Texte intégral
R. Duchemin.- La question du jour elle est ce matin pour un ancien Premier ministre de J. Chirac. J.-P. Raffarin, bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Merci d'être avec nous en direct sur France Info. Vous avez appris, hier, l'audition, puis la mise en examen de l'ex-Chef de l'Etat pour détournement de fonds publics dans l'affaire qu'on a longtemps appelé "l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris", du temps où il était maire. C'est la première fois dans l'histoire du pays qu'un ancien Président est poursuivi. Cela vous choque-t-il ou c'est normal ? Il est redevenu finalement un justiciable comme les autre.
R.- Je ne suis pas choqué, je suis seulement profondément attristé parce que J. Chirac a beaucoup donné à notre pays. Et notre vie politique, les moeurs de financement de la vie politique ont beaucoup changé en vingt ans. Les pratiques avant Chirac n'ont rien à voir avec les pratiques après Chirac. Et donc, je trouve que tout ceci est désolant et n'a guère de sens.
Q.- J. Chirac qui bénéficie comme tout autre justiciable, bien sûr, de la présomption d'innocence.
R.- Absolument !
Q.- Il a toutefois jugé, lui, utile de s'expliquer dans une tribune envoyée au Monde. Il déplore, dit-il, « les caricatures infondées et malveillantes ».
R.- Je pense qu'il y a un peu dans cette affaire une sorte de politique de caserne. En effet, beaucoup d'adversaires de J. Chirac ont toujours utilisé ces thèmes contre lui. Je trouve ça attristant, je vous l'ai dit. Je dis aux adversaires de J. Chirac ce que Victor Hugo disait déjà à ses adversaires : « la rancune est une dépense improductive ».
Q.- Ces affaires ont quand même pollué, il faut bien le dire, une bonne partie des mandats du Président Chirac. Est-ce que ça été une gêne pour vous ?
R.- Bien sûr, c'est toujours une gêne. D'abord parce que quand on a comme moi des convictions fortes, éthiques, tout ceci est gênant, et la vie politique a été de ce point de vue-là souvent encombrée pendant tout mon parcours. Avant, il y avait eu les affaires avec Mitterrand, il y a eu beaucoup d'histoires dans notre vie politique, mais ce qui compte, je crois, c'est que progressivement des lois ont été votées, plusieurs lois Chirac ont contribué à assainir notre vie politique, et aujourd'hui la vie politique n'est plus du tout ce qu'elle était il y a vingt ou trente ans. Il y a eu des progrès...
Q.- Et aujourd'hui, c'est un signe ? Ca veut dire aussi qu'une page est en train de se tourner dans la manière de faire de la politique ?
R.- Très franchement, je crois que la page elle a été tournée déjà depuis un certain temps. Maintenant, il y a des contrôles, maintenant, il y a pour les campagnes électorales des financements précis, il y a des règles qui sont très précises : on ne peut pas utiliser une voiture officielle pour faire campagne électorale, par exemple ; il y a un certain nombre de choses qui maintenant sont réglementées qui, auparavant, étaient très désordonnées. Alors, c'est tout un système qui a été mis en cause, et ce système n'était naturellement pas un système éthique mais c'était un système qui était dans les moeurs de l'époque. Et donc aujourd'hui, progressivement, les choses ont été améliorées et c'est pour ça que je dis que les pratiques avant Chirac n'avaient rien à voir avec ce qu'elles sont aujourd'hui après Chirac. Et Chirac a contribué avec plusieurs lois à assainir notre vite politique.
Q.- On se rend bien compte que la classe politique réagit assez discrètement, il faut bien le dire, à gauche, soulignant quand même l'indépendance de la justice. Finalement, on a le sentiment que le plus dur vient de la droite : les chiraquiens vont jusqu'à dire qu'il s'agit, eux, d'une inquisition politique, mais elle serait orchestrée par les sarkozystes.
