Texte intégral
N. Demorand.- Bonjour à vous, X. Darcos et bienvenue sur France Inter ! 88 % des Français satisfaits de leur école et de la formation des enseignants ; c'est le résultat d'un sondage TNS-SOFRES à paraître donc aujourd'hui même. Bonne nouvelle pour vous, non ?
R.- Cela fait d'autant plus plaisir que généralement les sondages, les opinions renvoient surtout à ceux qui ne sont pas contents. Alors, on rappelle cette fois-ci l'opinion des vrais gens ; des utilisateurs, des parents, des familles, qui disent la vérité. C'est qu'au fond lorsqu'on place son enfant à l'école, on se trouve en face d'un professeur et d'une équipe pédagogique dévoués et capables.
Q.- En même temps, il n'y a pas toujours de quoi pavoiser : 40 % des élèves qui entrent en 6e ont des difficultés à lire et écrire - je répète, 40 %. Comment on explique un tel chiffre ?
R.- D'abord ce n'est pas 40 %, c'est 15 % qui ont des difficultés véritables...
Q.- Des grosses difficultés !
R.- De grosses difficultés. Les autres, ce sont des difficultés conjoncturelles, ce sont des élèves qui ont des difficultés que l'on peut régler, qui généralement sont récupérés. Il y en a 15 % qui sont vraiment en très grande perdition. Mais, vous savez, ça s'explique, ce n'est pas seulement l'école qui est responsable de cela ; ça s'explique aussi avec la sociologie, le milieu, les problèmes sociaux qu'ont ces jeunes très souvent et donc c'est une action collective. Il ne faut pas seulement demander à l'école de régler ça. Lorsque vous refaites un quartier, lorsque vous faites de la politique sociale, lorsque vous faites de l'intégration, lorsque vous accompagnez des familles dans leur vie professionnelle, lorsque vous luttez contre le chômage, vous luttez aussi contre l'échec scolaire. Je veux le rappeler pour qu'on ne dise pas toujours que l'école serait responsable de tout toute seule.
Q.- Mais enfin lire et écrire, c'est tout de même la mission de base. On peut en imaginer d'autres, mais c'est quand même ça, le socle minimum.
R.- Bien entendu, bien entendu !
Q.- Donc, c'est tout de même étrange. Cela s'explique comment ?
R.- Cela s'explique d'abord parce que, je le répète, nous accueillons beaucoup d'élèves extrêmement différents. On nous compare souvent, par exemple, avec la Finlande ou des pays de cet ordre. Ce sont des pays qui ont 7 millions d'habitants, qui n'ont pas du tout les mêmes structures sociologiques que nous, qui n'ont pas les mêmes problèmes que nous et qui en conséquence ont des publics scolaires très très homogènes. Mais enfin, je ne veux pas éviter...
Q.- Il y a un problème de méthode, d'enseignement, quoi, quel constat ?
R.- Je ne veux pas refuser votre question. Je crois surtout qu'il faut que nous voyons à quel point il faut revenir à tout ce qui est élémentaire, à ce qui est fondamental. En particulier je crois que sur la langue, sur la maîtrise du discours, de l'écriture, il faut que nous soyons beaucoup plus systématiques. Et voilà pourquoi, puisque le président de la République l'a rappelé, nous ne voulons pas qu'en rentrant en 6e des élèves qui n'ont pas la maîtrise élémentaire du langage, il faut qu'au cours du CM² nous puissions, c'est-à-dire l'année qui précède l'entrée en 6e, il faut que nous fassions une évaluation, à Noël à peu près, et que pendant les six mois qui suivent nous prenions dans des dispositifs particuliers, séparés, autres, les élèves qui sont en plus grande difficulté.
Q.- Evaluation, mot politiquement correct, euphémisme pour sélection, X. Darcos ?
R.- Non, non, non, non ! Nous ne voulons pas sélectionner les enfants en 6e, tout le monde ira à l'école jusqu'à seize ans en France et personne...
Q.- L'un n'empêche pas l'autre.
R.- N'entrons pas dans ces voies-là, ce n'est pas du tout comme ça que nous sentons les choses. Ce qu'il faut, c'est que les élèves aient les mêmes chances en arrivant en 6e. Si on veut être juste, si on veut être socialement équilibré, équitable, il faut que les enfants qui rentrent en 6e puissent disposer de la même manière des enseignements qu'ils reçoivent. Or s'ils ne maîtrisent pas le discours, ils en sont évidemment incapables. Donc c'est une question d'équité et non pas de sélection ou de ségrégation.
