Texte intégral
F. Bernard.- Qu'est-ce que vous avez pensé du dernier discours présidentiel de J. Chirac hier soir ?
D'abord, c'était indubitablement un moment d'émotion, mais j'ai retrouvé un J. Chirac fidèle à ce qu'il a été tout au long de ces années, c'est-à-dire qu'il a dit, en termes toujours mesurés, parce qu'il a cette pudeur qui l'empêche parfois de se livrer totalement, il a dit sa passion pour la France et son affection pour les Français, en évoquant la fierté du devoir accompli et je pense qu'il a raison. Le bilan, on s'en apercevra rapidement, est beaucoup plus positif que certains ne tentent d'accréditer aujourd'hui. Et puis, il a évoqué sa confiance dans l'avenir du pays qui naturellement s'appuie sur le bilan.
Vous êtes un proche de J. Chirac, l'ami fidèle et discret, comme on dit souvent. Comment vous vous êtes rencontré ?
J'ai rencontré J. Chirac en 1972 en Corrèze alors que j'étais tout jeune commissaire de police et directeur départemental des Renseignements généraux. Vous vous rendez compte, ce n'est pas d'aujourd'hui ! Et je l'ai suivi en 1977 à la mairie de Paris et depuis, nos chemins n'ont jamais divergé. En tout cas, je l'ai toujours suivi avec une grande confiance, c'est-à-dire que parfois il pouvait désarçonner sur le court terme par des positions qui pouvaient paraître étonnantes. Je me souviens de ce débat extrêmement fort au RPR à propos du traité de Maastricht. Eh bien J. Chirac a pris sa formation politique à contre-pied et a permis que le traité soit ratifié.
Vous avez été parfois en désaccord avec lui ?
Non, jamais en désaccord, parce que j'ai toujours considéré que les décisions qu'il prenait s'avèreraient positives sur le long terme et j'ai le bonheur de vérifier que je ne me suis jamais trompé.
Quelles sont, selon vous, les qualités requises pour être un proche de J. Chirac, qu'est-ce qu'il demande à ses amis ?
Je crois que c'est de l'histoire, il ne leur demande pas... il leur demande une grande liberté d'expression. Moi j'ai toujours gardé avec le président de la République, parce qu'il m'en a donné la possibilité, une très grande liberté d'expression. Et lorsqu'il me faisait la confiance de me demander ce que je pensais de telle ou telle situation, je le disais avec une très grande liberté de ton. Il n'a jamais souhaité que ses collaborateurs marquent, j'allais dire par une déférence trop forte, non je crois qu'on est très libre avec J. Chirac. Il a cette capacité formidable de donner à ses interlocuteurs le sentiment qu'il les écoute et qu'ils sont à un moment donné le centre de son attention, tout en gardant une distance naturelle entre lui-même et son interlocuteur. Il se trouve que j'ai été son collaborateur, beaucoup de ses proches le tutoient, par exemple. Lui a le tutoiement facile, c'est connu. Et un jour, il a la gentillesse de me tutoyer pour marquer qu'il considérait que j'avais sa confiance. Et je lui réponds en lui disant "vous" et on s'aperçoit avec le recul que tous ceux qui ont été ses collaborateurs le vouvoient. J. Toubon le vouvoie, A. Juppé le vouvoie, beaucoup d'autres le vouvoient. Moi j'ai eu la chance d'être son collaborateur à la mairie de Paris, de 77 à 86, cela a été un moment formidable aussi.
Ça c'est sur le plan du personnage, je dirais. Quelle est sa principale qualité, je dirais, d'homme d'état selon vous ?
