Texte intégral
1° Pouvez vous nous donner des précisions sur le calendrier de l'alignement des pensions militaires d'invalidité des militaires de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la gendarmerie sur les pensions des officiers mariniers ?
R - Comme beaucoup, je ne peux que constater qu'il existe un décalage entre plusieurs grades de l'armée de Terre, de l'Air et de la Gendarmerie défavorable par rapport à ceux des grades homologues de la Marine sans même que les modifications des indices intervenues en 1981 et 1988 aient fait évoluer cette situation.
Mais vous comprendrez que compte tenu du coût budgétaire de cette mesure qui est estimé à 15 Meuros, cet alignement doit être lissé dans le temps. De surcroît, il est nécessaire de déterminer avec le ministère du budget les modalités les plus adaptées à la fois sur le plan juridique et sur le plan financier pour réaliser cet alignement. Dans l'immédiat, un projet prévoyant l'harmonisation des pensions de 10 et 15 % a été soumis à l'examen du ministère du budget dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances 2008.
2° Quand pensez-vous que sera effectivement traité l'attribution de la campagne double accordée pour la guerre d'Algérie ?
R - Depuis ma prise de fonction, je multiplie les audiences avec les associations d'Anciens Combattants, et cette revendication fait partie de celles qui me sont le plus souvent adressées. Comme vous le savez, la campagne double permet de majorer pour la retraite la durée des services militaires accomplis dans certaines circonstances, notamment en temps de guerre ou pour opérations de maintien de l'ordre. En 2006, mon prédécesseur avait commandité un rapport soumis dont les conclusions ont ensuite été soumises pour avis au Conseil d'Etat. Celui-ci a rappelé que lors des conflits précédents, le bénéfice de campagne double n'avait pas été accordé à tous les participants, et qu'il devait être attribué à ceux des ressortissants du code des Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui ont été exposés en Afrique du Nord à des situations de combat.
Aujourd'hui, mon administration, et plus exactement la Direction des Statuts, des Pensions et de la Réinsertion Sociale qui effectue un travail remarquable, doit, dans le cadre d'une démarche interministérielle qui associe le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, rédiger les textes permettant de définir dans quelles conditions le bénéfice de campagne doit être ouvert aux personnes ayant servi en AFN, et notamment identifier les militaires ayant participé à des combats. Nous serons ainsi à même d'examiner dans quelle mesure les retraites déjà attribuées pourraient être concernées par la bonification de campagne double, sachant, et c'est très important de le rappeler que le code des pensions civiles et militaires de retraite et des victimes de guerre ne permet pas de revenir sur des pensions déjà attribuées, sauf si , bien sûr , une loi en disposait autrement.
3° Ne pourrait on pas nommer systématiquement chevalier de l'Ordre national du mérite les gendarmes retraités qui sont titulaires de la Médaille militaire depuis un nombre important d'années (50 ans au maximum). Cette mesure aurait un impact positif, même si la Médaille militaire est protocolairement plus importante que l'Ordre national du Mérite .
R - Les nominations dans l'Ordre national du mérite sont régies par le décret du 3 décembre 1963 qui a créé l'ordre. La circulaire du 30 mars 2007, précisant les conditions exigées pour être nommé dans l'ordre national du Mérite, indique que la nomination est conditionnée par des mérites nouveaux exercés postérieurement à la concession de la médaille militaire. Nonobstant les mérites des médaillés militaires de la Gendarmerie que chacun s'attache à reconnaître, il ne peut donc y avoir d'automaticité entre les deux ordres en termes de nomination étant précisé que le grand chancelier de la Légion d'honneur et les membres du conseil de l'ordre national du Mérite sont très vigilants sur ce point. Il convient enfin de préciser que pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, les contingents de croix de l'ordre national du Mérite attribués à titre militaire ont été fixés par décret triennal du Président de la République et s'élèvent à 1430 croix de chevalier pour les militaires appartenant à l'armée active et à 357 pour les militaires n'appartenant pas à l'armée active.
4° Vous êtes chargé des anciens combattants et aussi des réservistes. Pensez vous que la gendarmerie pourra tenir ses objectifs de recrutement de réservistes opérationnels, soit un total de 40.000 hommes à l'horizon 2012 ?
R - La question des réservistes n'est pas la moindre de mon champ de compétence, et c'est même, je l'avoue, une préoccupation pour moi que de la servir au mieux, comme elle sert chacune et chacun de nos concitoyens dans la mesure où ils permettent d'apporter une réponse de qualité face aux exigences du moment.
