Texte intégral
Monsieur le recteur,
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs,
En acceptant votre invitation à partager ce soir l'iftâr à la Grande Mosquée de Paris, j'ai eu le sentiment que je me trouverais au meilleur endroit, et au meilleur moment pour parler avec vous de l'Islam de France.
Au meilleur endroit, parce que la Grande Mosquée de Paris n'est pas une mosquée comme les autres. Depuis 1926, sa présence prestigieuse au coeur même de la capitale traduit dans la pierre la visibilité acquise par la communauté musulmane. Son ancienneté rappelle que l'Islam et la République se connaissent et dialoguent depuis assez longtemps pour se parler du fond du coeur.
Au meilleur moment, aussi, parce que la rupture du jeûne obéit à une inspiration généreuse et libératrice : avec vous, le gouvernement veut partager la table, faire succéder aux moments de fatigue et de privation les échanges du repas. Il veut avec vous offrir et recevoir les dattes de la confiance.
C'est à l'initiative du recteur Boubakeur que je dois cette occasion riche de symboles ; elle me permet de rencontrer pour la première fois en tant que Premier ministre les hauts représentants de l'Islam de France. Je veux l'en remercier.
La tâche que Dalil Boubakeur accomplit depuis de nombreuses années au service des musulmans de France, force l'admiration. Elle est délicate. Elle est méritoire. Je veux lui rendre un hommage appuyé.
Parce que tous ici, vous avez cru aux vertus du dialogue, les choses ont bougé pour les musulmans de France. Conformément aux voeux de Nicolas Sarkozy, un Islam de France se construit. Ses rapports avec nos institutions, sa place dans notre espace public rejoignent ceux des principaux autres cultes. Dans nos armées, des services d'aumônerie musulmans se mettent en place, sous l'autorité de l'aumônier général musulman aux armées, M. Abdelkader Arbi, que je salue, ainsi que M. Al-Alaoui Talibi, aumônier national pénitentiaire, qui veille quant à lui à leur diffusion dans les centres de détention. A travers toute la France, des lieux de culte publics sont en train de s'ouvrir. C'est la fin de l'islam des caves, indigne de notre laïcité.
Grâce au dévouement du recteur Boubakeur, le conseil d'administration de la Fondation des oeuvres de l'Islam de France devrait se réunir dans les prochaines semaines, et constituer ses organes dirigeants. Reconnue par décret en Conseil d'État, cette fondation pourra bientôt commencer à recevoir les dons des fidèles et des amis de l'Islam de France. Elle facilitera, avec l'aide de la Caisse des dépôts, la construction et la rénovation des lieux de culte. Elle financera l'indispensable formation des cadres religieux et des aumôniers musulmans. Elle aidera le Conseil français du culte musulman à mieux remplir sa tâche.
Car ces ambitions, ces efforts, ces succès, ce sont bien du CFCM. Traversé de sensibilités différentes, comme toutes les instances représentatives, il a le grand mérite de les rapprocher dans un débat construit, explicite et public. J'ai tout à l'heure salué son président. Je veux saluer avec une égale considération ses deux vice-présidents, Fouad Allaoui, représenté ce soir par M. Brez, Abdallah Boussouf et son secrétaire général, Aydar Demiryurek.
Beaucoup d'entre vous sont membres des instances dirigeantes du CFCM ; présidents des Conseils régionaux du culte musulman ; responsables nationaux des grandes fédérations. Et malgré les difficultés de la tâche, vous pouvez être fiers du chemin parcouru. Ces organisations offrent enfin une représentation institutionnelle aux pratiquants musulmans. Elles vous ouvrent un meilleur accès aux responsables administratifs. Aujourd'hui, vous êtes devenus les interlocuteurs des élus, des préfets. C'est un accomplissement pour les croyants, et c'est un accomplissement pour la France.