Je crois que c'est un calme, extrêmement solide et puis surtout une vision du monde. Je veux dire que c'est sa vision du monde qui lui a permis de prendre la position qu'il a prise sur l'Irak. L'idée qu'il se fait du dialogue et des cultures et du combat pour la paix fait qu'il laissera une trace dans l'histoire extrêmement forte. Vous savez les deux ouvrages qui ont été édités tout récemment et dont les avant-propos sont signés de sa main s'intitulent, le premier : « Mon combat pour la paix » et le deuxième « Mon combat pour la France ». Je crois qu'il y a d'un côté le dialogue des cultures, pour éviter le choc des civilisations et donc ça, c'est son combat pour la paix. Et de l'autre côté, c'est "Mon combat pour la France", c'est l'unité nationale, l'appel à l'unité de la Nation qu'il a lancé hier soir dans son dernier message, et cette idée centrale dans sa politique intérieure que tout doit concourir à renforcer la cohésion nationale.
40 ans de vie politique, 12 ans au plus haut sommet de l'Etat, comment J. Chirac selon vous vit-il la fin de son histoire en politique, bien évidemment ?
Oh, vous savez, je crois qu'il n'est pas homme à s'appesantir ou à s'attarder sur le lait renversé en quelque sorte. Un épisode est passé, une page se tourne, il passe à la page suivante. Et il l'a dit hier, il part, certes, et je vous l'ai déjà dit, avec la fierté du devoir accompli, mais en même temps avec un objectif et son objectif c'est de poursuivre le combat pour le dialogue des cultures et pour le développement durable. Et il a ses objectifs, donc il sait déjà ce qu'il va faire demain.
Durant sa présidence, est-ce qu'il y a des domaines où le chef de l'Etat sortant a eu le sentiment de ne pas avoir réussi ce qu'il voulait, autant qu'il le voulait en tout cas ?
Je pense qu'il a nécessairement vérifié avec le recul que la dissolution de 97 n'était pas une très très bonne affaire. Je me souviens d'une conversation avec lui à ce moment là où il m'avait interrogé pour me dire, pour me demander, comme il l'avait fait avec d'autres d'ailleurs, comment moi je voyais la situation et je lui avait dit que je la voyais assez mal. Et lui, par contre était beaucoup plus optimiste. Donc voilà, donc ça c'est sûr. Mais après, il a su montrer qu'il était capable de s'adapter dans la cohabitation, je veux dire que ça c'est quand même très français, c'est formidable. La plasticité de la 5ème République a permis de passer une série d'épreuves redoutables. Et la cohabitation, alors que F. Mitterrand ou J. Chirac était président de la République, s'est toujours passée dans des conditions très républicaines.
Vous êtes un proche collaborateur, vous l'avez dit de J. Chirac, c'est quoi, être un proche de J. Chirac, c'est le voir souvent, manger à sa table ?
Oh, non, moi je n'avais pas besoin de le toucher ou de le voir pour marquer ma fidélité, je considérais qu'il a incarné mon engagement en politique. D'autres aujourd'hui sont totalement engagés aux côtés de N. Sarkozy, avec une fidélité sans faille et je trouve ça formidable. Moi je fais partie d'une génération différente, je fais partie de la génération qui depuis 81 a voté pour J. Chirac, c'est formidable. J'avais 16 ans en 1958, donc mon itinéraire est celui du gaullisme, de cette période et J. Chirac l'a incarné au cours de toutes ces années.
Vous êtes très lié manifestement. Est-ce que la fin de sa carrière politique marque la fin de la vôtre ?
Attendez, sa période politique n'est pas terminée, c'est une séquence de sa carrière politique qui est terminée. Sa carrière politique au plus haut sommet de l'Etat est terminée, mais son combat continue puisqu'il l'a évoqué une nouvelle fois hier soir. Quant à moi, eh bien je continuerai de me considérer à son service en quelque sorte. Je me représente aux législatives dans la 9ème circonscription des Yvelines et voilà ! Et si les électeurs me font confiance, je m'attacherai à continuer à porter ce combat pour les valeurs, que pour moi, il a formidablement incarné ces dernières années.
Est-ce que votre prochain rendez-vous avec lui est fixé déjà ?
Non !
En tout cas, quand vous le verrez, vous lui passerez nos salutations.
