Interview de M. François Fillon, Premier ministre, à Europe 1 le 23 mai 2007, sur le projet politique établi avec N. Sarkozy pour changer le mode de gouvernement et sur les réformes à mettre en oeuvre pour redresser la France.

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Média : Europe 1

Texte intégral

J.-P. Elkabbach.- Monsieur le Premier ministre F. Fillon, bonjour, merci d'être là et bienvenue.
 
R.- Bonjour, monsieur Elkabbach.
 
Q.- Voici donc le matin de votre sixième jour à Matignon. Sixième jour à peine. Il vous faut gouverner, battre la campagne législative. Le Président Sarkozy et son Premier ministre F. Fillon vont très vite. Est-ce que la France se pilote comme une de vos voitures de course ?
 
R.- La comparaison est assez juste parce que la France, c'est une Formule 1. Il faut la conduire au maximum de ses capacités pour qu'elle soit au premier rang de la compétition internationale. En même temps, il faut ménager sa mécanique et il ne faut pas sortir de la route. Donc, oui c'est une belle comparaison.
 
Q.- C'est-à-dire vous allez vite mais vous pensez qu'il y a peut-être des risques d'embardées ?
 
R.- Je pense qu'on doit aller très vite parce que la France a pris beaucoup de retard. Pendant deux ans, avec N. Sarkozy, on a construit un projet politique qui vise à changer le mode de gouvernement, qui vise à rénover les institutions et qui vise à faire les réformes structurelles que la France n'a pas faites et qui explique qu'elle a moins de croissance que les autres pays européens et qu'elle a un record de chômage historique depuis 25 ans. Donc on n'a vraiment pas le temps de réfléchir. On n'a pas le temps d'attendre, on n'a pas le temps de prendre notre temps. Il faut aller vite.
 
Q.- Vous n'avez pas le temps de réfléchir. Vous voulez dire que vous avez réfléchi avant ?
 
R.- On a réfléchi avant.
 
Q.- Et c'était vos amis qui étaient au pouvoir, hein, parce que vous dites "on a pris du retard, etc.".
 
R.- Oui mais vous savez bien que N. Sarkozy et moi, on ne s'est pas privé pour dire ce que nous pensions de la façon dont notre pays était gouverné, non pas depuis cinq ans mais depuis près de vingt ans. Nous avons et je l'ai souvent dit pendant la campagne, fait un travail de réflexion sur nous-mêmes. On a fait un travail de critique sur notre propre façon de gouverner et c'est justement parce que la gauche ne l'a pas fait qu'elle est aujourd'hui en difficulté.
 
Q.- Alors il y a une nouvelle bataille électorale qui est engagée, la bataille des législatives. A tour de rôle, le Président et vous, vous cherchez à mobiliser votre majorité présidentielle. Qui en est le chef ?
 
R.- Je n'aime pas d'abord ce mot de chef.
 
Q.- Patron, je ne peux pas dire guide.
 
R.- Je pense que le Premier ministre est responsable de la majorité. C'est lui qui doit la faire vivre, c'est lui qui doit la conduire, c'est lui doit dialoguer avec la majorité au Parlement. Mais le président de la République, parce qu'il est élu au suffrage universel et parce que c'est autour de son projet que la majorité est construite, est naturellement l'inspirateur de cette majorité. Donc il n'y a pas de chef, il y a un responsable et un inspirateur.
 
Q.- Et la campagne est organisée, préparée, lancée à l'Elysée, à Matignon aux yeux de tous. Est-ce que c'est normal ? Vous avez noté ce que dit le Parti socialiste et en particulier F. Hollande. Il vous le reproche vivement. Est-ce qu'il a tort ?
 
R.- Oui mais F. Hollande il est pathétique parce qu'on attend de lui, c'est qu'il nous dise qu'est-ce que veut la gauche, qu'est-ce que veut le Parti socialiste, quel est le projet politique du Parti socialiste pour ces élections législatives ? Ce n'est pas les pitreries auxquelles on a assisté depuis quelques jours qui visent à moquer les institutions de la République et qui n'ont pas beaucoup de sens.
 
Q.- "Pitrerie". Pourquoi pitrerie ?
 
R.- Oui, je l'entendais ce matin faire un numéro de comique d'ailleurs assez drôle parce qu'il a de l'humour, mais qui n'a rien à voir avec l'enjeu de cette élection. L'enjeu de cette élection, c'est : quel est le projet de la majorité présidentielle et quel est le projet du Parti socialiste et de la gauche ? Le projet de la majorité présidentielle, on le connaît, il est maintenant d'ailleurs soutenu par des hommes et des femmes qui ne sont pas seulement issus de notre famille politique mais qui sont issus du centre et de la gauche. Le projet du Parti socialiste, franchement, on ne sait pas ce qu'il est. Quant au fait de lancer la campagne à Matignon ou à l'Elysée, F. Hollande était un grand habitué de Matignon lorsque L. Jospin en était le Premier ministre alors que lui était le premier secrétaire du Parti socialiste, il se souviendra certainement qu'en 2002, L. Jospin, juste avant d'annoncer sa candidature aux présidentielles, avait réuni tous les députés sociales exactement comme je l'ai fait hier, pour leur tenir un discours politique, pour les mobiliser, pour les lancer dans la bataille.
 