Beaucoup de pays européens examinent avec attention la manière dont nous définissons ainsi, peu à peu, un rapport neuf entre l'Islam et l'ensemble de la société. L'autre rive de notre Méditerranée nous observe également. Ces regards justifient l'attachement et l'attention que le gouvernement français porte au Conseil français du culte musulman. Ils sont proportionnés à son rôle considérable, et aux enjeux de son bon fonctionnement.
Pour cette raison, il me paraît souhaitable que le Conseil puisse aller au terme de ses échéances statutaires, et procède ensuite à son renouvellement. J'ai bien conscience que la perspective des élections suscite des inquiétudes. J'attends avec beaucoup d'intérêt les conclusions que la commission de réflexion mise en place par votre bureau pour éclairer l'avenir du CFCM, rendra à la fin de cette année. Votre responsabilité est forte et chacun doit l'assumer avec un sens aigu de l'intérêt général. L'entreprise doit rester à la hauteur des espoirs suscités.
Pourquoi des attentes aussi précises, aussi pressantes ? Parce que vous le savez, l'Islam et l'État, sous le regard exigeant de la nation, ont encore beaucoup à bâtir ensemble.
Bâtir une meilleure formation des imams et des aumôniers, pour commencer. Les centres de formation dépendant des fédérations dispensent aujourd'hui un enseignement proprement théologique. L'Etat laïc n'a pas vocation à s'y substituer. Nous pouvons cependant, dans le cadre d'un partenariat, envisager de compléter cet enseignement, en particulier par un enseignement séculier. Cela se fait pour d'autres cultes, dont les ministres bénéficient de l'enseignement universitaire.
Le droit, l'histoire, le fonctionnement de nos institutions ont leur place dans le bagage des imams et des aumôniers. Ils sont, comme tous les religieux, dépositaires d'une grande autorité sur leurs fidèles, et d'une responsabilité égale vis-à-vis d'eux. Une connaissance sensible du pays leur est indispensable pour les exercer.
Elle commence par celle de notre langue. Aujourd'hui, une majorité des imams maîtrise peu, ou pas, le français. C'est une situation dont personne ne peut se satisfaire. Elle est contraire à l'objectif même de l'Islam de France. Je souhaite que dans les meilleurs délais, la connaissance du français garantisse entre les cadres musulmans et la société française des échanges pertinents, une connaissance réelle, une perception plus juste.
Plus largement, nous avons besoin qu'au sein de l'islam émerge des théologiens à la fois profondément nourris de leur foi et profondément imprégnés de notre culture. C'était le rêve de grands islamologues comme Jacques Berque. Ce serait la promesse que dans les débats autour du devenir de l'islam, il émerge toujours une voix à la fois religieuse, républicaine et laïque.
Que demandons-nous au fond aux cadres religieux musulmans ? De connaître et d'apprécier la France autant que, depuis François Ier, des universitaires français connaissent et aiment la religion et la culture musulmanes. L'enseignement de l'arabe en France est presque aussi ancien que la Sorbonne. Je sais que le recteur Boubakeur est attelé actuellement à un ouvrage sur ces questions...
En attendant, le centre de recherches sur la paix de la Faculté des sciences sociales et économiques de l'institut catholique de Paris s'apprête à créer un diplôme universitaire intitulé "Islam, laïcité, interculturalité". Il va dans le sens de ce rapprochement intellectuel et de l'obtention de compétences reconnues. D'autres projets doivent le suivre.
Quant à l'Etat, il assumera tous les devoirs qui lui incombent. L'un des premiers, c'est d'assurer la protection des ressortissants et résidants français au cours du haj. Le pèlerinage à La Mecque est un moment clé de la vie du croyant - l'objet de beaucoup d'efforts, de beaucoup d'espoirs.
Aujourd'hui, son organisation dépend d'une mosaïque d'organismes de qualité très inégale, et il se déroule souvent dans des conditions peu satisfaisantes, quand elles ne sont pas tout simplement catastrophiques. Plusieurs accidents ont transformé en drame ce voyage qui devait être un aboutissement de la foi. Cela ne doit plus se reproduire !