Q.- Mais donc, vous nous dites bien ce matin, X. Darcos, qu'il n'y aura pas d'examen ou en tout cas de dispositif quelconque pour trier, le mot n'est pas très joli mais c'est ça au fond, les élèves à l'entrée en 6e.
R.- Non, il faut penser aujourd'hui l'école comme une continuité de trois à seize ans. Vous savez, on a un peu la nostalgie de l'école primaire à l'époque où on rentrait en 6e et où l'horizon, c'était le certificat d'études ; tout le monde savait ce qu'il fallait savoir, alors il fallait savoir ses départements, faire ressortir un certain nombre de calculs élémentaires. Aujourd'hui c'est plus compliqué, la 6e n'est qu'un moment dans un long cursus qui va vous conduire jusqu'à seize ans. La scolarité, c'est de trois à seize ans. Donc il ne faut pas imaginer la 6e comme une espèce de césure où il faudrait faire passer un examen et qu'est-ce qu'on ferait d'ailleurs de ceux qui ne l'ont pas ?
Q.- Eh bien, c'est la question !
R.- Bon, on les laisserait à jamais dans l'école primaire. Donc, on voit bien que ce n'est pas ainsi qu'il faut concevoir les choses, ce n'est d'ailleurs pas ce qu'a dit le président de la République, il souhaite que le collège unique disparaisse et que les élèves qui rentrent en 6e sachent lire, c'est à nous de répondre à cette exigence, je ferai des propositions à cet égard dès la fin du mois d'octobre.
Q.- Alors vous l'avez dit d'une voix feutrée, "il souhaite que le collège unique disparaisse". C'est quand même une sacrée nouvelle la disparition du collège unique. C'est vraiment acté aujourd'hui ?
R.- Ecoutez, d'abord plus personne ne croit que le principe selon lequel il faut que tout le monde fasse la même chose, au même moment, dans l'Aveyron ou dans l'Essonne ait du sens. Aujourd'hui chaque collège réagit en fonction des publics qu'il a, en fonction des problèmes qu'il rencontre...
Q.- Mais ça, ça a toujours été le cas.
R.- Exactement. Dans une certaine mesure, je dirais, le collège unique a déjà du plomb dans l'aile, parce que les équipes éducatives réagissent en fonction des difficultés qu'elles rencontrent. L'école, c'est quelque chose de très pragmatique finalement. Donc simplement ce que nous voulons c'est rappeler que les établissements, les chefs d'établissements, les principaux surtout puisqu'il s'agit du collège, pourront organiser comme ils l'entendent, avec beaucoup plus de souplesse, une partie de leurs enseignements et que nous cesserons d'avoir une sorte de formatage unique pour tous les collèges.
Q.- Mais le collège unique c'est également un principe démocratique. Un sociologue de l'éducation, E. Maurin, l'analyse dans "La nouvelle question scolaire"... Je le connais très bien. Alors lui en tire une analyse statistique d'une austérité absolue, tire l'idée que le collège unique est une réussite.
R.- Le collège unique a été une réussite dans un moment donné, c'est-à-dire il a été créé, d'ailleurs Maurin le dit fort bien, il a été créé à un moment où nous avions une poussée démographique considérable...
Q.- 1975 !
R.- Exactement ! Je vous rappelle qu'à cette époque-là on construisait en France pratiquement un collège par jour, un collège par jour, donc on était en face de masses énormes d'élèves que nous recevions et on a décidé de faire une sorte de cadre général de l'action éducative pour tout le monde. Aujourd'hui les problèmes sont tout à fait différents, nous perdons des élèves dans le second degré, je vous le rappelle, nous en perdons 25.000 cette année, les publics se sont considérablement diversifiés, les problèmes se sont multipliés, ce qui se passe dans le Ve arrondissement, ce n'est pas ce qui se passe dans une banlieue d'une très grande ville, ce n'est pas ce qui se passe dans un collège rural et donc les données sont différentes. Je ne dis pas que le collège unique n'a pas été utile, je dis qu'il n'est plus adapté aux difficultés que rencontre l'école aujourd'hui.
Q.- Donc, on en parle bien au passé ?
R.- Oui, on en parle au passé. D'ailleurs tout simplement moi je suis ministre d'un gouvernement qui doit accomplir ce que souhaite le président de la République et le président de la République m'a donné mission de rompre avec le collège unique.
Q.- On le remplace par quoi, alors ?
R.- Eh bien, je viens de vous le dire, par une plus grande autonomie des établissements, une plus grande réactivité des équipes, plus de confiance faite aux équipes pédagogiques, que les professeurs, en fonction évidemment de cadres nationaux que nous fixerons, organisent leur politique pédagogique comme ils l'entendent.
