Interview de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président de l'UMP, à "France 2" le 30 octobre 2007, sur le climat social en liaison avec la réforme des régimes spéciaux de retraite, la revalorisation du salaire du Président de la République et la réforme des institutions.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- Demain, les syndicats se retrouvent sans doute pour décider d'une nouvelle grève dans les transports à la mi-novembre. Est-ce que vous ne craignez pas qu'au fond, on se retrouve dans l'engrenage de 1995, où sur la même question des régimes spéciaux de retraite, finalement, le Gouvernement avait dû reculer ?
R- Je ne pense pas que ce soit la volonté du président de la République ni du Gouvernement. Ce n'est pas agréable de dire aux Français "il faut faire un effort de plus, il faut travailler un peu plus", mais c'est indispensable, et chacun le sait très bien. Et ces régimes spéciaux de retraite, si on ne les adapte pas, dans quelques années, il n'y aura plus d'argent, il n'y aura plus d'argent pour la Sécurité sociale, il n'y en aura plus pour les régimes spéciaux. Par conséquent, il faut faire cet effort. Et je crois que le Gouvernement l'explique bien. En tout cas, lui, le président de la République, il est gonflé, parce qu'il va voir les gens de la SNCF, il parle avec eux, et vous avez vu cet homme relativement jeune qui lui dit : "non, non, non, ce n'est pas vous qui gouvernez, c'est dans la rue qu'on gouverne". Eh bien, vous allez voir le bond que va faire N. Sarkozy dans les sondages, parce que ça, c'est inacceptable, c'est même un déni de démocratie, donc on n'aurait même pas le droit de tenir ces propos devant le chef de l'Etat.
Q- Autrement dit, vous, vous pensez que le Gouvernement ne reculera pas sur ce dossier ?
R- Le Gouvernement ne peut pas reculer, et c'est tout à l'honneur du président de la République et de F. Fillon de tenir le cap. Nous ne faisons pas ces réformes pour gêner les Français, nous ne voulons pas imposer aux Français des choses abominables, simplement, si on ne le fait pas, nous n'aurons plus les moyens, l'Etat ne peut pas tout prendre en compte, et par conséquent, il faut le faire. Mais d'autres peuvent faire des efforts. S'il est exact qu'à Air France, les résultats financiers sont très forts, très bons, sans mettre en péril l'entreprise, on peut peut-être donner un coup de main aux stewards et aux hôtesses. Ça, peut-être, on aurait pu le faire en évitant quatre jours de conflit à un moment donné où les gens partent en vacances.
Q- Vous parlez des conflits sociaux, du climat social ; est-ce que ce climat social inquiète les élus de l'UMP ?
R- Non, les élus de l'UMP sont, bien entendu, en tant qu'élus de proximité, très en contact, et je crois qu'ils ont la capacité d'expliquer que le président de la République et le Gouvernement veulent des choses justes. Et à partir du moment où c'est bien expliqué et où c'est juste, eh bien je crois que les Françaises et les Français l'acceptent. En tout cas, nous sortons des élections, on ne va pas en refaire demain, et une majorité très impressionnante de Françaises et de Français soutient N. Sarkozy, et avec les images qu'on a vues l'autre jour, ils le soutiennent encore plus.
Q- Mais vous ne pensez pas qu'il y a "un trou d'air", comme on dit, en ce moment, justement ?
R- Eh bien, justement, je ne le crois pas, le trou d'air, regardez ce président de la République, il est partout, il intervient sur tout...
Q- Il n'est pas un peu trop partout ? On le lui reproche...
R- Il est attentionné. Oui, on lui reproche, mais vous savez très bien que - c'est son expression à lui-même - on ne reproche jamais aux hommes politiques d'en faire trop, on leur reproche souvent de n'en faire pas assez, et notamment au Parlement.
Q- Sur N. Sarkozy justement, il y a une polémique qui est en train de naître en ce moment sur le salaire du président de la République ; l'Elysée pense le doubler. Il faut dire que curieusement, en France, le salaire du président de la République, c'est la moitié de celui d'un secrétaire d'Etat. Est-ce que ce doublement du salaire vous parait logique ?
R- Ça me parait plus que logique, ça me parait normal et naturel. Mais il y a comme ça, en France, des histoires qui filent... On dit que quelqu'un qui a été ministre une fois, moi, j'ai été ministre, il n'y a pas une retraite pour ceux qui ont été ministres, or l'opinion publique croit que quelqu'un qui a été ministre a une retraite à vie ! Oui, vous avez une retraite si vous avez cotisé, si vous avez été député, si vous avez été sénateur, mais pas ministre. Quand vous êtes ministre et que vous ne l'êtes plus, vous avez encore votre indemnité pendant six mois et puis, ça s'arrête, voilà. Alors, pour le président de la République, si les chiffres que l'on donne sont exacts, il gagnerait la moitié moins qu'un secrétaire d'Etat, mais ce n'est pas normal.
Q- 6.000 euros...
R- Eh bien écoutez, on peut lui doubler sans crainte.
