Interview de M. Laurent Wauqiez, secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement, à France 2 le 28 août 2007, sur le climat politique de la rentrée et sur la situation économique.

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Texte intégral

R. Sicard.- Bonjour à tous, bonjour L. Wauquiez.

R.- Bonjour.

Q.- Hier, D. de Villepin a fait sa rentrée politique et il a demandé à N. Sarkozy de passer de l'énergie aux résultats, et il a dit que la majorité ne devait pas s'endormir sur ses lauriers. Ce n'est pas très gentil.

R.- Bah, a priori, des conseils c'est toujours utile, mais en même temps, en écoutant cela, je réfléchissais à un petit proverbe de chez moi ; en Haute-Loire, on dit que les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs. Donc, voilà, on essaye...

Q.- Cela veut dire quoi ?

R.- Cela veut dire que maintenant, c'est bien de donner des conseils après avoir été au Gouvernement. Nous, maintenant, ce qu'on essaye surtout, c'est de tracer notre chemin et d'être efficaces. Donc, c'est toujours sympathique de donner des conseils après coup, mais maintenant, c'est un autre Gouvernement, et on essaye de trouver notre style et notre efficacité.

Q.- Mais est-ce que vous trouvez que c'est le rôle de D. de Villepin de vous donner des conseils au Gouvernement ?

R.- Il a été Premier ministre ; ce n'est pas inutile qu'il donne à travers son expérience. Après...

Q.- Cela vous énerve un petit peu quand même, non ?

R.- On ne va pas dire que cela nous énerve mais je trouve que c'est une bonne façon de le résumer : les conseillers ne sont pas les payeurs. Maintenant, ce n'est pas lui qui est Premier ministre. On a un nouveau président de la République, un nouveau Gouvernement. C'est à nous de prendre nos responsabilités.

Q.- D. de Villepin, toujours hier, a dit qu'il ne souhaitait pas la saisine de la Cour de justice de la République ; il a dit qu'il souhaitait simplement être entendu par la justice ordinaire. Il a raison ?

R.- Ce n'est vraiment pas à moi de faire un commentaire là-dessus, parce que c'est sa décision personnelle. La seule chose qu'il y a de clair c'est qu'il faut qu'il y ait... enfin, on a le droit à une clarté totale sur ce sujet et que la justice fasse son travail. C'est la seule chose qu'on attend, que ce soit la Haute cour de justice ou la justice.

Q.- Alors, le Gouvernement, lui, a fait sa rentrée la semaine dernière. Il y aura un deuxième Conseil des ministres demain. Est-ce que vous avez le sentiment que ce Gouvernement est toujours en état de grâce ?

R.- C'est une expression que je n'aime pas, je le dis clairement. Je vais juste dire pourquoi : l'état de grâce cela veut dire quoi ? Que juste après l'élection, il y a un moment où vous êtes un peu en apesanteur et surtout, vous ne bougez pas le petit doigt, en vous disant : pourvu que cela dure ! Et, le raisonnement qui a été celui...

Q.- On peut se dire aussi c'est le moment de faire beaucoup de choses, parce qu'on bénéficie de l'état de grâce.

R.- Eh bien, justement, notre... enfin le raisonnement un peu du président de la République et du Gouvernement, c'est effectivement il faut faire beaucoup de choses le premier jour où vous êtes élu, le deuxième jour, le troisième jour, au bout de trois mois, dans un an, dans deux ans et jusqu'au bout des cinq ans. C'est-à-dire que cette espèce de raisonnement où vous faites juste quelque chose pendant trois mois, quatre mois, je pense que cela ne correspond plus à une vision un peu moderne de la politique. Il faut juste agir, essayer de faire concrètement ce qu'on a dit avant, et voilà. S'en tenir à sa feuille de route, sans être rivé pour se dire : surtout pas trop esquinter notre cote de popularité.

Q.- Il y a des signaux un petit peu inquiétants...

R.- Oui.

Q.- Il y a la baisse de la croissance, il y a la hausse de certains prix. Est-ce que cela vous préoccupe ?