Q.- Vous n'allez pas nous dire que c'est L. Jospin et les socialistes qui vous inspirent ?
 
R.- C'est les traditions de la République. Il ne faut pas d'hypocrisie. Vous savez une des choses que nous voulons avec N. Sarkozy changer, c'est cette hypocrisie qui caractérisait bien des sujets de la politique française. Dire que le Premier ministre n'est pas le patron de la majorité et ne pas reconnaître qu'il a besoin d'une majorité pour gouverner, c'est une hypocrisie. Dire que le président de la République n'est pas un homme politique engagé qui défend un projet et qui a une majorité pour le soutenir, c'est une autre hypocrisie.
 
Q.- Vous êtes très sévère avec les socialistes. Vous dites "pitrerie", hier vous dites "ils ont perdu la bataille des idées et des valeurs". Vous les voulez ko. Il faut comprendre que...
 
R.- Non je préfèrerais avoir un Parti socialiste debout, un Parti socialiste qui réfléchit aux changements de la société française et aux changements du monde, un Parti socialiste avec lequel on puisse dialoguer. Je pense que le Parti socialiste a commis sa première erreur dramatique, en tous cas dans un passé récent, lorsqu'il a refusé la main que je lui tendais, au moment de la réforme des retraites. Parce qu'avec la CFDT, nous proposions au Pari socialiste de porter ensemble cette réforme des retraites comme ça a été fait partout dans les autres pays européens. Et depuis, il n'a pas changé d'attitude.
 
Q.- Comprenez-vous, monsieur le Premier ministre, qu'on ait envie d'avoir ou lui ait envie d'avoir des contrepouvoirs ? Pour éviter la concentration des responsabilités, des prérogatives et des pouvoirs.
 
R.- Les contrepouvoirs, c'est quoi ? Vouloir avoir la majorité à l'Assemblée nationale, ce n'est pas vouloir avoir un contrepouvoir, c'est vouloir avoir le pouvoir.
 
Q.- Mais vous dites une majorité ou une forte majorité ?
 
R.- Enfin, plus la majorité sera importante, plus le Premier ministre que je suis sera satisfait naturellement. Mais je veux quand même revenir sur cette histoire de contrepouvoir parce que la majorité à l'Assemblée nationale, ce n'est pas un contrepouvoir, c'est le pouvoir. La vérité c'est que le président de la République ne peut rien sans la majorité à l'Assemblée nationale. Et si les Français à 53% ont choisi de faire confiance à N. Sarkozy, c'est qu'ils veulent qu'il mette en oeuvre son projet. Et pour qu'il mette en oeuvre son projet, il faut qu'il ait une majorité à l'Assemblée nationale. Les contrepouvoirs c'est autre chose. Les contrepouvoirs, c'est les pouvoirs de l'opposition. Nous, nous allons proposer à l'opposition, une fois les élections législatives passées, un vrai statut. Nous allons lui proposer de présider une grande commission, sans doute la commission des finances. Nous allons lui proposer de participer aux nominations d'un certain nombre de hauts fonctionnaires.
 
Q.- Si elle vous dit non ?
 
R.- Si elle nous dit non, ça voudra dire que l'archaïsme qui frappe le Parti socialiste est une maladie durable.
 
Q.- Est-ce que vous vous êtes fixé une limite à votre majorité ? Est-ce que le mieux serait d'être plus près de 400 ?
 
R.- C'est les électeurs qui décident. Je n'ai pas de limite.
 
Q.- Oui mais vous agissez pour.
 
R.- J'agis pour avoir la plus grande majorité possible parce que je pense que le rôle d'un homme politique, c'est de se battre pour ses idées. Ce n'est pas de se battre à moitié pour ses idées.
 
Q.- L'opposition redoute une vague bleue. Est-ce que vous avez besoin d'une vague bleue ou d'une vague Sarkozy/Fillon vous ?
 
R.- L'opposition elle redoute d'être battue parce qu'elle a fait des erreurs dramatiques et parce que les Français n'ont pas confiance, pour l'instant, dans le projet qu'elle incarne ou plutôt, s'agissant des législatives, dans l'absence de projet qu'elle représente. Et la majorité que je souhaite, je souhaite qu'elle soit la plus large possible. Vous avez vu que nous avons ouvert notre majorité au centre en accueillant des représentants du centre au Gouvernement. Nous avons ouvert...
 
Q.- Les ralliés de la 25ème heure.
 
R.- Oui mais ça ne veut rien dire tout ça. La politique ce n'est pas la guerre. Le mot « ralliés de la 25ème heure », il laisse entendre qu'on serait dans une sorte de combat, d'opération militaire. Non, la politique c'est rassembler des hommes et des femmes autour d'un projet. On voit que la France a accumulé tellement de retard dans les grandes réformes structurelles qu'il va lui falloir mettre les bouchées doubles. Pour mettre les bouchées doubles, il faut que la majorité soit plus large qu'une seule formation politique, sinon les Français seront méfiants, rétifs et ne voudront pas aller jusqu'au bout du changement.
 
