Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement, à France 2 le 26 juin 2007, sur son rôle de porte-parole du gouvernement, la réforme des universités et l'expérimentation de la TVA sociale.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard.- Bonjour L. Wauquiez. Bonjour. Les téléspectateurs ne vous connaissent pas encore très bien, mais ça va vite changer, parce que porte-parole du Gouvernement c'est un poste très exposé...
L. Wauquiez.- C'est vrai.
Q.- C'est notamment vous qui devez défendre la politique du Gouvernement, et surtout quand ça va mal. D'abord, pourquoi est-ce que N. Sarkozy et F. Fillon ont choisi un porte-parole aussi jeune ? 32 ans c'est un record, non ?
 
R.- C'est un record. Je pense que pour eux ça correspond à une volonté qui est de renouveler, de dire : voilà, même en politique on peut amener un peu d'oxygène neuf.
 
Q.- Mais c'est un changement d'image qui est voulu, c'est ça ?
 
R.- Oui, en tout cas moi ma volonté c'est de faire un « porte-parolat » très différent. Je pense que le problème...
 
Q.- Très différent de celui de J.-F. Copé ?
 
R.- Je pense que chacun peut apporter à son tour quelque chose. Le problème quand on est porte-parole c'est le risque de s'enfermer un peu dans une langue de béton, comme on est là pour défendre la politique...
 
Q.- C'était le cas avant ?
 
R.- Non, ce n'était pas le cas avant, mais à chaque fois on peut changer. Voyez, je suis obligé d'être très prudent avec vous ! La difficulté c'est que comme on est là pour défendre la politique du Gouvernement, c'est d'être tellement vigilant sur la moindre petite phrase et la moindre petite expression, qu'on finit par ne plus rien dire. Et puis la deuxième chose c'est que moi je n'ai pas seulement envie d'être le porte-parole du Gouvernement, je veux être aussi le porte-parole du terrain, c'est-à-dire concrètement je vais aller en région, organiser des réunions, en dehors même de toute campagne électorale, pour proposer aux concitoyens de venir et de donner la façon dont ils réagissent à la politique du Gouvernement, ce qui me permettra de faire la courroie de transmission dans les deux sens.
 
Q.- Alors, on parlait de difficultés d'expliquer quand il y a les difficultés du gouvernement. Et là, il y en a une, c'est la réforme des universités. N. Sarkozy a pris le dossier en main, c'est lui qui a décidé du report d'au moins une semaine du projet. Sans langue de bois, ça s'appelle un recul.
 
R.- Ça s'appelle un report, comme vous l'avez dit. C'est très simple. Il a pris la décision de voir hier, et encore aujourd'hui, les différents acteurs sur la question de l'université, ce n'était pas possible ni très correct de faire ça et en même temps de le mettre au Conseil des ministres demain matin. Donc l'idée c'est juste de permettre de mettre sur la table les points d'interrogation qui ont été soulevés par les différents acteurs et puis d'apporter les réponses, et du coup de pouvoir le faire sereinement la semaine prochaine.
 
Q.- Mais est-ce que le Gouvernement n'a pas confondu vitesse et précipitation ? Est-ce qu'il ne valait pas mieux se concerter avant ?
 
R.- Juste, ce qu'il faut bien intégrer, c'est que ce projet de loi on en discute maintenant depuis six mois, c'était un élément qui a été un élément très fort dans la campagne électorale, tout était sur la table, sur - parce qu'il faut revenir à des choses simples - c'est quoi le problème ? Le problème c'est qu'aujourd'hui on a des universités où si jamais vous voulez donner un coup de peinture, ou embaucher quelqu'un, il faut aller discuter avec la Direction générale au niveau national. Le résultat c'est qu'on a des universités qui ne sont pas assez performantes, pour nos étudiants, c'est-à-dire qu'on a trop de diplômes sans emplois, des universités qui n'arrivent pas forcément à tisser des partenariats avec les entreprises, les administrations, les instituts de recherche, qui sont autour d'elles. Donc, l'idée du projet de loi c'est d'être plus efficace sur ce terrain-là, c'est tout simple.
 
Q.- Est-ce que le fait que N. Sarkozy ait repris le dossier en main, est-ce que le fait que ce soit lui qui ait annoncé le report, ce n'est pas, d'une certaine façon, un désaveu pour la ministre des universités, V. Pécresse ?
 
R.- Non, je ne pense pas du tout, c'est juste... pour nous c'est effectivement un peu nouveau, parce qu'on n'a pas l'habitude d'avoir un Président qui intervient directement de cette manière-là, mais je pense, et moi ça me semble très salutaire, qu'il faut s'y habituer. Il n'a pas du tout l'intention de s'endormir...
 
Q.- Donc, dès qu'il y aura un problème, il « squeezera » le ministre et il prendra le dossier en main ?
 
R.- Non, ce n'est pas ça du tout que ça veut dire, vous avez vu hier, ils étaient tous les deux à la même table, c'est juste un Président qui va être très actif. Il n'est pas là pour dire : " après l'élection, maintenant, je vous laisse faire, moi je rentre à l'Élysée et puis on se reverra de temps en temps". Non, il est là pour intervenir directement sur les dossiers qui lui tiennent à coeur, en lien avec son équipe. Ce n'est pas un Président qui dit à ses ministres : "maintenant c'est moi qui m'occupe des choses sérieuses". C'est juste un Président qui intervient directement pour redonner les impulsions au moment où c'est nécessaire, pour discuter autour de la table avec ses ministres, c'est un président beaucoup plus actif, moi c'est quelque chose qui...
 