Q.- J'avoue avoir du mal à sentir à quoi cela peut ressembler. Alors, prenons les exemples, dans le Ve arrondissement, dans une banlieue difficile et dans un collège rural on fait quoi alors ?
R.- Eh bien, on donne à tous ces collèges, cependant, des cadres. On dit en gros il faut que tous les élèves fassent à peu près tant d'heures de telle discipline et puis on donne une marge de manoeuvre importante pour que l'on puisse faire plus pour ceux qui sont en difficultés, rajouter des modules massifs de français pour ceux qui en ont besoin, faire des activités sportives plus nombreuses pour ceux qui ont vraiment besoin de se défouler, faire de l'anglais de manière systématique pour ceux qui en ont besoin, faire du français langue étrangère pour les primo arrivants. Bref, faire en sorte qu'avec des crédits plus larges, avec une marge de manoeuvre d'autonomie plus large, le collège organise sa politique pédagogique en fonction des publics qu'il a. Parce que vous savez les problème que j'ai, ce ne sont pas ceux en effet des collèges du centre ville et du centre de Paris, ceux-là on n'en entend jamais parler. Ils n'ont même pas besoin de moi ceux-là d'ailleurs, ils n'ont pas besoin de moi du tout. En revanche, moi je pense à tous nos collègues, et ils sont nombreux, qui sont dans des collèges où il faut sans arrêt inventer des solutions. J'étais lundi matin à Roubaix dans une zone très sensible, un collège de 500 élèves, 85 adultes là-dedans, vous n'imaginez pas les trésors d'imagination que font ces professeurs, qui sont les héros de la République, ce sont des saints laïques, les professeurs. J'aimerais qu'on le répète ; chaque fois que je dis ça on croit que je suis démagogique, je le dis parce que je le pense vraiment. Je voudrais que tous les Français viennent avec moi un jour dans un collège sensible et vous allez voir ce que font ces enseignants, qui montent des équipes, qui montent des projets, qui travaillent avec les collectivités, qui travaillent avec les associations, qui se voient sans arrêt entre eux, qui font de l'interdisciplinarité sans cesse. Leur parler du collège unique, c'est leur parler d'une querelle métaphysique pour eux. Ils sont sans arrêt au quotidien à répondre à des difficultés très objectives, il faut les aider, leur donner des moyens pour être beaucoup plus autonomes et pour inventer leur politique pédagogique.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 6 septembre 2007
R.- Cela fait d'autant plus plaisir que généralement les sondages, les opinions renvoient surtout à ceux qui ne sont pas contents. Alors, on rappelle cette fois-ci l'opinion des vrais gens ; des utilisateurs, des parents, des familles, qui disent la vérité. C'est qu'au fond lorsqu'on place son enfant à l'école, on se trouve en face d'un professeur et d'une équipe pédagogique dévoués et capables.
Q.- En même temps, il n'y a pas toujours de quoi pavoiser : 40 % des élèves qui entrent en 6e ont des difficultés à lire et écrire - je répète, 40 %. Comment on explique un tel chiffre ?
R.- D'abord ce n'est pas 40 %, c'est 15 % qui ont des difficultés véritables...
Q.- Des grosses difficultés !
R.- De grosses difficultés. Les autres, ce sont des difficultés conjoncturelles, ce sont des élèves qui ont des difficultés que l'on peut régler, qui généralement sont récupérés. Il y en a 15 % qui sont vraiment en très grande perdition. Mais, vous savez, ça s'explique, ce n'est pas seulement l'école qui est responsable de cela ; ça s'explique aussi avec la sociologie, le milieu, les problèmes sociaux qu'ont ces jeunes très souvent et donc c'est une action collective. Il ne faut pas seulement demander à l'école de régler ça. Lorsque vous refaites un quartier, lorsque vous faites de la politique sociale, lorsque vous faites de l'intégration, lorsque vous accompagnez des familles dans leur vie professionnelle, lorsque vous luttez contre le chômage, vous luttez aussi contre l'échec scolaire. Je veux le rappeler pour qu'on ne dise pas toujours que l'école serait responsable de tout toute seule.
Q.- Mais enfin lire et écrire, c'est tout de même la mission de base. On peut en imaginer d'autres, mais c'est quand même ça, le socle minimum.
R.- Bien entendu, bien entendu !
Q.- Donc, c'est tout de même étrange. Cela s'explique comment ?
