Interview de M. Charles Pasqua, président du RPF, à TF1 le 11 janvier 2001, sur ses relations avec Philippe de Villiers à propos de ventes d'armes et de financement du Rassemblement pour la France.

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Texte intégral

Jacques Chirac a assisté à la rentrée solennelle de la Cour de Cassation. Les plus hauts magistrats du pays lui ont exposé leurs doléances.
Ils ont également condamné les attaques personnelles contre les juges, comme celle, on l'a encore vu ces derniers jours par exemple, dans l'affaire du trafic d'armes présumé avec l'Angola. Et justement, nous recevons aujourd'hui Charles Pasqua dont le nom a été plusieurs fois cité dans ce dossier et notamment hier, avec solennité, par son ancien allié, Philippe de Villiers qui a vu donc les juges chargés de l'enquête.
Il parle d'affaire d'Etat aux ramifications internationales, qualificatif venant de votre ancien compère, il y a à peine six mois. C'est grave venant d'un opposant, mais d'un ami, c'est encore plus grave, non ?
Ecoutez, je crois qu'il faut relativiser et voir les choses comme elles sont. Il y a d'abord une enquête judiciaire qui concerne une vente d'armes entre l'Angola et la Russie. Cette affaire concerne t-elle la France ? Je n'en sais rien. Aux juges d'éclaircir tout ça.
Le juge qui a perquisitionné chez vous, déjà, sur cette affaire.
Oui, mais je voudrais justement, j'ai déjà eu l'occasion de le dire. Je voudrais bien savoir pourquoi on a essayé de me mêler à tout cela parce qu'il n'y a aucune raison de le faire. Je ne suis en rien concerné par cela. Et j'entends bien ne pas laisser mon nom être sali par un certain nombre de déclarations ou d'agissements. laissons la justice faire son métier. Quant à de Villiers, c'est un autre problème. Il est toujours à la recherche de faire parler de lui, il essaie d'exister. alors, il a choisi le moment où il était question de cette affaire pour faire le maximum de bruit, essayer de faire croire qu'il était au courant de quoi que ce soit. Et en réalité, jeter l'opprobre
Il a quand même été entendu pendant plus de quatre heures par le juge Courroye.
Oui, ce qui est étonnant, c'est qu'il en soit sorti. Mais enfin, ça, c'est un autre problème.
Pourquoi ? Parce que vous pensez qu'il aurait dû être ?
Mais non Mais On ne peut pas porter les jugements qu'il porte sur le RPF et oublier que jusqu'au mois de juillet dernier, il en était vice-président.
Mais s'il l'a quitté, c'est justement parce qu'il avait des doutes sur le financement.
Non, non. Ecoutez, moi je ne vais pas parler longtemps de de Villiers. Ca ne m'intéresse pas outre mesure, sauf à dire ceci : je trouve qu'il y a, d'abord, le comportement de de Villiers, je viens d'en parler, il relève
Vous portez plainte contre lui ?
Bien entendu Il relève de la justice. J'ai décidé de porter plainte contre lui. Il a tenu un certain nombre de propos que je considère comme diffamatoires. Et, non seulement je porte plainte contre lui, mais je me constituerai partie civile. Je souhaite que le RPF qui réunit son bureau national samedi prochain, en fasse autant. Donc, nous nous expliquerons, il s'expliquera le moment venu, devant la justice. Mais il y a autre chose derrière tout ça.
Parce qu'il n'y a pas que lui qui vous met en cause.
Oui, mais justement. Attendez, j'y viens. Je crois que de Villiers n'est que, comment dirais-je, c'est un épiphénomène dans tout ça. Moi, je suis quand même frappé par cette espèce de déferlement médiatique sur un problème qui, finalement, ne me concerne en rien. Alors, je comprends bien que je dérange. Je comprends bien qu'on serait content de faire en sorte de se débarrasser de moi. Je pense, sur le plan politique.
C'est-à-dire que vous ne soyez pas candidat à la présidentielle, par exemple ?
Evidemment. On voit bien que c'est trop Maintenant, c'est trop flagrant.
Et le "on", c'est qui ?
Que je sois attaqué, que je sois l'objet d'attaques dans des journaux de gauche ou d'extrême gauche, je trouve ça normal. Après tout, c'est leur rôle. Que cela vienne dans des journaux plus proches, c'est un peu plus étonnant. Et puis, tout d'un coup, qu'on voit arriver ce Monsieur Huran qui est à la fois
Monsieur Huran qui est un préfet. Ce n'est quand même pas n'importe qui, c'est le PDG de la SOFREMI.
