Texte intégral
B. Toussaint : Bonjour.
R.- Bonjour.
B. Toussaint : Et merci d'être avec nous ce matin. On a vu un discours assez libéral, finalement, hier. En gros, le président de la République a dit : « travaillez plus », et il a dit aussi et surtout aux entreprises et aux partenaires sociaux : « débrouillez-vous pour dégager du pouvoir d'achat. » Est-ce que vous approuvez cette méthode ?
R.- Ce n'est pas simplement « débrouillez-vous », c'est « négociez ». On ne peut pas se plaindre à la fois d'un Etat trop interventionniste, et lorsque le président de la République dit aux partenaires sociaux : « négociez », dire « débrouillez-vous », ce n'est pas ça. En revanche, sur votre première phrase, oui, vous avez raison, il y a une très grande cohérence avec ce qu'il a dit en campagne présidentielle. Il fait du travail la valeur centrale. Il dit : je veux réhabiliter cette valeur, et favoriser l'entrée sur l'emploi des jeunes, favoriser le retour des chômeurs sur le marché du travail, travailler davantage et mieux rémunérer et tirer partie des fruits du travail. Il y a une cohérence de toute la chaîne : c'est autour du travail qu'il veut organiser la distribution du pouvoir d'achat.
C. Roux : La fin de l'interventionnisme d'Etat, comme vous dites, c'est une rupture, ça ?
R.- Oui, c'est une forme de rupture, c'est aussi de dire : il faut libérer notre économie, et il faut faire en sorte que la production de richesses soit la clé du pouvoir d'achat. Ce que vous avez dit en introduction est juste, il a dit hier, d'ailleurs textuellement : je ne suis pas le Père Noël. Autrement dit, fin de chèques subventions. Il n'y a pas eu de chèque et de subvention hier, il y a eu une logique : par le travail, nous allons retrouver du pouvoir d'achat de la productivité.
C. Roux : Le problème c'est : « nous allons retrouver du pouvoir d'achat », les Français l'attendaient pour aujourd'hui. A partir de quand, selon vous, les premiers gestes...
B. Toussaint : Les premiers effets... C. Roux : Les Français vont mesurer concrètement - pardon - la portée de ces avances, quand est-ce qu'ils auront plus d'argent dans leur porte-monnaie ?
R.- D'abord, il n'y a pas que les annonces d'hier, lorsque Christine LAGARDE, ces derniers jours, dit par exemple : je vais doubler ce qu'on appelle la prime à la cuve, c'est du très concret, ce n'est pas parce que ça n'a pas été annoncé hier soir par le président de la République que ça ne va pas impacter directement le pouvoir d'achat des Français. Par ailleurs, lorsqu'il dit : vous allez pouvoir racheter vos RTT, c'est ce qu'il a appelé « monétiser les RTT », eh bien, là, ça peut être très concret très rapidement ...
C. Roux : Ça veut dire quoi, très concret très rapidement, c'est quand, est-ce que vous avez une idée d'un calendrier précis ?
R.- Il a dit : début d'année prochaine, je ne sais pas exactement ce qui relève de la loi et du règlement, il faudrait regarder dans le détail, mais ça veut dire que si c'est par la loi, il veut que ce soit fait avant la fin de l'année, si c'est par le règlement, ce sera fait pour le début d'année prochaine. Mais ça veut dire que tout ça, ça peut être très concret très rapidement.
L. Mercadet : Mais pour que ça soit concret... enfin, il y a un truc que je ne comprends pas, ça ne dépend pas des gens, des salariés, des travailleurs de monétiser le RTT ou de faire des heures supplémentaires, ça dépend si l'employeur le donne, le propose, mais ça ne dépend pas des gens qui veulent travailler plus...
R.- Si par la loi et par la négociation, on dit que les droits aux RTT, que vous avez acquis, vous pouvez demander à l'employeur, qu'il soit privé ou public - puisque vous avez entendu hier soir qu'il l'a clairement étendu à la Fonction publique en disant que, elle n'aura pas un statut dérogatoire - vous pourrez à ce moment-là dire à votre employeur, privé ou public : je ne veux pas prendre des jours de RTT, je veux de l'argent. Ça, c'est un changement majeur.