R.- Cela s'explique d'abord parce que, je le répète, nous accueillons beaucoup d'élèves extrêmement différents. On nous compare souvent, par exemple, avec la Finlande ou des pays de cet ordre. Ce sont des pays qui ont 7 millions d'habitants, qui n'ont pas du tout les mêmes structures sociologiques que nous, qui n'ont pas les mêmes problèmes que nous et qui en conséquence ont des publics scolaires très très homogènes. Mais enfin, je ne veux pas éviter...
Q.- Il y a un problème de méthode, d'enseignement, quoi, quel constat ?
R.- Je ne veux pas refuser votre question. Je crois surtout qu'il faut que nous voyons à quel point il faut revenir à tout ce qui est élémentaire, à ce qui est fondamental. En particulier je crois que sur la langue, sur la maîtrise du discours, de l'écriture, il faut que nous soyons beaucoup plus systématiques. Et voilà pourquoi, puisque le président de la République l'a rappelé, nous ne voulons pas qu'en rentrant en 6e des élèves qui n'ont pas la maîtrise élémentaire du langage, il faut qu'au cours du CM² nous puissions, c'est-à-dire l'année qui précède l'entrée en 6e, il faut que nous fassions une évaluation, à Noël à peu près, et que pendant les six mois qui suivent nous prenions dans des dispositifs particuliers, séparés, autres, les élèves qui sont en plus grande difficulté.
Q.- Evaluation, mot politiquement correct, euphémisme pour sélection, X. Darcos ?
R.- Non, non, non, non ! Nous ne voulons pas sélectionner les enfants en 6e, tout le monde ira à l'école jusqu'à seize ans en France et personne...
Q.- L'un n'empêche pas l'autre.
R.- N'entrons pas dans ces voies-là, ce n'est pas du tout comme ça que nous sentons les choses. Ce qu'il faut, c'est que les élèves aient les mêmes chances en arrivant en 6e. Si on veut être juste, si on veut être socialement équilibré, équitable, il faut que les enfants qui rentrent en 6e puissent disposer de la même manière des enseignements qu'ils reçoivent. Or s'ils ne maîtrisent pas le discours, ils en sont évidemment incapables. Donc c'est une question d'équité et non pas de sélection ou de ségrégation.
Q.- Mais donc, vous nous dites bien ce matin, X. Darcos, qu'il n'y aura pas d'examen ou en tout cas de dispositif quelconque pour trier, le mot n'est pas très joli mais c'est ça au fond, les élèves à l'entrée en 6e.
R.- Non, il faut penser aujourd'hui l'école comme une continuité de trois à seize ans. Vous savez, on a un peu la nostalgie de l'école primaire à l'époque où on rentrait en 6e et où l'horizon, c'était le certificat d'études ; tout le monde savait ce qu'il fallait savoir, alors il fallait savoir ses départements, faire ressortir un certain nombre de calculs élémentaires. Aujourd'hui c'est plus compliqué, la 6e n'est qu'un moment dans un long cursus qui va vous conduire jusqu'à seize ans. La scolarité, c'est de trois à seize ans. Donc il ne faut pas imaginer la 6e comme une espèce de césure où il faudrait faire passer un examen et qu'est-ce qu'on ferait d'ailleurs de ceux qui ne l'ont pas ?
Q.- Eh bien, c'est la question !
R.- Bon, on les laisserait à jamais dans l'école primaire. Donc, on voit bien que ce n'est pas ainsi qu'il faut concevoir les choses, ce n'est d'ailleurs pas ce qu'a dit le président de la République, il souhaite que le collège unique disparaisse et que les élèves qui rentrent en 6e sachent lire, c'est à nous de répondre à cette exigence, je ferai des propositions à cet égard dès la fin du mois d'octobre.
Q.- Alors vous l'avez dit d'une voix feutrée, "il souhaite que le collège unique disparaisse". C'est quand même une sacrée nouvelle la disparition du collège unique. C'est vraiment acté aujourd'hui ?
R.- Ecoutez, d'abord plus personne ne croit que le principe selon lequel il faut que tout le monde fasse la même chose, au même moment, dans l'Aveyron ou dans l'Essonne ait du sens. Aujourd'hui chaque collège réagit en fonction des publics qu'il a, en fonction des problèmes qu'il rencontre...
Q.- Mais ça, ça a toujours été le cas.
R.- Exactement. Dans une certaine mesure, je dirais, le collège unique a déjà du plomb dans l'aile, parce que les équipes éducatives réagissent en fonction des difficultés qu'elles rencontrent. L'école, c'est quelque chose de très pragmatique finalement. Donc simplement ce que nous voulons c'est rappeler que les établissements, les chefs d'établissements, les principaux surtout puisqu'il s'agit du collège, pourront organiser comme ils l'entendent, avec beaucoup plus de souplesse, une partie de leurs enseignements et que nous cesserons d'avoir une sorte de formatage unique pour tous les collèges.
