Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, sur l'amélioration des conditions de travail, notamment dans les TPE et la sous traitance, Paris le 4 octobre 2007.

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  • Xavier Bertrand - Ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité

Texte intégral


Cette conférence était intéressante, les débats passionnants, ce qui nous a amené à en décaler la fin. A son issue des décisions ont été prises et aussi un début de négociations a été décidé dans de nombreux domaines. Pourquoi ? parce que nous sommes avant tout dans le champ privilégié du dialogue social. Le dialogue social pour l'amélioration des conditions de travail est certainement la meilleure méthode. Même si, comme j'ai eu l'occasion de le dire ce matin, je n'exonère en rien le rôle de l'Etat.

Ma ligne de conduite pour cette conférence, c'est la rénovation du dialogue social.
La santé et le bien-être au travail sont essentiels pour nos concitoyens. Il n'y a pas de travail de qualité sans qualité de vie au travail. Le Président de la République avait fait de ce thème une priorité, et nous avons donc organisé cette conférence aujourd'hui dans la droite ligne. Les conditions de travail ont un impact direct sur notre qualité de vie et qu'elles sont l'affaire de tous : entreprises, artisans, branches, syndicats et les acteurs politiques.
Pour la première fois tous les acteurs de la prévention se sont mobilisés autour de l'amélioration des conditions de travail.
2 groupes de travail, près de 60 personnes (les organisations syndicales et patronales, l'Etat et les agences spécialisées). Tous ont travaillé 7 journées entières, c'est-à-dire 70 heures de discussions, 19 auditions, 37 témoignages, près de 5 heures de réunion ce matin. La conférence a permis de constater que de nombreuses initiatives existent en France, à l'initiative des partenaires sociaux ou des entreprises. De multiples exemples ont été mis en lumière. Par exemple, certaines entreprises ont modifié l'organisation de leurs chaînes de production, d'autres ont remplacé les produits toxiques qu'elles utilisaient par des produits de substitution non toxiques.
D'autres ont mis en place une démarche d'évaluation des niveaux de stress et d'identification des causes de stress de leurs salariés. Toutes ces actions ont permis d'améliorer la vie quotidienne des salariés. Sauf que nous ne voulons pas ces efforts dans quelques entreprises, nous les voulons dans toutes les entreprises.
De très nombreux outils donc existent au service des acteurs pour améliorer les conditions de travail. Mais la vérité est que ces outils sont mal connus, dispersés, et parfois complexes à mobiliser. La conférence a engagé un processus de simplification, de mutualisation des expériences, de regroupement des structures administratives. Nous voulons donc développer la prévention, l'information, la formation des acteurs.
Car il ne s'agit pas seulement de traiter des conséquences des problèmes liés aux conditions de travail mais bel et bien de s'attaquer aux causes. C'est un sujet qu'avaient évoqué les partenaires sociaux lors des travaux préparatoires, message bien reçu.
La pénibilité n'a pas été absente non plus des réunions de travail. Le sujet n'a pas été traité au fond ce matin, je le dis très clairement, parce que la conférence a pris acte de ce que les négociations en cours n'ont pas à ce jour abouti. Et je peux vous dire que l'Etat s'attachera à faciliter la poursuite de ces négociations, tant dans leur volet prévention que dans leur volet réparation. Celui qui vous dit cela aujourd'hui n'est pas seulement le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité mais aussi celui qui, en 2003, était rapporteur du texte sur les retraites, car c'est moi qui à l'époque, avait déposé l'amendement qui obligeait les partenaires sociaux à négocier. J'ai de la mémoire et au moment où va se préparer le rendez-vous de 2008, je n'oublie pas quelle a été mon action en 2003, ni quelle peut être la frustration de nombreux acteurs, dont la mienne, de ne pas avoir vu ces négociations aboutir. Ce sujet ne sera pas absent du rendez-vous des retraites de 2008, je peux vous l'assurer.
Nous avons pris ce matin des décisions sur la base du travail de ces réunions, des décisions applicables tout de suite.
