Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat, porte-parole du Gouvernement, à "France 2" le 1er août 2007, sur les grandes orientations de la politique gouvernementale notamment le fiancement du plan national contre la maladie d'Alzheimer.

Prononcé le 1er août 2007

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Texte intégral

Alban Mikoczy : Vous êtes porte-parole d'un Gouvernement qui va tenir ce matin son dernier Conseil des ministres avant les vacances ; je crois que le Premier ministre vous a demandé d'être joignable à tous moments pendant cette période.
Laurent Wauquiez : Oui, je vais un peu vivre à côté de mon portable, surtout quand on est porte-parole, s'il y a le moindre bogue, il faut être tout de suite sur le pont. Cela dit, j'ai quand même bien l'intention de rentrer un peu plus chez moi en Haute-Loire et de prendre quelques vacances en famille.
QUESTION : D'accord. Le principe, c'est que les ministres doivent pouvoir être mobilisés à tout instant pendant cette période ?
Laurent Wauquiez : Oui, bien sûr. Je pense que tout le monde a en tête la crise de la canicule et donc maintenant, à chacun des ministres, pendant la période d'été, on demande d'avoir une attention toute particulière. Cela dit, pas d'hypocrisie, on prend des vacances.
QUESTION : On va balayer les dossiers qui font l'actualité ensemble. Hier, le Premier ministre F. Fillon a présenté les grandes lignes du budget 2008 : 22.700 postes de fonctionnaires ne seront pas renouvelés, c'est moins que prévu mais est-ce que c'est compatible avec l'effort de maîtrise du budget ?
Laurent Wauquiez : Ce qu'il faut essayer d'expliquer très simplement, c'est qu'est-ce que ça va nous permettre de faire en plus ? Essayer de faire fonctionner l'Etat de façon un peu plus efficace, pouvoir avoir un peu moins de fonctionnaires mais en essayant d'avoir le même niveau d'exigence et de service public, cela peut permettre d'économiser 800 millions d'euros. Juste pour donner un exemple tout simple : chez moi, cela fait vingt ans par exemple qu'on attend d'améliorer la sécurité sur l'axe qui va de Lyon à Toulouse, avec 800 millions d'euros, on peut le faire en un an. Donc c'est juste pour montrer qu'en faisant un effort pour mieux gérer notre budget, éviter d'avoir des dépenses, où tout simplement on est obligé de payer nos charges de la dette, cela peut économiser rien que cette année 800 millions d'euros. Donc ce sont des moyens immédiatement très concrets en plus.
QUESTION : D'accord, mais il n'empêche que le président de la République avait annoncé le remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant et finalement, ce sera deux sur trois, notamment à l'Education nationale. Ce sont des citadelles difficiles à bousculer ?
Laurent Wauquiez : Je ne sais pas si ce sont des citadelles difficile à bousculer, mais en tout cas, ce qu'on a essayé de faire, c'est en même temps de dire, "voilà, il y a trois priorités" : la première priorité, c'est l'Education nationale parce qu'on veut pouvoir faire des cours du soir pour les enfants, après les horaires classiques de l'Education nationale. La deuxième, c'est l'enseignement supérieur et nos universités à la fois, parce que là, il faut vraiment mettre le paquet et puis aussi parce que ce sont les emplois de demain que l'on prépare. Et la troisième, c'est la justice. Donc là-dessus c'est vrai, on a dit, il faut être clair, on a trois priorités, on essaie de se donner les moyens d'être à la hauteur de nos ambitions.
QUESTION : Mais l'effort de maîtrise des dépenses, il est confirmé ?
Laurent Wauquiez : Bien sûr, et puis c'est un effort qui est surtout inédit parce qu'avant, il y avait quelques petits trucages, on ne va pas se raconter d'histoire, on mettait un peu de poussière sous le tapis, par exemple l'Etat avait accumulé une dette par rapport à la Sécurité sociale. Là cette année, tout sera bien mis sur la table, c'est un budget qui est transparent, et surtout, sur un périmètre qui est beaucoup plus large. On ne comptait pas les collectivités locales, on ne comptait pas les prélèvements de l'Union européenne, là tout y sera. Donc ce sont bien des bases saines pour améliorer progressivement la bonne gestion du budget de l'Etat comme une bonne mère de famille.
