ses idées nouvelles, de dire son programme d'action, alors s'il est le plus capable et que tout le monde doit lui tomber dessus, alors je pense qu'il passera plutôt pour une victime. Vous lui rendez peut-être service, mais là encore, la moralité politique est mise à mal.
Q.- Vous avez dit, que F. Bayrou devenait un supplétif du Parti socialiste, mais F. Bayrou n'a pas appelé à voter pour S. Royal ?
R.- Oui, mais j'ai entendu monsieur July, il a l'air de dire qu'en tout cas, il ne votera pas pour N. Sarkozy et qu'il penche plutôt du côté de S. Royal. Qu'est-ce que ça veut dire, çà ? Il a emmené des électeurs en disant : "Vus allez voir, je vais casser ce système d'un affrontement de projets" entre, disons, la droite et la gauche. Mais il s'est trompé. Les électeurs ont voulu justement débattre d'un projet de société entre la droite et la gauche, puisque les électeurs ont placé au premier plan et au deuxième plan, le candidat de la droite et le candidat de la gauche, pour avoir ce débat-là. Et ça n'est pas quelques électeurs, c'est 20 millions d'électeurs qui ont voulu ça. Donc, c'est beaucoup plus que les électeurs de F. Bayrou... Donc, il doit en démocrate - et je souhaite qu'il le reste - parce que ses déclarations d'hier en font douter. Je souhaite qu'il prenne acte qu'il a été battu, qu'il n'est pas sur le podium et que maintenant, il accepte ce débat entre un projet de droite et un projet de gauche ; et le projet de droite est soutenu par des centristes, par le centre et le centre Droit. Encore, hier, il y a un député et un sénateur de plus qui soutiennent N. Sarkozy. Alors, il ne faut pas se tromper de combat. Moi, j'appelle vraiment les électeurs de F. Bayrou, bien sûr pas ceux qui ont été déçus par S. Royal au premier tour et qui ont voté F. Bayrou parce qu'ils trouvaient que S. Royal n'était pas, peut-être, capable de faire bouger la France ; mais celles et ceux qui sont naturellement des gens modérés, des libéraux sociaux comme nous, je les appelle à voter N. Sarkozy parce qu'il est le plus capable de faire bouger la France dans le bon sens.
Q.- Si vous doutez que F. Bayrou soit encore un démocrate, il est quoi alors ?
R.- Mais je me pose la question de savoir après les déclarations vraiment quelquefois même odieuses à l'égard d'un journaliste si vous me permettez de le dire aussi, et pour ne pas le citer Y. Levaï. Il a fait quelque chose de très, très grave hier ; et je pense que sur la moralité, vous ne devriez pas, vous accepter, nous accepter de tels propos : mettre en cause la moralité d'un journaliste en disant, "Vous, Y. Levaï"... Mais c'est inadmissible sur le plan de la moralité. Alors, franchement, sa démarche politique a été compréhensible jusqu'à un certain point. Mais maintenant, lui responsable politique, laisser en rase campagne 6,8 millions d'électeurs, alors je trouve que c'est vraiment irresponsable.
Q.- F. Bayrou a aussi annoncé, hier, que l'UDF allait disparaître et serait remplacé par le parti démocrate.
R.- Vous vous rendez compte ! La seule préoccupation d'un responsable politique, c'est de changer les initiales...
Q.- Il veut tourner la page, hein...
R.- Tourner la page ?
Q.- Vous étiez membre de l'UDF, serez-vous membre du Parti démocrate ?
R.- Je continuerai... mais moi, je suis membre de l'UDF et je reste membre de l'UDF.
Q.- Mais l'UDF va disparaître.
R.- Mais comme seule préoccupation, comme seule préoccupation, c'est de changer les initiales de son parti, ça me semble bien peu. Aujourd'hui, des Français réfléchissent au choix qu'ils doivent faire dans dix jours. C'est ça leur préoccupation : projet contre projet. Cela engage l'avenir de la France, durablement. Et F. Bayrou, la proposition qu'il fait, c'est : "Je ne choisis pas, je change les initiales de mon parti".
Q.- Et vous, qu'est-ce que vous allez devenir ?
R.- Moi, je ne change pas les initiales de mon parti, je reste UDF. Je suis UDF, je suis centriste...
