Texte intégral
L'Est républicain - Vous ne donnez pas de consigne de vote entre les deux tours, pourquoi ?
R - Cela fait 25 ans que la CFDT n'appelle plus à voter de manière partisane, parce que nous sommes attachés à des valeurs : l'autonomie et l'émancipation du mouvement syndical. Prendre position serait contraire à ces valeurs fortes. Imaginez que l'on soutienne un candidat ou une candidate et qu'il ou elle soit élu(e) ? Quelle serait alors notre crédibilité demain pour critiquer ou approuver ses décisions ? Après... Est-ce que nous serons « l'interlocuteur privilégié » de tel ou tel ? François Fillon l'a laissé entendre dans une interview. C'est une manière d'instrumentaliser la CFDT que nous n'acceptons pas. Notre ambition n'est pas d'être un interlocuteur privilégié mais de nous positionner en fonction de propositions, de faire des réformes dans ce pays mais sur nos priorités.
L'Est républicain - Que pensez-vous de l'idée de créer un pôle réformiste dans l'offre syndicale ?
R - C'est encore François Fillon qui a émis cette idée. Nous sommes à quelques jours du second tour, là encore, il tente d'instrumentaliser notre organisation syndicale car il sait qu'elle pèse dans ce pays. Lorsque la CFDT s'engage dans une réforme, celle-ci se met en oeuvre mais quand elle est contre, c'est l'échec, comme ce fut le cas pour le contrat première embauche (CPE). Il ne pourra pas y voir de réforme positive et acceptée sans la CFDT. Je pense d'autre part que ce pôle réformiste est une vue de l'esprit car les stratégies syndicales se font autour des contenus.
L'Est républicain - Vous évoquez les valeurs mais lorsqu'un candidat - Nicolas Sarkozy en l'occurrence - s'en prend publiquement aux syndicalistes et qu'il estime qu'il faut « liquider l'esprit de mai 68 », vous réagissez comment ?
R - Quand on remet en cause les organisations syndicales et leur capacité d'agir, évidemment nous réagissons. Si demain on vient à réduire la place des syndicats, la CFDT réagira. Pour nous, mais 68 a permis la reconnaissance des organisations syndicales dans les entreprises. La CFDT était la seule à cette époque à revendiquer cette reconnaissance. Nous l'avons obtenue et nous étions le dernier pays d'Europe, à l'exception de l'Espagne et du Portugal qui vivaient sous des dictatures. C'est un progrès social que nous défendrons bec et ongles. La démocratie politique ne peut pas vivre sans la démocratie sociale.
L'Est républicain - Vous avez pris connaissance des programmes des candidats. Quels sont les points qui vous choquent ?
R - Je ne vais pas faire la liste des bons et des mauvais points. Ce serait une façon de donner une consigne de vote. La CFDT a interpellé les candidats sur l'emploi, les salaires, la protection et la démocratie sociale et l'Europe. Les candidats ont répondu et nous avons communiqué leurs orientations aux adhérents. Après, ils sont libres de déchiffrer et de faire ce qu'ils veulent.
L'Est républicain - Vous savez comment les adhérents de la CFDT votent ?
R - Un sondage CSA a été effectué auprès des gens pour qui la CFDT est la référence syndicale : 39 % ont voté Ségolène Royal, 25 % François Bayrou, 20 % pour Nicolas Sarkozy et ils ont voté moins que la moyenne pour les extrêmes. Ce qui veut dire que dans notre sphère d'influence nous avons des sympathisants aux opinions politiques très diverses. Nous sommes là pour accueillir tout le monde.
L'Est républicain - Quel est le premier geste que vous attendez du nouveau chef de l'État sur les revendications que vous mettez en avant aujourd'hui ?
R - Il y a évidemment des priorités : l'emploi, et ce depuis 20 ans, et le pouvoir d'achat qui revient en force. Nous attendons surtout du futur gouvernement qu'il fixe une méthode avec les partenaires sociaux. Quels sont les sujets sur lesquels on doit travailler en commun avec l'État ? Et ceux que le gouvernement traitera seul ? C'est important car, nous entendons dans cette campagne deux choses contradictoires : un, « on respectera le dialogue social » et deux, on va agir dès juillet ! Ce n'est pas possible de faire les deux : c'est-à-dire de s'engager et de décider, en été, unilatéralement par loi - comme le suggère François Fillon - sur des sujets comme le cumul emploi/retraite, le service minimum ou la dispense de recherche d'emplois par les chômeurs. Ce serait tourner le dos à la loi sur le dialogue social et cela amènerait des réactions de notre part. Il faudra définir d'abord une démarche, une façon de travailler et ceci, après les législatives. Car pour gouverner il faut disposer d'une majorité.
Propos recueillis par François moulin source http://www.cfdt.fr, le 4 mai 2007