En liaison avec les autorités saoudiennes, le ministère des Affaires étrangères et notre consulat à Djedda font déjà beaucoup. J'ai demandé que cet effort soit maintenu et même renforcé. Je souhaite que les préfectures accentuent le contrôle des organismes de voyage et que l'accompagnement des pèlerins soit poursuivi. Les trois ministères concernés - Tourisme, Affaires étrangères et Intérieur - éditeront à cette fin une brochure d'information qui sera mise à la disposition des pèlerins avant leur départ.
De même, il est souhaitable qu'au moment de la fin de la vie, les musulmans qui ont passé leur vie en France, qui ont adopté, aimé et servi ce pays, puissent, s'ils le souhaitent, se faire enterrer en France plutôt que dans leur pays d'origine. Les espaces confessionnels des cimetières, qui permettent le regroupement des sépultures et un enterrement selon le rite musulman, sont la bonne réponse à ce désir.
Rejoindre la terre de sa naissance est un choix respectable, quand il correspond à un attachement sincère : quand il est pris sous la pression des faits, faute de place disponible en France, c'est une discrimination odieuse.
J'ai demandé à ce sujet au ministre de l'Intérieur d'examiner les propositions formulées par la commission de réflexion juridique sur les relations entre les cultes et les pouvoirs publics. Je sais que le projet d'ouverture d'un nouveau carré confessionnel en Rhône-Alpes a récemment abouti. Je m'en réjouis, mais je ne m'en contente pas. Cet exemple doit être multiplié. Je vais demander au ministre de l'Intérieur, en charge des relations avec les collectivités locales, de mettre en oeuvre des discussions avec l'AMF et le CFCM pour avancer sur ce dossier.
Je sais qu'une autre de vos préoccupations concerne le déroulement de l'Aïd, parfois difficile à organiser sur l'ensemble du territoire. L'Etat ne peut évidemment pas être un opérateur direct mais il peut aider à préparer l'Aïd en amont, en partenariat avec les collectivités locales et les sociétés d'abattoirs. Soyez assurés que les consignes aux préfets seront renouvelées pour que tout se déroule dans les meilleures conditions.
Que cherchons-nous à obtenir par ces mesures ? Tout simplement l'existence d'un Islam aux rapports apaisés, non seulement avec l'Etat, mais aussi entre musulmans ; l'existence d'un Islam de France qui, tout en respectant les règles de la République, respecterait aussi la diversité et la complexité de ses propres tendances sans en faire un motif d'affrontements internes ; ce que nous recherchons, c'est un culte musulman qui entretienne avec les institutions françaises des rapports suivis, sereins, ni plus étroits, ni moins respectueux que ceux des autres religions.
Au début du siècle dernier, l'État français s'est séparé des cultes reconnus et en particulier de l'Église catholique. Les plus inquiets ont cru que ce choix radical annonçait l'abandon, peut-être même une persécution de l'Église. Le contraire s'est vérifié : établi sur les principes intangibles de la laïcité, l'État n'a pas cessé de mener avec l'Église un dialogue vivant, constructif, d'autant plus libre qu'il n'y entrait plus de subordination.
Je crois à cette laïcité ouverte, stimulante, respectueuse des convictions de chacun, mais aussi exigeante, vigilante, intransigeante même, lorsque les termes du pacte commun sont en jeu.
Quand je vois, mesdames et messieurs, cette Grande Mosquée, ouverte sur la cité, familière et admirée des Parisiens, quand je vois musulmans et non-musulmans se côtoyer chaleureusement dans ce lieu de prière, ce lieu de culture et d'enrichissement mutuel, je sais que l'Islam que vous incarnez a toute sa place dans la République. Je sais qu'il contribue à cette nation diverse mais unie et fraternelle dont le président de la République et moi-même voulons redessiner le visage.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 septembre 2007
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs,
En acceptant votre invitation à partager ce soir l'iftâr à la Grande Mosquée de Paris, j'ai eu le sentiment que je me trouverais au meilleur endroit, et au meilleur moment pour parler avec vous de l'Islam de France.
