Texte intégral
J.-P. Elkabbach.- En ce moment, en effet, la scène est politique, éminemment politique. Président B. Accoyer, bonjour. Alors, ce soir, le Président de la République va s'adresser aux parlementaires UMP souvent atteints en ce moment de scepticisme, de colère à peine retenue, d'énervement. Et avec C. Poncelet, J.-F. Copé et J. de Rohan, vous avez déjà rencontré, paraît-il, hier soir, N. Sarkozy. Il semble que vous ne vous soyez pas tellement marrés.
R.- Oh ben, il y a eu un échange qui est un échange tout à fait constructif parce qu'on connaît bien le Président de la République : il a des convictions, et d'ailleurs les Français l'ont compris ainsi en l'élisant président de la République. Et il les a rappelées. Ses convictions c'est la nécessité de réformer profondément le pays...
Q.- ... non mais, il avait besoin de vous les rappeler ?
R.-... et de le faire en ouvrant. Oui, bien sûr, il faut toujours rappeler le cap. Chacun d'entre nous, lorsqu'on a des responsabilités, on sait qu'il faut constamment confirmer le cap que l'on a décidé de suivre.
Q.- Et il vous a confirmé sa volonté d'ouvrir, d'ouvrir encore ?
R.- Oui ! Oui, mais ça chacun le sait. La France a besoin de cette ouverture parce qu'elle a besoin de toutes les compétences au-delà des convictions politiques, et je dirais même parfois du dogmatisme que nous avons tous finalement un petit peu au fond de nous-mêmes.
Q.- Oui, on y reviendra parce que ça passe mal. Mais, le Président est-ce qu'il vous a encouragé au débat ? Est-ce qu'il vous a répété que vous êtes libres, majeurs, mais de préférence, monsieur Accoyer, au garde-à-vous ?
R.- Vous savez, quand on dirige, on aime bien que ce soit le plus simple possible, c'est-à-dire qu'on n'ait pas besoin de rappeler à ses propres troupes ce que l'on souhaite, ce que l'on veut. Mais d'un autre côté, c'est une nécessité absolue qu'au sein d'une majorité il y ait un débat et c'est ce qui se passe, et c'est une excellente chose. Si ça n'était pas le cas, que dirait-on ? On dirait, « ce sont des godillots ».
Q.- Oui, mais apparemment, ça ne lui plaît pas. Oui, vous ne voulez pas être des godillots, et lui vous dit : « je ne veux pas faire l'Etat UMP ». Et apparemment, à l'UMP qui en ont la nostalgie encore.
R.- Mais est-ce que cela n'est pas normal ? On a vécu pendant des décennies avec un monolithisme politique qui a finalement déçu beaucoup de Français et qui en tout état de cause a laissé la France dans des situations qui n'étaient pas très satisfaisantes. C'était bloc contre bloc. Aujourd'hui, N. Sarkozy a décidé de faire bouger les choses en utilisant toutes les sensibilités, et en tout cas les compétences au sein des différentes sensibilités.
Q.- Donc, vous nous confirmez ce matin, B. Accoyer, que le Président de la République est déterminé, il fera ce qu'il a promis, y compris à propos de l'ouverture, j'y reviendrai.
R.- Oui, je le crois.
Q.- Et malgré les réfractaires qui lancent des avertissements à l'Elysée, de votre camp, comme les G. Tron, Myard, Mariton et Cie...
R.- Mais il s'expriment et c'est normal, heureusement qu'ils parlent. Mais je pense que le Président est déterminé et que l'immense majorité des parlementaires acceptent cette nécessaire réforme, cette marche en avant pour le pays.
Q.- Alors, le Gouvernement et la majorité avaient-ils vraiment besoin de l'amendement Mariani sur les textes ADN ?
R.- Votre question posée ainsi, je peux y répondre clairement : c'est non. C'est un amendement parlementaire qui est venu masquer tout l'intérêt qu'il y a dans un texte important, d'une part pour la maîtrise des flux migratoires, et d'autre part pour accueillir dans de meilleures conditions ceux qui choisissent notre pays.
Q.- Donc, vous dites il est arrivé « masquer ». Il est venu de T. Mariani, UMP, qui n'a pas été ministre, nommé ministre ou sous ministre, qui est allé chercher ce texte pour les candidats au regroupement familial. Est-ce que ce n'était pas pour vous rappeler que vous étiez bien à droite - le Parti socialiste dit, « front nationalisé » - que vous étiez bien à droite ? Est-ce que vous n'êtes pas tombé dans le piège de monsieur Mariani, UMP ?