Oui, oui, tout à fait. Qui à la fois attaque Pierre Joxe et moi-même. Je commence à penser que tout ça est un peu signé. Voilà. Alors, il s'agit d'une
Alors, Monsieur Huran, donc, c'est le PDG de la SOFREMI qui dépendait du Ministère de l'Intérieur.
Oui. La SOFREMI est maintenant en voie de dissolution. Mais Monsieur Huran est préfet en disponibilité et j'imagine mal qu'il ait pu s'exprimer sans demander l'autorisation de son ministre. Alors, quand il attaque Pierre Joxe, ça veut dire quoi ? Est-ce qu'il y à règlement de comptes entre miterrandiens ou jospinistes ? Ca, c'est leur affaire.
Donc, ça veut dire que l'actuel ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant, aurait donné son accord.
En tous les cas, en ce qui me concerne, j'ai reçu un nom et j'entends le rendre aussi propre que lorsque je l'ai reçu. Donc, je ne me laisserai pas faire. Il faut le savoir. Et ce genre d'attaques, plutôt que de m'inciter à me retirer sous ma tente, ça me donne plutôt l'envie de redoubler d'efforts. c'est ce que je vais faire. Voilà.
Alors, Monsieur Pasqua, il existe dans l'instruction un document qui est signé de Madame Delubac, c'est-à-dire la secrétaire de Monsieur Falcone, et qui est le compte-rendu de ce qui est présenté comme un pacte de corruption entre le président angolais, vous-même, Monsieur Marchiani et Monsieur Falcone. Présenté comme tel
Ecoutez, écoutez Monsieur. Je vois En tous les cas, je vois que vous connaissez mieux l'affaire que moi parce que vous me parlez de choses que j'ignore. alors, comment pouvez-vous connaître cela ? Si ce n'est à la suite d'une violation du secret de l'instruction. Moi, je ne connais pas Madame Delubac, je ne connais pas Monsieur Falcone. Et je n'ai jamais entendu parler de cela. Donc, à partir d'aujourd'hui, je ne laisserai plus rien passer, rien du tout. Cette affaire ne me concerne pas. Que ceux dont le rôle est d'essayer de clarifier les choses le fassent ; moi, ça ne me concerne pas. Ce qui est clair, c'est qu'en réalité, on s'en prend à moi et aussi au mouvement que je représente, le RPF, qu'on voudrait bien, en quelque sorte, éliminer ou réduire. Je regrette que de Villiers se soit associé à cette manuvre dans les faits puisque dans les faits, il s'est associé à cette manuvre. Ce faisant, il a -je le regrette pour lui et aussi pour sa famille- parce que ce faisant, il a révélé un caractère médiocre et une âme assez vile. Ca
Mais c'est quand même un homme que vous avez choisi comme colistier aux européennes, il y a à peine un an et demi.
Oui, Mais Monsieur, qu'est-ce que vous voulez faire ? Etes-vous, vous responsable de votre famille ? Pensez-vous que vous connaissez parfaitement vos amis ? Et puis les choses sont ce qu'elles sont. Il faut en tirer les leçons et les conséquences.
Alors, je vais vous parler de votre propre liste. Votre propre liste aux européenes en 99, a eu, en 55ème position, une dame qui habite à Libreville, au Gabon et qui vous apporte 7,5 millions de francs. 55ème position, ça veut dire qu'elle n'a aucune chance d'être élue. Quel est son intérêt à vous donner cet argent ? Elle vous aime ?
D'abord, elle ne le donne pas. Elle le prête.
En espérant que vous soyez remboursé par Et que vous dépassiez la barre des 5 %.
Oui. Ce n'est pas seulement Madame Mondolini. Ca, c'est aussi le cas des banques qui nous ont aidés. Et a partir du moment où elles on pu penser que nous pouvions être remboursés, elles nous ont aidés. Madame Mondolini, je la connais. Il s'agit d'une famille amie et qu'elle ait décidé de m'aider n'a rien de surprenant.
En aucun cas, ça ne peut être du blanchiment d'argent, vous en êtes sûr ?
Ecoutez, Monsieur Poivre d'Arvor, si je n'avais pas pour vous la sympathie que j'ai, je vous répondrai autrement.
Non. Mais je vous dis : est-ce que vous-même, vous ne vous êtes pas méfié dans cette affaire ?
Non. Monsieur Poivre d'Arvor, n'employez pas n'importe quel terme ! Vous savez qui vous avez en face de vous, quand même ! J'ai été à deux reprises, ministre de l'Intérieur, d'une part.