QUESTION : Vous parliez il y a quelques instants de la Sécurité sociale, N. Sarkozy a annoncé hier dans son plan national contre Alzheimer notamment, la création d'une nouvelle branche de l'assurance maladie qui sera payée par une franchise de 50 centimes sur les médicaments, de 2 euros sur les déplacements, les trajets en ambulance, alors en quelque sorte, ce sont les malades qui vont payer pour d'autres malades.
Laurent Wauquiez : Non, ce ne sont pas les malades qui vont payer pour d'autres malades, ce sont justes les Français qui ont une question en face d'eux. On a des maladies qui sont des maladies terribles, qui sont des maladies de demain, qu'on a insuffisamment prises en compte. La première c'est Alzheimer, une famille sur quatre qui est touchée aujourd'hui en France. Ce sont des drames personnels, c'est extrêmement dur à assumer dans une famille, parce qu'aujourd'hui on est un peu démunis, les structures d'accueil ne sont pas à la hauteur, la détection en amont pas suffisante. La deuxième c'est le cancer sur lequel il faut encore travailler, notamment le cancer des enfants dont on parle trop peu. Et puis la troisième, c'est tout simplement prendre en compte la douleur. Moi, je l'ai vraiment vécu personnellement, avec un cas qui m'a énormément touché dans ma famille, de quelqu'un qui était en fin de vie et on voyait très bien que nos structures de prise en charge de la douleur et de la fin de vie sont insuffisantes dans ce pays. C'est ce qu'on appelle d'un terme un peu barbare "les soins palliatifs". Ces trois défis-là, il faut être clair, on n'a pas les moyens aujourd'hui, si on reste à périmètre constant, de les assumer. Donc le choix qui est fait, et cela avait été bien annoncé en amont par N. Sarkozy, c'est de dire "là-dessus, moi je pense que ça vaut la peine qu'on fasse un effort collectif". L'effort collectif, c'est 4 euros par mois, pour faire en sorte de ne plus laisser toutes seules les familles qui ont Alzheimer, améliorer la prise en charge de la douleur, lutter contre le cancer. Je pense que là-dessus, ça vaut le coup. Ce que les Français n'aiment pas, ne veulent plus, ce sont les plans à répétition pour boucher les trous. De dire, par contre, que pour cet argent-là, il y a un engagement clair et que ce sera évalué chaque année, pour que ce soit affecté au défi de demain, je pense que c'est un effort qu'on peut tous assumer.
QUESTION : Un autre sujet qui fait l'actualité, le projet de service minimum. Alors il y avait urgence à l'adopter comme ça en plein été ? C'est un projet idéologique ?
Laurent Wauquiez : Ce n'est pas qu'il y avait urgence, on a mis deux mois pour le faire, on en a parlé pendant six mois avant, après, une fois que la loi est adoptée, on demande à chaque syndicat, à l'intérieur du type de transport, ce n'est pas seulement la RATP et la SNCF. Moi, à Saint-Etienne, cela va concerner les transports de bus, à Lyon aussi, à Marseille aussi, à Nice aussi, donc c'est vraiment partout en France, les transports terrestres quotidiens. Eh bien, il y a un moment où il faut peut-être avancer, on a en Europe dix-sept Etats qui le font, le but c'est tout simple : c'est de faire en sorte qu'en France, plutôt que de faire la grève d'abord et on discute ensuite, qu'on discute un peu mieux, que la veille vous puissiez à peu près savoir si votre bus, votre train, votre RER va marcher. Enfin, c'est du très concret, on est sur un choix qui est vraiment pragmatique.