Nous allons donc continuer à avancer ensemble. Même s'il n'existe pas un grand soir dans le domaine des conditions de travail, surtout dans un pays qui n'avait pas l'habitude d'aborder ce sujet sous une forme tripartite, je voudrais insiter sur 3 mesures : 3 mesures concrètes qui sont le fruit de ce travail de dialogue et que nous avons décidées ce matin :
Première des choses : concernant le stress au travail. depuis quelque temps, depuis peu de temps, le stress au travail est évoqué. Nous voulons faire en sorte que les drames qui ont eu lieu ces derniers mois et qui ont mis l'accent sur la nécessité de lutter contre les risques psychosociaux, le stress ou le mal être au travail, ne soient des drames qui n'auraient pas été pris en considération. Mais on ne traite bien que ce que l'on connaît bien. Le travail s'est intensifié ; la concurrence s'est accrue : cela a des conséquences pour les salariés. Or aujourd'hui, si tout le monde admet la réalité de ce problème, nous n'avons pas d'indicateurs. La première priorité est d'avoir des indicateurs fiables et qui soient partagés. Pas plus tard que la mi-janvier 2008, nous aurons donc des indicateurs fiables et validés permettant de mesurer le nombre de salariés exposés à ces risques, de savoir quelles en sont les conséquences précises sur la santé ou encore quels sont les moyens de les prévenir. Nous allons, sur la recommandation de Gérard Larcher, mettre en place une mission opérationnelle au plus tard début novembre et qui me remettra la liste d'indicateurs et ses propositions d'actions le 15 janvier prochain.
Deuxièmement, les petites entreprises ont des difficultés à dialoguer sur les conditions de travail. Doit-on parler des conditions de travail uniquement dans les grandes entreprises ? Pour moi la réponse est non et je sais que le sujet n'est pas simple. La question qui se pose est avant tout de ne pas laisser se creuser l'écart qui existe entre grandes entreprises et TPE. Mais nous ne pouvons pas rester dans cette sorte de no man's land actuel. Voilà pourquoi j'ai décidé de trouver, par la voie de la négociation sociale, un cadre permettant d'avoir dans les TPE un dialogue identifié sur les conditions de travail. L'engagement de cette négociation, je le dis comme je l'ai précisé ce matin, ne préjuge pas du résultat des négociations qui auront lieu sur la représentativité. En tout état de cause, je ne veux pas attendre pour que la question des conditions de travail, que je différencie aussi de la question de la santé au travail, soit bien présente dans les TPE. Ce sujet a mobilisé beaucoup d'attention et d'énergie ce matin.
La conférence a également permis d'étendre un dispositif d'aide à l'amélioration des conditions de travail dans les TPE. Il y a déjà aujourd'hui des contrats de prévention par l'intermédiaire des CRAM. Ces contrats sont aujourd'hui trop lourds, trop complexes et donc illisibles pour les entreprises de moins de 20 salariés. La CNAM s'engage à proposer à toutes les branches des contrats simplifiés. Désormais, une boucherie de 2 salariés par exemple pourra disposer d'un document, d'un contrat prédéfini en fonction de son secteur d'activité. Ce document très simple permettra de n'avoir plus qu'à cocher des cases parmi les mesures obligatoires et optionnelles définies pour bénéficier d'un accompagnement technique y compris financier, pour un sol non-glissant, des tables à la juste hauteur... L'objectif de la conférence était aussi de s'inspirer des bonnes pratiques, en voilà un exemple. Les 1 200 000 TPE et 8 millions de salariés disposeront enfin d'un outil adapté et ce sont 10 millions d'euros supplémentaires, soit 50 Meuros au total qui vont y être consacrés. C'est une action simple et concrète pour les PME et les TPE.
Si le dialogue a été au coeur de cette conférence, il est également au coeur de nos mesures. Je l'ai dit pour les interlocuteurs autour de la table tout à l'heure, la rénovation du dialogue social est primordiale et elle se fait à plusieurs niveaux :
Au niveau national, il a été proposé de faire évoluer le CSPRP pour le transformer en Conseil d'orientation sur les conditions de travail (le COCT). Ce conseil sera permanent et plus réactif. Il présentera des indicateurs sur les risques professionnels pour qu'il n'y ait plus de débat ou d'interrogation sur la véracité des chiffres ni d'éléments manquants. Il assurera la coordination autour de priorités nationales qui devront être relayées par les branches et ce dès le 1er trimestre 2008. Pour l'assurance maladie, on sait quel est l'apport du Haut Conseil, on sait en matière de retraites l'apport du Conseil d'orientation, sur un sujet comme celui-ci, cela vaut la peine d'avoir un organe permanent et de donner une vraie prospective.
Au niveau régional, nous allons réfléchir à la coordination régionale des structures existantes dans une formation qui réunirait régulièrement les instances régionales et leur permettrait d'adapter étroitement aux spécificités régionales l'ensemble des actions sur les conditions de travail. On voit aujourd'hui le point de départ, les points de vue n'ont pas été convergents car il y a des questions sur un éventuel remplacement des ORST. Nous allons donc évaluer ce travail pour ensuite pouvoir évoluer.