Est-ce qu'on pense que je m'associerai, d'une manière ou d'une autre, soit à un trafic d'argent, soit à un trafic d'armes, etc ?
D'autre part, ceux qui me connaissent, Monsieur Poivre d'Arvor, savent très bien que lorsqu'on parle de transparence et autres, moi, j'ai une vie totalement transparente. Je suis de ce point de vue, je le pense, je ne dirai pas un exemple, mais enfin en tous les cas, je suis facile à identifier, ma vie est claire.
Je crois que celle de mon Parti, aussi. Que ceux qui me critiquent regardent s'ils présentent les mêmes conditions.
Est-ce que les réseaux Pasqua ou les réseaux Mitterrand, ça a pu exister en Afrique ?
Ca dépend de ce qu'on entend par réseau.
Disons pour rapporter de l'argent au financement des Partis politiques, par exemple.
Ecoutez Mais pourquoi ? C'est quand même curieux
A une époque où il n'y avait pas de loi. Ce qui était en plus
Le problème, ce n'est pas qu'il y ait une loi ou pas une loi. Pourquoi pense t-on que, par exemple, si on s'intéresse à l'Afrique Ca, c'est une forme de racisme. Pourquoi pense t-on que lorsqu'on s'intéresse à l'Afrique, on ne peut s'y intéresser que dans une seule optique : essayer de prendre de l'argent.
C'est plutôt eux qui ont besoin de l'argent, non ?
Oui, c'est ça. Ce sont plutôt eux qui ont besoin d'être aidés. Et d'ailleurs, c'est ce que je fais en ce qui me concerne avec mon propre département. Nous n'apportons pas d'argent mais nous essayons de les aider. Nous faisons forer des puits, nous construisons des écoles, nous faisons ce que nous pouvons. Parce que je pense que si on ne le fait pas par, comment dirais-je, par altruisme, on devrait au moins le faire par égoïsme. D'ici dix ans, il y aura 1 milliards d'Africains. Si nous n'avons rien fiat, l'Europe occidentale d'une part mais tous les grands pays industrialisés, le paieront. J'aime l'Afrique et les Africains.
Comment expliquer que Jean-Christophe Mitterrand, sorti libre donc depuis ce matin, soit astreint à un contrôle judiciaire qui par exemple, lui interdise de vous rencontrer ? Est-ce que c'est une humiliation de la part du juge?
Non, non Je trouve cela assez extraordinaire. Parce que lui interdire de me rencontrer ! Moi je ne l'ai jamais vu, je l'ai peut-être croisé une fois en voyage
Vous ne le connaissez pas. Vous
Je n'ai rien contre lui, je ne porte pas de jugement sur Jean-Christophe Mitterrand.
Mais vous trouvez qu'il a été mis en détention de manière abusive ?
Ca c'est évident. Je crois que Il faut faire très attention parce que quand la justice dérape, c'est en définitive la Démocratie, elle-même qui est malade. Et d'autre part, je crois qu'il ne faut pas porter de jugement sur la justice. Il y a un juge, il y a des juges. Tout ça, ce sont des hommes, c'est de femmes, ils ont leur caractère et leur façon de voir. Je crois simplement qu'en ce qui concerne les juges, ce qu'on est en droit d'attendre d'eux - c'est probablement difficile aussi - c'est qu'ils aient une approche des problèmes la plus objective possible. Il n'y aurait rien de pire pour un juge, et il n'y a rien de pire pour un juge que d'avoir quelqu'un qui instruit une affaire non pas à charge ou à décharge, comme cela doit être la loi, mais qui instruit.
Uniquement à charge.
Uniquement pour essayer de prouver que le sentiment qu'il avait au départ se trouve vérifié. En sorte
Et ça vous semble être le cas dans l'affaire qui nous intéresse aujourd'hui ?
Je ne dis pas que ça me semble être le cas. Mais je dis que le risque existe dans un certain nombre d'affaires. Et que si tel est le cas, alors, c'est la justice qui est malade. Et je pense qu'autant il est normal et logique et juste que les hommes politiques n'aient pas de protection particulière, il ne faut pas pour autant qu'ils deviennent des boucs-émissaires ou des cibles. Voilà. Les choses, je crois, sont simples. Il faut que chacun assume sa responsabilité. En ce qui me concerne, soyez-en sûr, j'assumerai les miennes.
Merci, Charles Pasqua, d'avoir accepté de répondre à nos questions.
Merci.
(Source http://www.rpfie.org, le 05 février 2001).