R.- Oui. Ce qui nous préoccupe notamment sur cette rentrée, c'est le pouvoir d'achat, et le pouvoir d'achat des Français. On aurait pu très bien dire : "Mais non, vous savez, regardez l'Insee, il n'y a pas de problème ; au niveau de l'inflation, il n'y en a pas". N'empêche que les Français...

Q.- Tout le monde constate que l'indice des prix tel qu'il est calculé, il ne correspond plus à la réalité, parce que les gens voient que le pain augmente, que le lait augmente, que la viande augmente, et cela ne se traduit pas dans l'indice des prix. Il y a un problème, là.

R.- Disons clairement que quand vous prenez votre caddie, vous, vous constatez qu'il y a des augmentations et notamment sur cette rentrée. Alors, qu'essaye...

Q.- Ce que ne dit pas l'indice des prix, c'est que l'on disait.

R.- Ce que ne dit pas complètement l'indice des prix, parce que notamment il y a des produits que vous allez acheter - un grand téléviseur ou une voiture - que vous n'achetez qu'à intervalles très, très espacés ; ce n'est pas la baguette de tous les jours qui est uniquement suivie par l'indice de l'Insee. Alors, maintenant, ce qui est intéressant c'est : nous, qu'est-ce qu'on va essayer de faire ? Il y a plusieurs choses. D'abord, X. Darcos, sur la rentrée scolaire. Aujourd'hui, le ministre de l'Education va discuter avec les grandes marques pour dire : voilà, sur les produits, cartables, les cahiers, les bics, qu'est-ce qu'on peut faire comme effort pour soulager le coût de la rentrée.

Q.- Vous pensez qu'il sera entendu ?

R.- Je ne sais pas s'il sera entendu, mais si vous n'essayez pas, vous n'y arrivez pas. Donc, je pense que c'est bien, qu'en tout cas on prenne tout de suite à bras le corps ce sujet. Ensuite, C. Lagarde et L. Chatel vont se pencher - C. Lagarde qui est chargée de l'Economie, et L. Chatel notamment de la Consommation - vont voir un peu l'évolution des prix notamment sur les premières denrées communes : le pain, la farine, toutes ces denrées un peu communes où on voit une forte augmentation des prix.

Q.- Qu'est-ce que peut faire le Gouvernement puisque les prix ne sont plus fixés par le Gouvernement, c'est fini ça.

R.- Juste vérifier notamment que ce n'est pas abusif. C'est-à-dire qu'on ne se retrouve pas, sous prétexte de dire : "Eh bien, tiens ! La farine a augmenté à vous faire exploser le prix de la baguette de pain". Donc, c'est ce genre de choses sur lequel le Gouvernement doit être très attentif, et tout de suite le prendre à bras le corps.

Q.- Il peut sanctionner, par exemple, certains professionnels qui ne joueraient pas le jeu ?

R.- Eh bien oui, bien sûr, si jamais il y a un non respect des règles de la concurrence, on ne va pas rester passifs. C'est pour cela que, par exemple, ils ont saisi la Direction de la concurrence et de la répression des fraudes pour que ce soit bien suivi. Alors, après, il ne s'agit pas de jeter l'anathème sur qui que ce soit ; il s'agit juste de dire : on a un problème de pouvoir d'achat, il est important que le Gouvernement le surveille, parce que tout simplement pour chacun des ménages, ce qui se passe au niveau de votre portefeuille ce n'est pas tout à fait anecdotique.

Q.- Sur la croissance, le deuxième trimestre n'a pas été bon, et le Gouvernement, pourtant, maintient sa prévision de croissance de 2,25 %, je crois. Les économistes n'y croient pas.

R.- Alors, le second trimestre, c'est vrai, n'a pas été bon. Il n'a pas été bon non plus en Allemagne, il n'a pas été bon globalement dans l'Union européenne. On voit un rebond plutôt sur le troisième trimestre, et c'est ce qu'on attend sur le quatrième trimestre. On ne va pas faire de grands discours techniques. Vous prenez par exemple le secteur de l'automobile. Deuxième trimestre : très mauvais ; ça rebondit bien au niveau du troisième trimestre. Donc, on pense que c'est parfaitement atteignable.