Concernant les branches, nous devons valoriser ce qui se fait et accélérer. Je souhaite que les branches professionnelles se saisissent des orientations qui seront proposées par ces instances pour coordonner dans leur secteur les actions de prévention. Je tiens à vous dire quelle va être l'actualité prochaine car nous y avons travaillé :
la branche alimentaire qui a créé un guide d'aide aux entreprises pour une politique de prévention adaptée à leur taille (10 000 entreprises visées, 414 000 salariés concernés).
la branche du commerce et de la distribution qui a lancé un plan d'actions « la santé à tous les rayons » : la prise en compte des contraintes ergonomique et techniques lors la fabrication des équipements (les vitrines froides par exemple).
le bâtiment qui met en place dans quelques semaines le « Passeport Prévention Bâtiment » qui sensibilisera tous les salariés du bâtiment et les testera sur leurs connaissances à la prévention et à la sécurité.
J'ai décidé de soutenir les bonnes pratiques en signant d'ici la fin du mois, avec trois fédérations l'UIC (chimie), l'UIMM (métallurgie) et la FIPEC (peinture, encre), une convention ayant pour objectif une amélioration significative de la prévention du risque CMR dans chacune de ces branches, en particulier au sein des entreprises sous-traitantes, sujet longuement évoqué ce matin.
Enfin, les salariés de l'agroalimentaire sont souvent soumis à des conditions de travail difficiles. J'ai donc décidé d'étendre l'accord du 23 mai 2007 relatif à la santé et la sécurité dans les industries de la transformation des volailles, qui est un accord exemplaire en faveur de l'amélioration des conditions de travail. Cet accord sera étendu dès la semaine prochaine.
En plus d'encourager et faciliter ce dialogue social, je veux lui donner les moyens et les outils pour aboutir :
Il faut proposer des outils adaptés et des financements corrects. En plus des contrats simplifiés pour les TPE, j'ai décidé de réformer le Fonds pour l'amélioration des conditions de travail (le FACT). Il sera doté de 4 millions en 2008, contre 1,7 million consommés en 2007. Il pourra désormais financer des équipements et du matériel, et plus seulement des études et documents d'évaluation, ce qui explique d'ailleurs le niveau de sous-consommation. Les entreprises ont besoin d'accompagnement pour améliorer la prévention de leurs salariés. Leurs attentes seront prises en compte au plus près du terrain. C'est pourquoi la gestion des dossiers sera confiée à l'ANACT, à partir des orientations définies par la Conférence. Et je me suis engagé au-delà de 2008 : si les 4 millions sont enfin consommés, nous pourrons aller au-delà en 2009.
Il faut ensuite mieux coordonner les informations existantes. Nous allons donc financer la création d'un portail Internet pour rassembler les informations, car actuellement l'information est trop diffuse. Que vous soyez chef d'entreprise à la recherche d'un système innovant, salarié en quête de conseils, représentant du personnel à la recherche d'informations sur certaines substances, vous aurez accès à une information claire sur ce que sont les risques au travail, et les moyens qui sont à votre disposition pour améliorer les conditions de travail. Au 1er trimestre 2008, cette décision deviendra réalité.
Il faut surtout donner les moyens de prévenir les risques professionnels et de faire des conditions de travail une priorité
Cela passe par une meilleure implication des services de santé dont la modernisation sera relancée dès la fin du mois de novembre avec la remise d'un audit sur la délégation de tâches médecins/ infirmiers du travail. Les sujets sont l'ouverture et le décloisonnement. Quand on va voir son médecin traitant, on est un patient, mais aussi un travailleur dont la santé dépend de la qualité de son environnement de travail. Avec Roselyne Bachelot et Valérie Pécresse, je souhaite décloisonner ces deux mondes pour former les médecins généralistes à la santé au travail, au cours de leur 3ème cycle et de la formation médicale continue.
Autre point important dont il a été beaucoup question ce matin, c'est la question des CHSCT. Il faut donner les moyens aux hommes de faire vivre les conditions de travail. Cela passe donc par un renforcement du rôle et de l'expérience des membres des CHSCT. J'ai proposé de passer leur mandat de 2 à 4 ans. Leur expérience, leur connaissance de la prévention sont des atouts dont nous ne devons pas nous passer. Cela signifie donc augmenter la durée du mandat mais aussi mieux les former, avec une formation spécifique aux conditions de travail précisément. Ce point a été clairement posé ce matin, je vais le renvoyer à la négociation sociale comme j'y suis obligé.
Cela passe enfin par la formation de ceux qui conçoivent les machines et les procédés dans les entreprises et ceux qui managent le travail au quotidien. La conférence des grandes écoles et l'école nationale des arts et métiers ont accepté de nous accompagner. Dès la rentrée prochaine, un référentiel commun pour faire bénéficier les futurs managers et ingénieurs de formations sur la santé, la sécurité et mais aussi les risques psycho-sociaux sera proposé.