C. Roux : Et ça fait plusieurs fois qu'on nous annonce la mort des 35 heures, cette fois, ça y est, c'est fait ou pas ?
R.- Moi, je n'ai jamais annoncé la mort des 35 heures, et je n'ai jamais entendu le président de la République le dire.
C. Roux : Mais dans les faits, c'est ce qui se passe...
R.- Mais on ne va pas tourner autour du pot...
B. Toussaint : Qu'est-ce qui reste des 35 heures...
R.- La gauche, et je m'en souviens, avait fait les 35 heures payées 39. Est-ce qu'on imaginait le président de la République proposer les 39 heures payées 35 ? Non. En même temps, il considère que les 35 heures ont été une erreur, qu'elles ne sont plus adaptées à la compétition mondiale. Donc qu'est-ce qu'il fait ? Il ouvre un certain nombre de verrous successifs sans toucher à la durée légale. Hier, il a apporté une pierre de plus à l'édifice en disant : on pourra toucher à la durée légale des 35 heures par la négociation de branche ou d'entreprise. Et là, effectivement, si patronat et salariés se mettent d'accord, ils pourront dépasser la durée légale contre une meilleure rémunération. Il y a un élément un peu technique, mais important, qu'il a dit hier, ce qu'on appelle les exonérations de cotisations sociales, il dit : désormais, elles ne pourront s'appliquer qu'en échange d'une augmentation des salaires, autrement dit, en échange...
C. Roux : Ça vous plaît, ça...
R.- Oui, ça me plaît, oui, ça me plaît beaucoup parce que je pense que c'est du donnant/donnant, et qu'il était indispensable, parce que, à la fois, on sait qu'il faut baisser le coût du travail, et peut-être qu'on était allé trop loin dans les exonérations de cotisations sociales non compensées par des augmentations de salaires...
C. Roux : C'est une proposition, pour être clair, qui plaît plus à l'homme de gauche que vous êtes resté.
R.- Je me souviens qu'effectivement le Parti socialiste et moi-même nous avions porté cela. Je dis ça parce qu'il y a un recueil très drôle qui vient de sortir- vous savez, un dessinateur du Canard Enchaîné qui sort un album, où il y a une caricature de moi - qui est plutôt drôle ; je suis avec N. Sarkozy entre les deux tours de l'élection présidentielle, et il y a marqué : "Projet socialiste, ça, c'est une connerie, je le sais, parce que c'est moi qui l'ai écrite". Donc, il m'est parfois arrivé...
B. Toussaint : Vous ne changez pas une ligne de ce dessin. Très bien...
R.-...Il m'est parfois arrivé d'écrire des choses auxquelles je continue de croire.
B. Toussaint : Il s'est passé un truc quand même étonnant hier soir, parce que cette déclaration, cette intervention très attendue du président sur le pouvoir d'achat s'est achevée sur un aveu vraiment pour le moins surprenant du président : il n'y a pas d'argent dans les caisses, les caisses sont vides. Est-ce que vous imaginez comment les Français peuvent réagir à ce genre d'annonce, à ce genre de phrase.
R.- Je crois que les Français le savent, ils savent que nous sommes en déficit, et d'ailleurs, une partie de la campagne présidentielle, pour être juste, d'ailleurs, des trois côtés, si je puis dire, N. Sarkozy, S. Royal et F. Bayrou disaient de ce point de vue-là : l'une des priorités c'est de lutter contre la dette, nous sommes trop endettés. Donc les Français savent qu'il n'y a pas d'argent à distribuer.
