Texte intégral
Lettre de M. Bernard Thibault
Secrétaire Général de la CGT
adressée à M. Xavier BERTRAND
Ministre du Travail, des relations sociales et de la solidarité
Montreuil, le 2 juillet 2007
Objet :
Avant projet de loi sur le dialogue social
et la continuité du Service Public de Transport.
Monsieur Le Ministre,
Dans le cadre de la consultation que vous avez initiée à propos de l'avant-projet de la loi sur « Le dialogue social et la continuité du service public de transport », je souhaite vous faire part de nos appréciations et commentaires.
Avant tout, je me permets de vous rappeler que l'exercice du droit constitutionnel de grève est déjà très encadré par plusieurs lois. Rien n'appelle aujourd'hui à un durcissement de la réglementation, d'autant qu'il est établi que la conflictualité a significativement baissé depuis dix ans dans les transports.
Pour leur part, les usagers - et leurs associations - lorsqu'ils sont interrogés, n'évoquent pas spontanément le service minimum et les désagréments associés aux grèves dans les transports comme la question prioritaire du moment.
Ils demandent plutôt un service public de transport de qualité au quotidien alliant régularité, confort, fiabilité et sûreté. Or l'écrasante majorité des perturbations quotidiennes subies par les usagers est imputable aux défaillances du matériel roulant, aux insuffisances de moyens humains, financiers et en capacités d'infrastructures qui provoquent incidents, accidents, suppressions de services, de dessertes, retards...
Le projet de loi ne répondra à aucune de ces préoccupations.
Ces causes techniques et matérielles nourrissent le mécontentement et les manifestations d'usagers - qui se multiplient actuellement- comme elles nourrissent les situations conflictuelles dans les entreprises.
La précarité de l'emploi se développe dans les transports. Ainsi, l'intérim a progressé de 15 % en 2006 après une progression de 9 % les deux années précédentes. Le temps partiel atteint 33,6 % dans le transport interurbain. La sous-traitance enregistre une croissance de 56 % dans les transports urbains et routiers de voyageurs et 8,5 % à la SNCF en 2006. Les salariés sont donc fondés à exiger une autre politique de l'emploi, la revalorisation des salaires et retraites, l'amélioration de leurs conditions de travail...
Le Service Public de transport n'est donc pas malade des grèves, mais des dysfonctionnements dus aux politiques de déréglementation et de libéralisation successives.
Il nous semble que la priorité du gouvernement et la responsabilité qui lui incombe en la matière devraient porter sur cette question quand il entend traiter de la continuité du service public.
La CGT réitère donc son opposition à toute nouvelle limitation du droit de grève dans le secteur des transports publics et à la mise en oeuvre du service minimum qui en serait l'instrument.
Nous réaffirmons avec la même force notre conviction qu'il est nécessaire et possible d'améliorer le dialogue social de le rendre plus efficace et, de ce fait, de limiter d'autant la conflictualité. Nous avons à maintes reprises affirmé notre disponibilité pour travailler dans cette direction : agir sur les causes plutôt que sur les seules conséquences des conflits.
Il y a, de notre point de vue, urgence à progresser sur ces questions quand on sait que 55 % des entreprises de transport assujetties à la loi sur la négociation annuelle obligatoire ne respectent pas cette obligation légale.
Tout comme, il convient de faire appliquer les lois qui existent déjà, entre autres, celle du 19 octobre 1982, qui stipule que « pendant la durée du préavis de grève les parties intéressées sont tenues de négocier ».
Parallèlement une des principales conditions pour parvenir rapidement à une amélioration du dialogue social nous semble résider dans des réformes à mettre à l'ordre du jour pour consacrer la force et la valeur de la négociation sociale :
- celle de la représentativité syndicale, celle reconnaissant le principe de l'accord majoritaire à tous les niveaux de la négociation sociale, celle imposant l'obligation de négocier à tous les niveaux de décisions (entreprise, branche, groupe...),
- celle de moyens nouveaux d'intervention pour les salariés et les usagers auprès des autorités organisatrices et pouvoirs publics.
