Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, sur le développement de l'apprentissage et de la formation en alternance, Paris le 15 novembre 2007.

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Circonstance : Clôture des 2es Assises de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris, l'<br>égalité des chances : quel rôle pour l'apprentissage ? à Paris 15 novembre 2007

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
A l'heure où les étudiants des Universités manifestent une fois de plus leur mécontentement, je suis heureuse de venir aujourd'hui clore les deuxièmes assises de l'apprentissage de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris. Je suis décidée à faire de la valorisation de l'alternance sous toutes ses formes une priorité de mon action. L'apprentissage offre un accès à la vie professionnelle motivant et efficace, pour les jeunes comme pour les moins jeunes, quel que soit leur niveau de formation. C'est une voie d'avenir, et bien souvent une voie d'excellence.
Il y a un vieux proverbe français que vous devez tous connaître et qui dit : « Apprenti n'est pas maître». Pour moi, ces quelques mots valent mieux que tous les discours.
Les 412 000 apprentis que compte aujourd'hui la France acquièrent vite une solide expérience professionnelle, en même que temps que le sens de la responsabilité. Ils sont tous jeunes, puisque la période d'apprentissage est généralement comprise entre 16 et 26 ans. Très jeunes, même : aujourd'hui, seuls 10 % des apprentis sont âgé de plus de 21 ans. Cette proportion est appelée à augmenter à l'avenir.
Leur cadre de travail favorise un accompagnement personnalisé, les deux tiers des apprentis étant formés dans des entreprises de moins de dix salariés. Sur le modèle des Compagnons, ils y apprennent tout autant une technique que des valeurs, celles du partage, du travail, du respect, de la libre entreprise.
Si l'apprenti n'est pas maître, l'apprenti a un maître, un patron, dénommé « maître d'apprentissage». Il alterne ainsi, pour obtenir son diplôme, formation pratique dans l'entreprise, et enseignement théorique dans les Centres de Formation des Apprentis. Contrairement à bien des stagiaires, l'apprenti est payé pour son travail.
Enfin, l'apprenti peut lui-même devenir un maître, et créer rapidement sa propre entreprise pour prendre son destin en main : c'est ce que font, au bout de 10 ans d'expérience professionnelle, 40 % des anciens apprentis. De manière générale, leur taux d'embauche est exceptionnel : moins de 6 mois après la fin de leur période d'apprentissage, 70 % d'entre eux trouvent du travail. Si l'on compare ce chiffre à celui des lycées professionnels, qui s'élève à 60 %, on comprend les vertus de l'apprentissage. Les postes où les entreprises proposent un apprentissage correspondent en effet mécaniquement aux besoins réels du marché du travail. Quant au salaire moyen à l'embauche, il ne cesse d'augmenter.
L'apprentissage offre à nos jeunes une famille professionnelle, un savoir-faire reconnu, et un métier bien payé à la sortie. Du garçon-boucher à l'étudiant en école de commerce, tous en tirent le plus grand profit.
C'est pourquoi j'aimerais vous dire aujourd'hui que ( I ) l'Etat est résolu à poursuivre son action en faveur de l'apprentissage, en s'appuyant ( II ) sur l'aide précieuse des organismes consulaires et des grandes entreprises. ( III ) Je vous présenterai pour finir quelques pistes d'action, en tenant notamment compte des travaux qui ont été menés aujourd'hui à la CCIP.
( I ) Nous voulons maintenir et accentuer la dynamique qui s'est créée en faveur de l'apprentissage et de l'alternance en général
La remise à l'honneur de l'apprentissage est palpable depuis une dizaine d'années. La part des jeunes entrant en apprentissage à un niveau bac ou post-bac a plus que doublé, passant de 11,2 % à 23,3 %. Le niveau des formations préparées s'est également élevé, avec aujourd'hui plus de 13 % d'apprentis qui cherchent à décrocher un diplôme de niveau supérieur à bac + 2, jusqu'au Master ou au diplôme d'ingénieur.
Nous maintenons notre objectif de 500 000 jeunes en apprentissage d'ici 2009. Ce chiffre avait été fixé en 2005 par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Emploi, dans le plan de cohésion sociale qui faisait suite à la loi de programmation sociale. Nous sommes sur la bonne voie : le nombre d'apprentis a encore progressé de 17 % l'an passé.
L'Etat s'engage pour l'apprentissage de plusieurs manières :
- à travers des actions de promotion, telles que la mission menée par Henri Lachmann autour de la Charte de l'apprentissage.
- ou par exemple en soutenant le programme européen Leonardo da Vinci. 70 000 apprentis en bénéficient déjà. Je pense que la présidence française du second semestre 2008 pourra être une excellente occasion d'améliorer encore le programme Leonardo.
( II ) Pour développer l'apprentissage, l'Etat sait qu'il peut compter sur vous, organismes consulaires et grandes entreprises.
Les organismes consulaires constituent les acteurs traditionnels de l'apprentissage. D'abord, ils assurent la formation des apprentis. Les chambres de métier comptent aujourd'hui 150 000 apprentis dans le secteur de l'artisanat. Les chambres de commerce et d'industrie en forment près de 100 000, et se sont engagées à en accueillir 15 000 supplémentaires d'ici à fin 2009.
Ensuite, les organismes consulaires procèdent à l'enregistrement des contrats d'apprentissage, en contrôlant à cette occasion le respect des dispositions du code du travail relatives au contrat d'apprentissage. C'est une mission nouvelle et exigeante, qui a nécessité un important travail de concertation avec mes différents services, principalement la DGEFP et la DCASPL.
