Texte intégral
Je viens de réunir 18 organisations humanitaires intervenant au Darfour.
Comme vous le savez, la crise du Darfour est une crise humanitaire sans précédent qui dure depuis 4 ans, quatre ans que le nombre de victimes civiles ne cesse d'augmenter puisqu'on a 200.000 morts jusqu'à présent et 2 à 3 millions de déplacés dont la moitié sont des enfants, ce qui témoigne de l'importance et du caractère très aigu de cette crise. Vous le savez. Nous le savons tous. Et j'ai tenu aujourd'hui à réunir 18 organisations humanitaires qui s'impliquent sur la question des enfants au Darfour.
Beaucoup d'associations se sont mobilisées et je voudrais leur rendre hommage d'avoir été présents aujourd'hui, ce n'est pas forcément évident et de s'impliquer autant sur le terrain, au nom, à la fois du Quai d'Orsay et du gouvernement.
Je les ai informées dans un premier temps de l'évolution de la situation, c'est-à-dire de l'agenda politique. Depuis la Conférence de Paris le 25 juin dernier, pas mal de conférences ont succédé, notamment à Tripoli. Bernard Kouchner s'est aussi rendu sur place et nous avons un agenda qui s'annonce chargé comme les 5 et 6 août prochains, mais également en septembre, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies. Tout ceci pour trouver une solution à la crise du Darfour. Mais si j'ai voulu aujourd'hui réunir ces organisations, c'est pour voir comment on pourrait dans le cadre plus général de la crise se concentrer sur le sort des enfants dont je vous disais qu'ils constituent la moitié des deux à trois millions de déplacés.
Face à cette crise, la communauté internationale a mis en oeuvre une opération significative soutenue par un vaste élan de solidarité et de générosité, y compris de la part de l'opinion publique française, qui a beaucoup contribué à cet élan de solidarité. Quelques chiffres simplement pour s'en rendre compte : 1,7 millions d'enfants ont été immunisés contre la rougeole grâce à cette action humanitaire ; 1,3 contre la polio ; 1,1 ont reçu de la vitamine A ; des millions de rations alimentaires acheminés et distribués ; 5.500 cas de malnutrition sont traités tous les mois.
Aujourd'hui, comme viennent de le dire toutes les organisations humanitaires que j'ai vues, les problèmes se concentrent sur les zones les moins accessibles, les zones rurales et les zones montagneuses. Elles cumulent beaucoup de handicaps, comme l'isolement géographique, et beaucoup d'obstacles, comme l'insécurité et la persistance de déplacements. Le tout exerce une pression sur les actions de ces organisations et rend les choses beaucoup plus difficiles.
Dans ces zones, la principale cause de mortalité infantile est la malnutrition. L'intervention humanitaire y est très difficile. Dans certains cas, elle est impossible. Certaines organisations ont même décidé de se retirer parce qu'elles n'ont plus les moyens d'agir.
Un autre sujet d'inquiétude se manifeste sérieusement : l'accès aux ressources essentielles comme l'eau et l'énergie. La plupart des organisations travaillent sur l'eau et l'assainissement de l'eau. Elles font un travail formidable mais ont encore besoin dans les camps des déplacés d'aide et de soutien, sans parler du fait que la persistance du conflit épuise les ressources naturelles.
Enfin, il est important que la coopération des autorités locales se renforce. Parmi ces organisations, certaines interviennent à la fois dans des zones où interviennent les autorités gouvernementales soudanaises, mais aussi dans les camps de réfugiés dans les zones rebelles. Il est absolument important qu'il y ait une coordination qui se dégage au niveau des autorités et au niveau des organisations gouvernementales pour que l'espace humanitaire soit le plus protégé possible.
Face à ce constat fait par la plupart de ces organisations de terrain et en vérité de manière assez consensuelle, une évidence s'impose : il faut aller encore plus loin, encore plus vite.
