Interview de M. Jean-François Copé, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, dans "Le Journal du Dimanche" du 28 octobre 2007, sur l'activite du groupe UMP à l'Assemblée, l'abondance des textes votés, le report de la réforme des institutions et sur son rôle de président de groupe.

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Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

Q - Réforme des institutions, financement du Nouveau Centre, amendement ADN... Les désaccords entre Nicolas Sarkozy et les députés se multiplient ?
R - Partie prenante de la rupture incarnée par le président de la République, nous, députés UMP, n'aspirons pas à grogner pour grogner mais à débattre avec les ministres le plus en amont possible, afin de ne pas découvrir, après tout le monde, le contenu des textes de loi. Nous voulons être totalement associés aux réformes engagées. Et pouvoir, le cas échéant, les enrichir par nos suggestions sans être mis devant le fait accompli.
L'amendement ADN, d'origine parlementaire, a surgi à la dernière minute, sans concertation préalable. Certains députés s'en sont émus. Ce sentiment était légitime. Mais, au final, le débat qui a eu lieu était un débat fructueux et fécond, qui a associé l'efficacité publique et l'éthique.
Quand au texte sur le financement du Nouveau Centre, il a été mal présenté aux parlementaires. Il est normal qu'un groupe minoritaire de députés élus au suffrage universel puisse bénéficier de financements publics. Il y a plutôt un consensus sur ce point chez les députés UMP. Toutefois, j'ai réalisé devant la violence des échanges dans l'hémicycle, que majorité et opposition avaient été prises de court. Ce texte méritait une unanimité de principe. Dans ces conditions, je vois mal comment il pourrait être représenté à l'ordre du jour sans qu'un large consensus se soit dégagé. Y compris avec les socialistes. Ce sera le travail de François Sauvadet, le président du groupe du Nouveau Centre, concerné au premier chef.
Q - Faute de présence dans l'hémicycle, les députés UMP ont été mis en minorité à plusieurs reprises ces derniers jours. Comment expliquer cet absentéisme ?
R - Le travail sur le budget est toujours un moment intense au parlement. Il y a des commissions, des groupes de travail, des auditions dans tous les sens. Si une fois, dans une réunion, l'opposition fait un coup politique en déboulant en masse, les commentaires vont bon train.
Mais la réalité, c'est quoi ? En cinq mois, jamais une Assemblée n'avait voté autant de réformes majeures sans aucun couac : pouvoir d'achat, heures supplémentaires, immigration, autonomie des universités, lutte contre la récidive... Sur l'essentiel, la majorité parlementaire est toujours au rendez-vous.
Q - La réforme des institutions a été repoussée après les municipales. Est-ce un enterrement ?
R - Pour cause d'élections municipales, les parlementaires arrêteront de siéger le 9 février au soir. Cela laisse peu de temps à un vrai débat sur les institutions. D'autant que l'ordre du jour est déjà très chargé. Le texte n'est pas abandonné, il sera examiné au printemps. Cette réforme nécessite, pour être adoptée devant le Congrès, une majorité des 3/5. La proportionnelle n'est pas du goût des parlementaires UMP. Les socialistes en font une fin en soi. Il va falloir trouver une solution pour aboutir. Sans doute faut-il encore du temps et des explications. Quant au climat actuel du Palais-Bourbon, ne nous affolons pas. Un climat, ça change comme la météo. Souvent. Que les projets ne soient pas toujours à l'arrivée ce qu'ils sont au départ c'est normal. Un bon compromis vaut parfois mieux qu'un mauvais passage en force. Mais rien n'est enterré.
Q - Les parlementaires de l'UMP s'estiment traités avec désinvolture. Comme si leur soutien allait de soi.
R - Les Français ont élu un président de rupture. Les députés ont le désir légitime d'incarner eux aussi cette rupture. Ils sont solidaires du projet présidentiel. Mais encore faut-il les laisser travailler à leur rythme. Il est normal qu'ils s'expriment et que cette expression soit parfois discordante. Il n'y a là rien de choquant, et certainement pas de quoi en faire un psychodrame. Je n'ai, pour ma part, pas peur de la contradiction. La contradiction fait partie intégrante du débat politique. Un gouvernement d'ouverture, c'est par définition un gouvernement de points de vue contradictoires et de débats. Il serait impensable que le débat s'arrête aux portes de l'Assemblée nationale !
Q - Certains disent que vous ne tenez pas vos troupes, que vous agacez Nicolas Sarkozy...
R - Je n'ai pas une conception fermée ou autoritariste de mon rôle. Je ne me considère pas comme un garde-chiourme. 321 députés UMP, c'est 321 sensibilités différentes. Mon rôle de président de groupe, c'est d'accompagner les députés dans leur travail et d'encourager les talents. Chaque député doit pouvoir faire valoir sa compétence. Quant à ceux qui se répandent en petites phrases cruelles et anonymes, que font-ils à part servir nos adversaires ? Mon "marqueur", c'est le président de la République, qui m'a encouragé à me porter candidat à ce poste. Je parle souvent avec lui. Il m'a emmené avec lui au Maroc. Nous travaillons en totale symbiose et je n'ai jamais senti aucun agacement chez lui à mon encontre. Le connaissant, il l'aurait exprimé !
Q - Vous vouliez être au gouvernement. Etre président de groupe, c'est un lot de consolation ?
R - C'est absurde ! La fonction de président du groupe majoritaire est importante, difficile. Je la prends très au sérieux. On prend des risques et des coups, c'est une fonction exposée. Je tiens ma légitimité des députés qui m'ont élu. Le contrat qui nous lie, c'est le contrat qui nous lie tous au président de la République.
Q - Outre ces fonctions, vous avez choisi d'exercer à "temps partiel" en tant qu'avocat dans un grand cabinet d'affaires. Une décision qui a été mal perçue...
R - Vous savez, on peut agacer tel ou tel, mais je m'efforce d'être un président de groupe pleinement consacré à ma tâche. A l'Assemblée, ma porte est quotidiennement ouverte à tous. Je n'entends compter ni mon temps, ni ma peine au service de mes amis députés. Pour le reste, j'ai effectivement pris la décision de travailler à temps partiel comme avocat. Je l'assume pleinement.Source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 30 octobre 2007