R.- Le débat, effectivement, c'est complètement focalisé sur cet amendement qui est un amendement parlementaire. C'est la vie parlementaire. Et puis, c'est aussi l'habitude qui est celle des politiques, comme des médias, de se focaliser, souvent d'ailleurs sur un point...
Q.-...ben, sur ce qui choque.
R.- Sur un point...
Q.-... sur ce qui choque.
R.-... sur un point très accessoire du texte.
Q.- Et ce qui choque. Regardez, le problème c'est que les test ADN divisent la droite, réveillent la société. Charlie Hebdo, Sos-Racisme lancent une pétition qu'ont déjà signé, vous verrez leur photo dans Libération, D. de Villepin, F. Bayrou, F. Hollande, B. Thibault, A. Kahn, B.-H. Lévy. Pourquoi vous ne le retirez pas ?
R.- Parce que d'abord je n'en ai pas la faculté.
Q.- Si vous pouviez, vous le retireriez ?
R.- Si je pouvais, je ne l'aurais pas retiré moi-même parce que je ne l'aurais pas déposé.
Q.- Oui ! Donc, vous l'auriez retiré ou il n'aurait pas existé.
R.- Ben non, je pense que c'est dommage d'avoir, encore une fois, masqué tout l'intérêt de ce texte par un débat qui est sur un point très compliqué, qui pose des questions philosophiques, des questions éthiques et qui aurait nécessité en réalité un grand débat préalable.
Q.- Il est tellement édulcoré cet amendement sur les tests ADN qu'on peut s'interroger sur son utilité, ce matin. On est d'accord.
R.- Alors, là, sur ce point, je vous rejoins complètement, c'est-à-dire que le débat, un débat parlementaire n'est pas suffisant pour pouvoir gérer complètement une question aussi complexe.
Q.- B. Hortefeux et R. Karoutchi, les sénateurs qui y étaient opposés, monsieur Raffarin par exemple, monsieur Pasqua et d'autres, ont paraît-il trouvé un accord. Le projet de loi sur l'immigration sera, serait voté cet après-midi au Sénat, et il reviendra à l'Assemblée. Est-ce que vous pensez, vous qui êtes le Président, qui voyez tout de haut, là, de votre perchoir, que la majorité toute entière va le voter ?
R.- Je pense que les choses vont être réglées au Sénat où il y a un débat qui est un débat de grande qualité. Je sais que le Gouvernement souhaite trouver une solution, et encore une fois l'essentiel c'est que le texte lui-même - je ne parle pas de cet amendement - le texte lui-même puisse être voté et rentrer en application.
Q.- Oui, l'amendement vous fait honte, quoi.
R.- Je ne vais pas dire ce mot-là parce que ça n'est pas la réalité. Je trouve que c'est dommage qu'un amendement parlementaire soulève une question aussi importante, même si, il faut quand même rappeler que 12 des 27 pays de l'Union appliquent des dispositions de cette nature.
Q.- Alors, l'ouverture elle va continuer a dit, hier, N. Sarkozy à Dijon, mais il vous l'a répété ? Oui. Il vous l'a répété. Et il ajouté, à Dijon : « le Chef de l'Etat c'est quelqu'un qui rassemble, qui ouvre les bras, qui tend la main », et il n'aime ni le sectarisme, dit-il, ni l'esprit de clan. Mais est-ce que ça veut dire aussi que les meilleurs sont peut-être dans le camp d'en face ?
R.- Ah non, mais il y en a partout par définition. L'intelligence est distribuée à tout le monde, c'est très heureux.
Q.- Alors, pour lui, ouvrir c'est une conviction, vous le confirmez ?
R.- Oui, et j'approuve cette attitude qui consiste à utiliser toutes les compétences.
Q.- Mais tactiquement, ouvrir ça déstabilise et désoriente la gauche aussi.
R.- Mais ça change le jeu politique, oui, ça c'est tout à fait vrai.
Q.- Mais ce n'est pas fait pour ça ou c'est fait pour ça ?
R.- Non, non, c'est fait parce qu'il faut faire bouger les choses et que lorsque le général de Gaulle, en 58, a dans son Gouvernement Pinay et G. Mollet, c'est exactement ce qu'aujourd'hui on appelle l'ouverture.
