Déclaration de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de la consommation et du tourisme, sur les difficultés rencontrées par les organismes de tourisme social, les mutations envisagées vers le tourisme durable et solidaire ainsi que sur leur action en faveur de l'accès aux vacances pour tous, Le Croisic le 13 septembre 2007.

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Circonstance : Les Rencontres de l'Union nationale des associations de tourisme et de plein air au Croisic le 13 septembre 2007.

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de participer, à votre invitation, au cinquième rendez-vous de l'UNAT, placés cette année sous le signe du développement durable.
C'est notre première rencontre et certainement pas la dernière. Vous avez des attentes à l'égard de l'Etat. Mon ambition pour votre secteur est tout aussi fort : les Français auront besoin, demain comme hier, d'un tourisme associatif à vocation sociale puissant, moderne et performant.
Monsieur le Président, j'ai beaucoup apprécié votre discours offensif et direct. Votre militantisme, vos convictions sont à l'image de votre secteur. Je sais que vous êtes aussi soucieux de sa capacité à répondre aux évolutions du tourisme français et de sa rentabilité. C'est cet ensemble que nous devons appréhender dans un esprit de partenariat.
Permettez-moi de vous répondre, moi aussi, très directement. Jacques ATTALI évoque dans son dernier ouvrage le fait que l'industrie des loisirs sera, si ce n'est déjà le cas, la première industrie mondiale. La « loisiration » de la société est une pendante sociologique majeure. 88% des Français jugent importante la place des loisirs dans la société.
Vous m'avez décrit des associations fières de leurs réalisations et de leurs principes mais également préoccupées de leurs orientations futures et de leur positionnement. C'est parfaitement légitime et je vous comprends.
Mais j'ai cru aussi déceler une approche antagonique de l'économique et du social. Or l'un ne va pas sans l'autre et c'est toute la logique du rattachement au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi de l'action ministérielle en faveur du tourisme. J'entends certains fantasmer. Ce rattachement constitue une véritable opportunité pour le secteur du tourisme.
Mesdames et Messieurs, je sais que les années qui viennent de s'écouler n'ont pas été faciles pour vous. Le tourisme social que je préfère appeler « vacances pour tous » a connu une transformation importante et un certain nombre de difficultés.
Transformation, lorsque vous constatez que les villages de vacances attirent moins la clientèle traditionnelle et ne parviennent pas à capter une clientèle nouvelle. Transformation qui vous a contraints a rehausser vos tarifs, rendant un peu plus difficile l'accès aux vacances des moins favorisés.
Difficulté, lorsque l'ANCV réduit ses aides aux investissements ou peine à honorer ses engagements. Difficulté aussi, lorsque l'Etat diffère le financement de certains de ses engagements contractuels à l'égard des collectivités territoriales.
Difficulté aussi, lorsqu'il vous faut mettre aux normes de sécurité les équipements collectifs, avec les dépenses que cela entraîne.
Et il y a aussi, les mutations que vous avez souhaitées.
Vous avez décidé - et je vous en félicite - une nette orientation de votre action vers le tourisme durable et solidaire. Je pense, par exemple, au label « chouette nature » de Cap France, à l'action d'Ethic Etapes, de la Ligue de l'enseignement et des VVF. Je pense aussi au rôle joué par l'UNAT dans le lancement et l'organisation de Forums internationaux du tourisme solidaire dont le dernier, au Mexique, a connu un grand succès. Ne nous voilons pas la face. Le tourisme est un des premiers postes contributeurs de pollution et de consommation d'énergie. Mais il est également - et c'est un point crucial - un des premiers postes créateurs de richesses. La France en tant que pays leader du tourisme se doit d'être précurseur en termes de tourisme social et durable.
Vous avez aussi développé une politique de qualité de l'accueil autour du label « Loisirs de France ». Parce que cette politique est essentielle pour votre avenir, j'espère que nous pourrons régler bientôt les conditions de votre accès à la marque « Qualité tourisme » qui butte encore sur le financement d'audits externes indépendants.
Mais, au-delà de ces mutations, je vois un certain nombre de constantes dans votre action. Vous restez des centres de progrès social. Vous le rappeliez, Monsieur le Président, votre rôle dans la promotion du tourisme de masse. Le tourisme ne doit être ni un révélateur ni un amplificateur d'inégalité. Notre objectif est bien de faire du tourisme un réducteur d'inégalité.
Je voudrais, aussi, rendre hommage à votre action en faveur du départ en vacances des personnes âgées.
Vous avez lancé, en 2004, le programme « vacances des seniors » dont l'originalité est de lier une préoccupation sociale avec le souci économique de développer les infrastructures touristiques hors saison. Voici encore une nouvelle illustration du lien entre l'économique et le social.