Merci beaucoup.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 16 mai 2007
D'abord, c'était indubitablement un moment d'émotion, mais j'ai retrouvé un J. Chirac fidèle à ce qu'il a été tout au long de ces années, c'est-à-dire qu'il a dit, en termes toujours mesurés, parce qu'il a cette pudeur qui l'empêche parfois de se livrer totalement, il a dit sa passion pour la France et son affection pour les Français, en évoquant la fierté du devoir accompli et je pense qu'il a raison. Le bilan, on s'en apercevra rapidement, est beaucoup plus positif que certains ne tentent d'accréditer aujourd'hui. Et puis, il a évoqué sa confiance dans l'avenir du pays qui naturellement s'appuie sur le bilan.
Vous êtes un proche de J. Chirac, l'ami fidèle et discret, comme on dit souvent. Comment vous vous êtes rencontré ?
J'ai rencontré J. Chirac en 1972 en Corrèze alors que j'étais tout jeune commissaire de police et directeur départemental des Renseignements généraux. Vous vous rendez compte, ce n'est pas d'aujourd'hui ! Et je l'ai suivi en 1977 à la mairie de Paris et depuis, nos chemins n'ont jamais divergé. En tout cas, je l'ai toujours suivi avec une grande confiance, c'est-à-dire que parfois il pouvait désarçonner sur le court terme par des positions qui pouvaient paraître étonnantes. Je me souviens de ce débat extrêmement fort au RPR à propos du traité de Maastricht. Eh bien J. Chirac a pris sa formation politique à contre-pied et a permis que le traité soit ratifié.
Vous avez été parfois en désaccord avec lui ?
Non, jamais en désaccord, parce que j'ai toujours considéré que les décisions qu'il prenait s'avèreraient positives sur le long terme et j'ai le bonheur de vérifier que je ne me suis jamais trompé.
Quelles sont, selon vous, les qualités requises pour être un proche de J. Chirac, qu'est-ce qu'il demande à ses amis ?
Je crois que c'est de l'histoire, il ne leur demande pas... il leur demande une grande liberté d'expression. Moi j'ai toujours gardé avec le président de la République, parce qu'il m'en a donné la possibilité, une très grande liberté d'expression. Et lorsqu'il me faisait la confiance de me demander ce que je pensais de telle ou telle situation, je le disais avec une très grande liberté de ton. Il n'a jamais souhaité que ses collaborateurs marquent, j'allais dire par une déférence trop forte, non je crois qu'on est très libre avec J. Chirac. Il a cette capacité formidable de donner à ses interlocuteurs le sentiment qu'il les écoute et qu'ils sont à un moment donné le centre de son attention, tout en gardant une distance naturelle entre lui-même et son interlocuteur. Il se trouve que j'ai été son collaborateur, beaucoup de ses proches le tutoient, par exemple. Lui a le tutoiement facile, c'est connu. Et un jour, il a la gentillesse de me tutoyer pour marquer qu'il considérait que j'avais sa confiance. Et je lui réponds en lui disant "vous" et on s'aperçoit avec le recul que tous ceux qui ont été ses collaborateurs le vouvoient. J. Toubon le vouvoie, A. Juppé le vouvoie, beaucoup d'autres le vouvoient. Moi j'ai eu la chance d'être son collaborateur à la mairie de Paris, de 77 à 86, cela a été un moment formidable aussi.
Ça c'est sur le plan du personnage, je dirais. Quelle est sa principale qualité, je dirais, d'homme d'état selon vous ?