Q.- Alors, la droite, il semble qu'elle ne sache plus très bien sur quel pied danser, monsieur Accoyer. Par exemple, J.-F. Copé, lui, se dit favorable comme vous à l'ouverture, et J. de Rohan, qui est président du groupe UMP au Sénat, trouve que les courants d'air proviennent souvent de ce qu'il y a trop d'ouverture. Et d'ailleurs, il a pris froid, il est enrhumé. N. Sarkozy lui a remonté les bretelles hier soir ? Un petit peu ?
R.- Il y a eu un échange, c'est normal, vous connaissez le Président de la République...
Q.-... quand vous dites « échange » ça veut dire qu'il y a eu...
R.- Oui, mais bien sûr, mais c'est très utile de pouvoir parler, y compris avec le Chef de l'Etat.
Q.- Vous confirmez que ça a été vif.
R.- Il y a eu un échange, oui, mais ben entendu, on parle des choses quand il y a des différences sur l'expression, il est bien normal que les échanges soient francs, comme on dit en termes diplomatiques.
Q.- Donc, on peut lui parler. Est-ce qu'il écoute ?
R.- Oui, bien sûr ! Il faut lui parler, il faut lui parler fort parfois, mais il écoute.
Q.- Alors, la première vague de l'ouverture est finalement acceptée. La prochaine, j'ai envie de vous demander qui passe, qui ne passe pas ? C. Allègre, ça vous va ?
R.- Alors, ça, j'ai horreur des jugements sur les personnes parce que pour moi la conviction qui m'habite au plus profond de moi-même, ce sont les idées qui comptent.
Q.- Non mais ils incarnent des idées.
R.- Non, je ne me permettrai pas de jugement sur les personnes.
Q.- Est-ce qu'il y en a un qui est, comme dit quelqu'un de l'UMP - je crois que c'est monsieur Goulard - la ligne rose, la ligne jaune, la ligne blanche ? J. Lang ?
R.- Pas de jugement, pas d'exclusive, on verra sur pièce, si j'ose dire.
Q.- Alors, les élus... vous ne répondez pas !
R.- Non mais, vous ne me ferez pas dire oui pour Untel, non pour Untel. C'est tout à faite indigne de juger les personnes. D'abord, ça serait faire preuve de sectarisme. Non, ça je n'accepte pas ce genre de façon de faire de la politique.
Q.- Du perchoir, le président de l'Assemblée surplombe, B. Accoyer, les députés et le Gouvernement. Est-ce que vous avez senti, hier, pour les tous premiers moments de la session, de l'électricité ? Et dans ce climat, est-ce que le Gouvernement, d'après ce que vous sentez, pourra faire passer les réformes annoncées sur la fonction publique, les retraites, la franchise médicale, le budget 2008 ?
R.- D'abord, je voudrais vous dire qu'hier, nous sommes rentrés dans la première session ordinaire de la législature. On se rend compte, en disant cela, de tout ce qui a été fait au cours des deux sessions extraordinaires, depuis que N. Sarkozy a été élu Président, et depuis que la nouvelle majorité est en place. Donc, c'est considérable. Le programme de réformes qui est un programme de réformes audacieux, qui a été annoncé et choisi par les Français, est en train de se mettre en place à une vitesse comme on n'en a jamais rarement connu au préalable. Et nous allons continuer, parce que d'abord c'est la volonté du Chef de l'Etat, c'est surtout le besoin impérieux du pays, et la majorité, pour répondre précisément à votre question, derrière son Premier ministre, est tout à fait convaincue qu'il faut le faire.
Q.- Il retrouve un peu d'oxygène et d'espace ?
R.- Mais c'était une bonne séance de questions avec, je le regrette en tant que président de l'Assemblée, toujours un petit peu des quolibets, des événements qui ne sont pas bons pour notre image. Mais néanmoins, il y a eu la fonction de contrôle du Parlement sur l'action du Gouvernement qui a pu s'exercer et les ministres ont apporté les réponses qui s'imposaient.
Q.- Les élus, députés et surtout sénateurs, qui sont parfois à la limite de la rébellion, contestent les rumeurs qui proviennent du Comité Balladur. Est-ce que nous allons, monsieur Accoyer, vers un régime présidentiel ?