Ce que je constate tout d'abord, c'est que les réalisations sont en phase avec les projections faites puisque la gendarmerie compte actuellement 23 554 réservistes opérationnels pour un objectif de 25 000 en fin d'année, et au rythme de 3 000 recrutements par an, je suis confiant dans la perspective que vous évoquiez à l'échéance 2012. Mais là où est la véritable satisfaction, ce n'est pas seulement dans ce chiffre brut que je vous livre, c'est que les personnels qui composent cette réserve sont, à plus de 70 % de leur temps, employés dans des missions opérationnelles au bénéfice de l'ensemble des unités d'active, on a donc, et sans trop caricaturer, une réserve réellement opérationnelle. Quant aux moyens budgétaires, je sais qu'ils sont en cohérence avec les objectifs assignés. Ainsi, le budget dédié à la réserve de la gendarmerie s'élève en 2007 à 48 Meuros alors qu'il était de 35,11 Meuros en 2005.
Pour ma part, je veux rendre hommage à ces femmes et ces hommes qui en gendarmerie départementale, en gendarmerie mobile ou pour la garde républicaine, effectuent les mêmes missions que leurs homologues de l'active.
En tant qu'élu local (Alain MARLEIX est maire de Massiac et Conseiller général du Cantal), je sais combien le rôle de la gendarmerie est essentiel pour le développement d'une ville ou d'un village, pour la confiance qui y règne, et le lien social qui existe entre les habitants.
5° Trouvez vous que la politique de "mémoire" en France soit aujourd'hui suffisante ou que nous devons en faire davantage, et le cas échéant comment?
R - Au-delà de l'entretien du patrimoine, de l'organisation des cérémonies, de la défense des intérêts des combattants, qui sont trois éléments essentiels que conduit à ma plus grande satisfaction la Direction de la Mémoire, des Archives et du Patrimoine, la politique de mémoire est un sujet qu'il faut appréhender avec précaution dans la mesure où elle est devenue dorénavant l'enjeu d'un combat politique.
Parce qu'il est le principal destinataire des revendications, je veux que l'Etat conduise une politique de mémoire qui véhicule les valeurs de notre République. Ainsi, je serai particulièrement vigilant à ce que la politique de mémoire serve, non pas la cause de reconnaissance identitaire, mais qu'elle exprime, au contraire, les valeurs de notre République, et la première d'entre elle : l'intégration dans la "communauté de citoyens" (pour reprendre l'expression de la sociologue Dominique SCHNAPPER) parce la mémoire c'est avant tout la transmission de nos valeurs communes. La France est une et indivisible, cela vaut aussi pour la politique de mémoire !
Je n'entends ici en aucun cas que la politique de mémoire soit accusée d'occultation de l'histoire, j'affirme simplement que la mémoire doit servir l'apprentissage de la citoyenneté.
C'est la raison pour laquelle le partenariat avec le ministère de l'Education nationale et avec celui de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement est essentiel. En outre, si la politique de mémoire se nourrit du passé, c'est vers l'avenir qu'elle doit se tourner résolument, et dans cette tâche, je sais pouvoir compter sur l'Office National des Anciens Combattants, ce "formidable passeur de mémoire".
La mémoire se partage avec les peuples, ceux, bien évidemment, avec lesquels nous avons été alliés, mais de manière tout aussi évidente, ceux avec lesquels nous avons été adversaires. Je souhaite que la France oeuvre à la mise en place d'une "mémoire européenne"et aussi qu'en 2008 se tiennent de nouveau "les rencontres sur la mémoire partagée". Mais d'autres questions nourrissent également ma réflexion. Comment pouvons-nous lutter contre le désintérêt quasi-généralisé des cérémonies commémoratives hors celles du 11 novembre, du 8 mai et du 14 juillet ? On parle trop souvent de devoir de mémoire... peut-être peut-on aussi parler de "devoir de présence"... Comment pouvons-nous aussi transmettre cette culture du monde combattant à la 4ème génération du feu, les "opex" ? A ces questions, j'entends pouvoir apporter rapidement des réponses.
La politique de mémoire que j'entends mener est à la fois citoyenne et dynamique...citoyenne en perpétuant le sentiment d'appartenance à la Nation, et dynamique en s'ouvrant vers les jeunes générations, sur l'Europe et plus généralement le monde.
source http://www.defense.gouv.fr, le 22 novembre 2007