Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais tout d'abord saluer la présence parmi nous de Richard Manning, président du Comité d'aide au Développement de l'OCDE (il devrait quitter son poste dans les prochains mois). Richard Manning a joué un rôle déterminant ces dernières années dans les actions de coordination et d'harmonisation de l'aide, notamment dans l'élaboration de la Déclaration de Paris (2005).
Les principes de la Déclaration de Paris font désormais référence pour les pays partenaires et pour les bailleurs de fonds, et c'est en grande partie grâce à l'engagement déterminé de Richard Manning, animateur inlassable de l'agenda de l'efficacité du développement.
Je voudrais aussi remercier le ministre de l'Economie du Mali, M. Aboubacar Traoré, et le président de la Banque de Développement des Etats d'Afrique centrale (BDEAC), M. Dologuélé, de bien vouloir apporter leurs témoignages de terrain. On peut bâtir tous les modèles théoriques du monde : ce qui importe, ce sont les savoir-faire, les expériences, les réalités et les compétences du terrain.
Comme vous le savez, la recherche d'une plus grande efficacité de l'aide est devenue un élément incontournable dans la relation entre les donateurs et les pays partenaires. La Déclaration de Paris est l'occasion pour chaque pays de renforcer ses procédures budgétaires et de mieux y intégrer l'aide au développement. Elle permet de développer le recours à l'aide budgétaire quand les conditions s'y prêtent, ce qui replace les questions de gouvernance financière et de renforcement des capacités au coeur des préoccupations.
Une des leçons principales de presque un demi-siècle d'aide publique au développement, c'est que l'aide ne marche pas quand elle est imposée de l'extérieur, quand elle est "parachutée", quand elle n'est pas voulue par les partenaires ou les populations, qu'elle vienne des Etats, des collectivités territoriales ou des ONG. L'aide réussit quand s'établit un véritable partenariat, quand il y a véritable projet commun, élaboré ensemble, mis en oeuvre ensemble, évalué ensemble.
La Déclaration de Paris représente pour la France un véritable progrès dans la gestion de l'aide au moins à trois points de vue :
1) parce qu'elle replace le pays partenaire au coeur de la décision (les priorités de l'APD ne doivent plus être déterminées de l'extérieur, par la Banque mondiale ou par le Fonds monétaire international comme c'était le cas dans les années 1980 lors de la mise en oeuvre des programmes d'ajustement structurel) ;
2) parce qu'elle permet de recentrer le dialogue entre le pays partenaire et les bailleurs sur la qualité et la soutenabilité des politiques publiques ;
3) parce que les principes de coordination et d'harmonisation entre les bailleurs doivent aboutir à une simplification de la gestion de l'APD. Certes, tout n'est pas encore parfait : certains documents stratégiques de réduction de la pauvreté sont encore rédigés et élaborés dans les couloirs de la Banque mondiale à Washington ; les coûts de transaction de la gestion de l'aide publique au développement sont dans quelques endroits plus élevés que jamais lorsque les bailleurs continuent, en sus des procédures harmonisées, à utiliser leurs propres mécanismes de décaissement.
De ce point de vue, les bailleurs de fonds multilatéraux ne sont pas toujours les plus exemplaires. Comme l'a déjà dit dans d'autres occasions Richard Manning, le principal défi rencontré sur le terrain par les gouvernements est de "coordonner les coordinateurs" (Institutions de Bretton Woods, institutions européennes, agences et programmes des Nations unies...), chacun voulant être primus inter pares...
Parce qu'il s'agit d'un processus, la dynamique de la Déclaration de Paris n'est pas encore achevée. De nombreux progrès sont attendus. La Conférence d'Accra en septembre 2008 sera donc un moment vraiment important pour faire le point des résultats obtenus et des difficultés constatées. La Conférence d'Accra, pour être une réussite, devra faire :
- En sorte, en premier lieu, que la dynamique d'harmonisation et de coordination de l'aide prenne véritablement en compte la place des acteurs non étatiques (les ONG, les fondations, le secteur privé, les collectivités territoriales...). Tout ne peut pas être centralisé par les Etats dans le cadre d'un gigantesque "Gosplan". Il faut laisser de la place aux initiatives individuelles, aux actions locales, à la possibilité de mettre en place, là où c'est possible, des partenariats public/privé.