Q.- Vous parliez des personnalités du centre, il y en a d'autres, des personnalités populaires et emblématiques, ce que le Parti socialiste reproche, ce ralliement. Et j'ai l'impression qu'il va sans cesse les quereller. En entrant dans votre gouvernement, est-ce que B. Kouchner, M. Hirsch, etc. et peut-être d'autres, vous allez nous le dire, qui doivent renoncer à ce qu'ils aient leur originalité ?
 
R.- Bien sûr que non, sinon ils n'ont plus, comment dirais-je, le rôle, la richesse qu'ils apportent à mon Gouvernement. C'est leur diversité, c'est leur différence. Et jamais, ni N. Sarkozy ni moi-même ne leur avons demandé de renoncer à ce qu'ils sont, à leurs convictions. Et d'ailleurs qui peut penser que M. Hirsch ou B. Kouchner ou E. Besson renonceraient à leurs convictions ?
 
Q.- Oui mais est-ce que vous êtes sûr que chacun ne défendra pas naturellement sa propre politique ? Est-ce que vous êtes sûr d'eux, de ce point de vue-là, et qu'un jour, on ne va pas voir la cacophonie ?
 
R.- C'est très simple : ils ont adhéré à un projet politique. Les choses sont très claires. Ils savent que le Gouvernement et la majorité ont pour mission, parce que les Français le lui ont donnée, de mettre en oeuvre un projet politique. Ce projet politique, ils le connaissent. Ils vont d'abord nous apporter dans les secteurs où ils ont été nommés, leur savoir-faire, leur sensibilité, leur vision des choses qui va venir enrichir la nôtre. Et puis, dans les débats que nous allons avoir au sein du Gouvernement, leur avis, leur opinion sera extrêmement utile pour faire évoluer nos projets, pour voir comment sa mise en oeuvre peut être envisagée en rassemblant un maximum de Français. Donc, moi j'attends que ce gouvernement soit un gouvernement où l'on débat, où on soit libre.
 
Q.- D'accord mais quand il y aura des tensions, des désaccords, des divergences, comment vous trancherez ?
 
R.- Je trancherai parce que c'est le rôle du Premier ministre de trancher en arbitrant.
 
Q.- Vous trancherez ?
 
R.- En arbitrant. Mais vous savez moi je préfère un gouvernement où on débat qu'une sorte de caserne dans laquelle on n'entend l'opinion de personne.
 
Q.- Là, quand vous avez entendu, pas dans la caserne mais dans votre maison, M. Hirsch qui critiquait la mise en place d'une franchise de soins non remboursée par la Sécurité sociale, qu'est-ce que vous vous êtes dit : Aïe, aïe, aïe ?
 
R.- Non parce que, d'abord encore une fois, je vous le dis, moi je préfère qu'il y ait des débats, mais surtout M. Hirsch, c'est normal, il vient de nous rejoindre, donc il n'avait pas lu avec beaucoup d'attention le projet politique, en tout cas, sur cette question qui est celui du président de la République, et il a vu rapidement, il s'en est d'ailleurs expliqué, que la franchise que nous proposions ne serait pas pour les plus malheureux, pour les plus modestes, pour ceux qui n'ont pas les ressources pour la payer et donc, il a rapidement compris que cette franchise n'était pas ce qu'il craignait.
 
Q.- Donc vous nous dites « ce n'était pas un premier couac »
 
R.- Non, je crois que c'était plutôt..., il faut que tout se mette en place, que chacun voit bien... Vous savez, le projet de N. Sarkozy, il a été beaucoup caricaturé pendant cette campagne et donc certains hommes de gauche comme M. Hirsch ont du entendre ce qu'on disait du projet et non pas ce qu'il était en réalité.
 
Q.- Cela ne les a pas découragé de vous rejoindre. O. Samain d'Europe 1 me signale que la CNAM va publier aujourd'hui le montant des dépenses d'assurance maladie en avril. La dérive continue. Est-ce qu'il y a un remède Fillon ?
 
R.- Un des remèdes que nous avons proposé c'est justement la franchise, il y a beaucoup de progrès à faire encore pour responsabiliser l'ensemble des acteurs de notre politique de santé. En tout cas il y a une chose qui est sûre, c'est que je ne défendrai pas l'idée qu'il faut réduire les dépenses de santé. Les dépenses de santé, elles vont augmenter, elles vont augmenter parce que la population vieillit et elle va augmenter aussi parce que l'objectif de notre société, c'est d'apporter le meilleur confort et les meilleurs soins possibles à la population. Donc ce qu'il faut, c'est trouver le moyen de financer une dépense de santé qui doit être contenue et rationalisée, mais qui va augmenter.
 
Q.- Est-ce qu'il vaut prévoir des déremboursements ?
 
R.- Tout ça est possible. La première chose sur laquelle on va travailler c'est la question de la franchise qui permet de diversifier les sources de financement, de mieux les répartir et de responsabiliser les acteurs.
 
Q.- Et d'en appeler au privé.
 