Au meilleur endroit, parce que la Grande Mosquée de Paris n'est pas une mosquée comme les autres. Depuis 1926, sa présence prestigieuse au coeur même de la capitale traduit dans la pierre la visibilité acquise par la communauté musulmane. Son ancienneté rappelle que l'Islam et la République se connaissent et dialoguent depuis assez longtemps pour se parler du fond du coeur.
Au meilleur moment, aussi, parce que la rupture du jeûne obéit à une inspiration généreuse et libératrice : avec vous, le gouvernement veut partager la table, faire succéder aux moments de fatigue et de privation les échanges du repas. Il veut avec vous offrir et recevoir les dattes de la confiance.
C'est à l'initiative du recteur Boubakeur que je dois cette occasion riche de symboles ; elle me permet de rencontrer pour la première fois en tant que Premier ministre les hauts représentants de l'Islam de France. Je veux l'en remercier.
La tâche que Dalil Boubakeur accomplit depuis de nombreuses années au service des musulmans de France, force l'admiration. Elle est délicate. Elle est méritoire. Je veux lui rendre un hommage appuyé.
Parce que tous ici, vous avez cru aux vertus du dialogue, les choses ont bougé pour les musulmans de France. Conformément aux voeux de Nicolas Sarkozy, un Islam de France se construit. Ses rapports avec nos institutions, sa place dans notre espace public rejoignent ceux des principaux autres cultes. Dans nos armées, des services d'aumônerie musulmans se mettent en place, sous l'autorité de l'aumônier général musulman aux armées, M. Abdelkader Arbi, que je salue, ainsi que M. Al-Alaoui Talibi, aumônier national pénitentiaire, qui veille quant à lui à leur diffusion dans les centres de détention. A travers toute la France, des lieux de culte publics sont en train de s'ouvrir. C'est la fin de l'islam des caves, indigne de notre laïcité.
Grâce au dévouement du recteur Boubakeur, le conseil d'administration de la Fondation des oeuvres de l'Islam de France devrait se réunir dans les prochaines semaines, et constituer ses organes dirigeants. Reconnue par décret en Conseil d'État, cette fondation pourra bientôt commencer à recevoir les dons des fidèles et des amis de l'Islam de France. Elle facilitera, avec l'aide de la Caisse des dépôts, la construction et la rénovation des lieux de culte. Elle financera l'indispensable formation des cadres religieux et des aumôniers musulmans. Elle aidera le Conseil français du culte musulman à mieux remplir sa tâche.
Car ces ambitions, ces efforts, ces succès, ce sont bien du CFCM. Traversé de sensibilités différentes, comme toutes les instances représentatives, il a le grand mérite de les rapprocher dans un débat construit, explicite et public. J'ai tout à l'heure salué son président. Je veux saluer avec une égale considération ses deux vice-présidents, Fouad Allaoui, représenté ce soir par M. Brez, Abdallah Boussouf et son secrétaire général, Aydar Demiryurek.
Beaucoup d'entre vous sont membres des instances dirigeantes du CFCM ; présidents des Conseils régionaux du culte musulman ; responsables nationaux des grandes fédérations. Et malgré les difficultés de la tâche, vous pouvez être fiers du chemin parcouru. Ces organisations offrent enfin une représentation institutionnelle aux pratiquants musulmans. Elles vous ouvrent un meilleur accès aux responsables administratifs. Aujourd'hui, vous êtes devenus les interlocuteurs des élus, des préfets. C'est un accomplissement pour les croyants, et c'est un accomplissement pour la France.