R.- Non, je ne le crois pas. Je crois que nos institutions sont des institutions qui ont cinquante ans, qui ont permis à la France de franchir des crises terribles, et ça, ça a une valeur inestimable. Par conséquent, ce que la majorité parlementaire, et en tout cas ce que moi-même je ressens, et ce qui traverse tous les courants politiques représentés à l'Assemblée nationale, c'est qu'il faut garder une Constitution, une loi constitutionnelle qui permette de donner...
Q.-... celle de la Ve République.
R.- Voilà ! De donner à la France un avenir qui soit au moins un avenir de paix.
Q.- Mais vous acceptez des aménagements ?
R.- Ah ben, bien sûr ! Il y a besoin de renforcer le rôle du Parlement, c'est d'ailleurs ce qu'a indiqué le Président de la République. J'ai travaillé avec un groupe représentant tous les groupes politiques de l'Assemblée. Nous avons des propositions qui sont consensuelles entre tous les groupes, et nous entendons bien au cours de cette réforme qu'elles puissent entrer dans la loi.
Q.- Cinq mois après son élection, on voit bien que le président de la République, vous n'arrêtez pas d'en parler, et puis la presse le dit aussi, N. Sarkozy galope toujours, il est partout, il promet de continuer. Il semble vous donner, à vous, les élus, quelques fois le tournis. N. Baverez qui est historien, qui écrit beaucoup, etc. estime que, dans Le Monde, le mandat de rupture promis par N. Sarkozy est pour l'instant bien rempli. Et vous ?
R.- Oui, c'est ma conviction. Les mesures qui sont prises, qui sont d'ailleurs toutes, ce qui est normal, critiquées par l'opposition, qui devrait mieux d'ailleurs proposer, ce serait bien plus constructif, mais qu'il s'agisse du pouvoir d'achat, qu'il s'agisse de la fonction publique, qu'il s'agisse des retraites, les grands chantiers, qu'il s'agisse du service minimum, de l'autonomie des universités, les grands chantiers sont ouverts, un certain nombre sont déjà pratiquement conclus.
Q.- D'accord. Et ceux d'entre vous qui ne pourront pas suivre, eh bien ils resteront sur la route, sur le bas côté, hein ?
R.- Mais non, ils accompagneront.
Q.- Oui ! Les éclopés, les boiteux, les blessés, etc., ils suivront ou ils resteront sur le bas côté ?
R.- Mais non, mais la majorité comme l'opposition n'est pas faite d'éclopés et de blessés. Les parlementaires sont bien debout en ce début de législature.
Q.- Merci monsieur Accoyer.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 3 octobre 2007
R.- Oh ben, il y a eu un échange qui est un échange tout à fait constructif parce qu'on connaît bien le Président de la République : il a des convictions, et d'ailleurs les Français l'ont compris ainsi en l'élisant président de la République. Et il les a rappelées. Ses convictions c'est la nécessité de réformer profondément le pays...
Q.- ... non mais, il avait besoin de vous les rappeler ?
R.-... et de le faire en ouvrant. Oui, bien sûr, il faut toujours rappeler le cap. Chacun d'entre nous, lorsqu'on a des responsabilités, on sait qu'il faut constamment confirmer le cap que l'on a décidé de suivre.
Q.- Et il vous a confirmé sa volonté d'ouvrir, d'ouvrir encore ?
R.- Oui ! Oui, mais ça chacun le sait. La France a besoin de cette ouverture parce qu'elle a besoin de toutes les compétences au-delà des convictions politiques, et je dirais même parfois du dogmatisme que nous avons tous finalement un petit peu au fond de nous-mêmes.
Q.- Oui, on y reviendra parce que ça passe mal. Mais, le Président est-ce qu'il vous a encouragé au débat ? Est-ce qu'il vous a répété que vous êtes libres, majeurs, mais de préférence, monsieur Accoyer, au garde-à-vous ?
R.- Vous savez, quand on dirige, on aime bien que ce soit le plus simple possible, c'est-à-dire qu'on n'ait pas besoin de rappeler à ses propres troupes ce que l'on souhaite, ce que l'on veut. Mais d'un autre côté, c'est une nécessité absolue qu'au sein d'une majorité il y ait un débat et c'est ce qui se passe, et c'est une excellente chose. Si ça n'était pas le cas, que dirait-on ? On dirait, « ce sont des godillots ».
Q.- Oui, mais apparemment, ça ne lui plaît pas. Oui, vous ne voulez pas être des godillots, et lui vous dit : « je ne veux pas faire l'Etat UMP ». Et apparemment, à l'UMP qui en ont la nostalgie encore.