R.- Le privé est déjà actif dans le secteur de la santé. Moi je souhaite que la santé ne soit pas seulement considérée comme une charge. Quand on regarde d'autres pays autour de nous, on s'aperçoit que la santé est un secteur économique à part entière, qui est moteur de la production de richesse et de l'emploi. Eh bien, il faut que dans notre pays aussi la santé soit regardée sous cet angle.
 
Q.- F. Fillon, aujourd'hui c'est donc votre sixième jour à Matignon, sixième matin. Quand le président de la République vous a vraiment nommé, est-ce que vous vous êtes laissé envahir par l'émotion ou vous l'avez maîtrisée ?
 
R.- Je n'ai pas eu vraiment d'émotion pour une raison simple, c'est qu'en réalité depuis deux ans, N. Sarkozy et moi, on fonctionne comme le président de la République qu'il est aujourd'hui et le Premier ministre que je suis aujourd'hui. Je veux dire par là qu'on a préparé, à la fois à travers la campagne, à travers le projet, à travers les conversations qu'on a eues pendant deux ans, on a préparé ce moment de façon très précise et très intense. Et donc quand N. Sarkozy a gagné l'élection présidentielle, les choses se sont mises en place de façon naturelle.
 
Q.- Mais depuis quand vous saviez qu'en cas de victoire vous seriez nommé Premier ministre ?
 
R.- Disons que lui, il savait depuis très longtemps.
 
Q.- Mais vous ?
 
R.- Que moi je m'y préparais parce qu'il me l'avait demandé. Mais je savais aussi que la situation politique pouvait évoluer et que cette situation politique pouvait l'amener à changer ses projets et à changer de Premier ministre.
 
Q.- Donc même quand il vous a dit "c'est toi", vous n'avez pas été ému ? Ou c'est une émotion qui a duré deux ans ?
 
R.- Non, en réalité je vais vous dire, je n'ai été ému que lorsque je suis rentré dans la ville de Sablé dont j'ai été le maire depuis longtemps et quand j'ai vu les centaines ou les milliers de personnes qui m'attendaient sur la place de la mairie.
 
Q.- Et ils vous appellent toujours monsieur le Premier ministre ?
 
R.- Je leur ai demandé de ne pas le faire justement.
 
Q.- Francois ?
 
R.- Voilà, absolument.
 
Q.- Tout le monde a noté votre proximité avec N. Sarkozy depuis quelque temps et surtout [quand] N. Sarkozy [est] devenu président de la République : les têtes à tête, la rencontre avec T. Blair avant même d'entrer à l'Elysée, le jogging, probablement pour montrer un style neuf. Mais le président de la République, il est omniprésent, il est volontaire, il est hyperactif. Il reçoit les ONG, il reçoit les syndicats, il prépare le Gouvernement : il présidentialise son rôle. Quelle est la vraie place d'un Premier ministre ?
 
R.- D'abord la présidentialisation c'est ce que je souhaitais. Je l'ai écrit il y a déjà un an et je le défends depuis très longtemps. Je pense que les Français choisissent un projet à l'occasion de l'élection présidentielle. Ils choisissent un homme et un projet. Il faut que le président de la République s'engage sur ce projet. Et nous, ce que nous voulons, c'est mettre fin à l'hypocrisie. On évoquait tout à l'heure l'hypocrisie s'agissant du rôle du Premier ministre et de la majorité ; c'était aussi une hypocrisie que celle qui consistait à penser que le président de la République n'était pas engagé dans la politique intérieure. Et que la politique intérieure c'était de la seule responsabilité du Premier ministre.
 
Q.- Oui mais il y a la Constitution, comme le rappelait C. Nay tout à l'heure ; il y a l'article 20 qui dit « le Premier ministre détermine et conduit la politique de la nation ». Est-ce que ce sera le cas ou alors vous dites c'est encore une hypocrisie ? Mais c'est la Constitution.
 
R.- La vérité c'est que depuis très longtemps, et en dehors des périodes de cohabitation, c'est le président de la République, parce qu'il a la légitimité la plus forte, qui fixe les orientations. Alors, on peut évidemment toujours ergoter sur les termes de la Constitution et sur la pratique, la vérité c'est que le Premier ministre arbitre, c'est lui qui va devant le Parlement et qui engage la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement et pas le président de la République. Mais moi ce que je souhaite et ce que souhaite N. Sarkozy - et je pense que ça correspond à une attente des Français - c'est qu'il y ait une unité de commandement, qu'il y ait un patron qui aille défendre ses orientations devant l'opinion publique et qui soutienne le Gouvernement, le Premier ministre et les ministres.
 
Q.- Mais alors, quelle place il vous reste ?
 
R.- Mais ma place c'est celle qui consiste à mettre en oeuvre les projets que nous avons d'ailleurs conçus ensemble avec N. Sarkozy, qui sont le coeur de son projet politique. Ma place c'est de faire en sorte que le Parlement et que la majorité travaillent de manière ouverte et intelligente pour que ces projets aboutissent. Donc ma place c'est celle de l'animateur de la majorité et du Gouvernement.
 
Q.- Mais il faut être docile pour ça ?
 