Je crois que c'est un calme, extrêmement solide et puis surtout une vision du monde. Je veux dire que c'est sa vision du monde qui lui a permis de prendre la position qu'il a prise sur l'Irak. L'idée qu'il se fait du dialogue et des cultures et du combat pour la paix fait qu'il laissera une trace dans l'histoire extrêmement forte. Vous savez les deux ouvrages qui ont été édités tout récemment et dont les avant-propos sont signés de sa main s'intitulent, le premier : « Mon combat pour la paix » et le deuxième « Mon combat pour la France ». Je crois qu'il y a d'un côté le dialogue des cultures, pour éviter le choc des civilisations et donc ça, c'est son combat pour la paix. Et de l'autre côté, c'est "Mon combat pour la France", c'est l'unité nationale, l'appel à l'unité de la Nation qu'il a lancé hier soir dans son dernier message, et cette idée centrale dans sa politique intérieure que tout doit concourir à renforcer la cohésion nationale.
40 ans de vie politique, 12 ans au plus haut sommet de l'Etat, comment J. Chirac selon vous vit-il la fin de son histoire en politique, bien évidemment ?
Oh, vous savez, je crois qu'il n'est pas homme à s'appesantir ou à s'attarder sur le lait renversé en quelque sorte. Un épisode est passé, une page se tourne, il passe à la page suivante. Et il l'a dit hier, il part, certes, et je vous l'ai déjà dit, avec la fierté du devoir accompli, mais en même temps avec un objectif et son objectif c'est de poursuivre le combat pour le dialogue des cultures et pour le développement durable. Et il a ses objectifs, donc il sait déjà ce qu'il va faire demain.
Durant sa présidence, est-ce qu'il y a des domaines où le chef de l'Etat sortant a eu le sentiment de ne pas avoir réussi ce qu'il voulait, autant qu'il le voulait en tout cas ?
Je pense qu'il a nécessairement vérifié avec le recul que la dissolution de 97 n'était pas une très très bonne affaire. Je me souviens d'une conversation avec lui à ce moment là où il m'avait interrogé pour me dire, pour me demander, comme il l'avait fait avec d'autres d'ailleurs, comment moi je voyais la situation et je lui avait dit que je la voyais assez mal. Et lui, par contre était beaucoup plus optimiste. Donc voilà, donc ça c'est sûr. Mais après, il a su montrer qu'il était capable de s'adapter dans la cohabitation, je veux dire que ça c'est quand même très français, c'est formidable. La plasticité de la 5ème République a permis de passer une série d'épreuves redoutables. Et la cohabitation, alors que F. Mitterrand ou J. Chirac était président de la République, s'est toujours passée dans des conditions très républicaines.
Vous êtes un proche collaborateur, vous l'avez dit de J. Chirac, c'est quoi, être un proche de J. Chirac, c'est le voir souvent, manger à sa table ?
Oh, non, moi je n'avais pas besoin de le toucher ou de le voir pour marquer ma fidélité, je considérais qu'il a incarné mon engagement en politique. D'autres aujourd'hui sont totalement engagés aux côtés de N. Sarkozy, avec une fidélité sans faille et je trouve ça formidable. Moi je fais partie d'une génération différente, je fais partie de la génération qui depuis 81 a voté pour J. Chirac, c'est formidable. J'avais 16 ans en 1958, donc mon itinéraire est celui du gaullisme, de cette période et J. Chirac l'a incarné au cours de toutes ces années.
Vous êtes très lié manifestement. Est-ce que la fin de sa carrière politique marque la fin de la vôtre ?
Attendez, sa période politique n'est pas terminée, c'est une séquence de sa carrière politique qui est terminée. Sa carrière politique au plus haut sommet de l'Etat est terminée, mais son combat continue puisqu'il l'a évoqué une nouvelle fois hier soir. Quant à moi, eh bien je continuerai de me considérer à son service en quelque sorte. Je me représente aux législatives dans la 9ème circonscription des Yvelines et voilà ! Et si les électeurs me font confiance, je m'attacherai à continuer à porter ce combat pour les valeurs, que pour moi, il a formidablement incarné ces dernières années.
Est-ce que votre prochain rendez-vous avec lui est fixé déjà ?
Non !
En tout cas, quand vous le verrez, vous lui passerez nos salutations.
Merci beaucoup.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 16 mai 2007