Q- Vous ne pensez pas que cela risque de choquer les Français, justement, en ce moment ?
R- Non, je ne crois pas que ça puisse choquer les Français, ce n'est pas pour ce moment, c'est prendre une décision qui n'a jamais été prise préalablement. Il faut le faire, il faut avoir le courage de le faire.
Q- Sur les institutions, E. Balladur, hier, a présenté ses propositions. Finalement, ce ne sera pas examiné avant les élections municipales de 2008 ; pourquoi, pourquoi attend-on ?
R- Eh bien, d'abord, je pense que le traité modifié, qui est un énorme succès personnel pour le président de la République...
Q- Le Traité européen...
R- Le Traité simplifié européen passe avant. A mon avis, il faut relancer l'Europe, à cause de ce traité voulu par N. Sarkozy, on peut y arriver, c'est d'abord ça la priorité ; réunissons le Congrès pour ça. Après, nous verrons les propositions intéressantes de monsieur Balladur, il y en a 77. Hier matin, à la même place, ici, monsieur Hollande vous disait : on n'a qu'à faire la vente à la découpe. Bon...
Q- Il proposait d'examiner simplement les pouvoirs pour le Parlement...
R- Il propose ce qui est bien pour lui parce qu'il pense que ce sont des pouvoirs supplémentaires pour le Parlement et pour l'opposition, et il ne veut pas conforter le pouvoir du président de la République. Il y a aussi une majorité, ce n'est pas monsieur Hollande qui a gagné les élections, ce n'est pas madame S. Royal, c'est N. Sarkozy, c'est F. Fillon, c'est nous. Par conséquent, on peut faire un effort pour harmoniser, remettre à jour les institutions de la Vème République, sans pour autant non plus aller toujours dans le sens que nous demande l'opposition.
Q- Mais sur le calendrier, P. Devedjian, le secrétaire général de l'UMP, hier, disait qu'il faut faire vite.
R- Alors, il faut peut-être faire vite, mais il y a tellement de choses à faire. Vous savez que le Conseil constitutionnel nous a déjà demandé à plusieurs reprises de refaire un découpage des circonscriptions sur l'ensemble du territoire. Donc, à ce moment-là, se posera le problème de savoir s'il faut introduire une dose de députés à l'Assemblée nationale à la proportionnelle ou pas. A la proportionnelle, permettez-moi de vous dire qu'au Sénat, la moitié des sénateurs est élue à la proportionnelle. Le problème qui se posait : fallait-il mettre de vingt à trente députés, faut-il mettre de vingt à trente députés...
Q- C'est la proposition de la commission Balladur...
R- Oui. Moi, je suis personnellement convaincu que les lois électorales ne peuvent pas être mises dans la Constitution, si on les met dans la Constitution, on fige tout. Or il faut être attentif, même à cette introduction d'une dose instillée la proportionnelle, comme on dit, car en 1967, la majorité a eu la majorité d'une voix ; en 1986, quand les socialistes nous avaient mis la proportionnelle aux élections législatives, l'UDF et le Rassemblement pour la République, nous avons gagné de cinq voix. Alors attention de ne pas trop mettre de députés. Mais si c'est ça, aller vers la modernité, peut-être faudra-t-il le faire, mais, moi, je souhaiterais que nous consultions bien pour savoir si c'est constitutionnel ou pas, parce que, élire deux catégories de députés, d'une manière différente, je ne suis pas sûr de la constitutionnalité des choses. On peut le faire au Sénat, parce qu'on est élu au second degré, on est élu par les grands électeurs, par les élus, mais pour l'Assemblée nationale, c'est le peuple.
Q- Il y a une autre proposition, c'est celle sur le cumul des mandats ; vous, par exemple, vous ne pourriez plus être sénateur et maire de Marseille. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R- C'est la tarte à la crème de la démagogie. Nous avons déjà fait énormément d'efforts sur le cumul des mandats. Moi, je considère que quelqu'un qui est maire, et peu importe l'importance de la ville, pour bien défendre les intérêts de sa ville et de son département, il faut qu'il soit au Sénat...
Q- Donc vous n'êtes pas très pour cette proposition ?
R- ...Et à l'Assemblée nationale. Je suis même hostile car je considère que quelqu'un qui est maire ou président du Conseil général ou président du Conseil régional, doit être au Parlement de la République. Pourquoi, parce que c'est là que se trouve le pouvoir, c'est là que se trouvent les ministres, c'est là que se trouve le Premier ministre, vous pouvez les interpeller directement. Si vous êtes en province, oui, vous êtes dans le château fort, vous avez l'étendard au-dessus, vous donnez les archets contre la CGT, vous pouvez faire tout ça, mais vous êtes totalement isolé. Alors, attention, pas trop de démagogie sur ce sujet.
Q- Autrement dit, en l'état, le projet, vous ne le voteriez pas ?
R- Il est probable que je me laisserais convaincre par le président de la République, dont je m'honore de son amitié. Mais il est probable aussi que, avec mes collègues sénateurs, il y ait des écueils que nous voudrions éviter.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 octobre 2007