R.- Non, ce n'est pas une question de docilité. Il faut être totalement complice avec le président de la République. Je pense qu'on va faire avec N. Sarkozy une équipe comme on n'en aura, à mon avis, jamais vu depuis le début de la Vème République.
 
Q.- Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? Je veux dire comment cette entente entre deux tempéraments tellement différents est possible et comment elle est née ?
 
R.- Ce qui me fait dire ça, c'est d'abord l'expérience que j'ai depuis deux ans du travail avec lui. Mais c'est aussi mes propres convictions quant à l'avenir de notre pays. Moi ce qui m'intéresse c'est que la France réussisse, ce n'est pas de savoir quelle sera l'ampleur des pouvoirs du Premier ministre et ceux du président de la République. Il faut que la France réussisse. Pour que la France réussisse, il faut mettre en oeuvre des réformes très difficiles. Si le président de la République et le Premier ministre sont comme deux doigts de la main, qu'on ne peut pas introduire le moindre coin entre eux et qu'ils vont ensemble devant l'opinion publique défendre leurs projets, que l'opinion publique ne sent pas d'hésitation au sommet de l'Etat, alors on mettra en oeuvre les changements et la modernisation dont la France a besoin.
 
Q.- Alors, pour les législatives, vous avez fait déjà la grosse voix. Vous allez participer à des meetings de soutien aux candidats. J'ai vu que vous commencez dès ce soir à Marseille. Et d'ici au 10 juin, est-ce que le président de la République va s'impliquer ? Comment ?
 
R.- Je crois que le président de la République s'impliquera. Il va participer sans doute à un grand meeting comme l'avait fait en son temps V. Giscard D'Estaing ou comme l'avait fait F. Mitterrand, parce que N. Sarkozy est un homme politique, il a besoin de ce contact avec les militants de sa famille politique. Il a besoin de ce contact avec les Français et donc il participera à un meeting pendant cette campagne.
 
Q.- Je vais vite sur deux, trois questions avant d'arriver sur le fond des problèmes et de ce que vous allez donner comme contenu au rythme que vous imposez. Si un de vos dix ministres candidats députés est battu, est-ce qu'il restera ministre ?
 
R.- Franchement, la logique c'est quand on est battu, ça veut dire qu'on n'a pas le soutien du peuple, on ne peut pas rester au Gouvernement. Et d'ailleurs, c'est une règle que je m'appliquerai à moi-même puisque j'ai décidé d'être candidat à l'élection législative.
 
Q.- Si monsieur Le Foll qu'on entendait hier vous battait dans la 4ème circonscription de la Sarthe, vous partez ?
 
R.- Bien sûr, parce que je n'aurais pas la légitimité suffisante pour diriger le gouvernement de la France, si je n'avais pas le soutien de mes propres électeurs.
 
Q.- Il y a dix ans, à l'époque de L. Jospin, un ministre ne pouvait pas présider un exécutif local. Est-ce qu'aujourd'hui vous acceptez qu'on soit ministre et maire ?
 
R.- Oui, parce que ça aussi c'est une nouvelle hypocrisie. Qu'est-ce qu'il se passait du temps de L. Jospin ou du temps de J. Chirac d'ailleurs ? Les ministres démissionnaient de leur poste de maire et se faisaient élire premier adjoint. Et en réalité, c'est eux qui gouvernaient leur ville par un intermédiaire, ce qui n'est pas conforme à la vision que j'ai, moi, de la démocratie et de la clarté. Donc les ministres qui ont des responsabilités locales pourront les conserver. Et je crois qu'en plus, c'est très important parce que ça les ramène aux réalités. Les ministres, ils ont aussi besoin de sortir de la bulle dans laquelle ils sont un peu enfermés dans leur ministère. Ils sont confrontés notamment dans les fonctions de maire à des responsabilités qui sont des responsabilités de terrain.
 
Q.- Alors vous avez promis de faire toutes les réformes et de les faire en même temps. C'est-à-dire toutes à la fois. Est-ce que la promesse est possible et est-ce qu'elle va être tenue ?
 
R.- Pas toutes à la fois quand même.
 
Q.- Vous dites "en même temps".
 
R.- Ce que nous pensons, c'est que d'abord la France a pris tellement de retard qu'il ne faut pas perdre de temps. Et deuxièmement notre pays a besoin d'un électrochoc. Pourquoi ? Parce que depuis très longtemps les Français ont vu des hommes politiques qui gagnaient des élections, des majorités qui arrivaient avec des projets et puis ces projets se brisaient sur le mur des oppositions catégorielles, etc. Ce qu'on veut faire, nous, c'est aller très vite pour provoquer un choc.
 
Q.- D'accord, il y a une nouvelle Assemblée, plus le Sénat ; une session extraordinaire est annoncée à partir de la fin juin. Jusque fin juillet début août ?
 
R.- Jusque fin juillet début août.
 
Q.- Début août ? Ils vont travailler début août les parlementaires ?
 
R.- En tous cas au moins jusqu'à la fin juillet. Cela dépendra du rythme auquel ils travailleront.
 
Q.- Quel sera le menu ?
 
R.- Alors le menu il est très simple : d'abord deux textes sur la sécurité, le texte sur les peines planchers pour les multi récidivistes et le texte sur les mineurs délinquants pour compléter un dispositif de lutte contre la délinquance qui est attendu par tous les Français.
 