R.- Ca, je ne crois pas du tout ce genre de choses-là. Vous savez, ça fait très longtemps que J. Chirac est la cible de ces questions-là, bien avant qu'il y ait de différends au sein même de notre majorité. C'est une vieille affaire qui ressort et donc cette bataille-là, cette rancune-là, elle est très ancienne. Et, naturellement, maintenant que le Président est en dehors de toute fonction, il est naturellement la proie à cette vieille querelle. Mais je ne crois pas que ça soit une querelle interne de la majorité. Ce qui compte pour nous tous, c'est que la démocratie progresse, qu'elle soit de plus en plus rigoureuse et que le politique soit respectable. Alors, je crois qu'il est important de changer toujours les règles pour les adapter aux exigences de la société. Ce qui compte c'est faire en sorte que le politique soit respectable.
Q.- Juste d'un mot, vous pensez qu'avec cette affaire, il doit, il peut continuer à siéger au Conseil constitutionnel ?
R.- Ecoutez, je rappelle très clairement un principe fondamental de notre droit : c'est que tout homme avant d'être condamné est présumé innocent, et donc présumer J. Chirac coupable serait une faute. Et donc, je pense que naturellement, comme tout le monde, il peut assumer ses fonctions puisqu'il est présumé innocent.
Q.- Dernière question, question d'actualité : vous avez été Premier ministre, vous avez eu vous aussi à gérer des mouvements de grève. On se dirige aujourd'hui, semble-t-il, vers un assouplissement ou peut-être une sortie de conflit. Quel regard vous portez sur la façon dont il a été géré ce conflit par le Gouvernement ?
R.- Eh bien, écoutez, je pense qu'il a été géré à la fois avec fermeté et dialogue, et qu'au fond, tout le monde prend bien conscience que la reprise du travail est nécessaire. Elle est nécessaire évidemment pour les usagers dont la colère est grandissante, et il ne faut mésestimer l'exaspération de ceux qui aujourd'hui se lèvent à 4 heures du matin et ne rentrent chez eux que vers 23 heures, mais aussi il faut penser aux cheminots qui ne sont plus payés pendant la grève depuis une décision que mon Gouvernement avait prise en 2003. Et donc, la grève aujourd'hui est un acte responsable, c'est un acte difficile et je pense qu'il est grand temps de reprendre le travail, et je suis heureux de voir que la dynamique de négociation est enfin lancée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 novembre 2007
R.- Bonjour.
Q.- Merci d'être avec nous en direct sur France Info. Vous avez appris, hier, l'audition, puis la mise en examen de l'ex-Chef de l'Etat pour détournement de fonds publics dans l'affaire qu'on a longtemps appelé "l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris", du temps où il était maire. C'est la première fois dans l'histoire du pays qu'un ancien Président est poursuivi. Cela vous choque-t-il ou c'est normal ? Il est redevenu finalement un justiciable comme les autre.
R.- Je ne suis pas choqué, je suis seulement profondément attristé parce que J. Chirac a beaucoup donné à notre pays. Et notre vie politique, les moeurs de financement de la vie politique ont beaucoup changé en vingt ans. Les pratiques avant Chirac n'ont rien à voir avec les pratiques après Chirac. Et donc, je trouve que tout ceci est désolant et n'a guère de sens.
Q.- J. Chirac qui bénéficie comme tout autre justiciable, bien sûr, de la présomption d'innocence.
R.- Absolument !
Q.- Il a toutefois jugé, lui, utile de s'expliquer dans une tribune envoyée au Monde. Il déplore, dit-il, « les caricatures infondées et malveillantes ».
R.- Je pense qu'il y a un peu dans cette affaire une sorte de politique de caserne. En effet, beaucoup d'adversaires de J. Chirac ont toujours utilisé ces thèmes contre lui. Je trouve ça attristant, je vous l'ai dit. Je dis aux adversaires de J. Chirac ce que Victor Hugo disait déjà à ses adversaires : « la rancune est une dépense improductive ».
Q.- Ces affaires ont quand même pollué, il faut bien le dire, une bonne partie des mandats du Président Chirac. Est-ce que ça été une gêne pour vous ?