Au terme de la réunion intéressante et passionnante et qui nous a montré que les organisations méritent notre soutien le plus total, j'ai pris trois décisions :
- face au problème de financement qui persiste au niveau des ONG, j'ai décidé de lancer un appel à projets d'urgence pour financer les actions permettant d'améliorer la protection humanitaire des enfants mis en oeuvre par les organisations humanitaires de terrain. Ces projets devront être déposés avant le 20 août prochain car, comme je vous le disais, en septembre, nous allons enclencher à nouveau le processus politique. Il est donc important d'aller vite et c'est pour cela que je souhaiterais qu'ils répondent à cet appel à projets avant le 20 août ;
- deuxièmement, j'ai décidé de m'engager personnellement auprès du gouvernement, des parlementaires et des collectivités locales pour les informer du travail fait par les organisations humanitaires afin que nos actions se coordonnent mieux. L'idée est de favoriser des projets multiformes mais en même temps coordonnés et cohérents autour des enfants au Darfour. Je pense par exemple aux chaînes de solidarité, aux jumelages d'écoles ou bien aux parrainages. Le pire serait qu'on ait des initiatives tous azimuts qui finissent par ne rien donner ou de manière incomplète parce qu'on ne sait pas parler ou parce qu'on ne s'est pas entendu ;
- troisièmement, je voudrais me rendre au Darfour pour faire sur place le point des moyens et besoins des organisations humanitaires. Il est vrai que la zone est complexe. Vous savez que la crise dépasse le Darfour, dépasse le Soudan, puisqu'à la fois le Tchad et le Centrafrique sont concernés. Il est donc important d'avoir un point de vue précis des choses en allant sur place le plus vite possible pour s'en rendre compte et voir comment travaillent ces organisations et en particulier les personnels qui ont beaucoup de mal avec la sécurité, qui n'arrivent pas forcément à faire leur travail dans de bonnes conditions. Il est important, comme elles-même me l'ont demandé, que le processus politique tienne compte de leur sécurité et préserve également les zones humanitaires sur lesquelles les organisations interviennent.
Pour conclure, je réunirai à brève échéance, pour faire le point et le bilan de ce qui ce sera passé d'ici-là, les organisations humanitaires présentes aujourd'hui.
Je vous remercie.
***
Q - Comment inscrivez-vous les initiatives que vous venez de décrire dans le contexte de l'hypothétique déploiement d'une force hybride singulièrement en matière de sécurité, puisque quiconque se rend au Darfour mesure, et d'ailleurs les ONG françaises l'ont rudement éprouvé, que la problématique bute souvent sur des questions tout simplement de déplacement, d'accès aux zones, etc. ?
R - Je crois que dans le processus de négociations politiques qui a cours en ce moment et qui va se poursuivre, il faudra à chaque fois sensibiliser le gouvernement soudanais ainsi que les autorités tchadiennes et centrafricaines, sur la nécessité d'assurer la sécurité des humanitaires, parce qu'il est évident que si elles ne peuvent pas travailler, elles risquent de se retirer et ce serait une catastrophe pour tout le monde. Le nombre de réfugiés augmente, le nombre de déplacés augmente également, il y non seulement des rebelles et des militaires, mais également les coupeurs de route, comme certains nous l'ont dit. Ce sont des difficultés, des obstacles nombreux, qui doivent être résolus.
Q - (inaudible) ?
R - C'est aussi un point sur lequel on a attiré notre attention. Non seulement ils sont nombreux, mais en plus les rebelles se dispersent un peu partout. Les personnels humanitaires sont victimes des opérations qui sont faites. Il y a, dans la feuille de route définie par la Conférence de Paris le 25 juin dernier, un volet sécuritaire important et nous continuerons dans cette direction car nous n'avons pas le choix, parce que les autorités sur place n'ont pas non plus le choix que de laisser les organisations humanitaires intervenir. Cela fait partie du processus engagé.
Q - Pour améliorer la situation au Darfour, la coopération de la Chine est un élément indispensable. Avez-vous l'intention d'aller à Pékin discuter de ces problèmes ? En outre, allez-vous faire la visite au Darfour avec le président ou avant ?
R - Dans cette conférence de presse, et dans la réunion que nous avons eue tout à l'heure avec les organisations, j'ai décidé de me focaliser pour l'instant uniquement sur la questions des enfants au Darfour. C'est donc pour l'instant un voyage que je dois faire seule. Néanmoins, si dans une délégation présidentielle, il y a une opportunité que je puisse avoir un agenda précis de mon côté pour pouvoir discuter avec les organisations humanitaires et aller à la rencontre des enfants et de ceux qui s'en occupent, ce serait bien aussi. Aujourd'hui, pour moi, l'essentiel est de pouvoir traiter spécifiquement du sujet des enfants.