R.- Mais est-ce que cela n'est pas normal ? On a vécu pendant des décennies avec un monolithisme politique qui a finalement déçu beaucoup de Français et qui en tout état de cause a laissé la France dans des situations qui n'étaient pas très satisfaisantes. C'était bloc contre bloc. Aujourd'hui, N. Sarkozy a décidé de faire bouger les choses en utilisant toutes les sensibilités, et en tout cas les compétences au sein des différentes sensibilités.
Q.- Donc, vous nous confirmez ce matin, B. Accoyer, que le Président de la République est déterminé, il fera ce qu'il a promis, y compris à propos de l'ouverture, j'y reviendrai.
R.- Oui, je le crois.
Q.- Et malgré les réfractaires qui lancent des avertissements à l'Elysée, de votre camp, comme les G. Tron, Myard, Mariton et Cie...
R.- Mais il s'expriment et c'est normal, heureusement qu'ils parlent. Mais je pense que le Président est déterminé et que l'immense majorité des parlementaires acceptent cette nécessaire réforme, cette marche en avant pour le pays.
Q.- Alors, le Gouvernement et la majorité avaient-ils vraiment besoin de l'amendement Mariani sur les textes ADN ?
R.- Votre question posée ainsi, je peux y répondre clairement : c'est non. C'est un amendement parlementaire qui est venu masquer tout l'intérêt qu'il y a dans un texte important, d'une part pour la maîtrise des flux migratoires, et d'autre part pour accueillir dans de meilleures conditions ceux qui choisissent notre pays.
Q.- Donc, vous dites il est arrivé « masquer ». Il est venu de T. Mariani, UMP, qui n'a pas été ministre, nommé ministre ou sous ministre, qui est allé chercher ce texte pour les candidats au regroupement familial. Est-ce que ce n'était pas pour vous rappeler que vous étiez bien à droite - le Parti socialiste dit, « front nationalisé » - que vous étiez bien à droite ? Est-ce que vous n'êtes pas tombé dans le piège de monsieur Mariani, UMP ?
R.- Le débat, effectivement, c'est complètement focalisé sur cet amendement qui est un amendement parlementaire. C'est la vie parlementaire. Et puis, c'est aussi l'habitude qui est celle des politiques, comme des médias, de se focaliser, souvent d'ailleurs sur un point...
Q.-...ben, sur ce qui choque.
R.- Sur un point...
Q.-... sur ce qui choque.
R.-... sur un point très accessoire du texte.
Q.- Et ce qui choque. Regardez, le problème c'est que les test ADN divisent la droite, réveillent la société. Charlie Hebdo, Sos-Racisme lancent une pétition qu'ont déjà signé, vous verrez leur photo dans Libération, D. de Villepin, F. Bayrou, F. Hollande, B. Thibault, A. Kahn, B.-H. Lévy. Pourquoi vous ne le retirez pas ?
R.- Parce que d'abord je n'en ai pas la faculté.
Q.- Si vous pouviez, vous le retireriez ?
R.- Si je pouvais, je ne l'aurais pas retiré moi-même parce que je ne l'aurais pas déposé.
Q.- Oui ! Donc, vous l'auriez retiré ou il n'aurait pas existé.
R.- Ben non, je pense que c'est dommage d'avoir, encore une fois, masqué tout l'intérêt de ce texte par un débat qui est sur un point très compliqué, qui pose des questions philosophiques, des questions éthiques et qui aurait nécessité en réalité un grand débat préalable.
Q.- Il est tellement édulcoré cet amendement sur les tests ADN qu'on peut s'interroger sur son utilité, ce matin. On est d'accord.
R.- Alors, là, sur ce point, je vous rejoins complètement, c'est-à-dire que le débat, un débat parlementaire n'est pas suffisant pour pouvoir gérer complètement une question aussi complexe.
Q.- B. Hortefeux et R. Karoutchi, les sénateurs qui y étaient opposés, monsieur Raffarin par exemple, monsieur Pasqua et d'autres, ont paraît-il trouvé un accord. Le projet de loi sur l'immigration sera, serait voté cet après-midi au Sénat, et il reviendra à l'Assemblée. Est-ce que vous pensez, vous qui êtes le Président, qui voyez tout de haut, là, de votre perchoir, que la majorité toute entière va le voter ?