Q.- Mais l'UDF va disparaître...
R.-... Je garde mes valeurs et mes convictions centristes et je reste UDF.
Q.- Avec quelle étiquette vous allez être candidat aux élections législatives ?
R.- UDF.
Q.- Mais vous ne pourrez pas...
R.- UDF.
Q.- Bon, on verra bien... Une autre question que suggère l'actualité qui n'a pas grand chose à voir avec la campagne électorale, puisque vous êtes ministre de la République. On a appris, hier, que l'appartement parisien dans lequel allait aménager J. Chirac quand il quittera l'Elysée dans à peu près trois semaines maintenant, lui avait été prêté, à titre temporaire, dit-on, dans l'entourage du chef de l'Etat, par un homme d'affaires. Est-ce qu'il est sain pour l'indépendance de la République que son ancien plus haut dirigeant dépende ainsi pour son logement privé d'un homme d'affaires ?
R.- Mais j'en sais rien !
Q.- Ce n'est pas une question de morale publique ?
R.- J'en sais rien. Je ne sais même pas de quoi vous parlez.
Q.- C'est vrai ? Vous n'avez pas lu les journaux ?
R.- Et si vous allez chercher vos questions dans les poubelles, moi je ne répondrai pas aux questions de poubelle.
Q.- Ah, c'est pas une question de poubelle.
R.- Mais pour moi, c'est une question de poubelle, tout simplement. On est dans un débat présidentiel...
Q.- Mais je n'ai pas été la chercher dans la poubelle, j'ai été la chercher dans la presse. Vous n'avez pas lu les journaux, hier ?
R.- On est dans un débat présidentiel, bon sang ! Est-ce que vous ne pourriez pas élever un petit peu le débat ? C'est ça aussi le rôle des journalistes. Quand même...
Q.- Non.
R.-... la France, la France est à la veille d'un choix capital pour son avenir. Et vous, vous me parlez d'un homme d'affaires parce qu'affaires, ça fait drôle. Affaire, c'est : on peut parler businessman ... et puis, les affaires...
Q.- C'est un homme d'affaires !
R.- Oui, mais c'est toujours un peu trouble. Et c'est un terme qui est trouble. Et donc là, d'une certaine façon, je vous prends en défaut d'utiliser un terme qui peut jeter le trouble chez les électeurs...
Q.- Non, un homme d'affaires... c'est assez banal d'appeler quelqu'un qui fait son travail...
R.- Est-ce que vous pourriez élever un petit peu le débat et poser des questions de fond : que propose S. Royal ? Que propose N. Sarkozy ? Pourquoi voter pour l'un ? Pourquoi voter pour l'autre ? Moi j'ai fait mon choix, N. Sarkozy... parce qu'il défend la France...
Q.- Non, non, non, non, non, non...
R.-... parce qu'il veut une France fraternelle...
Q.- G. de Robien ! G. de Robien...
R.- Ah non ça ne vous intéresse plus ça !
Q.- Non.
R.- Dès qu'on aborde le fond, ça ne vous intéresse plus.
Q.- Ah, c'est pas le fond. Vous l'avez déjà dit qu'il fallait voter N. Sarkozy et poser une question...
R.- Mais maintenant, je vais vous dire pourquoi.
Q.- Non, non c'est fini !
R.- Ah non, vous ne voulez pas que je vous dise pourquoi.
Q.- Poser une question que suggère l'actualité...
R.- Ce n'est quand même pas mal qu'un journaliste ne veuille pas savoir pourquoi un responsable politique vote N. Sarkozy !
Q.- Vous l'avez dit tout à l'heure.
R.- Mais, par contre, vous voulez savoir pourquoi F. Bayrou ne va pas voter N. Sarkozy.
Q.- Vous l'avez dit tout à l'heure.
R.- Ben, écoutez là, je peux vous en dire en tout cas pendant une demi heure au moins pourquoi je vais voter N. Sarkozy. C'est mieux que les affaires de poubelle !
Q.- Mais... ce n'est pas une affaire de poubelle, et je vous remercie d'être venu sur RTL.
R.- Et bien je vous remercie de m'avoir interrogé.
Q.- Bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 26 avril 2007.