Beaucoup de pays européens examinent avec attention la manière dont nous définissons ainsi, peu à peu, un rapport neuf entre l'Islam et l'ensemble de la société. L'autre rive de notre Méditerranée nous observe également. Ces regards justifient l'attachement et l'attention que le gouvernement français porte au Conseil français du culte musulman. Ils sont proportionnés à son rôle considérable, et aux enjeux de son bon fonctionnement.
Pour cette raison, il me paraît souhaitable que le Conseil puisse aller au terme de ses échéances statutaires, et procède ensuite à son renouvellement. J'ai bien conscience que la perspective des élections suscite des inquiétudes. J'attends avec beaucoup d'intérêt les conclusions que la commission de réflexion mise en place par votre bureau pour éclairer l'avenir du CFCM, rendra à la fin de cette année. Votre responsabilité est forte et chacun doit l'assumer avec un sens aigu de l'intérêt général. L'entreprise doit rester à la hauteur des espoirs suscités.
Pourquoi des attentes aussi précises, aussi pressantes ? Parce que vous le savez, l'Islam et l'État, sous le regard exigeant de la nation, ont encore beaucoup à bâtir ensemble.
Bâtir une meilleure formation des imams et des aumôniers, pour commencer. Les centres de formation dépendant des fédérations dispensent aujourd'hui un enseignement proprement théologique. L'Etat laïc n'a pas vocation à s'y substituer. Nous pouvons cependant, dans le cadre d'un partenariat, envisager de compléter cet enseignement, en particulier par un enseignement séculier. Cela se fait pour d'autres cultes, dont les ministres bénéficient de l'enseignement universitaire.
Le droit, l'histoire, le fonctionnement de nos institutions ont leur place dans le bagage des imams et des aumôniers. Ils sont, comme tous les religieux, dépositaires d'une grande autorité sur leurs fidèles, et d'une responsabilité égale vis-à-vis d'eux. Une connaissance sensible du pays leur est indispensable pour les exercer.
Elle commence par celle de notre langue. Aujourd'hui, une majorité des imams maîtrise peu, ou pas, le français. C'est une situation dont personne ne peut se satisfaire. Elle est contraire à l'objectif même de l'Islam de France. Je souhaite que dans les meilleurs délais, la connaissance du français garantisse entre les cadres musulmans et la société française des échanges pertinents, une connaissance réelle, une perception plus juste.
Plus largement, nous avons besoin qu'au sein de l'islam émerge des théologiens à la fois profondément nourris de leur foi et profondément imprégnés de notre culture. C'était le rêve de grands islamologues comme Jacques Berque. Ce serait la promesse que dans les débats autour du devenir de l'islam, il émerge toujours une voix à la fois religieuse, républicaine et laïque.
Que demandons-nous au fond aux cadres religieux musulmans ? De connaître et d'apprécier la France autant que, depuis François Ier, des universitaires français connaissent et aiment la religion et la culture musulmanes. L'enseignement de l'arabe en France est presque aussi ancien que la Sorbonne. Je sais que le recteur Boubakeur est attelé actuellement à un ouvrage sur ces questions...
En attendant, le centre de recherches sur la paix de la Faculté des sciences sociales et économiques de l'institut catholique de Paris s'apprête à créer un diplôme universitaire intitulé "Islam, laïcité, interculturalité". Il va dans le sens de ce rapprochement intellectuel et de l'obtention de compétences reconnues. D'autres projets doivent le suivre.
Quant à l'Etat, il assumera tous les devoirs qui lui incombent. L'un des premiers, c'est d'assurer la protection des ressortissants et résidants français au cours du haj. Le pèlerinage à La Mecque est un moment clé de la vie du croyant - l'objet de beaucoup d'efforts, de beaucoup d'espoirs.
Aujourd'hui, son organisation dépend d'une mosaïque d'organismes de qualité très inégale, et il se déroule souvent dans des conditions peu satisfaisantes, quand elles ne sont pas tout simplement catastrophiques. Plusieurs accidents ont transformé en drame ce voyage qui devait être un aboutissement de la foi. Cela ne doit plus se reproduire !