B. Toussaint : Mais est-ce le truc à dire le jour où on parle du pouvoir d'achat, c'est un peu bizarre, non ?
R.- Si, je crois qu'il faut le dire en disant : notre obsession, c'est de retrouver de la compétitivité. Vous savez, je reviens de Chine, où j'ai accompagné - j'étais dans la délégation qui accompagnait- le président de la République ; la mondialisation, la compétition mondiale, le fait, et on ne va pas s'en plaindre, qu'un milliard trois cents millions d'hommes sont en train de connaître un taux de croissance très fort, et nous obligent à être compétitifs, c'est une donne, ce n'est pas quelque chose de purement théorique. Et comment font tous les pays européens qui s'adaptent à ça ? Ils sont à la fois plus compétitifs, ils investissent sur l'innovation, la recherche, la formation, et en même temps, ils adaptent leurs outils de protection sociale. Je crois que c'est ça que le président de la République a en tête : s'adapter à la mondialisation, sans toucher à notre protection sociale, en en adaptant les outils. Il l'a dit d'ailleurs sur la banlieue, si vous me permettez de dire d'un mot. Le grand élément hier soir sur la banlieue, ce n'est pas seulement la fermeté - la fermeté, on n'attendait pas, surtout venant de lui, un autre discours - c'est de dire : je vais passer à des aides personnalisées, individualisées, l'aide à la personne, l'aide à la formation individuelle, c'est la même logique.
C. Roux : Alors, un mot de politique quand même. J.-M. Bockel qui a lancé son parti, Gauche moderne, vous, vous aviez lancé les progressistes ; est-ce qu'il y a de la place au fond pour deux minus...
R.- Quel lapsus...
C. Roux :...Deux ministres issus de la gauche... j'ai dit quoi ?
R.- Allez-y, finissez, je ne veux pas répéter...
C. Roux : Ministres, minus... B. Toussaint : Je ne voulais pas relever, parce que j'aurais trouvé ça vraiment...
R.- Et, voyez...
B. Toussaint : Mais enfin, si c'est vous qui le faites...
R.- Je pratique l'autoflagellation, allez-y.
C. Roux : Oui, ça, vous êtes un spécialiste. B. Toussaint : Bon, alors, deux minus alors... C. Roux : Deux ministres issus de la gauche qui créeraient leur parti. Au fond, il n'y en a pas un de trop ?
R.- Je ne crois pas, on est dans une maison commune qui est la majorité présidentielle. On a chacun nos histoires, nos amis, nos réseaux qu'on a développés ; lui, son parti, moi, quelque chose qui est à la fois les Progressistes - un parti - et un cercle de réflexion. Il est probable, pour aller dans le sens de ce que vous dites, un jour, dans quelques semaines, dans quelques mois, qu'on...
C. Roux : Dans quelques semaines, ah oui...
R.- Qu'on se regroupera, qu'on se retrouvera sous une forme à définir, peut-être...
C. Roux : Mais qu'est-ce qu'il faut pour que vous vous regroupiez, qu'est-ce qu'il faut ?
R.- Juste un mot - pardon - peut-être d'ailleurs avec d'autres, il n'y a pas que J.-M. Bockel, il y a ce que fait J.-L. Borloo, il y a peut-être le rapprochement du radicalisme ; les Radicaux de gauche et des Radicaux valoisiens discutent. Cela veut dire quoi, qu'il y a la place probablement en France pour un centre, centre gauche, qui occupe une vraie place sur l'échiquier politique. Cette histoire-là m'intéresse, et elle dépasse largement les éventuelles questions de personnes.
B. Toussaint : La question de Léon. L. Mercadet : Oui, vous revenez de Chine, il y a une question qui est fondamentale pour l'avenir économique de la France et de l'Europe, c'est l'histoire de la monnaie chinoise, la réévaluation du yuan qui est trop faible par rapport à la puissance économique de la Chine. Alors, est-ce que, d'après vos sensations, vous pensez que les Chinois sont prêts à faire le pas et à réévaluer ou alors, si c'est un secret d'Etat, vous le dites, et on ne peut pas en parler ?
R.- Non, je le crois. D'abord, N. Sarkozy leur en a parlé très directement, et ils ont répondu aussi très directement sur le fait...
L. Mercadet : Qu'est-ce qu'ils disent, là ?
R.- Qu'ils étaient conscients de leur responsabilité. Ils ont le sentiment qu'au départ, c'est la Réserve Fédérale américaine qui porte la responsabilité première par les taux d'intérêt bas des Etats-Unis, et en même temps, ils ont accepté leur responsabilité de ce point de vue-là ; il y a eu d'ailleurs un communiqué très clair de l'agence de presse chinoise, qui visiblement avait eu des informations très précises sur l'acceptation par le Premier ministre chinois de ses responsabilités en la matière. Et donc sur...
L. Mercadet : Bon, d'accord, mais, ça, accepter les responsabilités, c'est la langue diplomatique d'Etat...
R.- Non, non, non...