La CCIP qui nous accueille aujourd'hui offre un excellent exemple d'efficacité et de dynamisme. Elle a la responsabilité d'écoles aussi prestigieuses que les Gobelins, Grégoire Ferrandi, le Centre des Formations Industrielles, ou HEC. Elle y forme 4 000 apprentis. Ces formations sont sanctionnées par une centaine de diplômes différents, depuis la classe préparatoire à l'apprentissage, mise en place depuis 1966 pour permettre aux jeunes de découvrir la palette des différents métiers, jusqu'au niveau I, c'est-à-dire bac + 5. Avec plus de 85 % de reçus aux examens, et un taux équivalent d'insertion professionnelle à 6 mois, la CCIP affiche une réussite exemplaire. J'aimerais adresser à son Président et à tout le personnel mes plus sincères félicitations, et tous mes encouragements pour les projets qui les attendent.
A ce réseau consulaire traditionnel s'ajoute depuis plus d'un an le « Réseau des grandes entreprises actives dans l'apprentissage ». Ce réseau, créée par la CCIP, constitue un lieu d'échange et d'émulation pour près de 50 grands groupes, tels que Alcatel, Veolia, La Poste, Danone, Air France ou L'Oréal. Il répond à une tendance profonde de l'apprentissage, de plus en plus orienté vers les grandes entreprises : en dix ans, la part des apprentis accueillis dans les entreprises de plus de 250 salariés est passée de 5 % à près du double ; tandis qu'entre 2005 et 2006, le nombre d'apprentis a augmenté d'un tiers pour les entreprises du CAC 40.
L'apprentissage s'affranchit ainsi peu à peu de l'image des « métiers à l'ancienne », pour trouver une place de premier rang dans les secteurs les plus compétitifs de l'économie moderne.
Je sais que ce « Réseau des grandes entreprises actives dans l'apprentissage » a présenté aujourd'hui, à l'occasion de ces assises, de nombreuses propositions d'amélioration pour l'apprentissage.
( III ) J'aimerais revenir sur certaines d'entre elles, qui rejoignent mes priorités.
Ma priorité numéro 1, c'est de simplifier et de rationaliser le financement de l'apprentissage. Il ne serait pas cohérent de la part du Gouvernement d'applaudir d'un côté les vertus de l'apprentissage, et de l'autre de laisser perdurer un système de financement à plusieurs vitesses, cloisonné et donc inefficace. Si nous prétendons résoudre une partie du problème de l'emploi des jeunes grâce à l'apprentissage, il faut nous en donner les moyens.
Je souhaite que nous puissions unifier progressivement le financement de l'alternance, voire de toute la formation professionnelle initiale. C'est la condition sine qua non pour une allocation efficace des ressources, qui rendra les filières plus cohérentes et plus accessibles pour les jeunes et les entreprises.
La simplification du financement doit s'accompagner d'une simplification de l'orientation. Aujourd'hui, il faut reconnaître qu'un jeune qui veut choisir sa formation, même s'il a une idée claire de son projet, se retrouve pris dans un dédale administratif d'une complexité extrême.
Mon ministère a déjà lancé dans ce dédale une sorte de fil d'Ariane, en mettant au point il y a un an un portail unique, www.orientation-formation.fr. Ce site présente de manière claire et attrayante les métiers et les formations, en dépassant les cloisonnements administratifs.
Par exemple, si l'on clique sur « rechercher une formation », et que l'on coche plombier / Ile-de-France, on voit s'afficher 32 lieux de formation possibles, avec leur adresse et leur téléphone !
On compte déjà plus de 50 000 connexions par mois sur ce site. Je compte sur vous pour le promouvoir encore davantage auprès des jeunes. C'est un premier pas dans le travail de simplification. Il faudra bien entendu aller plus loin, et je souhaite que tous les acteurs contribuent à notre réflexion.
Ma priorité numéro 2, c'est d'améliorer l'image de l'apprentissage, en faisant de l'alternance la voie normale de la formation professionnelle. Depuis 2005, des campagnes nationales sont menées tous les printemps, au moment où les jeunes décident de leur orientation.
Nous devons aller plus loin, ne serait-ce qu'en termes de communication. Assumons le fait qu'un métier n'est pas uniquement une affaire de vocation, mais aussi d'argent. Osons dire aux jeunes, pour reprendre l'exemple précédent, qu'un plombier à son compte gagne en moyenne, à Paris, plus de 15 000 euros net par mois !
Je garde naturellement en tête les autres axes de travail du Réseau, tels que le développement de l'apprentissage comme mode de recrutement, la valorisation de la fonction du tuteur, la simplification de la réglementation en vigueur, ou la réforme de la gouvernance entreprise / CFA. Toutes ces propositions visent finalement à remettre l'entreprise au coeur de l'apprentissage, et c'est bien en ce sens que s'orientera mon action.
J'aimerais pour finir féliciter le Réseau des grandes entreprises actives dans l'apprentissage pour la qualité et la densité de leur travail, et leur dire que je reprends volontiers à mon compte les grandes lignes de leur analyse.
Je suis convaincue, Mesdames et Messieurs, que le mouvement en faveur de l'apprentissage est un mouvement de fond. Il pourra apporter bien des réponses aux maux dont souffre aujourd'hui la France, au premier rang desquels le chômage des jeunes. Je suis déterminée à faire de l'apprentissage une priorité. Le retour de la valeur travail passe aussi par la réhabilitation des métiers.
Le retour du travail, il se traduit déjà dans les chiffres économiques : notre croissance du troisième trimestre a doublé par rapport au trimestre précédent, à 0,7 % du PIB. Les trois moteurs de la croissance sont allumés : au troisième trimestre, la consommation des ménages a progressé de 0,8 %, l'investissement des entreprises de 1 %, et le commerce extérieur contribue positivement à la croissance.
Je me réjouis de ces nouvelles encourageantes, qui prouvent que notre politique va dans la bonne direction.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 16 novembre 2007