Texte intégral
R. Duchemin : C'est donc, aujourd'hui, l'ouverture de l'université du Medef. N. Sarkozy y sera demain pour un discours sur la politique économique, notamment. C'est là-bas que cela se passe, finalement, entre le Medef et le Gouvernement ? Et vous ?
R.- J.-C. Mailly : Non, je ne pense pas. J'espère, en tout les cas que ce n'est pas là-bas que cela se passe. Moi cela ne me choque pas en tant que tel, que le président de la République y aille. Maintenant, je veux écouter ce qu'il va leur dire. S'il s'adresse au patronat pour évoquer quelques points spécifiques sur les entreprises - exemple : le crédit d'impôt recherche - je trouve cela logique, mais si ça déborde et que ça va sur les questions de pouvoir d'achat, je ne pense pas que ce soit le lieu pour développer toute la politique économique. On verra demain.
Q.- Précisément, c'est ce qui se dit, qu'il va notamment évoquer le pouvoir d'achat. Est-ce que ce n'est pas déflorer, en quelque sorte, les tables rondes qui doivent se tenir dès cette rentrée - notamment une sur le pouvoir d'achat à laquelle vous allez participer ? Et du coup, est ce que cela ne réduit pas un petit peu votre marge de manoeuvre ?
R.- Cela dépend de ce qu'il va dire demain. Si c'est réservé aux entreprises, aux réseaux d'entreprises et aux entrepreneurs, ce la peut-être logique. Mais si ça va beaucoup plus loin... On verra la nature des annonces qu'il fera. Je l'ai vu il y a deux jours, mais je ne sais pas ce qu'il annoncera au patronat demain. Donc, ce sera en fonction de ce qu'il dira qu'on sera amené à réagir.
Q.- Précisément, vous l'avez rencontré lundi. Qu'est-ce qu'il vous a dit ? Vous avez discuté, notamment, des engagements possibles sur les fonctionnaires, sur l'évolution des salaires pour 2007... Est-ce qu'il y a des choses actées ? Est-ce que ça va dans le bon sens, ou est-ce que pour l'instant ça reste à discuter ?
R.- Il y a une chose qui est actée, c'est une demande que formulait FO depuis trois ans, c'est qu'on en a assez d'entendre parler de la fonction publique uniquement : on va supprimer tant de postes, ça fait tant d'économie - donc une vision comptable des choses. Je ne dis pas que ça n'aura pas lieu, qu'on se comprenne bien. Mais nous demandons nous à ce qu'il y est une vraie réflexion : quel est le rôle, la nature et les missions du service public dans une République ? Tout le monde dit : "nous sommes attachés aux valeurs républicaines" - notamment je pense à l'égalité de droits. Cela suppose une conception des services publics, donc un débat large qui ne concerne pas uniquement les fonctionnaires, qui concerne tout le monde. A cela, le président de la République a répondu positivement. Il y aura un groupe - je ne sais pas quelle forme cela prendra, l'ex-commissariat au plan aurait pu faire cela très bien, par exemple - un échange pour voir quelles sont les missions à cinq, dix ans, et quelle vision, quelle orientation pour la fonction publique.
Q.- Et au niveau des salaires, une possibilité ?
R.- Au niveau des salaires, je lui ai indiqué que le pouvoir d'achat était une de nos priorités bien entendu, pas simplement sur les prix mais aussi sur les rémunérations. Je lui ai indiqué ce qui était possible du pouvoir de l'Etat dans le secteur privé - par rapport au smic, par rapport aux négociations de branches, pas rapport au conditionnement des aides. Et je lui ai dit aussi que concernant les fonctionnaires, c'était le Gouvernement qui était responsable, c'était lui le patron. Il ne m'a pas répondu, mais hier, à l'occasion d'un contact avec le ministre responsable...
Q.- Avec E. Woerth.
R.- Voila, avec E. Woerth, où on a discuté - y compris de la mise en place de cette Commission - j'ai senti qu'il y avait une ouverture. Je ne dis pas que c'est gagné, mais que le Gouvernement était près à examiner une discussion sur 2007 pour les salaires, ce qui est une demande syndicale. Donc, il y a une ouverture ; à nous, maintenant, de la concrétiser.
Q.- Vous attendez une possibilité de combien, si évolution il y a ?
R.- On n'a pas discuté montant. Il fallait déjà obtenir le principe de l'ouverture, ce qui n'était pas acquis. Ils se sont montrés ouverts - "oui, on est prêt à regarder" -, maintenant il va falloir que l'on pousse pour qu'effectivement cette discussion ait lieu. Parce que si l'on veut discuter après plus largement du dialogue social dans la fonction publique etc., il faut purger les problèmes chauds. Et les problèmes chauds, aujourd'hui, c'est notamment le pouvoir d'achat et l'année 2007.
Q.- Autre problème chaud : la fusion GDF-SUEZ. On en a beaucoup parlé l'année dernière ; ça revient sur le tapis, puisqu'il reste un délai de 48 heures avant le délai de l'Union européenne. N. Sarkozy doit s'exprimer, peut-être, sur le sujet - en tout cas c'est ce qui est demandé par les patrons, notamment le patron de SUEZ. Vous, vous avez le sentiment que le contexte économique, politique a changé et que ça peut faire évoluer les choses ?
R.- Nous ne souhaitons pas cette fusion depuis le début. SUEZ a des problèmes, ou avait des problèmes, qui sont des problèmes de structure de capital, et ce n'est pas par la privatisation de GAZ de France qu'on résout ce problème. Je ne sais pas ce que décidera le président de la République - dont je rappelle quand même qu'il a toujours été très réservé, quand il était ministre de l'Economie et des Finances, sur cette fusion elle-même, quand le problème de fusion a été abordé, il y a plus d'un an. Nous, nous plaidons pour qu'il n'y ait pas cette fusion. Il y a d'autres choix possibles pour GDF, même si ça n'est pas simple. Mais en tout les cas nous souhaitons que GDF reste dans le giron public, y compris pour les usagers. Vous savez, aujourd'hui, on reçoit tous quatre factures : de GDF pour le gaz, ils nous proposent de vendre de l'électricité, et puis EDF pareil. Cela veut dire qu'ils sont eux même en concurrence, ce qui n'est quand même pas très logique.
Q.- Votre thème de rentrée, cela reste de toute manière le pouvoir d'achat - la table ronde aura lieu bientôt. Vous allez mettre le paquet, avec FO, sur ce point ?
R.- Oui, parce que c'est ce qui nous remonte également. Tout le monde parle des hausses des produits alimentaires mais il n'y a pas que cela, il y a les services qui ont augmenté de 2,4%...
Q.- On l'a vu pour la rentrée scolaire, les fournitures... On a essayé d'harmoniser les choses, visiblement. Cela vous convient, c'est quelque chose qui vous satisfait ?
R.- C'est un élément. Mais on ne répond pas uniquement au pouvoir d'achat en essayant de contenir les prix. On répond aussi au pouvoir d'achat en améliorant les rémunérations. Donc ça, c'est l'un des axes, avec l'emploi. Et là où on a un point de conflit avec le Gouvernement, c'est la fusion UNEDIC-ANPE, c'est évident. Et puis la rentrée, cela va être aussi l'avenir du service public, la protection sociale - c'est les 4 grands thèmes - et les négociations qui vont s'ouvrir avec le patronat.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 29 août 2007