Q.- Ca c'est R. Dati.
 
R.- C'est R. Dati et un peu M. Alliot-Marie. Ensuite, nous allons proposer un ensemble de mesures fiscales et financières destinées à provoquer un vrai choc pour créer de la croissance, pour créer cette croissance qui nous manque depuis si longtemps.
 
Q.- Vous la prévoyez, combien la croissance ?
 
R.- On est pour l'instant dans une prévision entre 2,25 et 2,50. C'est plutôt bien par rapport à ce que notre pays a connu dans le passé mais ce n'est pas bien par rapport à la moyenne des grands pays développés.
 
Q.- D'accord. Objectif fin de l'année, c'est combien ?
 
R.- Fin de l'année, je n'en sais rien mais notre objectif à nous, c'est d'aller chercher un point de croissance supplémentaire pour être à 3 comme le sont les grands pays développés. Alors pour ça, pendant le mois de juillet, on va en même temps proposer au Parlement la détaxation des heures supplémentaires et la libération des heures supplémentaires.
 
Q.- C'est-à-dire elles doivent être payées 25% de plus que les heures normales ?
 
R.- Et sans charges sociales.
 
Q.- Donc la décision est prise cet été et appliquée le plus vite possible ?
 
R.- Elle est prise cet été et appliquée immédiatement. La déduction des intérêts d'emprunts immobiliers. La suppression des droits de succession. Le bouclier fiscal à 50% de tous les revenus. La possibilité pour les gens qui paient l'ISF de réinvestir dans les PME une partie du montant de leur ISF.
 
Q.- Avec le bouclier fiscal, est-ce que vous pensez faire rentrer en France les exilés volontaires ?
 
R.- Bien sûr.
 
Q.- Est-ce que vous avez de premiers signes ?
 
R.- On a des... j'ai des premiers signes...
 
Q.- En dehors de J. Hallyday !
 
R.- D'abord, la première chose c'est qu'on veut arrêter l'hémorragie, parce qu'aujourd'hui il y a des gens qui partent tous les jours, donc il faut arrêter cette hémorragie, ces richesses qui quittent notre pays et qui vont créer de l'emploi ailleurs. On a déjà des témoignages de Français qui se sont installés à l'extérieur et qui disent « voilà, on a l'impression qu'il y a une nouvelle équipe qui a vraiment la volonté de changer les choses... »
 
Q.- « Et on revient. »
 
R.- « Et on revient. »
 
Q.- Alors on continue avec les mesures...
 
R.- Alors on mesurera l'impact de ces mesures.
 
Q.-...Pour cet été.
 
R.- Ensuite nous voulons prendre un certain nombre de mesures pour moraliser le capitalisme et en particulier mettre un terme à ces pratiques détestables des parachutes dorés, mettre des règles plus éthiques à l'utilisation des stock-options.
 
Q.- Là c'est bien, parce que vous ne risquez pas, F. Fillon, d'entraîner une délocalisation de certains sièges sociaux...
 
R.- On va le faire avec le souci de ne pas mettre en place des règles qui pourraient entraîner des délocalisations. Mais je vois d'ailleurs que dans d'autres pays européens, y compris en Grande-Bretagne, il y a des règles qui sont plutôt plus satisfaisantes que celles qui existent chez nous. Et puis, nous allons engager une réforme très, très importante pour l'avenir de notre pays, peut-être la plus importante, qui est la réforme de l'université, la réforme de notre système d'enseignement supérieur, pour donner à nos universités beaucoup plus d'autonomie, pour leur permettre de retrouver l'excellence. Vous savez, les universités françaises, elles étaient les meilleures du monde, elles ont disparu dans les profondeurs du classement international. La démocratisation, qui était tant souhaitée, en particulier par la gauche, elle s'est brisée sur le mur de l'échec, puisque 50% des étudiants échouent en première année d'université...
 
Q.- Et ça vous le ferez voter avant la fin juillet.
 
R.- Ça, ce sera voté au mois de juillet. Je dis tout de suite d'ailleurs à ceux qui ont commencé à manifester leur opposition à cette réforme, qu'il n'est pas question d'instaurer une sélection à l'entrée de l'université - la sélection à l'entrée de l'université c'est le baccalauréat - et il n'est pas question non plus d'augmenter les droits d'inscription, il est question de donner de l'autonomie aux établissements pour qu'ils puissent s'organiser comme ils l'entendent, recruter leurs enseignants comme ils l'entendent...
 
Q.- Créer les enseignements qu'ils veulent ?
 
R.- Créer les enseignements qu'ils veulent, mettre en place les accords avec les organismes de recherche, avec les grandes écoles, avec les entreprises, sans avoir besoin de demander l'autorisation à des tutelles, qui ne sont pas les mieux placées pour juger de ces questions.
 
Q.- Monsieur le Premier ministre, vous ne m'avez pas parlé du service minimum dans les transports publics, qui était une promesse du candidat.
 
R.- Le service minimum, j'y viens, J.-P. Elkabbach...
 