Concernant la Chine, j'avais plutôt d'autres projets qui touchaient davantage à l'organisation des Jeux Olympiques - c'est à cet égard que je voudrais rencontrer le président du CIO pour parler de la liberté d'expression. Mais, si l'occasion se présente parce qu'un déplacement en Chine survient, ce sujet sera évidemment un sujet essentiel. Pour l'instant, ce n'est pas d'actualité.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 août 2007
Comme vous le savez, la crise du Darfour est une crise humanitaire sans précédent qui dure depuis 4 ans, quatre ans que le nombre de victimes civiles ne cesse d'augmenter puisqu'on a 200.000 morts jusqu'à présent et 2 à 3 millions de déplacés dont la moitié sont des enfants, ce qui témoigne de l'importance et du caractère très aigu de cette crise. Vous le savez. Nous le savons tous. Et j'ai tenu aujourd'hui à réunir 18 organisations humanitaires qui s'impliquent sur la question des enfants au Darfour.
Beaucoup d'associations se sont mobilisées et je voudrais leur rendre hommage d'avoir été présents aujourd'hui, ce n'est pas forcément évident et de s'impliquer autant sur le terrain, au nom, à la fois du Quai d'Orsay et du gouvernement.
Je les ai informées dans un premier temps de l'évolution de la situation, c'est-à-dire de l'agenda politique. Depuis la Conférence de Paris le 25 juin dernier, pas mal de conférences ont succédé, notamment à Tripoli. Bernard Kouchner s'est aussi rendu sur place et nous avons un agenda qui s'annonce chargé comme les 5 et 6 août prochains, mais également en septembre, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies. Tout ceci pour trouver une solution à la crise du Darfour. Mais si j'ai voulu aujourd'hui réunir ces organisations, c'est pour voir comment on pourrait dans le cadre plus général de la crise se concentrer sur le sort des enfants dont je vous disais qu'ils constituent la moitié des deux à trois millions de déplacés.
Face à cette crise, la communauté internationale a mis en oeuvre une opération significative soutenue par un vaste élan de solidarité et de générosité, y compris de la part de l'opinion publique française, qui a beaucoup contribué à cet élan de solidarité. Quelques chiffres simplement pour s'en rendre compte : 1,7 millions d'enfants ont été immunisés contre la rougeole grâce à cette action humanitaire ; 1,3 contre la polio ; 1,1 ont reçu de la vitamine A ; des millions de rations alimentaires acheminés et distribués ; 5.500 cas de malnutrition sont traités tous les mois.
Aujourd'hui, comme viennent de le dire toutes les organisations humanitaires que j'ai vues, les problèmes se concentrent sur les zones les moins accessibles, les zones rurales et les zones montagneuses. Elles cumulent beaucoup de handicaps, comme l'isolement géographique, et beaucoup d'obstacles, comme l'insécurité et la persistance de déplacements. Le tout exerce une pression sur les actions de ces organisations et rend les choses beaucoup plus difficiles.
Dans ces zones, la principale cause de mortalité infantile est la malnutrition. L'intervention humanitaire y est très difficile. Dans certains cas, elle est impossible. Certaines organisations ont même décidé de se retirer parce qu'elles n'ont plus les moyens d'agir.
Un autre sujet d'inquiétude se manifeste sérieusement : l'accès aux ressources essentielles comme l'eau et l'énergie. La plupart des organisations travaillent sur l'eau et l'assainissement de l'eau. Elles font un travail formidable mais ont encore besoin dans les camps des déplacés d'aide et de soutien, sans parler du fait que la persistance du conflit épuise les ressources naturelles.
Enfin, il est important que la coopération des autorités locales se renforce. Parmi ces organisations, certaines interviennent à la fois dans des zones où interviennent les autorités gouvernementales soudanaises, mais aussi dans les camps de réfugiés dans les zones rebelles. Il est absolument important qu'il y ait une coordination qui se dégage au niveau des autorités et au niveau des organisations gouvernementales pour que l'espace humanitaire soit le plus protégé possible.
Face à ce constat fait par la plupart de ces organisations de terrain et en vérité de manière assez consensuelle, une évidence s'impose : il faut aller encore plus loin, encore plus vite.