L. Mercadet : Ça veut dire qu'en 2008, ils touchent à leur monnaie, ils la remontent ?
R.- Ils l'ont déjà fait, ils nous ont rappelé par exemple que par rapport au dollar, ils s'étaient réévalués de 10% dans la période récente, ce qui est passé assez inaperçu, notamment à nos yeux, puisque nous, nous parlions surtout de l'euro qui s'est appréciée dans des proportions que tout le monde connaît. Moi, ce qui m'a frappé en Chine, c'est à la fois le discours de N. Sarkozy, qui leur a dit : vous êtes une grande puissance, vous avez des droits et des devoirs. Et j'ai eu clairement le sentiment... et c'était un discours de part et d'autre sans langue de bois, parce que les Chinois ont répondu au style très direct de N. Sarkozy : nous sommes conscients que nous devons assumer plus de responsabilités sur la scène économique, sur la scène internationale, etc. Alors après, je suis d'accord avec vous, il faut que ça se traduise...
L. Mercadet : Par rapport à l'euro...
R.- Par des actes très concrets. Mais déjà, le voyage a jeté les bases d'une discussion extrêmement intéressante.
L. Mercadet : Merci. B. Toussaint : Le « j'aime/j'aime pas », allons-y Caroline ! C. Roux : « J'aime/j'aime pas » J.-M. Cavada, candidat UMP dans le 12ème arrondissement, enfin, UMP, MoDem ?
R.- J'aime bien J.-M. Cavada, et je trouve assez logique ce qu'il a dit sur le fait qu'il était allé au bout d'une amitié et d'une solidarité avec F. Bayrou. Je le comprends parfaitement.
B. Toussaint : « J'aime/j'aime pas » la création officielle du MoDem, ça sera ce week-end ?
R.- La création officielle du MoDem ?
B. Toussaint : Oui, oui, il va y avoir...
R.- Parce que ça n'était pas déjà le cas ?
B. Toussaint : Il va y avoir un congrès qui va officialiser...
R.- Je n'ai pas à aimer ou pas, je respecte parfaitement ce que fait F. Bayrou, même si je n'ai jamais bien compris sa stratégie...
B. Toussaint : Vous parliez tout à l'heure de centre, de centre gauche, tout ça, est-ce que ça sera peut-être un futur partenaire ?
R.- Dans la logique qui est la sienne, non, et en revanche, est-ce que F. Bayrou est malgré cela un homme de qualité ? La réponse est oui.
B. Toussaint : Il aurait fait un bon Premier ministre de S. Royal, c'est ce qui est dans le livre de l'ancienne candidate...
R.- Je ne sais pas. Moi, j'ai quitté avant que la discussion ne s'ouvre, donc je ne peux pas répondre...
B. Toussaint : Donc vous n'avez pas d'avis sur la question. C. Roux : Alors vous avez peut-être un avis sur ce « J'aime/j'aime pas », là, « J'aime/j'aime pas » J. Lang, ministre de la Justice ? B. Toussaint : Ah, c'est la rumeur.
R.- Ministre de la Justice ? Je n'en sais rien. « J'aime/j'aime pas » J. Lang ? J'aime J. Lang...
C. Roux : Il aurait sa place dans l'équipe Sarkozy/Fillon ?
R.- Je n'en sais rien. Ce serait un bon ministre de toute façon. Il a été un très bon ministre, et...
C. Roux : Mais vous ne jouez pas les "go between" dans ce genre de discussion ?
R.- Non, je ne joue pas les "go between", vous savez, N. Sarkozy, lorsqu'il veut contacter quelqu'un, je vais vous dire la vérité, il n'a besoin de personne.
B. Toussaint : Et enfin, « J'aime/j'aime pas » l'interdiction totale de fumer dans les lieux publics à partir du 1er janvier ?
R.- J'aime beaucoup.
B. Toussaint : Donc vous n'êtes pas un fumeur ?
R.- Je ne suis pas fumeur, je ne supporte pas la fumée, et je supporte encore moins qu'on l'impose aux autres.
B. Toussaint : Alors vivement le 1er janvier ! Moi, je suis dans ce camp-là aussi. L. Mercadet : Bonne année ! B. Toussaint : Merci beaucoup E. Besson. C. Roux : Merci.