Une nouvelle loi qui n'intègre pas ces impératifs s'avère donc inutile et sera même contreproductive. Du fait de son caractère unilatéral, elle tourne le dos à l'esprit du dialogue social et à une meilleure formalisation de celui-ci.
Il en va ainsi de l'intention d'établir une procédure de déclaration imposée aux salariés préalable à la grève, 48 heures avant son déclenchement. Celle-ci constitue une atteinte caractérisée à l'exercice individuel de leur droit de grève. Nous ne saurions trop vous rappeler que la cour de cassation par un arrêt « Air France » du 20 Novembre 2003 a jugé « qu'il ne peut être imposé à un salarié d'indiquer à son employeur, avant le déclenchement de la grève qu'il participe au mouvement ».
En outre, cette procédure, complexe dans sa mise en oeuvre, n'est pas de nature à améliorer la prévisibilité du service. Bien au contraire, suivant l'usage qui pourra être fait d'une telle disposition, celle-ci générera plus de difficultés encore pour les usagers, allant ainsi à l'encontre des résultats escomptés.
Cette obligation est donc irréaliste et pour la CGT inacceptable. Nous y opposons notre désaccord le plus résolu d'autant plus qu'elle s'accompagne de sanctions envers les salariés.
Nous estimons que les directions des entreprises de transports publics disposent de nombre de moyens, d'indicateurs, d'outils, pour organiser les plans de transport en temps de grève et optimiser les ressources disponibles (humaines, matérielles...) sans être obligé d'en passer par de nouvelles contraintes qui ont comme seul objectif la restriction de l'exercice du droit de grève.
Pour ce qui relève de la possibilité d'organiser une consultation au bout de huit jours de grève des salariés susceptibles de participer à celle-ci, et ce à la demande de l'entreprise ou de toute organisation syndicale représentative (art 6), nous considérons qu'il s'agit là d'une disposition totalement inutile.
Puisqu'une telle consultation ne pourrait avoir comme conséquence d'empêcher une partie des salariés, même minoritaire, d'exercer librement leur droit constitutionnel de grève une telle mesure n'a d'autre objet que de faire pression, d'intimider et de diviser les salariés entre eux. Au-delà de son inutilité, cette mesure entraînera une détérioration du climat social dans les entreprises et une perte de confiance entre les salariés et leur encadrement.
Nous ne pouvons que rejeter cette disposition.
L'article 5 de l'avant projet de loi stipule que les entreprises de transport et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, avant le 01 janvier 2008, d'un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de grève ou autre perturbation prévisible du trafic.
Cette disposition sous-tend également les conditions d'utilisation des personnels non grévistes.
Au-delà du fait qu'il convient de clarifier ce que vous entendez par « autre perturbation prévisible du trafic », nous insistons expressément pour qu'il soit rappelé :
- que l'organisation des plans de transports en temps de grève, l'affectation des salariés non grévistes, s'effectuent dans le strict respect des réglementations et règles de sécurité en vigueur,
- que l'information des usagers relève de la seule et unique responsabilité des directions des entreprises de transports concernées.
L'article 9 stipule le non paiement des jours de grève. Nous considérons qu'il s'agit là d'une provocation portant atteinte à la dignité des personnels. En effet, alors qu'il s'agit d'une disposition légale déjà existante, comment justifier cet article autrement que par la volonté de discréditer les personnels aux yeux de leurs concitoyens ?
Cela nous semble assez révélateur de l'état d'esprit partisan qui inspire ce projet de loi.
Pour conclure, je veux vous dire notre souhait que nos remarques et suggestions soient prises en considération. Il est de ma responsabilité d'attirer votre attention sur le fait que de l'évolution de ce texte dépendra, pour partie, le climat social dans les entreprises de transport.