Q.- Est-ce que vous vous êtes bien engagés devant les syndicats de ne pas forcer en force, est-ce que vous confirmez ?
 
R.- On s'est engagé vis-à-vis des syndicats à respecter une règle que j'avais d'ailleurs moi-même inscrite dans un texte en 2003 lorsque j'étais ministre des Affaires sociales et qui consiste à donner un délai aux organisations syndicales, aux partenaires sociaux, pour, le cas échéant, se saisir eux-mêmes d'une question que le Gouvernement souhaite voir réglée, et proposer des solutions, et donc nous ne passerons pas en force pendant la session extraordinaire sur la question du service minimum, nous donnons ce temps aux organisations syndicales pour trouver des solutions...
 
Q.- Quel délai, jusqu'à quand ?
 
R.- Jusqu'à la fin de l'été, et si à la fin de l'été, les choses ne sont pas faites, nous proposerons un texte au début du mois de septembre.
 
Q.- C'est un délai très court que vous leur donnez, ce n'est pas à la fin de l'année.
 
R.- Ecoutez, c'est un sujet sur lequel on a réfléchi, les uns et les autres, pendant 15 ans, c'est un sujet sur lequel 80% des Français souhaitent qu'il y ait une réforme qui soit faite, on ne va pas encore réfléchir pendant 9 mois. Ce que nous disons d'ailleurs, pour que chacun soit bien conscient de notre volonté d'engager cette réforme, c'est que nous allons proposer dans les prochains jours, les principes, l'architecture de ce qui pourrait être un texte sur le service minimum, et puis on va soumettre cette architecture, ou ces principes, aux partenaires sociaux.
 
Q.- Mais ce n'est pas à prendre ou à laisser ?
 
R.- Ce n'est pas à prendre ou à laisser. Ce qu'on dit aux partenaires sociaux c'est, si vous pensez qu'il y a une autre solution pour arriver au même résultat, c'est-à-dire éviter les conflits et faire en sorte, lorsqu'il y a un conflit, que le service, un service suffisant soit offert aux usagers, alors il n'y aura pas de loi, parce que nous nous ne sommes pas des maniaques de la réforme législative, ce qu'on veut c'est des résultats.
 
Q.- Sur le plan économique et social, toujours à partir de vendredi, N. Sarkozy va recevoir à l'Élysée les syndicats, un à un, etc. pour les quatre conférences sociales qui sont prévues pour le mois de septembre. Est-ce que vous allez créer à ce moment-là, c'est-à-dire à l'automne, le contrat de travail unique pour les entreprises ? Ou avant ?
 
R.- Non, pas avant, parce que ça c'est un sujet, le contrat de travail, sur lequel il y a une concertation nécessaire avec les organisations syndicales, c'est un sujet lourd de conséquences, c'est un sujet technique difficile, donc on va enclencher - je vais avec N. Sarkozy dialoguer avec les organisations syndicales dès la semaine prochaine - on va mettre en place la conférence qui va devoir traiter de ces sujets, et puis on donne aux organisations syndicales jusqu'à la fin de l'année pour travailler sur cette question du contrat de travail unique.
 
Q.- Monsieur le Premier ministre, vous avez bien fait de venir, parce qu'il y a beaucoup de questions. Dans les attributions nouvelles des ministres, A. Juppé, ministre d'Etat, s'occupe de l'énergie. Est-ce que c'est lui qui va gérer la fusion Suez/Gaz De France ?
 
R.- Non, c'est plutôt le ministre de l'Economie, parce que c'est une question capitalistique, c'est une question d'organisation financière de l'entreprise, mais naturellement, A. Juppé aura son mot à dire sur les aspects stratégiques de la fusion...
 
Q.- Mais il ne peut rien empêcher ? Il peut dire ce qu'il veut, il peut parler...
 
R.- Il sera associé à la décision, il aura son mot à dire s'il estime que, je ne sais pas, la proposition qui est faite par le ministère des Finances n'est pas conforme avec la stratégie en matière d'énergie qu'il souhaite promouvoir, naturellement les choses ne se feront pas, mais c'est le ministère des Finances qui sera l'artisan de cette fusion.
 
Q.- Il y a une assemblée générale des actionnaires ce matin chez Gaz De France. Est-ce que la fusion sera effectivement réalisée ? Parce que le candidat, l'ancien ministre de l'Intérieur, aujourd'hui président de la République, était sceptique, critique. Est-ce que la fusion sera réalisée ?
 
R.- Ce qu'on peut dire, J.-P. Elkabbach, c'est que la France a des grands champions en matière d'énergie, elle a EDF pour l'électricité, elle a AREVA pour le nucléaire, elle a Total pour le pétrole ; Gaz De France n'a pas cette dimension-là. Gaz De France n'est pas tout à fait à la dimension d'un grand champion sur un marché mondial de l'énergie. Donc l'idée de la fusion Gaz De France/Suez est une idée qui est valable, et que nous ne rejetons pas. Simplement nous pensons qu'il y a d'autres options, que celle de la fusion Gaz De France/Suez...
 
Q.- Oui, mais qui va choisir et quand ?
 