Q.- Mais le collège unique c'est également un principe démocratique. Un sociologue de l'éducation, E. Maurin, l'analyse dans "La nouvelle question scolaire"... Je le connais très bien. Alors lui en tire une analyse statistique d'une austérité absolue, tire l'idée que le collège unique est une réussite.
R.- Le collège unique a été une réussite dans un moment donné, c'est-à-dire il a été créé, d'ailleurs Maurin le dit fort bien, il a été créé à un moment où nous avions une poussée démographique considérable...
Q.- 1975 !
R.- Exactement ! Je vous rappelle qu'à cette époque-là on construisait en France pratiquement un collège par jour, un collège par jour, donc on était en face de masses énormes d'élèves que nous recevions et on a décidé de faire une sorte de cadre général de l'action éducative pour tout le monde. Aujourd'hui les problèmes sont tout à fait différents, nous perdons des élèves dans le second degré, je vous le rappelle, nous en perdons 25.000 cette année, les publics se sont considérablement diversifiés, les problèmes se sont multipliés, ce qui se passe dans le Ve arrondissement, ce n'est pas ce qui se passe dans une banlieue d'une très grande ville, ce n'est pas ce qui se passe dans un collège rural et donc les données sont différentes. Je ne dis pas que le collège unique n'a pas été utile, je dis qu'il n'est plus adapté aux difficultés que rencontre l'école aujourd'hui.
Q.- Donc, on en parle bien au passé ?
R.- Oui, on en parle au passé. D'ailleurs tout simplement moi je suis ministre d'un gouvernement qui doit accomplir ce que souhaite le président de la République et le président de la République m'a donné mission de rompre avec le collège unique.
Q.- On le remplace par quoi, alors ?
R.- Eh bien, je viens de vous le dire, par une plus grande autonomie des établissements, une plus grande réactivité des équipes, plus de confiance faite aux équipes pédagogiques, que les professeurs, en fonction évidemment de cadres nationaux que nous fixerons, organisent leur politique pédagogique comme ils l'entendent.
Q.- J'avoue avoir du mal à sentir à quoi cela peut ressembler. Alors, prenons les exemples, dans le Ve arrondissement, dans une banlieue difficile et dans un collège rural on fait quoi alors ?
R.- Eh bien, on donne à tous ces collèges, cependant, des cadres. On dit en gros il faut que tous les élèves fassent à peu près tant d'heures de telle discipline et puis on donne une marge de manoeuvre importante pour que l'on puisse faire plus pour ceux qui sont en difficultés, rajouter des modules massifs de français pour ceux qui en ont besoin, faire des activités sportives plus nombreuses pour ceux qui ont vraiment besoin de se défouler, faire de l'anglais de manière systématique pour ceux qui en ont besoin, faire du français langue étrangère pour les primo arrivants. Bref, faire en sorte qu'avec des crédits plus larges, avec une marge de manoeuvre d'autonomie plus large, le collège organise sa politique pédagogique en fonction des publics qu'il a. Parce que vous savez les problème que j'ai, ce ne sont pas ceux en effet des collèges du centre ville et du centre de Paris, ceux-là on n'en entend jamais parler. Ils n'ont même pas besoin de moi ceux-là d'ailleurs, ils n'ont pas besoin de moi du tout. En revanche, moi je pense à tous nos collègues, et ils sont nombreux, qui sont dans des collèges où il faut sans arrêt inventer des solutions. J'étais lundi matin à Roubaix dans une zone très sensible, un collège de 500 élèves, 85 adultes là-dedans, vous n'imaginez pas les trésors d'imagination que font ces professeurs, qui sont les héros de la République, ce sont des saints laïques, les professeurs. J'aimerais qu'on le répète ; chaque fois que je dis ça on croit que je suis démagogique, je le dis parce que je le pense vraiment. Je voudrais que tous les Français viennent avec moi un jour dans un collège sensible et vous allez voir ce que font ces enseignants, qui montent des équipes, qui montent des projets, qui travaillent avec les collectivités, qui travaillent avec les associations, qui se voient sans arrêt entre eux, qui font de l'interdisciplinarité sans cesse. Leur parler du collège unique, c'est leur parler d'une querelle métaphysique pour eux. Ils sont sans arrêt au quotidien à répondre à des difficultés très objectives, il faut les aider, leur donner des moyens pour être beaucoup plus autonomes et pour inventer leur politique pédagogique.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 6 septembre 2007