En liaison avec les autorités saoudiennes, le ministère des Affaires étrangères et notre consulat à Djedda font déjà beaucoup. J'ai demandé que cet effort soit maintenu et même renforcé. Je souhaite que les préfectures accentuent le contrôle des organismes de voyage et que l'accompagnement des pèlerins soit poursuivi. Les trois ministères concernés - Tourisme, Affaires étrangères et Intérieur - éditeront à cette fin une brochure d'information qui sera mise à la disposition des pèlerins avant leur départ.
De même, il est souhaitable qu'au moment de la fin de la vie, les musulmans qui ont passé leur vie en France, qui ont adopté, aimé et servi ce pays, puissent, s'ils le souhaitent, se faire enterrer en France plutôt que dans leur pays d'origine. Les espaces confessionnels des cimetières, qui permettent le regroupement des sépultures et un enterrement selon le rite musulman, sont la bonne réponse à ce désir.
Rejoindre la terre de sa naissance est un choix respectable, quand il correspond à un attachement sincère : quand il est pris sous la pression des faits, faute de place disponible en France, c'est une discrimination odieuse.
J'ai demandé à ce sujet au ministre de l'Intérieur d'examiner les propositions formulées par la commission de réflexion juridique sur les relations entre les cultes et les pouvoirs publics. Je sais que le projet d'ouverture d'un nouveau carré confessionnel en Rhône-Alpes a récemment abouti. Je m'en réjouis, mais je ne m'en contente pas. Cet exemple doit être multiplié. Je vais demander au ministre de l'Intérieur, en charge des relations avec les collectivités locales, de mettre en oeuvre des discussions avec l'AMF et le CFCM pour avancer sur ce dossier.
Je sais qu'une autre de vos préoccupations concerne le déroulement de l'Aïd, parfois difficile à organiser sur l'ensemble du territoire. L'Etat ne peut évidemment pas être un opérateur direct mais il peut aider à préparer l'Aïd en amont, en partenariat avec les collectivités locales et les sociétés d'abattoirs. Soyez assurés que les consignes aux préfets seront renouvelées pour que tout se déroule dans les meilleures conditions.
Que cherchons-nous à obtenir par ces mesures ? Tout simplement l'existence d'un Islam aux rapports apaisés, non seulement avec l'Etat, mais aussi entre musulmans ; l'existence d'un Islam de France qui, tout en respectant les règles de la République, respecterait aussi la diversité et la complexité de ses propres tendances sans en faire un motif d'affrontements internes ; ce que nous recherchons, c'est un culte musulman qui entretienne avec les institutions françaises des rapports suivis, sereins, ni plus étroits, ni moins respectueux que ceux des autres religions.
Au début du siècle dernier, l'État français s'est séparé des cultes reconnus et en particulier de l'Église catholique. Les plus inquiets ont cru que ce choix radical annonçait l'abandon, peut-être même une persécution de l'Église. Le contraire s'est vérifié : établi sur les principes intangibles de la laïcité, l'État n'a pas cessé de mener avec l'Église un dialogue vivant, constructif, d'autant plus libre qu'il n'y entrait plus de subordination.
Je crois à cette laïcité ouverte, stimulante, respectueuse des convictions de chacun, mais aussi exigeante, vigilante, intransigeante même, lorsque les termes du pacte commun sont en jeu.
Quand je vois, mesdames et messieurs, cette Grande Mosquée, ouverte sur la cité, familière et admirée des Parisiens, quand je vois musulmans et non-musulmans se côtoyer chaleureusement dans ce lieu de prière, ce lieu de culture et d'enrichissement mutuel, je sais que l'Islam que vous incarnez a toute sa place dans la République. Je sais qu'il contribue à cette nation diverse mais unie et fraternelle dont le président de la République et moi-même voulons redessiner le visage.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 septembre 2007