R.- Bien sûr, c'est toujours une gêne. D'abord parce que quand on a comme moi des convictions fortes, éthiques, tout ceci est gênant, et la vie politique a été de ce point de vue-là souvent encombrée pendant tout mon parcours. Avant, il y avait eu les affaires avec Mitterrand, il y a eu beaucoup d'histoires dans notre vie politique, mais ce qui compte, je crois, c'est que progressivement des lois ont été votées, plusieurs lois Chirac ont contribué à assainir notre vie politique, et aujourd'hui la vie politique n'est plus du tout ce qu'elle était il y a vingt ou trente ans. Il y a eu des progrès...
Q.- Et aujourd'hui, c'est un signe ? Ca veut dire aussi qu'une page est en train de se tourner dans la manière de faire de la politique ?
R.- Très franchement, je crois que la page elle a été tournée déjà depuis un certain temps. Maintenant, il y a des contrôles, maintenant, il y a pour les campagnes électorales des financements précis, il y a des règles qui sont très précises : on ne peut pas utiliser une voiture officielle pour faire campagne électorale, par exemple ; il y a un certain nombre de choses qui maintenant sont réglementées qui, auparavant, étaient très désordonnées. Alors, c'est tout un système qui a été mis en cause, et ce système n'était naturellement pas un système éthique mais c'était un système qui était dans les moeurs de l'époque. Et donc aujourd'hui, progressivement, les choses ont été améliorées et c'est pour ça que je dis que les pratiques avant Chirac n'avaient rien à voir avec ce qu'elles sont aujourd'hui après Chirac. Et Chirac a contribué avec plusieurs lois à assainir notre vite politique.
Q.- On se rend bien compte que la classe politique réagit assez discrètement, il faut bien le dire, à gauche, soulignant quand même l'indépendance de la justice. Finalement, on a le sentiment que le plus dur vient de la droite : les chiraquiens vont jusqu'à dire qu'il s'agit, eux, d'une inquisition politique, mais elle serait orchestrée par les sarkozystes.
R.- Ca, je ne crois pas du tout ce genre de choses-là. Vous savez, ça fait très longtemps que J. Chirac est la cible de ces questions-là, bien avant qu'il y ait de différends au sein même de notre majorité. C'est une vieille affaire qui ressort et donc cette bataille-là, cette rancune-là, elle est très ancienne. Et, naturellement, maintenant que le Président est en dehors de toute fonction, il est naturellement la proie à cette vieille querelle. Mais je ne crois pas que ça soit une querelle interne de la majorité. Ce qui compte pour nous tous, c'est que la démocratie progresse, qu'elle soit de plus en plus rigoureuse et que le politique soit respectable. Alors, je crois qu'il est important de changer toujours les règles pour les adapter aux exigences de la société. Ce qui compte c'est faire en sorte que le politique soit respectable.
Q.- Juste d'un mot, vous pensez qu'avec cette affaire, il doit, il peut continuer à siéger au Conseil constitutionnel ?
R.- Ecoutez, je rappelle très clairement un principe fondamental de notre droit : c'est que tout homme avant d'être condamné est présumé innocent, et donc présumer J. Chirac coupable serait une faute. Et donc, je pense que naturellement, comme tout le monde, il peut assumer ses fonctions puisqu'il est présumé innocent.
Q.- Dernière question, question d'actualité : vous avez été Premier ministre, vous avez eu vous aussi à gérer des mouvements de grève. On se dirige aujourd'hui, semble-t-il, vers un assouplissement ou peut-être une sortie de conflit. Quel regard vous portez sur la façon dont il a été géré ce conflit par le Gouvernement ?
R.- Eh bien, écoutez, je pense qu'il a été géré à la fois avec fermeté et dialogue, et qu'au fond, tout le monde prend bien conscience que la reprise du travail est nécessaire. Elle est nécessaire évidemment pour les usagers dont la colère est grandissante, et il ne faut mésestimer l'exaspération de ceux qui aujourd'hui se lèvent à 4 heures du matin et ne rentrent chez eux que vers 23 heures, mais aussi il faut penser aux cheminots qui ne sont plus payés pendant la grève depuis une décision que mon Gouvernement avait prise en 2003. Et donc, la grève aujourd'hui est un acte responsable, c'est un acte difficile et je pense qu'il est grand temps de reprendre le travail, et je suis heureux de voir que la dynamique de négociation est enfin lancée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 novembre 2007