- En second lieu, marquer un mouvement de coordination au sein de la communauté des bailleurs, notamment ouvert aux acteurs émergents que sont la Chine, le Brésil ou encore l'Inde. On ne peut que se féliciter de l'arrivée de ces nouveaux acteurs pour mettre en oeuvre des actions de coopération, financer des projets, appuyer le renforcement des capacités, mais il est essentiel que ceux-ci respectent les règles du jeu, ne jouent pas cavalier seul et tirent les leçons des échecs et des succès des projets de développement mis en oeuvre depuis 30 ans. La présence de ces nouveaux acteurs à Accra, même en tant qu'observateurs, est absolument essentielle.
- En troisième lieu, les principes d'harmonisation, d'efficacité et de coordination de l'aide, doivent prendre en compte avant tout les besoins des Etats, notamment ceux des pays "orphelins de l'aide" et des Etats dits "fragiles". Il n'est ni normal, ni efficace, que la présence des bailleurs de fonds se concentre dans quelques pays a bonne image (plus de 30 bailleurs de fonds dans certains pays) et délaisse les autres (moins de 5 bailleurs dans d'autres). Il faut clairement trouver des systèmes d'incitations ou de pénalités qui permettent une meilleure distribution des ressources des bailleurs. Les mêmes difficultés peuvent d'ailleurs se retrouver au niveau sectoriel : certains domaines comme la santé ou l'éducation vont attirer toutes les ressources des bailleurs de fonds, tandis que d'autres (développement rural, infrastructures de proximité...) seront complètement laissées de côté.
Concernant spécifiquement la Zone franc, on ne peut que regretter à ce stade que seulement 6 pays sur les 15 de la Zone Franc aient adhéré à la Déclaration de Paris, ce qui se traduit par une trop faible participation de ceux-ci dans les débats et le dialogue avec les bailleurs de fonds.
Même si tout est loin d'être parfait dans la Déclaration de Paris, celle-ci constitue un cadre de référence où une véritable fonction de pilotage est confiée aux pays partenaires. Si ces derniers ne saisissent pas la perche, le risque est grand de voir les bailleurs de fonds conserver une place qui n'est pas la leur et imposer des modèles qui ne sont pas adaptés aux besoins des populations locales.
Les pays de la Zone Franc peuvent jouer en particulier un rôle leader pour réclamer l'application des engagements de la Déclaration de Paris aux entités régionales. Il serait notamment souhaitable que les pays des deux unions (Union économique et monétaire ouest africaine - UEMOA - et Communauté économique et monétaire en Afrique centrale - CEMAC -) précisent entre eux les politiques sectorielles, notamment en matière de transports et de désenclavement des Etats continentaux, sur lesquelles ils souhaitent que la cohérence régionale soit un élément fort du dialogue mené dans chaque pays. Par ailleurs, les cadres normés de suivi des finances publiques partagés par les pays de la Zone Franc doivent également faciliter les échanges de bonnes pratiques, notamment sur le suivi de l'aide.
Je souhaite conclure en rappelant qu'un des autres points forts que les pays de la Zone Franc sont susceptibles d'apporter dans le débat sur l'efficacité de l'aide, est celui de l'indispensable nécessité de construire des appareils statistiques robustes. Une efficacité améliorée de l'aide nécessite un dispositif d'information performant en amont pour définir les politiques et en aval pour en assurer le pilotage et le suivi. Les pays de la Zone Franc ont à cet égard construit un instrument remarquable de coordination régionale qui s'appelle AFRISTAT. Ne serait-il pas temps d'en proposer l'extension à d'autres pays dans un cadre régional résolument élargi ?