Je vous prie, Monsieur le Ministre, de recevoir l'expression de mes sentiments distingués.Source http://www.cgt.fr, le 3 juillet 2007
Secrétaire Général de la CGT
adressée à M. Xavier BERTRAND
Ministre du Travail, des relations sociales et de la solidarité
Montreuil, le 2 juillet 2007
Objet :
Avant projet de loi sur le dialogue social
et la continuité du Service Public de Transport.
Monsieur Le Ministre,
Dans le cadre de la consultation que vous avez initiée à propos de l'avant-projet de la loi sur « Le dialogue social et la continuité du service public de transport », je souhaite vous faire part de nos appréciations et commentaires.
Avant tout, je me permets de vous rappeler que l'exercice du droit constitutionnel de grève est déjà très encadré par plusieurs lois. Rien n'appelle aujourd'hui à un durcissement de la réglementation, d'autant qu'il est établi que la conflictualité a significativement baissé depuis dix ans dans les transports.
Pour leur part, les usagers - et leurs associations - lorsqu'ils sont interrogés, n'évoquent pas spontanément le service minimum et les désagréments associés aux grèves dans les transports comme la question prioritaire du moment.
Ils demandent plutôt un service public de transport de qualité au quotidien alliant régularité, confort, fiabilité et sûreté. Or l'écrasante majorité des perturbations quotidiennes subies par les usagers est imputable aux défaillances du matériel roulant, aux insuffisances de moyens humains, financiers et en capacités d'infrastructures qui provoquent incidents, accidents, suppressions de services, de dessertes, retards...
Le projet de loi ne répondra à aucune de ces préoccupations.
Ces causes techniques et matérielles nourrissent le mécontentement et les manifestations d'usagers - qui se multiplient actuellement- comme elles nourrissent les situations conflictuelles dans les entreprises.
La précarité de l'emploi se développe dans les transports. Ainsi, l'intérim a progressé de 15 % en 2006 après une progression de 9 % les deux années précédentes. Le temps partiel atteint 33,6 % dans le transport interurbain. La sous-traitance enregistre une croissance de 56 % dans les transports urbains et routiers de voyageurs et 8,5 % à la SNCF en 2006. Les salariés sont donc fondés à exiger une autre politique de l'emploi, la revalorisation des salaires et retraites, l'amélioration de leurs conditions de travail...
Le Service Public de transport n'est donc pas malade des grèves, mais des dysfonctionnements dus aux politiques de déréglementation et de libéralisation successives.
Il nous semble que la priorité du gouvernement et la responsabilité qui lui incombe en la matière devraient porter sur cette question quand il entend traiter de la continuité du service public.
La CGT réitère donc son opposition à toute nouvelle limitation du droit de grève dans le secteur des transports publics et à la mise en oeuvre du service minimum qui en serait l'instrument.
Nous réaffirmons avec la même force notre conviction qu'il est nécessaire et possible d'améliorer le dialogue social de le rendre plus efficace et, de ce fait, de limiter d'autant la conflictualité. Nous avons à maintes reprises affirmé notre disponibilité pour travailler dans cette direction : agir sur les causes plutôt que sur les seules conséquences des conflits.
Il y a, de notre point de vue, urgence à progresser sur ces questions quand on sait que 55 % des entreprises de transport assujetties à la loi sur la négociation annuelle obligatoire ne respectent pas cette obligation légale.
Tout comme, il convient de faire appliquer les lois qui existent déjà, entre autres, celle du 19 octobre 1982, qui stipule que « pendant la durée du préavis de grève les parties intéressées sont tenues de négocier ».
Parallèlement une des principales conditions pour parvenir rapidement à une amélioration du dialogue social nous semble résider dans des réformes à mettre à l'ordre du jour pour consacrer la force et la valeur de la négociation sociale :
- celle de la représentativité syndicale, celle reconnaissant le principe de l'accord majoritaire à tous les niveaux de la négociation sociale, celle imposant l'obligation de négocier à tous les niveaux de décisions (entreprise, branche, groupe...),
- celle de moyens nouveaux d'intervention pour les salariés et les usagers auprès des autorités organisatrices et pouvoirs publics.