R.- Merci à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 novembre 2007
R.- Bonjour.
B. Toussaint : Et merci d'être avec nous ce matin. On a vu un discours assez libéral, finalement, hier. En gros, le président de la République a dit : « travaillez plus », et il a dit aussi et surtout aux entreprises et aux partenaires sociaux : « débrouillez-vous pour dégager du pouvoir d'achat. » Est-ce que vous approuvez cette méthode ?
R.- Ce n'est pas simplement « débrouillez-vous », c'est « négociez ». On ne peut pas se plaindre à la fois d'un Etat trop interventionniste, et lorsque le président de la République dit aux partenaires sociaux : « négociez », dire « débrouillez-vous », ce n'est pas ça. En revanche, sur votre première phrase, oui, vous avez raison, il y a une très grande cohérence avec ce qu'il a dit en campagne présidentielle. Il fait du travail la valeur centrale. Il dit : je veux réhabiliter cette valeur, et favoriser l'entrée sur l'emploi des jeunes, favoriser le retour des chômeurs sur le marché du travail, travailler davantage et mieux rémunérer et tirer partie des fruits du travail. Il y a une cohérence de toute la chaîne : c'est autour du travail qu'il veut organiser la distribution du pouvoir d'achat.
C. Roux : La fin de l'interventionnisme d'Etat, comme vous dites, c'est une rupture, ça ?
R.- Oui, c'est une forme de rupture, c'est aussi de dire : il faut libérer notre économie, et il faut faire en sorte que la production de richesses soit la clé du pouvoir d'achat. Ce que vous avez dit en introduction est juste, il a dit hier, d'ailleurs textuellement : je ne suis pas le Père Noël. Autrement dit, fin de chèques subventions. Il n'y a pas eu de chèque et de subvention hier, il y a eu une logique : par le travail, nous allons retrouver du pouvoir d'achat de la productivité.
C. Roux : Le problème c'est : « nous allons retrouver du pouvoir d'achat », les Français l'attendaient pour aujourd'hui. A partir de quand, selon vous, les premiers gestes...
B. Toussaint : Les premiers effets... C. Roux : Les Français vont mesurer concrètement - pardon - la portée de ces avances, quand est-ce qu'ils auront plus d'argent dans leur porte-monnaie ?
R.- D'abord, il n'y a pas que les annonces d'hier, lorsque Christine LAGARDE, ces derniers jours, dit par exemple : je vais doubler ce qu'on appelle la prime à la cuve, c'est du très concret, ce n'est pas parce que ça n'a pas été annoncé hier soir par le président de la République que ça ne va pas impacter directement le pouvoir d'achat des Français. Par ailleurs, lorsqu'il dit : vous allez pouvoir racheter vos RTT, c'est ce qu'il a appelé « monétiser les RTT », eh bien, là, ça peut être très concret très rapidement ...
C. Roux : Ça veut dire quoi, très concret très rapidement, c'est quand, est-ce que vous avez une idée d'un calendrier précis ?
R.- Il a dit : début d'année prochaine, je ne sais pas exactement ce qui relève de la loi et du règlement, il faudrait regarder dans le détail, mais ça veut dire que si c'est par la loi, il veut que ce soit fait avant la fin de l'année, si c'est par le règlement, ce sera fait pour le début d'année prochaine. Mais ça veut dire que tout ça, ça peut être très concret très rapidement.
L. Mercadet : Mais pour que ça soit concret... enfin, il y a un truc que je ne comprends pas, ça ne dépend pas des gens, des salariés, des travailleurs de monétiser le RTT ou de faire des heures supplémentaires, ça dépend si l'employeur le donne, le propose, mais ça ne dépend pas des gens qui veulent travailler plus...
R.- Si par la loi et par la négociation, on dit que les droits aux RTT, que vous avez acquis, vous pouvez demander à l'employeur, qu'il soit privé ou public - puisque vous avez entendu hier soir qu'il l'a clairement étendu à la Fonction publique en disant que, elle n'aura pas un statut dérogatoire - vous pourrez à ce moment-là dire à votre employeur, privé ou public : je ne veux pas prendre des jours de RTT, je veux de l'argent. Ça, c'est un changement majeur.
