Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, à France-Info le 23 avril 2007, sur l'élection présidentielle de 2007, son soutien à Nicolas Sarkozy et ses relations avec l'UDF.

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Média : France Info

Texte intégral


O. de Lagarde - Vous êtes soutien de N. Sarkozy. Dans votre camp, il y a eu des mots très durs dans cette campagne contre F. Bayrou. Comment allez-vous recoller les morceaux aujourd'hui avec l'UDF ?
R - Lesquels ?
Q - Quels morceaux ?
R - Non, quels mots ?
Q - Les mots très durs ; vous avez qualifié F. Bayrou, vous avez dit que F. Bayrou, c'est un homme qui est avec la gauche ou avec la droite, qui n'a pas de programme, qui est versatile...
R - Je sens que ça vous arrange de défendre cette thèse, mais cette thèse est fausse. Les choses assez simples : l'UDF est une vieille formation politique, plus ancienne d'ailleurs même que l'UMP. Elle a un président qui est candidat à l'élection présidentielle, et qui a fait évoluer légèrement la stratégie de l'UDF qui était traditionnellement l'alliée du RPR ou du vieil RPR, sur une position qui était intelligente d'ailleurs, qui consistait à dire : essayons de faire travailler ensemble des gens de gauche et des gens de droite, comme ça arrive dans un certain nombre d'autres pays européens. Le PS, ou les soutiens de S. Royal, n'étaient pas sur cette thèse-là, ceux de l'UMP non plus. Il y avait donc une différence stratégique. Pour le reste, ce que je retiens, c'est que malgré le vote utile, qui a laminé à peu près tout le monde, cette thèse qu'a défendue F. Bayrou n'a pas été laminée parce que faire 18 %, alors que tous les autres, le Parti communiste fait un score historiquement bas ; les chasseurs, font un score historiquement bas ; les écologistes font un score historiquement bas ; le Front national fait un score historiquement bas. Il y a vraiment, au moment de ce changement de génération, une espèce de très forte passion démocratique qui a saisi le pays. Eh bien cette idée qu'a défendue F. Bayrou, qui est différente de la position de la position traditionnelle, cette idée, elle, a surnagé et fortement surnagé. Et cette idée, ce que j'en ai retenu en tous les cas, de la part des électeurs de F. Bayrou, c'est, sur un certain nombre de sujets, pas forcément sur tous : faites en sorte de construire ensemble, parce que c'est tellement difficile que certains affrontements stériles le sont au détriment des intérêts du pays. Voilà, ça, c'est le point numéro 1. Pour le reste, ce sont les électeurs de l'UDF qui se détermineront, en leur âme et conscience dans les quinze jours qui viennent.
Q - J'ai bien compris que vous aviez un peu oublié les noms d'oiseaux qui avaient circulé avant le premier tour, et qu'on pouvait s'entendre finalement à l'UMP avec les gens de l'UDF. Est-ce que ce serait légitime, si N. Sarkozy l'emportait, qu'il y ait par exemple des ministres UDF ?
R - Ecoutez, cela c'est l'affaire de N. Sarkozy et...
Q - Bien sûr, mais votre point de vue ?
R - ...et de F. Bayrou. Le plus important, vraiment, le plus important, c'est que les 6 millions d'électeurs, qui ne sont la propriété de personne, qui seront, je crois, très passionnés pour la position de F. Bayrou, eux, s'y retrouvent. Je crois donc que si N. Sarkozy était président de la République, pour ma part, je trouverais nécessaire, indispensable, heureux, qu'il y ait des membres de l'UDF qui soient massivement au gouvernement...
Q - Et Premier ministre ?
R - Attendez... Mais ce que je veux dire, c'est que cela ne peut se faire que dans la clarté, cela ne peut se faire que dans la conscience, et cela ne se faire que dans une situation qui soit l'inverse d'un débauchage.
Q - Un Premier ministre, par exemple ?
R - Ce n'est pas à moi de parler de ça, très franchement.
Q - Vous parlez de "clarté". Vous, vous avez gardé forcément des contacts avec les élus de l'UDF. Vous pourriez servir de pont, de relais, non ?
R - J'ai évidemment non seulement des contacts, mais des amis - une sénatrice du Nord et Valenciennoise. Vous savez, le programme de rénovation urbaine, a fait qu'on a construit ces programmes dans 550 villes en France, dont presque toutes les villes UDF, et nos rapports sont évidemment chaleureux, de confiance intime. L'UDF a voté quasiment toutes les lois que j'ai faites, mais positivement, elle ne s'est pas abstenue : le programme de rénovation urbaine massive, le programme de cohésion sociale, l'ensemble des mesures pour l'emploi, les mesures de lutte contre les discriminations. Quand on soutient ou quand on vote de tels textes, c'est qu'on a des visions qui sont évidemment partagées. Mais franchement, on n'en est pas à ce stade-là. Je trouve absolument normal que l'UDF se réunisse de manière collégiale, démocratique. Cela a été un formidable parcours...
Q - Et vous, vous allez prendre votre téléphone pour appeler vos amis ?
R - Mais on n'a pas cessé de se parler. Quand on fait un programme de 200 millions d'euros à Blois, chez N. Péruchot, vous pensez qu'on ne se parle pas ? Evidemment qu'on se parle ! Comme je parle d'ailleurs à beaucoup de parlementaires de gauche, du PS ou du PC.
Q - Vous avez construit dans le Béarn aussi ?
R - Il y a un programme à la Ousse des Bois...
Q - Donc, vous êtes en contact avec F. Bayrou ?
R - ...qui est un quartier de Pau, un de ceux qui, à vrai dire, avancent, je trouve, le moins vite, enfin...
Q - On ne va pas parler de logement ce matin. On sent quand même se dessiner un front, "Tout Sauf Sarkozy" à gauche. Est-ce que c'est quelque chose qui vous inquiète ?
R - Oui, mais c'est classique. Je me souviens, il y a trente ans, c'était un "Tout sauf de Gaulle", qui était "dictateur", vous savez, c'était "le coup d'Etat permanent", disait la gauche. Quand on n'est pas exactement d'accord avec elle, la diabolisation de l'autre est une des méthodes traditionnelles. Souvenez-vous de "Chirac facho", c'était sur les ponts de Paris à l'époque. Il y a toujours cette envie ou cette tentation, quand on a du mal à exprimer ses positions sur ses propres sujets, de diaboliser l'adversaire démocratique. Donc, un "Tout Sauf Sarko", quand le candidat républicain fait un des meilleurs scores de l'histoire de la Vème République, c'est un peu insultant pour ses électeurs.
Q - En même temps, il y a quelque chose qu'on peut remarquer à gauche : tout le monde s'est déjà désisté pour S. Royal. A droite, ni P. de Villiers ni F. Bayrou ni J.-M. Le Pen, ne se sont prononcés pour N. Sarkozy.
R - Il ne vous a pas échappé que ce sont les Français, et les Français seuls, qui décident.
Q - Tout de même, les partis politiques ça sert ?
R - Oui, bien entendu, à l'expression démocratique. Mais est-il absolument certain que le soutien de LO, va être de nature à aider les électeurs du centre à mêler leurs voix à ceux de LO ? Ce n'est pas de l'arithmétique de boutique, il s'agit de projets. Les grands enjeux de ce pays, premièrement : on peut quand même accepter l'idée que N. Sarkozy a posé un certain nombre de sujets sur la table, et qu'il fallait les poser. Deuxièmement, c'est l'emploi, le pouvoir d'achat et la précarité. Et sincèrement, dans ce domaine-là, je crois que nous avons de très bonnes réponses.Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 23 avril 2007