Si l'ANCV a maintenant repris le programme pour le faire fructifier, sous le nom de « seniors en vacances », c'est aussi, à ma demande, pour lui donner une ampleur à la hauteur de l'enjeu. Je souhaite promouvoir un vaste programme qui touche 500 000 personnes en trois ans, associant les différentes familles du tourisme dans un même élan pour donner un surcroît de pouvoir d'achat aux seniors et un surcroît d'activité aux structures d'hébergement.
J'irai prochainement en Espagne car je souhaite notamment m'inspirer de son programme exemplaire en faveur des seniors, alliant l'Etat aux opérateurs du tourisme, avec un pragmatisme et une simplicité de procédure exemplaires.
Autre constante dans votre action, l'accès aux vacances pour tous.
Vous avez évoqué, Monsieur le Président, l'application de la loi du 11 février 2005 sur le handicap qui doit permettre l'accessibilité totale des équipements touristiques. Tout le secteur du tourisme y est soumis et il y a là, sans doute, matière à élaborer les premières études d'impact de cette législation ambitieuse.
Je suis prêt à analyser avec vous les conséquences, notamment financière, qu'elle a pour votre secteur, dont je reconnais et salue l'engagement historique en faveur de l'accès des handicapés aux vacances.
Je sais que cette politique a un coût important pour vous. C'est pourquoi, dans le cadre du renforcement de l'action de l'ANCV en faveur des handicapés, je souhaite que les aides à la pierre soient accordées en priorité aux dépenses liées à l'accessibilité pour les handicapés.
Et j'y ajoute la possibilité de financer le développement de l'expertise dont vous pouvez avoir besoin sur la manière de la réaliser ces investissements pour les handicapés.
Vous me dites que vous ne voulez pas être cantonnés dans une activité d'accueil des plus défavorisés. J'adhère entièrement à l'idée de mixité sociale. Je ne souhaite pas que l'activité des associations de tourisme social se cantonne à l'accueil des plus défavorisés. Il ne serait pas juste ni acceptable de reproduire sur les lieux de vacances les inégalités qui existent déjà et que l'on cherche à combattre sur les lieux de vie.
Mais vous le savez, les aides publiques sont par nature limitées. Elles doivent donc bénéficier aux plus défavorisés.
Par delà leur vocation sociale, vos associations contribuent largement à la vitalité des territoires ruraux. Pour moi qui suis élu de la Haute-Marne, c'est évidemment un thème sensible.
Je suis tout à fait prêt, si vous le souhaitez, à ce qu'un travail associant toutes les parties prenantes vienne éclairer les conditions d'un développement durable de vos structures d'hébergement. Et nous mettrons plus particulièrement l'accent sur les zones de montagne, qui sont de plus en plus fragiles en termes d'écologie et d'économie.
Pour conclure, je voudrais souligner trois éléments de contexte particulièrement favorables au développement du tourisme social.
Tout d'abord, je veux saluer la reprise d'un climat serein, propice à un partenariat entre l'UNAT et l'ANCV, avec déjà deux résultats importants.
D'une part, le conseil d'administration de l'ANCV a décidé, en juin dernier, d'apporter une contribution de 10 millions d'euros à l'apurement de la dette de l'Etat à l'égard des opérateurs du tourisme social. Une centaine de subventions seront ainsi versées prochainement.
D'autre part, la reprise du programme « vacances des seniors » de l'UNAT par l'ANCV va capitaliser votre expérience pour lui donner un nouvel élan. Quant aux aides à la pierre versées par l'ANCV, leur régime sera revu en novembre permettant, enfin, d'instruire les 500 dossiers qui sont en attente.
Ensuite, je trouve inacceptable qu'aujourd'hui encore 1 Français sur trois ne parte pas en vacances et je veux affirmer devant vous mon engagement à modifier cette situation au bénéfice des classes les plus défavorisées et des classes moyennes.
Enfin, j'engagerai très prochainement la réforme de l'accès des salariés des entreprises de moins de 50 personnes aux chèques-vacances, pour qu'ils aient enfin les mêmes droits que les autres salariés.
Voila ce que je voulais vous dire aujourd'hui. Sachez que je vous ai écoutés très attentivement et que j'agirai, après concertation, rapidement et avec détermination.
Je ne trahirai pas de secret en vous disant que le Président de la République m'a fait part, très récemment, de sa volonté d'initiatives fortes en faveur du départ en vacances des Français.
C'est ma mission. C'est votre mission. Ensemble, nous réussirons !
Je vous remercie.
Source http://www.unat.asso.fr, le 28 septembre 2007