C. Roux : Et ça fait plusieurs fois qu'on nous annonce la mort des 35 heures, cette fois, ça y est, c'est fait ou pas ?
R.- Moi, je n'ai jamais annoncé la mort des 35 heures, et je n'ai jamais entendu le président de la République le dire.
C. Roux : Mais dans les faits, c'est ce qui se passe...
R.- Mais on ne va pas tourner autour du pot...
B. Toussaint : Qu'est-ce qui reste des 35 heures...
R.- La gauche, et je m'en souviens, avait fait les 35 heures payées 39. Est-ce qu'on imaginait le président de la République proposer les 39 heures payées 35 ? Non. En même temps, il considère que les 35 heures ont été une erreur, qu'elles ne sont plus adaptées à la compétition mondiale. Donc qu'est-ce qu'il fait ? Il ouvre un certain nombre de verrous successifs sans toucher à la durée légale. Hier, il a apporté une pierre de plus à l'édifice en disant : on pourra toucher à la durée légale des 35 heures par la négociation de branche ou d'entreprise. Et là, effectivement, si patronat et salariés se mettent d'accord, ils pourront dépasser la durée légale contre une meilleure rémunération. Il y a un élément un peu technique, mais important, qu'il a dit hier, ce qu'on appelle les exonérations de cotisations sociales, il dit : désormais, elles ne pourront s'appliquer qu'en échange d'une augmentation des salaires, autrement dit, en échange...
C. Roux : Ça vous plaît, ça...
R.- Oui, ça me plaît, oui, ça me plaît beaucoup parce que je pense que c'est du donnant/donnant, et qu'il était indispensable, parce que, à la fois, on sait qu'il faut baisser le coût du travail, et peut-être qu'on était allé trop loin dans les exonérations de cotisations sociales non compensées par des augmentations de salaires...
C. Roux : C'est une proposition, pour être clair, qui plaît plus à l'homme de gauche que vous êtes resté.
R.- Je me souviens qu'effectivement le Parti socialiste et moi-même nous avions porté cela. Je dis ça parce qu'il y a un recueil très drôle qui vient de sortir- vous savez, un dessinateur du Canard Enchaîné qui sort un album, où il y a une caricature de moi - qui est plutôt drôle ; je suis avec N. Sarkozy entre les deux tours de l'élection présidentielle, et il y a marqué : "Projet socialiste, ça, c'est une connerie, je le sais, parce que c'est moi qui l'ai écrite". Donc, il m'est parfois arrivé...
B. Toussaint : Vous ne changez pas une ligne de ce dessin. Très bien...
R.-...Il m'est parfois arrivé d'écrire des choses auxquelles je continue de croire.
B. Toussaint : Il s'est passé un truc quand même étonnant hier soir, parce que cette déclaration, cette intervention très attendue du président sur le pouvoir d'achat s'est achevée sur un aveu vraiment pour le moins surprenant du président : il n'y a pas d'argent dans les caisses, les caisses sont vides. Est-ce que vous imaginez comment les Français peuvent réagir à ce genre d'annonce, à ce genre de phrase.
R.- Je crois que les Français le savent, ils savent que nous sommes en déficit, et d'ailleurs, une partie de la campagne présidentielle, pour être juste, d'ailleurs, des trois côtés, si je puis dire, N. Sarkozy, S. Royal et F. Bayrou disaient de ce point de vue-là : l'une des priorités c'est de lutter contre la dette, nous sommes trop endettés. Donc les Français savent qu'il n'y a pas d'argent à distribuer.
B. Toussaint : Mais est-ce le truc à dire le jour où on parle du pouvoir d'achat, c'est un peu bizarre, non ?
R.- Si, je crois qu'il faut le dire en disant : notre obsession, c'est de retrouver de la compétitivité. Vous savez, je reviens de Chine, où j'ai accompagné - j'étais dans la délégation qui accompagnait- le président de la République ; la mondialisation, la compétition mondiale, le fait, et on ne va pas s'en plaindre, qu'un milliard trois cents millions d'hommes sont en train de connaître un taux de croissance très fort, et nous obligent à être compétitifs, c'est une donne, ce n'est pas quelque chose de purement théorique. Et comment font tous les pays européens qui s'adaptent à ça ? Ils sont à la fois plus compétitifs, ils investissent sur l'innovation, la recherche, la formation, et en même temps, ils adaptent leurs outils de protection sociale. Je crois que c'est ça que le président de la République a en tête : s'adapter à la mondialisation, sans toucher à notre protection sociale, en en adaptant les outils. Il l'a dit d'ailleurs sur la banlieue, si vous me permettez de dire d'un mot. Le grand élément hier soir sur la banlieue, ce n'est pas seulement la fermeté - la fermeté, on n'attendait pas, surtout venant de lui, un autre discours - c'est de dire : je vais passer à des aides personnalisées, individualisées, l'aide à la personne, l'aide à la formation individuelle, c'est la même logique.