Le dialogue social encouragé, les moyens financiers renforcés et la mobilisation des acteurs doivent nous inciter à accentuer notre mobilisation en direction des salariés les plus vulnérables
Quelles sont nos priorités ? Au-delà même de la question des TPE, les salariés de la sous-traitance. Je souhaite que les branches professionnelles relancent la négociation pour favoriser les « référentiels qualité » afin de mieux protéger les salariés de la sous-traitance.
Les intérimaires ne sont pas suffisamment formés aux risques au travail et en conséquence les accidents sont en proportion plus nombreux. Je soutiens l'initiative du PRISME, qui réunit les entreprises de l'intérim, pour promouvoir la prévention des risques professionnels auprès de leurs intérimaires, notamment les jeunes, en collaboration avec les branches dans lesquelles des risques importants sont identifiés. Certaines actions comme « le pacte première sécurité » permettront de former spécifiquement ces jeunes aux risques industriels, aux risques émergents (je pense aux addictions) et de mettre en place un dossier médical qui rassemble, en un seul lieu, l'historique des missions et des expositions). La question de la traçabilité aux expositions a été longuement évoquée ce matin.
Cette mobilisation doit nous permettre de mieux lutter contre les 3 grandes familles de risques identifiées :
Les risques psycho-sociaux : en complément des annonces précédentes (définir des indicateurs, former des managers...), je salue l'initiative des partenaires sociaux qui s'engagent dans la transposition des accords européens sur le stress au travail, la violence et le harcèlement. Il est temps d'aller dans la transposition de cet accord. Est-ce que cet accord sera enrichi ? C'est possible et c'est souhaitable. On s'achemine vers une transposition qui ne devrait pas être et certainement pas une transposition a minima. Le 1er rendez-vous sur la question aura lieu le 13 novembre prochain.
Les TMS ou Troubles musculo-squelettiques (c'est-à-dire les maux de dos, les arthroses du coudes, les tendinites...) sont méconnus du grand public, souvent mal soignées car identifiées trop tard. J'ai donc décidé le lancement d'une campagne d'information nationale sur les TMS pendant les 3 ans à venir (qui débutera en janvier 2008). Mon objectif : sensibiliser le grand public et l'ensemble des acteurs de l'entreprise à la prise en charge précoce de ces maladies qui au départ peuvent sembler être de petites maladie avec de petits symptômes qui peuvent devenir de grands handicaps.
Les TMS entrainent souvent des dégats majeurs. La réinsertion professionnelle des salariés qui en sont atteints est prioritaire. Des bonnes pratiques existent notamment dans les pays de la Loire pour adapter les conditions de travail. Gérard Larcher en parlera plus en détail.
Enfin, il y a la question des CMR où nous allons engager des actions de sensibilisation que Gérard Larcher détaillera.
Cette conférence doit maintenant vivre, si nous ne voulons pas que cela soit une conférence sans lendemain. J'ai proposé aux partenaires sociaux de les réunir à nouveau au premier trimestre 2008 pour voir exactement où nous en sommes, si nous sommes rentrés dans le concret ou si d'autres initiatives sont à prendre. Car il va nous falloir, notamment sur les indicateurs sur le stress, voir ce que nous allons faire de ces indicateurs et quelles sont les actions que nous mettrons en place. C'est donc au premier semestre prochain que nous réunirons cette deuxième conférence qui va examiner les indicateurs et prendre des décisions.
Sur la méthode, il y a des sujets sur lesquels le gouvernement considère qu'il est nécessaire de prévoir des réformes : la prise en compte des conditions de travail dans les TPE, ce qui n'est pas le cas actuellement ; le rôle, le mandat, la formation des membres des CHSCT ; et c'est aussi un sujet évoqué par un syndicat : l'idée d'une procédure d'alerte. Sur ces sujets, il y a débat, mais il y a aussi des points de convergence, bien que que le consensus ne soit pas aujourd'hui réuni. Conformément à la loi du 31 janvier 2007, je vais renvoyer ces trois questions à la concertation et la négociation entre partenaires sociaux. Si les négociations aboutissent sur ces points, j'en tirerai toutes les conséquences, étant souligné qu'une réforme négociée n'implique pas forcément une réforme législative.
Si les négociations n'aboutissent pas, je prendrai mes responsabilités et le gouvernement prendra des mesures, en tout état de cause concertées avec les nouvelles instances et donc les partenaires.
Je pense que le dialogue social aujourd'hui dans notre pays est une vraie réalité, les partenaires sociaux savent se comprendre, savent s'entendre, ce qui me permet d'être confiant à l'issue de cette première conférence.

Source http://www.travail.gouv.fr, le 9 octobre 2007