Une nouvelle loi qui n'intègre pas ces impératifs s'avère donc inutile et sera même contreproductive. Du fait de son caractère unilatéral, elle tourne le dos à l'esprit du dialogue social et à une meilleure formalisation de celui-ci.
Il en va ainsi de l'intention d'établir une procédure de déclaration imposée aux salariés préalable à la grève, 48 heures avant son déclenchement. Celle-ci constitue une atteinte caractérisée à l'exercice individuel de leur droit de grève. Nous ne saurions trop vous rappeler que la cour de cassation par un arrêt « Air France » du 20 Novembre 2003 a jugé « qu'il ne peut être imposé à un salarié d'indiquer à son employeur, avant le déclenchement de la grève qu'il participe au mouvement ».
En outre, cette procédure, complexe dans sa mise en oeuvre, n'est pas de nature à améliorer la prévisibilité du service. Bien au contraire, suivant l'usage qui pourra être fait d'une telle disposition, celle-ci générera plus de difficultés encore pour les usagers, allant ainsi à l'encontre des résultats escomptés.
Cette obligation est donc irréaliste et pour la CGT inacceptable. Nous y opposons notre désaccord le plus résolu d'autant plus qu'elle s'accompagne de sanctions envers les salariés.
Nous estimons que les directions des entreprises de transports publics disposent de nombre de moyens, d'indicateurs, d'outils, pour organiser les plans de transport en temps de grève et optimiser les ressources disponibles (humaines, matérielles...) sans être obligé d'en passer par de nouvelles contraintes qui ont comme seul objectif la restriction de l'exercice du droit de grève.
Pour ce qui relève de la possibilité d'organiser une consultation au bout de huit jours de grève des salariés susceptibles de participer à celle-ci, et ce à la demande de l'entreprise ou de toute organisation syndicale représentative (art 6), nous considérons qu'il s'agit là d'une disposition totalement inutile.
Puisqu'une telle consultation ne pourrait avoir comme conséquence d'empêcher une partie des salariés, même minoritaire, d'exercer librement leur droit constitutionnel de grève une telle mesure n'a d'autre objet que de faire pression, d'intimider et de diviser les salariés entre eux. Au-delà de son inutilité, cette mesure entraînera une détérioration du climat social dans les entreprises et une perte de confiance entre les salariés et leur encadrement.
Nous ne pouvons que rejeter cette disposition.
L'article 5 de l'avant projet de loi stipule que les entreprises de transport et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, avant le 01 janvier 2008, d'un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de grève ou autre perturbation prévisible du trafic.
Cette disposition sous-tend également les conditions d'utilisation des personnels non grévistes.
Au-delà du fait qu'il convient de clarifier ce que vous entendez par « autre perturbation prévisible du trafic », nous insistons expressément pour qu'il soit rappelé :
- que l'organisation des plans de transports en temps de grève, l'affectation des salariés non grévistes, s'effectuent dans le strict respect des réglementations et règles de sécurité en vigueur,
- que l'information des usagers relève de la seule et unique responsabilité des directions des entreprises de transports concernées.
L'article 9 stipule le non paiement des jours de grève. Nous considérons qu'il s'agit là d'une provocation portant atteinte à la dignité des personnels. En effet, alors qu'il s'agit d'une disposition légale déjà existante, comment justifier cet article autrement que par la volonté de discréditer les personnels aux yeux de leurs concitoyens ?
Cela nous semble assez révélateur de l'état d'esprit partisan qui inspire ce projet de loi.
Pour conclure, je veux vous dire notre souhait que nos remarques et suggestions soient prises en considération. Il est de ma responsabilité d'attirer votre attention sur le fait que de l'évolution de ce texte dépendra, pour partie, le climat social dans les entreprises de transport.
Je vous prie, Monsieur le Ministre, de recevoir l'expression de mes sentiments distingués.Source http://www.cgt.fr, le 3 juillet 2007