C. Roux : Alors, un mot de politique quand même. J.-M. Bockel qui a lancé son parti, Gauche moderne, vous, vous aviez lancé les progressistes ; est-ce qu'il y a de la place au fond pour deux minus...
R.- Quel lapsus...
C. Roux :...Deux ministres issus de la gauche... j'ai dit quoi ?
R.- Allez-y, finissez, je ne veux pas répéter...
C. Roux : Ministres, minus... B. Toussaint : Je ne voulais pas relever, parce que j'aurais trouvé ça vraiment...
R.- Et, voyez...
B. Toussaint : Mais enfin, si c'est vous qui le faites...
R.- Je pratique l'autoflagellation, allez-y.
C. Roux : Oui, ça, vous êtes un spécialiste. B. Toussaint : Bon, alors, deux minus alors... C. Roux : Deux ministres issus de la gauche qui créeraient leur parti. Au fond, il n'y en a pas un de trop ?
R.- Je ne crois pas, on est dans une maison commune qui est la majorité présidentielle. On a chacun nos histoires, nos amis, nos réseaux qu'on a développés ; lui, son parti, moi, quelque chose qui est à la fois les Progressistes - un parti - et un cercle de réflexion. Il est probable, pour aller dans le sens de ce que vous dites, un jour, dans quelques semaines, dans quelques mois, qu'on...
C. Roux : Dans quelques semaines, ah oui...
R.- Qu'on se regroupera, qu'on se retrouvera sous une forme à définir, peut-être...
C. Roux : Mais qu'est-ce qu'il faut pour que vous vous regroupiez, qu'est-ce qu'il faut ?
R.- Juste un mot - pardon - peut-être d'ailleurs avec d'autres, il n'y a pas que J.-M. Bockel, il y a ce que fait J.-L. Borloo, il y a peut-être le rapprochement du radicalisme ; les Radicaux de gauche et des Radicaux valoisiens discutent. Cela veut dire quoi, qu'il y a la place probablement en France pour un centre, centre gauche, qui occupe une vraie place sur l'échiquier politique. Cette histoire-là m'intéresse, et elle dépasse largement les éventuelles questions de personnes.
B. Toussaint : La question de Léon. L. Mercadet : Oui, vous revenez de Chine, il y a une question qui est fondamentale pour l'avenir économique de la France et de l'Europe, c'est l'histoire de la monnaie chinoise, la réévaluation du yuan qui est trop faible par rapport à la puissance économique de la Chine. Alors, est-ce que, d'après vos sensations, vous pensez que les Chinois sont prêts à faire le pas et à réévaluer ou alors, si c'est un secret d'Etat, vous le dites, et on ne peut pas en parler ?
R.- Non, je le crois. D'abord, N. Sarkozy leur en a parlé très directement, et ils ont répondu aussi très directement sur le fait...
L. Mercadet : Qu'est-ce qu'ils disent, là ?
R.- Qu'ils étaient conscients de leur responsabilité. Ils ont le sentiment qu'au départ, c'est la Réserve Fédérale américaine qui porte la responsabilité première par les taux d'intérêt bas des Etats-Unis, et en même temps, ils ont accepté leur responsabilité de ce point de vue-là ; il y a eu d'ailleurs un communiqué très clair de l'agence de presse chinoise, qui visiblement avait eu des informations très précises sur l'acceptation par le Premier ministre chinois de ses responsabilités en la matière. Et donc sur...
L. Mercadet : Bon, d'accord, mais, ça, accepter les responsabilités, c'est la langue diplomatique d'Etat...
R.- Non, non, non...