Q.- Beaucoup plus actif que le précédent ?
 
R.- En tout cas c'est un style effectivement très différent, et je crois qu'il est très vigilant là-dessus : ne pas se laisser enfermer à l'Élysée, ne pas uniquement faire les sommets internationaux. Je pense que pour le pays c'est très bien.
 
Q.- Sur le fond du dossier des universités, en quoi, sur quoi est-ce que le projet va être, peut être modifié ?
 
R.- Je crois qu'il y a une question, qui est la question de fond sur laquelle il faut trouver le bon tempo, c'est que d'une part toutes les universités ne sont pas forcément prêtes aujourd'hui pour basculer dans l'autonomie, la situation de l'université de Clermont, de Saint-Étienne, de Lyon, n'est pas forcément la même que celle de Montpellier, Bordeaux, et en même temps le but, évident, c'est de faire en sorte que sur un intervalle de temps raisonnable, toutes les universités puissent basculer dedans, pour que ce soit mieux pour tous nos étudiants.
 
Q.- Donc ça va être une autonomie à la carte ? Il y aura un délai qui sera accordé à certaines ?
 
R.- C'est justement cet équilibre qu'il faut trouver, permettre aux universités qui peuvent avancer tout de suite de le faire, et en même temps inciter tout le monde à progresser rapidement dans cette même direction, pour qu'on n'ait pas des universités à des rythmes différents.
 
Q.- Il y aura un calendrier, on parle de 5 ans par exemple, pour appliquer la réforme ?
 
R.- Oui, c'est d'ailleurs plus généralement, à mon avis, un bon principe en terme de politique publique qu'on va essayer d'appliquer, c'est se fixer des calendriers et des objectifs sur lesquels vous puissiez très clairement nous mesurer et nous dire "vous avez fait le job", ou au contraire "vous l'avez mal fait".
 
Q.- L'autre dossier délicat c'est les hôpitaux. Le patron du Syndicat des médecins urgentistes, P. Pelloux, disait hier qu'il y aurait des suppressions de lits pendant l'été, est-ce que ce n'est pas risqué si la canicule se produit ?
 
R.- C'est un sujet évidemment très grave, surtout après les crises qu'on a vécu sur la canicule, mais aujourd'hui on a quand même des outils d'alerte qui sont très sérieux. On a un plan d'urgence au niveau de toutes les régions, on a une décision très claire qui a été prise par la ministre de la Santé de ne fermer aucun lit de gériatrie, c'est-à-dire qui concernent des personnes âgées, plus exposées sur la canicule, donc on a vraiment un plan d'alerte qui est très opérationnel. Je me permets juste d'apporter quand même une petite précision : le docteur Pelloux, qui est quelqu'un de très estimable, est aussi quand même très engagé politiquement. Dans la campagne électorale, il était engagé du côté de la gauche, donc je dirais...
 
Q.- Donc c'est une prise de position politique, pour vous ?
 
R.- C'est une alerte, et il faut qu'on prenne en compte toutes les alertes, mais le docteur Pelloux il a des positions qui sont des positions politiques, ce qui n'est pas un reproche, chacun a ses engagements et c'est parfaitement respectable.
 
Q.- Sur le dossier de la TVA sociale, J.-P. Raffarin a dit qu'il n'y aurait pas de majorité sur ce texte. Est-ce que ça va être abandonné ?
 
R.- Non, ça ne sera pas abandonné, ça sera expérimenté. Là encore c'est typique, peut-être, d'un changement qu'on veut apporter. En France, quand vous avez un sujet qui est un sujet neuf, c'est soit on passe en force, soit on vous dit : non, finalement on va le remettre sous le tapis. Le problème c'est quoi ? Toute notre protection sociale est financée par les salaires, chez nous, et en rien du tout par les produits qui viennent de Chine et d'Inde. Le résultat c'est qu'on se tire des balles dans le pied, et que le fardeau de la santé, qui est un fardeau auquel on est tous très attaché, on a du mal à le porter tout seul. Donc, sur ce sujet-là, la volonté du Président et du Premier ministre, F. Fillon, c'est de faire en sorte qu'on puisse l'expérimenter. On va analyser les conditions pour que ça marche, l'Allemagne, le Danemark, la Suède le font. Est-ce qu'on ne peut pas essayer d'y arriver en France ? On va expérimenter. Si c'est bon, on le prend, si ce n'est pas bon, on le laisse.
 
Q.- Le Gouvernement a décidé de vendre 5% de France Télécom pour contribuer à réduire la dette, est-ce qu'il y aura d'autres ventes comme celle-là ?
 
R.- Vous savez, moi je viens d'un département, la Haute-Loire, qui appartient à l'Auvergne, donc la bonne gestion de sa bourse c'est quelque chose auquel on est très attaché. On ne peut pas avoir d'un côté des dettes qui sont des dettes lourdes à porter, et de l'autre côté, je dirais un peu des actifs dormants, qui ne servent à rien, tel que France Télécom. Aujourd'hui le cours est à un bon niveau, ça peut permettre à l'Etat de faire une bonne opération de père de famille et de se désendetter, ce qui, je crois, est très salutaire.
 
Q.- Et il y en aura d'autres ou pas ?
 
R.- Oui, C. Lagarde a clairement annoncé que là-dessus elle n'excluait pas d'avoir une politique beaucoup plus active de désendettement.
 
Q.- Merci L. Wauquiez.
 
R.- Merci.
 Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 26 juin 2007