Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Bonjour, B. Thibault.
R.- Bonjour.
Q.- N. Sarkozy est installé à l'Elysée voilà un mois. Climat social bon ? Pas bon ?
R.- Ce n'est pas son installation qui modifie fondamentalement le climat social.
Q.- Peut-être un peu, parce qu'il y a des projets. Service minimum dans les transports, par exemple, ça crispe.
R.- On va sans doute l'évoquer, mais regardez l'actualité sociale. Même si c'est vrai, les caméras, les projecteurs ne sont pas systématiquement braqués sur la situation dans les entreprises. Moi, ce que je remarque cette année, année électorale, c'est qu'il n'y a pas eu de pause particulière d'un point de vue des revendications et, régulièrement, sur les questions de pouvoir d'achat, de salaires. Ca va ne faire que s'amplifier, à mon avis, compte tenu de la nature des réponses qui sont proposées. Sur l'emploi, il y a beaucoup de mobilisations. Donc, je pense que le climat social reste à mettre - les préoccupations sociales - au centre, ce qui a été aussi présent durant les campagnes politiques.
Q.- La première question qui vous est posée, B. Thibault, c'est celle du Service minimum dans les transports publics. On en parle depuis vingt ans. Une loi-cadre va être proposée au parlement, le 12 juillet. C'est une bonne loi ?
R.- C'est un projet de loi qui est inutilement provocateur...
Q.- Ah carrément !
R.- ... A l'égard des personnels des transports. Il faut rappeler - première chose importante - 98% des perturbations, retards ou suppressions de circulation dans les transports ne sont pas dû à des grèves, sont dû à des problèmes d'infrastructures, des problèmes de matériels, des problèmes de personnels. Le Gouvernement fait le choix d'un projet de loi qui s'intéresse aux 2% des cas où les circulations sont perturbées pour faits de grève. On voit là une disproportion. D'ailleurs, les associations d'usagers de transports l'ont rappelé récemment : ça n'est pas une priorité dans ceux qui utilisent les transports en commun.
Q.- La source de vos statistiques est indiscutable parce que 98%, 2%, vous le dites...
R.- Interrogez les entreprises de transports, vous aurez confirmation de cette donnée.
Q.- D'accord. Alors, "inutilement provocateur", dites-vous alors que c'est une loi cadre qui vise à faire en sorte que les gens qui sont grévistes se déclarent avant de faire grève, qu'au bout de huit jours, il y ait un vote parmi les grévistes... En quoi, est-elle provocatrice, cette loi, B. Thibault ?
R.- Inutilement provocatrice ! Par exemple, lorsqu'on précise dans un texte de loi que les jours de grève ne sont pas payés alors que ça a toujours été le cas. On ne rappelle pas dans une loi, aujourd'hui, que les véhicules automobiles roulent à droite. On nous dit : ça ne coûte rien de rappeler une évidence ou une règlementation qui existe. On ne va pas rappeler cette évidence et on veut profiter de cette loi, par exemple, pour rappeler un fait établi depuis très longtemps. Ca ne participe que d'une communication politique qui laisserait entendre aux Français qu'auparavant, les jours de grève étaient rémunérés dans les transports, ce qui est totalement faux. Il y a plusieurs dispositions qui nécessitent d'être revues et j'espère que les prochains jours, les prochaines semaines vont nous permettre de vérifier que les parlementaires peuvent être à l'écoute des organisations syndicales, notamment. Il y a plusieurs dispositions qui sont inutiles...
Q.- Par exemple ?
R.-... Celles sur les jours de grève non payés. Je le dis : c'est une évidence. La consultation au bout de huit jours de grève puisqu'on nous dit, à la fois, c'est une consultation purement à titre indicatif, il n'y aura pas d'obligation liée à cette consultation. Donc, à quoi sert de faire une consultation au bout de huit jours de grève ? Je vous rappelle que c'est de l'exception. Quand il y a huit jours de grève dans un réseau de transports, c'est qu'on a des problèmes réels, des problèmes profonds et qu'il faut se mettre à la table des négociations pour en sortir. Donc, on laisse entendre par ce biais-là ou ce que l'on veut essayer de faire, c'est d'opposer un peu plus des grévistes qui pourraient être présentés comme minoritaires à l'occasion d'une consultation dans une entreprise avec l'ensemble des usagers en les mettant en quelque sorte au pilori. Alors, à ce propos, je veux rappeler l'évidence : c'est que le droit constitutionnel de grève est garanti par définition par la Constitution, que c'est un droit individuel qui n'a jamais imposé de remplir le critère de majorité, d'autant plus...