L. Mercadet : Ça veut dire qu'en 2008, ils touchent à leur monnaie, ils la remontent ?
R.- Ils l'ont déjà fait, ils nous ont rappelé par exemple que par rapport au dollar, ils s'étaient réévalués de 10% dans la période récente, ce qui est passé assez inaperçu, notamment à nos yeux, puisque nous, nous parlions surtout de l'euro qui s'est appréciée dans des proportions que tout le monde connaît. Moi, ce qui m'a frappé en Chine, c'est à la fois le discours de N. Sarkozy, qui leur a dit : vous êtes une grande puissance, vous avez des droits et des devoirs. Et j'ai eu clairement le sentiment... et c'était un discours de part et d'autre sans langue de bois, parce que les Chinois ont répondu au style très direct de N. Sarkozy : nous sommes conscients que nous devons assumer plus de responsabilités sur la scène économique, sur la scène internationale, etc. Alors après, je suis d'accord avec vous, il faut que ça se traduise...
L. Mercadet : Par rapport à l'euro...
R.- Par des actes très concrets. Mais déjà, le voyage a jeté les bases d'une discussion extrêmement intéressante.
L. Mercadet : Merci. B. Toussaint : Le « j'aime/j'aime pas », allons-y Caroline ! C. Roux : « J'aime/j'aime pas » J.-M. Cavada, candidat UMP dans le 12ème arrondissement, enfin, UMP, MoDem ?
R.- J'aime bien J.-M. Cavada, et je trouve assez logique ce qu'il a dit sur le fait qu'il était allé au bout d'une amitié et d'une solidarité avec F. Bayrou. Je le comprends parfaitement.
B. Toussaint : « J'aime/j'aime pas » la création officielle du MoDem, ça sera ce week-end ?
R.- La création officielle du MoDem ?
B. Toussaint : Oui, oui, il va y avoir...
R.- Parce que ça n'était pas déjà le cas ?
B. Toussaint : Il va y avoir un congrès qui va officialiser...
R.- Je n'ai pas à aimer ou pas, je respecte parfaitement ce que fait F. Bayrou, même si je n'ai jamais bien compris sa stratégie...
B. Toussaint : Vous parliez tout à l'heure de centre, de centre gauche, tout ça, est-ce que ça sera peut-être un futur partenaire ?
R.- Dans la logique qui est la sienne, non, et en revanche, est-ce que F. Bayrou est malgré cela un homme de qualité ? La réponse est oui.
B. Toussaint : Il aurait fait un bon Premier ministre de S. Royal, c'est ce qui est dans le livre de l'ancienne candidate...
R.- Je ne sais pas. Moi, j'ai quitté avant que la discussion ne s'ouvre, donc je ne peux pas répondre...
B. Toussaint : Donc vous n'avez pas d'avis sur la question. C. Roux : Alors vous avez peut-être un avis sur ce « J'aime/j'aime pas », là, « J'aime/j'aime pas » J. Lang, ministre de la Justice ? B. Toussaint : Ah, c'est la rumeur.
R.- Ministre de la Justice ? Je n'en sais rien. « J'aime/j'aime pas » J. Lang ? J'aime J. Lang...
C. Roux : Il aurait sa place dans l'équipe Sarkozy/Fillon ?
R.- Je n'en sais rien. Ce serait un bon ministre de toute façon. Il a été un très bon ministre, et...
C. Roux : Mais vous ne jouez pas les "go between" dans ce genre de discussion ?
R.- Non, je ne joue pas les "go between", vous savez, N. Sarkozy, lorsqu'il veut contacter quelqu'un, je vais vous dire la vérité, il n'a besoin de personne.
B. Toussaint : Et enfin, « J'aime/j'aime pas » l'interdiction totale de fumer dans les lieux publics à partir du 1er janvier ?
R.- J'aime beaucoup.
B. Toussaint : Donc vous n'êtes pas un fumeur ?
R.- Je ne suis pas fumeur, je ne supporte pas la fumée, et je supporte encore moins qu'on l'impose aux autres.
B. Toussaint : Alors vivement le 1er janvier ! Moi, je suis dans ce camp-là aussi. L. Mercadet : Bonne année ! B. Toussaint : Merci beaucoup E. Besson. C. Roux : Merci.
R.- Merci à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 novembre 2007