R.- Je pense que les choses vont être réglées au Sénat où il y a un débat qui est un débat de grande qualité. Je sais que le Gouvernement souhaite trouver une solution, et encore une fois l'essentiel c'est que le texte lui-même - je ne parle pas de cet amendement - le texte lui-même puisse être voté et rentrer en application.
Q.- Oui, l'amendement vous fait honte, quoi.
R.- Je ne vais pas dire ce mot-là parce que ça n'est pas la réalité. Je trouve que c'est dommage qu'un amendement parlementaire soulève une question aussi importante, même si, il faut quand même rappeler que 12 des 27 pays de l'Union appliquent des dispositions de cette nature.
Q.- Alors, l'ouverture elle va continuer a dit, hier, N. Sarkozy à Dijon, mais il vous l'a répété ? Oui. Il vous l'a répété. Et il ajouté, à Dijon : « le Chef de l'Etat c'est quelqu'un qui rassemble, qui ouvre les bras, qui tend la main », et il n'aime ni le sectarisme, dit-il, ni l'esprit de clan. Mais est-ce que ça veut dire aussi que les meilleurs sont peut-être dans le camp d'en face ?
R.- Ah non, mais il y en a partout par définition. L'intelligence est distribuée à tout le monde, c'est très heureux.
Q.- Alors, pour lui, ouvrir c'est une conviction, vous le confirmez ?
R.- Oui, et j'approuve cette attitude qui consiste à utiliser toutes les compétences.
Q.- Mais tactiquement, ouvrir ça déstabilise et désoriente la gauche aussi.
R.- Mais ça change le jeu politique, oui, ça c'est tout à fait vrai.
Q.- Mais ce n'est pas fait pour ça ou c'est fait pour ça ?
R.- Non, non, c'est fait parce qu'il faut faire bouger les choses et que lorsque le général de Gaulle, en 58, a dans son Gouvernement Pinay et G. Mollet, c'est exactement ce qu'aujourd'hui on appelle l'ouverture.
Q.- Alors, la droite, il semble qu'elle ne sache plus très bien sur quel pied danser, monsieur Accoyer. Par exemple, J.-F. Copé, lui, se dit favorable comme vous à l'ouverture, et J. de Rohan, qui est président du groupe UMP au Sénat, trouve que les courants d'air proviennent souvent de ce qu'il y a trop d'ouverture. Et d'ailleurs, il a pris froid, il est enrhumé. N. Sarkozy lui a remonté les bretelles hier soir ? Un petit peu ?
R.- Il y a eu un échange, c'est normal, vous connaissez le Président de la République...
Q.-... quand vous dites « échange » ça veut dire qu'il y a eu...
R.- Oui, mais bien sûr, mais c'est très utile de pouvoir parler, y compris avec le Chef de l'Etat.
Q.- Vous confirmez que ça a été vif.
R.- Il y a eu un échange, oui, mais ben entendu, on parle des choses quand il y a des différences sur l'expression, il est bien normal que les échanges soient francs, comme on dit en termes diplomatiques.
Q.- Donc, on peut lui parler. Est-ce qu'il écoute ?
R.- Oui, bien sûr ! Il faut lui parler, il faut lui parler fort parfois, mais il écoute.
Q.- Alors, la première vague de l'ouverture est finalement acceptée. La prochaine, j'ai envie de vous demander qui passe, qui ne passe pas ? C. Allègre, ça vous va ?
R.- Alors, ça, j'ai horreur des jugements sur les personnes parce que pour moi la conviction qui m'habite au plus profond de moi-même, ce sont les idées qui comptent.
Q.- Non mais ils incarnent des idées.
R.- Non, je ne me permettrai pas de jugement sur les personnes.
Q.- Est-ce qu'il y en a un qui est, comme dit quelqu'un de l'UMP - je crois que c'est monsieur Goulard - la ligne rose, la ligne jaune, la ligne blanche ? J. Lang ?
R.- Pas de jugement, pas d'exclusive, on verra sur pièce, si j'ose dire.
Q.- Alors, les élus... vous ne répondez pas !
R.- Non mais, vous ne me ferez pas dire oui pour Untel, non pour Untel. C'est tout à faite indigne de juger les personnes. D'abord, ça serait faire preuve de sectarisme. Non, ça je n'accepte pas ce genre de façon de faire de la politique.