Q.- F. Hollande, par exemple, parle de "déni de réalité".

R.- Cela me fait un peu sourire que F. Hollande parle de déni de réalité. Mais je ne veux pas rentrer dans une polémique. Le constat qu'on partage - et là, je pense que tout politique peut le partager - c'est qu'en France on a une croissance qui est trop faible, ce dont il faut sortir. Cela fait depuis dix ans qu'on a l'oeil rivé, chaque trimestre, pour se dire : est-ce qu'on fait 0,3%, 0,5%, 0,6% ? Le vrai défi, c'est de gagner un vrai point de croissance en plus, parce que c'est ça, notamment, qui nous permettra aussi de redistribuer plus de pouvoir d'achat aux Français. Juste, si vous me permettez, vous mentionniez, au début, les conseils de D. de Villepin, quand il nous dit "il faut être serein" etc.

Q.- Il vous dit : "Il faut des résultats".

R.- Eh bien, c'est typique de ce qu'on a essayé de faire. On a fait le paquet fiscal ; au début, quand le Gouvernement a commencé à travailler, on nous a dit : "oh là, là, mais vous allez très vite". Ce dont on s'aperçoit aujourd'hui, c'est qu'effectivement on a une crise à la rentrée. Si on n'avait pas fait le paquet fiscal, où est-ce qu'on en serait ? Parce que ce paquet-là permet de redonner de l'argent aux Français, notamment sur le coût de l'immobilier...

Q.- Aux plus favorisés, dit l'opposition.

R.- Aux classes moyennes, si vous regardez. Et c'est là où l'on n'a peut-être pas la même vision. Chez moi je suis désolé, mais une famille dans laquelle, père et mère additionnés, vous gagnez 1.500 euros, quand vous achetez votre logement c'est lourd à porter. Et le fait que l'Etat donne un petit coup de pouce, moi, ça me semble utile. Et je pense que soulager ce coût de l'immobilier sur les ménages, c'était une mesure très importante.

Q.- Pour que la croissance progresse, est-ce que vous demandez à la Banque Centrale Européenne de ne pas relever ses taux d'intérêt - ce qui pénaliserait la croissance ?

R.- Il faut juste expliquer un tout petit peu. Les taux d'intérêt, c'est quoi ? C'est le coût de l'argent : quand vous empruntez, combien ça coûte. Le taux d'intérêt sert à deux choses : éviter l'inflation, et, vous avez raison, faire de la croissance. Nous, on n'est pas dogmatique. La seule chose c'est qu'on regarde ce qu'ont fait les Etats-Unis. La Banque centrale des Etats-Unis a à la fois réinjecté un peu d'argent parce qu'il y avait Page 20 sur 30 Journaux et invités du matin - Dept. Revues de presse - 01 42 75 54 41 28/08/2007 http://rpa.applications.pm.gouv.fr/journaux_et_invites.php3?date=2007-08-28 une crise de liquidités, et puis, en même temps, elle a baissé les taux d'intérêt pour doper la croissance. Eh bien, ça, c'est une bonne façon de faire.

Q.- Est-ce que nous, à la Banque Centrale Européenne, il faut faire la même chose ?

R.- En tout cas ce qu'on voit c'est qu'aux Etats-Unis ça a bien marché. Le président de la République n'en a jamais fait de mystère : lui, l'idée de dire "des taux d'intérêt toujours très forts, quitte à asphyxier la croissance et l'emploi", ce n'est pas forcément une bonne solution.

Q.- Il faut être clair : est-ce que l'euro pénalise la croissance ? Les Anglais s'en sortent mieux sans l'euro ?

R.- Non, l'euro ne pénalise pas la croissance, parce que c'est fort pour l'Union européenne, et puis, cela nous permet de nous protéger, notamment dans des moments où il faut acheter le pétrole ou ce genre de choses. Avoir l'euro c'est utile. Mais à côté de ça, il ne faut pas que l'euro soit trop fort, pénalise le pouvoir d'achat ou les exportations de nos entreprises.

Q.- Merci L. Wauquiez.

R.- Merci.

Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 28 août 2007