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 octobre 2007
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais tout d'abord saluer la présence parmi nous de Richard Manning, président du Comité d'aide au Développement de l'OCDE (il devrait quitter son poste dans les prochains mois). Richard Manning a joué un rôle déterminant ces dernières années dans les actions de coordination et d'harmonisation de l'aide, notamment dans l'élaboration de la Déclaration de Paris (2005).
Les principes de la Déclaration de Paris font désormais référence pour les pays partenaires et pour les bailleurs de fonds, et c'est en grande partie grâce à l'engagement déterminé de Richard Manning, animateur inlassable de l'agenda de l'efficacité du développement.
Je voudrais aussi remercier le ministre de l'Economie du Mali, M. Aboubacar Traoré, et le président de la Banque de Développement des Etats d'Afrique centrale (BDEAC), M. Dologuélé, de bien vouloir apporter leurs témoignages de terrain. On peut bâtir tous les modèles théoriques du monde : ce qui importe, ce sont les savoir-faire, les expériences, les réalités et les compétences du terrain.
Comme vous le savez, la recherche d'une plus grande efficacité de l'aide est devenue un élément incontournable dans la relation entre les donateurs et les pays partenaires. La Déclaration de Paris est l'occasion pour chaque pays de renforcer ses procédures budgétaires et de mieux y intégrer l'aide au développement. Elle permet de développer le recours à l'aide budgétaire quand les conditions s'y prêtent, ce qui replace les questions de gouvernance financière et de renforcement des capacités au coeur des préoccupations.
Une des leçons principales de presque un demi-siècle d'aide publique au développement, c'est que l'aide ne marche pas quand elle est imposée de l'extérieur, quand elle est "parachutée", quand elle n'est pas voulue par les partenaires ou les populations, qu'elle vienne des Etats, des collectivités territoriales ou des ONG. L'aide réussit quand s'établit un véritable partenariat, quand il y a véritable projet commun, élaboré ensemble, mis en oeuvre ensemble, évalué ensemble.
La Déclaration de Paris représente pour la France un véritable progrès dans la gestion de l'aide au moins à trois points de vue :
1) parce qu'elle replace le pays partenaire au coeur de la décision (les priorités de l'APD ne doivent plus être déterminées de l'extérieur, par la Banque mondiale ou par le Fonds monétaire international comme c'était le cas dans les années 1980 lors de la mise en oeuvre des programmes d'ajustement structurel) ;
2) parce qu'elle permet de recentrer le dialogue entre le pays partenaire et les bailleurs sur la qualité et la soutenabilité des politiques publiques ;
3) parce que les principes de coordination et d'harmonisation entre les bailleurs doivent aboutir à une simplification de la gestion de l'APD. Certes, tout n'est pas encore parfait : certains documents stratégiques de réduction de la pauvreté sont encore rédigés et élaborés dans les couloirs de la Banque mondiale à Washington ; les coûts de transaction de la gestion de l'aide publique au développement sont dans quelques endroits plus élevés que jamais lorsque les bailleurs continuent, en sus des procédures harmonisées, à utiliser leurs propres mécanismes de décaissement.
De ce point de vue, les bailleurs de fonds multilatéraux ne sont pas toujours les plus exemplaires. Comme l'a déjà dit dans d'autres occasions Richard Manning, le principal défi rencontré sur le terrain par les gouvernements est de "coordonner les coordinateurs" (Institutions de Bretton Woods, institutions européennes, agences et programmes des Nations unies...), chacun voulant être primus inter pares...
Parce qu'il s'agit d'un processus, la dynamique de la Déclaration de Paris n'est pas encore achevée. De nombreux progrès sont attendus. La Conférence d'Accra en septembre 2008 sera donc un moment vraiment important pour faire le point des résultats obtenus et des difficultés constatées. La Conférence d'Accra, pour être une réussite, devra faire :
- En sorte, en premier lieu, que la dynamique d'harmonisation et de coordination de l'aide prenne véritablement en compte la place des acteurs non étatiques (les ONG, les fondations, le secteur privé, les collectivités territoriales...). Tout ne peut pas être centralisé par les Etats dans le cadre d'un gigantesque "Gosplan". Il faut laisser de la place aux initiatives individuelles, aux actions locales, à la possibilité de mettre en place, là où c'est possible, des partenariats public/privé.