Q.- Du perchoir, le président de l'Assemblée surplombe, B. Accoyer, les députés et le Gouvernement. Est-ce que vous avez senti, hier, pour les tous premiers moments de la session, de l'électricité ? Et dans ce climat, est-ce que le Gouvernement, d'après ce que vous sentez, pourra faire passer les réformes annoncées sur la fonction publique, les retraites, la franchise médicale, le budget 2008 ?
R.- D'abord, je voudrais vous dire qu'hier, nous sommes rentrés dans la première session ordinaire de la législature. On se rend compte, en disant cela, de tout ce qui a été fait au cours des deux sessions extraordinaires, depuis que N. Sarkozy a été élu Président, et depuis que la nouvelle majorité est en place. Donc, c'est considérable. Le programme de réformes qui est un programme de réformes audacieux, qui a été annoncé et choisi par les Français, est en train de se mettre en place à une vitesse comme on n'en a jamais rarement connu au préalable. Et nous allons continuer, parce que d'abord c'est la volonté du Chef de l'Etat, c'est surtout le besoin impérieux du pays, et la majorité, pour répondre précisément à votre question, derrière son Premier ministre, est tout à fait convaincue qu'il faut le faire.
Q.- Il retrouve un peu d'oxygène et d'espace ?
R.- Mais c'était une bonne séance de questions avec, je le regrette en tant que président de l'Assemblée, toujours un petit peu des quolibets, des événements qui ne sont pas bons pour notre image. Mais néanmoins, il y a eu la fonction de contrôle du Parlement sur l'action du Gouvernement qui a pu s'exercer et les ministres ont apporté les réponses qui s'imposaient.
Q.- Les élus, députés et surtout sénateurs, qui sont parfois à la limite de la rébellion, contestent les rumeurs qui proviennent du Comité Balladur. Est-ce que nous allons, monsieur Accoyer, vers un régime présidentiel ?
R.- Non, je ne le crois pas. Je crois que nos institutions sont des institutions qui ont cinquante ans, qui ont permis à la France de franchir des crises terribles, et ça, ça a une valeur inestimable. Par conséquent, ce que la majorité parlementaire, et en tout cas ce que moi-même je ressens, et ce qui traverse tous les courants politiques représentés à l'Assemblée nationale, c'est qu'il faut garder une Constitution, une loi constitutionnelle qui permette de donner...
Q.-... celle de la Ve République.
R.- Voilà ! De donner à la France un avenir qui soit au moins un avenir de paix.
Q.- Mais vous acceptez des aménagements ?
R.- Ah ben, bien sûr ! Il y a besoin de renforcer le rôle du Parlement, c'est d'ailleurs ce qu'a indiqué le Président de la République. J'ai travaillé avec un groupe représentant tous les groupes politiques de l'Assemblée. Nous avons des propositions qui sont consensuelles entre tous les groupes, et nous entendons bien au cours de cette réforme qu'elles puissent entrer dans la loi.
Q.- Cinq mois après son élection, on voit bien que le président de la République, vous n'arrêtez pas d'en parler, et puis la presse le dit aussi, N. Sarkozy galope toujours, il est partout, il promet de continuer. Il semble vous donner, à vous, les élus, quelques fois le tournis. N. Baverez qui est historien, qui écrit beaucoup, etc. estime que, dans Le Monde, le mandat de rupture promis par N. Sarkozy est pour l'instant bien rempli. Et vous ?
R.- Oui, c'est ma conviction. Les mesures qui sont prises, qui sont d'ailleurs toutes, ce qui est normal, critiquées par l'opposition, qui devrait mieux d'ailleurs proposer, ce serait bien plus constructif, mais qu'il s'agisse du pouvoir d'achat, qu'il s'agisse de la fonction publique, qu'il s'agisse des retraites, les grands chantiers, qu'il s'agisse du service minimum, de l'autonomie des universités, les grands chantiers sont ouverts, un certain nombre sont déjà pratiquement conclus.
Q.- D'accord. Et ceux d'entre vous qui ne pourront pas suivre, eh bien ils resteront sur la route, sur le bas côté, hein ?
R.- Mais non, ils accompagneront.
Q.- Oui ! Les éclopés, les boiteux, les blessés, etc., ils suivront ou ils resteront sur le bas côté ?
R.- Mais non, mais la majorité comme l'opposition n'est pas faite d'éclopés et de blessés. Les parlementaires sont bien debout en ce début de législature.
Q.- Merci monsieur Accoyer.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 3 octobre 2007