Q.- Mais la loi ne remet pas en cause ce droit individuel, visiblement ?
R.- Alors, pourquoi faire une consultation ou proposer de faire une consultation si on ne peut pas remettre en cause le droit individuel d'avoir recours à la grève, si on estime que ce recours est justifié par un mécontentement !
Q.- Vous demandez le retrait de ces mesures, donc, B. Thibault ?
R.- Je demande à pouvoir rediscuter de la rédaction de cette partie du texte comme de la déclaration anticipée du statut de gréviste ou de non gréviste qui, de notre point de vue, représente une pression sur les conditions d'exercice du droit de grève inutile.
Q.- Et le Gouvernement répond que tout ça, c'était dans la campagne électorale. Les Français en ont été saisis. Ils ont tranché majoritairement...
R.- Non, pour l'instant, le Gouvernement répond qu'il est ouvert à d'autres discussions, y compris pendant le débat à l'Assemblée. Donc, nous allons voir comment vont être reçus nos critiques. On ne résout pas fondamentalement les problèmes qui sont posés aux usagers des transports. Ce ne sont pas les priorités à traiter. Et en plus, on en profite pour être -encore une fois, je le dis- inutilement provocateurs.
Q.- On sait que les trains vont rouler normalement cet été ou il y a des risques pour les départs en vacances ?
R.- C'est souhaitable. C'est souhaitable...
Q.- Il y a des risques pour les départs en vacances ?
R.- Cette loi-cadre prévoit justement d'encadrer des discussions futures. En fonction des dispositions qu'elle va retenir, les négociations à venir qui vont peut-être durer jusqu'à la fin de l'année dans les entreprises, les branches de transports vont préciser les modalités d'application de ces dispositions. C'est dire qu'il y a plusieurs mois devant nous. Mais naturellement, la manière dont l'Assemblée nationale, le Sénat vont définir les dispositions cadres, c'est quelque chose de déterminant.
Q.- Le nombre de fonctionnaires devrait diminuer l'année prochaine. 35.000 suppressions de postes devraient être annoncées dans le budget 2008. Là aussi, c'était connu ? C'est une nouvelle que vous acceptez telle quelle ?
R.- C'est la transcription assez logique d'un autre slogan de campagne : ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux.
Q.- Parce que les Finances de l'Etat n'en peuvent plus !
R.- Oui, mais bien sûr, il y a toujours une justification à ce genre d'annonces.
Q.- Et celle-là ne vous convainc pas ?
R.- Non, parce qu'il faut arriver à discuter de leur non-affectation, de leur non-remplacement. Il va bien falloir être un peu plus précis que de faire de la comptabilité en nombre de fonctionnaires. Qu'est-ce que ça veut dire dans les différents services de la Fonction publique ? Qu'est-ce que ça veut dire dans la Justice dont on dit qu'elle peut manquer de moyens ? Alors, j'entends bien que parallèlement, il peut être envisagé de réduire la présence géographique des tribunaux dans un certain nombre d'instances. Je ne suis pas sûr que nos concitoyens soient d'accord. Qu'est-ce que ça veut dire d'un point de vue de la Fonction publique hospitalière qui vit un drame d'un point de vue du manque des personnels pour faire fonctionner l'hôpital ? Qu'est-ce que ça veut dire à l'Education nationale ? Qu'est-ce que ça veut dire dans les différents services de l'Administration ? On ne peut pas plaquer un chiffre, annoncer un chiffre au préalable ; et puis, après, s'interroger sur les conséquences en termes de prestations pour la collectivité.
Q.- Alors d'un mot - c'est un lieu commun - mais l'automne sera chaud, B. Thibault ?
R.- Non, mais çà, vous savez c'est la question récurrente, classique. Avant l'automne, il y a aussi l'été et nous avons beaucoup de travail à faire déjà avant d'envisager une période de congés.
Q.- Donc, ce ne sera pas la sécheresse cet automne ?
R.- Ah, çà, j'en sais rien, je ne suis pas un climatologue !
Q.- Non, vous êtes un syndicaliste. Et c'était B. Thibault, de la CGT. Bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 25 juin 2007