QUESTION : Alors dans ce cas-là, faut-il étendre ce projet à d'autres secteurs de transport, à tous les transports, à d'autres secteurs économiques ?
Laurent Wauquiez : C'est un peu [comme si] vous veniez de franchir une barre et on vous dit, "tiens, au fait, vous n'avez pas envie de sauter encore un peu plus haut ?" Non. Pourquoi est-ce qu'on fait ça ? C'est pour une raison qui est simple, c'est que quand vous allez travailler le matin, il y a les transports que tous les Français utilisent, en tout cas beaucoup d'entre nous, c'est le métro, le bus, le train, etc. C'est sur ces transports qui sont les transports quotidiens qui permettent d'aller à son lieu de travail qu'il faut agir.
QUESTION : D'accord, donc pas de projet d'extension à court terme ? Pas à ce stade. Un autre sujet, le projet de loi sur la justice, R. Dati l'a présenté encore au Sénat hier. L'histoire du contrôleur général de privation des libertés, le budget est suffisant-il, sachant qu'il est trois fois inférieur à ce qu'on fait en Grande Bretagne ?
Laurent Wauquiez : Le budget, juste pour donner un ordre de grandeur, il y a aussi une personne qui, par exemple, en France, protège les droits des enfants ; grosso modo, le budget du contrôleur général des prisons va être à peu près à la hauteur, un peu plus haut d'ailleurs, c'est ce qu'a annoncé R. Dati. Il sera doté d'une équipe, une brigade autour de lui qui sera suffisante et qui lui permettra de se rendre directement sur les lieux. Il faut expliquer de quoi il s'agit, on a un problème de surpopulation carcérale...
QUESTION : Justement, 62.000 détenus en France pour 50.000 places.
Laurent Wauquiez : Exactement. Le but c'est quoi ? C'est d'une part d'avoir quelqu'un qui va aller voir dans les prisons directement, qui sera autonome, indépendant et qui pourra rendre un avis sur lequel personne ne pourra peser. Ça c'est l'atout du contrôleur général des prisons. Mais derrière, cela ne suffit pas, si on ne construit pas de prisons nouvelles, la surpopulation carcérale ne va pas disparaître.
QUESTION : Et vous allez en faire construire ?
Laurent Wauquiez : R. Dati a vraiment travaillé dessus avec énormément d'énergie depuis deux mois et on aura à la rentrée huit prisons nouvelles et un hôpital prison qui seront mis en service. C'est aussi ce qui explique que sur le ministère de la Justice, il faut qu'on mette des moyens. Si l'on veut avoir une sécurité qui fonctionne, il ne faut pas derrière que finalement on ait des peines où l'on dit, "de toute façon, il n'y a pas de place en prison, donc on va s'arranger autrement". On l'avait vu sur cette question de la grâce collective, le président de la République a été clair là-dessus, il a dit : "je ne gère pas la surpopulation carcérale en faisant des grâces collectives au moment du 14 juillet". Mais pour ça, cela veut dire qu'il faut se donner les moyens et donc avoir d'autres prisons.
QUESTION : Un dernier point : vous avez fait l'actualité avec une déclaration sur l'absentéisme des députés. Vous vouliez les toucher au portefeuille, ça a soulevé un tollé ! Les députés sont-il au-dessus de la loi ?
Laurent Wauquiez : C'était un sujet que j'avais évoqué dans un livre que j'ai écrit il y a plus d'un an et demi, qui était "Un huron à l'Assemblée", retraçant mon expérience d'ancien député. Vous voyez, par exemple, hier soir, les députés ont fini à 2h50 du matin. Donc les Français ne le savent pas toujours, parce qu'il y a ces images où il y a juste l'hémicycle vide, à côté de ça, il y a toute la partie immergée de l'iceberg avec des députés qui travaillent beaucoup, mais dont il faut valoriser le travail de façon plus transparente.
QUESTION : Donc pour l'instant on ne change rien ?
Laurent Wauquiez : Non ! Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 1er août 2007