R.- Et nous savons qu'il n'y a pas urgence à décider, c'est-à-dire qu'on peut encore se donner quelques semaines, jusqu'à la fin du mois de juin, au début du mois de juillet, pour examiner les différentes options possibles et ensuite prendre les décisions qui s'imposent. Mais en tout cas il y a une chose qui est certaine, c'est que nous ne laisserons pas Gaz De France dans la situation où se trouve cette entreprise aujourd'hui, parce que ce serait la fragiliser pour l'avenir.
 
Q.- Donc vous lui donnez quelques semaines. Dans les alternatives, N. Sarkozy avait parlé même avec le Président algérien Bouteflika de la Sonatrach, qui elle ne veut pas, c'est-à-dire le gaz algérien. C'est une des alternatives ou pas ?
 
R.- C'est quand même une discussion qu'on voudrait avoir, il y a la question des synergies avec EDF, tout ça est sur la table, et on va très vite expertiser toutes les solutions, pour choisir la meilleure.
 
Q.- On a vu qu'il y avait un "Grenelle de l'environnement" en préparation. L'environnement a la part belle. Les agriculteurs, pourquoi ils ne sont pas associés, ceux de la FNSEA et d'autres ?
 
R.- Ils vont être associés à cette discussion...
 
Q.- A l'automne.
 
R.- Pour l'instant, ce qu'on a organisé c'est une concertation avec les organisations non gouvernementales qui travaillent ou qui réfléchissent sur ces questions environnementales. Lorsque le Grenelle de l'environnement va être mis en oeuvre, les agriculteurs y auront toute leur place.
 
Q.- On n'a pas parlé du plan Marshall, enfin j'ai envie de dire plutôt le plan Sarkozy/Fillon, s'il existe, sur le chômage des jeunes, et en particulier des banlieues. Est-ce qu'il est pour l'été, pour la rentrée ?
 
R.- Il est pour l'été, J.-P. Elkabbach. On va dès l'été proposer une série de mesures pour les banlieues, c'est un dossier qui va être suivi en particulier par C. Boutin, qui a la responsabilité de la politique de la Ville, et par le ministre chargé des Relations sociales, X. Bertrand. Ils sont déjà en train d'y travailler, et dès l'été nous allons proposer. Il ne s'agit pas là de mesures législatives, c'est pour ça que je ne les ai pas citées dans le programme de travail de l'Assemblée nationale et du Sénat, il s'agit de mesures gouvernementales qui seront prises très vite parce qu'il y a une urgence sur l'emploi des jeunes dans les banlieues. On a fait beaucoup d'efforts, J.- L. Borloo en particulier a fait beaucoup d'efforts pour la rénovation des quartiers. Maintenant, c'est la question de l'emploi qui est au coeur de nos préoccupations.
 
Q.- Et à ce moment-là, vous pourrez aller avec peut-être J.-L. Borloo, le président de la République, dans les banlieues ?
 
R.- Mais on n'attendra pas cet été pour y aller.
 
Q.- Très bien. Le gouvernement Fillon 1 va aux législatives. Si vous êtes élu dans la Sarthe, vous dirigerez un gouvernement 2. Est-ce qu'il y aura toujours 15 ministres ou vous ferez des changements ?
 
R.- Il y aura toujours 15 ministres, il y aura un certain nombre de secrétaires d'Etat qui seront nommés après les élections législatives, parce qu'on voit bien qu'il y a des responsabilités qui doivent être assurées par des secrétaires d'Etat, et puis moi ce que je souhaite c'est qu'on se donne un an pour vérifier que les choix qu'on a faits en terme de périmètres gouvernementaux sont pertinents, et si dans un an ces choix sont pertinents, moi je proposerai qu'on fige ces choix dans une loi organique pour qu'on ne puisse plus à chaque remaniement modifier l'architecture des gouvernements.
 
Q.- Si je comprends bien, tout le monde va vivre sous la tension, enfin en tout cas dans votre gouvernement.
 
R.- Mais cette tension est nécessaire parce que c'est elle qui permet de réussir.
 
Q.- Vous dites à Paris-Match ce matin, « je lis la presse sur moi, je vois que j'ai toutes les qualités, je sais que ça ne va pas durer, c'est la rançon de Matignon. »
 
R.- Oui, je crois qu'il vaut mieux être lucide, c'est préférable si on veut avoir un bon équilibre personnel.
 
Q.- On dit dans la Sarthe qu'assez régulièrement, vous allez discuter à voix basse avec quelques abbés de Solesmes. Est-ce que les conseils des moines sont souvent utiles aux laïcs, monsieur Fillon ?
 
R.- Je discute avec tout le monde, mais les moines de l'abbaye de Solesmes sont des intellectuels qui ont souvent des choses très fortes à dire.
 
Q.- Et ils apprennent quoi ? La distance ? Je ne dis pas la sagesse, mais...
 
R.- Ils portent un autre regard sur le monde, un regard sur le monde qui est détaché de cette tension que vous évoquiez à l'instant, et c'est utile pour un responsable politique de prendre parfois du recul.
 
Q.- Merci d'être venu et d'avoir consacré votre première interview de fond à Europe 1.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 23 mai 2007