- En second lieu, marquer un mouvement de coordination au sein de la communauté des bailleurs, notamment ouvert aux acteurs émergents que sont la Chine, le Brésil ou encore l'Inde. On ne peut que se féliciter de l'arrivée de ces nouveaux acteurs pour mettre en oeuvre des actions de coopération, financer des projets, appuyer le renforcement des capacités, mais il est essentiel que ceux-ci respectent les règles du jeu, ne jouent pas cavalier seul et tirent les leçons des échecs et des succès des projets de développement mis en oeuvre depuis 30 ans. La présence de ces nouveaux acteurs à Accra, même en tant qu'observateurs, est absolument essentielle.
- En troisième lieu, les principes d'harmonisation, d'efficacité et de coordination de l'aide, doivent prendre en compte avant tout les besoins des Etats, notamment ceux des pays "orphelins de l'aide" et des Etats dits "fragiles". Il n'est ni normal, ni efficace, que la présence des bailleurs de fonds se concentre dans quelques pays a bonne image (plus de 30 bailleurs de fonds dans certains pays) et délaisse les autres (moins de 5 bailleurs dans d'autres). Il faut clairement trouver des systèmes d'incitations ou de pénalités qui permettent une meilleure distribution des ressources des bailleurs. Les mêmes difficultés peuvent d'ailleurs se retrouver au niveau sectoriel : certains domaines comme la santé ou l'éducation vont attirer toutes les ressources des bailleurs de fonds, tandis que d'autres (développement rural, infrastructures de proximité...) seront complètement laissées de côté.
Concernant spécifiquement la Zone franc, on ne peut que regretter à ce stade que seulement 6 pays sur les 15 de la Zone Franc aient adhéré à la Déclaration de Paris, ce qui se traduit par une trop faible participation de ceux-ci dans les débats et le dialogue avec les bailleurs de fonds.
Même si tout est loin d'être parfait dans la Déclaration de Paris, celle-ci constitue un cadre de référence où une véritable fonction de pilotage est confiée aux pays partenaires. Si ces derniers ne saisissent pas la perche, le risque est grand de voir les bailleurs de fonds conserver une place qui n'est pas la leur et imposer des modèles qui ne sont pas adaptés aux besoins des populations locales.
Les pays de la Zone Franc peuvent jouer en particulier un rôle leader pour réclamer l'application des engagements de la Déclaration de Paris aux entités régionales. Il serait notamment souhaitable que les pays des deux unions (Union économique et monétaire ouest africaine - UEMOA - et Communauté économique et monétaire en Afrique centrale - CEMAC -) précisent entre eux les politiques sectorielles, notamment en matière de transports et de désenclavement des Etats continentaux, sur lesquelles ils souhaitent que la cohérence régionale soit un élément fort du dialogue mené dans chaque pays. Par ailleurs, les cadres normés de suivi des finances publiques partagés par les pays de la Zone Franc doivent également faciliter les échanges de bonnes pratiques, notamment sur le suivi de l'aide.
Je souhaite conclure en rappelant qu'un des autres points forts que les pays de la Zone Franc sont susceptibles d'apporter dans le débat sur l'efficacité de l'aide, est celui de l'indispensable nécessité de construire des appareils statistiques robustes. Une efficacité améliorée de l'aide nécessite un dispositif d'information performant en amont pour définir les politiques et en aval pour en assurer le pilotage et le suivi. Les pays de la Zone Franc ont à cet égard construit un instrument remarquable de coordination régionale qui s'appelle AFRISTAT. Ne serait-il pas temps d'en proposer l'extension à d'autres pays dans un cadre régional résolument élargi ?
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 octobre 2007