Extraits d'un entretien de M. Hervé Morin, ministre de la défense, à France 2 le 14 juillet 2007, sur la Défense européenne, les efforts budgétaires en faveur de la défense, le second porte-avions et sur la présence des militaires français dans le monde.

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Média : France 2

Texte intégral

Thierry THUILLIER
Monsieur le ministre, merci de nous rejoindre.
Herve MORIN
Merci.
Alors, c'est votre premier défilé en tant que ministre de la Défense, je le précise. Comment vous l'avez trouvé ce défilé ?
Je crois que l'idée du président de la République de ce défilé avec les 27 États de l'Union européenne avait quelque chose d'extrêmement émouvant, tout cela avec le président en exercice de l'Union européenne, le président du Parlement, le président de la commission Barroso. Il y avait là le symbole fort d'un pays qui a envie de dire à l'ensemble des États européens : « Ce continent s'est déchiré pendant des siècles et des siècles, il doit progresser dans la constitution d'une Europe de la défense ».
Progresser, vous l'avez dit parce que c'est vrai que le symbole est fort. Il faut avouer quand même que l'Europe de la défense reste à construire, très honnêtement.
Bien sûr, parce que pour bon nombre de nos collègues européens, le meilleur parapluie, j'allais dire la sécurité, c'est l'OTAN.
Donc américain d'une certaine manière.
Nous essayons de leur expliquer que l'un n'est pas incompatible avec l'autre, que l'Union européenne et l'OTAN doivent fonctionner de concert, ce que nous faisons. Nous, nous sommes de très bons élèves au sein de l'OTAN, au sein de l'ensemble des forces par exemple au sein de la force de réaction rapide de l'OTAN et nous leur disons en même temps : « Nous devons construire notre propre état-major de planification pour conduire des opérations ». Nous devons faire en sorte que l'idée de la défense européenne rentre dans les esprits par des missions menées sous, si je puis dire, le fanion européen. Nous le voulons pour l'Est du Tchad ; nous le voulons au Kosovo à l'automne s'il y a une résolution des Nations unies bien sûr. Nous avons désormais les moyens de pouvoir mener un certain nombre d'opérations. Faut-il encore aussi que l'effort de défense ne repose pas essentiellement sur deux pays qui sont la France et la Grande-Bretagne.
Oui, 50 % de l'ensemble des budgets des 27, c'est quand même énorme et cela dit ...
Un peu moins de 50 % des budgets de l'Europe sont représentés par le budget britannique et par le budget français et pire encore, quand on fait la comparaison entre les 27 pays de l'Union européenne et nos amis américains, nous consacrons grosso modo deux fois moins et demi d'argent pour notre défense. Et si l'on parle 'recherche et développement', c'est-à-dire l'avenir de l'industrie de défense européenne, notre capacité à mener par nous-mêmes des programmes, le rapport, là, il est de 1 à 4. Ce sont des chiffres qu'il faut rappeler parce que tout cela est assez significatif de cette espèce de facilité dans laquelle nous sommes rentrés.
Alors, on a commencé à parler gros sous. Précisément hier, le président de la République a abordé la question. Il a annoncé, on le savait déjà, mais qu'il allait y avoir un livre blanc à l'automne, d'ailleurs révisé chaque année, est-ce que l'armée française, les armées françaises doivent s'attendre à voir leur budget coupé, réduit ?
Non, le président de la République a annoncé qu'il maintiendrait l'effort de défense autour de 2 % de la richesse nationale. 2 % de la richesse nationale, ce n'est pas grand-chose comme assurance-vie, comme capacité pour la France de pouvoir rester dans les nations qui comptent à travers le monde, capable de faire porter sa voix et aussi pour assurer sa propre sécurité. Malheureusement, 2 %, compte tenu de la totalité des programmes dans lesquels nous nous sommes engagés, cela risque de ne pas suffire parce que l'on a fait un effort énorme de 2002 à 2007 ; cet effort pour rattraper une situation passée qui n'était vraiment pas bonne et cet effort là, maintenant, nous avons si je puis dire à le payer, c'est-à-dire que l'on fasse des études, des programmes, des développements de ces programmes aux périodes de livraison et de fabrication et là, quand il s'agit de payer chacun de ces équipements, la facture devient lourde. Donc il faut ...
... Faire des choix.
Faire des choix et c'est aussi, pour nous, faire des économies parce que, à la défense comme ailleurs même si les militaires ont déjà beaucoup trinqué avec différentes restructurations, faire aussi des économies pour que, un, on puisse améliorer la condition militaire et deux, pour que l'on puisse éventuellement lancer un certain nombre de programmes dont nous avons besoin.
Alors, on vous l'a déjà posé cette question mais je vous la pose quand même.
Pitié, pas le second porte-avions !
Le second porte-avions non mais quand est-ce que l'on va savoir puisque ce n'est pas ...
J'ai pris un petit-déjeuner avant le défilé avec le ministre britannique de la Défense, et nous avons la même volonté - le président de la République l'a dit - c'est pour nous, la volonté de faire ce second porte-avions et pour eux, d'avoir un groupe aéronaval. Nous voulons mener ce programme en coopération industrielle parce qu'il y a des économies colossales à effectuer. Et nous avons le même exercice de réflexion sur le livre blanc : « Est-ce que le format de nos armées, nos missions, les capacités, est-ce que tout cela est bien cohérent ? ». Et donc ensemble, nous menons ces deux exercices et à la fin de l'année, nous aurons une vision assez claire.
Donc fin de l'année ?
Oui, nous nous inscrivons dans cette perspective là. Est-ce que ce sera à l'automne, en novembre, en janvier, peu importe. Nous allons continuer à travailler sur le projet, preuve que pour nous, il n'est pas abandonné. Nous allons faire en sorte que ce programme soit le plus industriellement franco-britannique, pour qu'il soit le moins coûteux possible mais en même temps, nous allons dire aux industriels qu'il y a probablement aussi des efforts à effectuer de leur côté.
Un dernier mot, il y a beaucoup de troupes françaises à l'étranger, il y en a 12 000, on l'a dit. Est-ce qu'elles vont toutes rester à l'étranger ? On parlait d'un retrait possible de Côte d'Ivoire, de certaines fermetures de bases africaines.
Sur ce que l'on appelle les implantations permanentes en Afrique, cela fera partie de la réflexion du livre blanc : « Où la France a-t-elle besoin d'avoir des forces pré positionnées en permanence ? ». Quant aux opérations extérieures elles-mêmes, en Afghanistan, au Liban - où je pars à l'instant même pour aller fêter le 14 juillet avec les troupes françaises et en même temps rencontrer le Premier ministre libanais demain -, nous avons une idée simple : tant que les armées françaises sont nécessaires pour maintenir la paix, pour assurer la sécurité de la région, ou tenter de l'assurer, nous resterons. Mais quand vous prenez l'exemple de la Côte d'Ivoire, nous avons déjà beaucoup réduit les effectifs et nous les réduirons progressivement au fur et à mesure que la stabilité et la paix se mettront en place.
Merci beaucoup Monsieur le ministre.
Merci beaucoup.
Et bonne fin de journée.
Vous aussi, au revoir.


Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 juillet 2007