Au terme de la réunion intéressante et passionnante et qui nous a montré que les organisations méritent notre soutien le plus total, j'ai pris trois décisions :
- face au problème de financement qui persiste au niveau des ONG, j'ai décidé de lancer un appel à projets d'urgence pour financer les actions permettant d'améliorer la protection humanitaire des enfants mis en oeuvre par les organisations humanitaires de terrain. Ces projets devront être déposés avant le 20 août prochain car, comme je vous le disais, en septembre, nous allons enclencher à nouveau le processus politique. Il est donc important d'aller vite et c'est pour cela que je souhaiterais qu'ils répondent à cet appel à projets avant le 20 août ;
- deuxièmement, j'ai décidé de m'engager personnellement auprès du gouvernement, des parlementaires et des collectivités locales pour les informer du travail fait par les organisations humanitaires afin que nos actions se coordonnent mieux. L'idée est de favoriser des projets multiformes mais en même temps coordonnés et cohérents autour des enfants au Darfour. Je pense par exemple aux chaînes de solidarité, aux jumelages d'écoles ou bien aux parrainages. Le pire serait qu'on ait des initiatives tous azimuts qui finissent par ne rien donner ou de manière incomplète parce qu'on ne sait pas parler ou parce qu'on ne s'est pas entendu ;
- troisièmement, je voudrais me rendre au Darfour pour faire sur place le point des moyens et besoins des organisations humanitaires. Il est vrai que la zone est complexe. Vous savez que la crise dépasse le Darfour, dépasse le Soudan, puisqu'à la fois le Tchad et le Centrafrique sont concernés. Il est donc important d'avoir un point de vue précis des choses en allant sur place le plus vite possible pour s'en rendre compte et voir comment travaillent ces organisations et en particulier les personnels qui ont beaucoup de mal avec la sécurité, qui n'arrivent pas forcément à faire leur travail dans de bonnes conditions. Il est important, comme elles-même me l'ont demandé, que le processus politique tienne compte de leur sécurité et préserve également les zones humanitaires sur lesquelles les organisations interviennent.
Pour conclure, je réunirai à brève échéance, pour faire le point et le bilan de ce qui ce sera passé d'ici-là, les organisations humanitaires présentes aujourd'hui.
Je vous remercie.
***
Q - Comment inscrivez-vous les initiatives que vous venez de décrire dans le contexte de l'hypothétique déploiement d'une force hybride singulièrement en matière de sécurité, puisque quiconque se rend au Darfour mesure, et d'ailleurs les ONG françaises l'ont rudement éprouvé, que la problématique bute souvent sur des questions tout simplement de déplacement, d'accès aux zones, etc. ?
R - Je crois que dans le processus de négociations politiques qui a cours en ce moment et qui va se poursuivre, il faudra à chaque fois sensibiliser le gouvernement soudanais ainsi que les autorités tchadiennes et centrafricaines, sur la nécessité d'assurer la sécurité des humanitaires, parce qu'il est évident que si elles ne peuvent pas travailler, elles risquent de se retirer et ce serait une catastrophe pour tout le monde. Le nombre de réfugiés augmente, le nombre de déplacés augmente également, il y non seulement des rebelles et des militaires, mais également les coupeurs de route, comme certains nous l'ont dit. Ce sont des difficultés, des obstacles nombreux, qui doivent être résolus.
Q - (inaudible) ?
R - C'est aussi un point sur lequel on a attiré notre attention. Non seulement ils sont nombreux, mais en plus les rebelles se dispersent un peu partout. Les personnels humanitaires sont victimes des opérations qui sont faites. Il y a, dans la feuille de route définie par la Conférence de Paris le 25 juin dernier, un volet sécuritaire important et nous continuerons dans cette direction car nous n'avons pas le choix, parce que les autorités sur place n'ont pas non plus le choix que de laisser les organisations humanitaires intervenir. Cela fait partie du processus engagé.
Q - Pour améliorer la situation au Darfour, la coopération de la Chine est un élément indispensable. Avez-vous l'intention d'aller à Pékin discuter de ces problèmes ? En outre, allez-vous faire la visite au Darfour avec le président ou avant ?
R - Dans cette conférence de presse, et dans la réunion que nous avons eue tout à l'heure avec les organisations, j'ai décidé de me focaliser pour l'instant uniquement sur la questions des enfants au Darfour. C'est donc pour l'instant un voyage que je dois faire seule. Néanmoins, si dans une délégation présidentielle, il y a une opportunité que je puisse avoir un agenda précis de mon côté pour pouvoir discuter avec les organisations humanitaires et aller à la rencontre des enfants et de ceux qui s'en occupent, ce serait bien aussi. Aujourd'hui, pour moi, l'essentiel est de pouvoir traiter spécifiquement du sujet des enfants.
Concernant la Chine, j'avais plutôt d'autres projets qui touchaient davantage à l'organisation des Jeux Olympiques - c'est à cet égard que je voudrais rencontrer le président du CIO pour parler de la liberté d'expression. Mais, si l'occasion se présente parce qu'un déplacement en Chine survient, ce sujet sera évidemment un sujet essentiel. Pour l'instant, ce n'est pas d'actualité.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 août 2007