Interview de M. François Bayrou, président du Mouvement Démocrate, dans "Matin Plus" du 30 novembre 2007, sur le lancement du MoDem et la stratégie du parti pour les élections municipales de 2008.

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Matin Plus: Vous lancez officiellement le Mouvement démocrate (MoDem) ce week-end. Et L'UDF, où en est-elle ?
François Bayrou : L'UDF se transforme, et c'est bien. La vie, c'est le changement. L'UDF, malgré des efforts nombreux, souffrait d'être regardée comme une annexe de l'UMP. La création du Mouvement Démocrate, c'est un choix politique nouveau, qui se soumet ni à l'UMP de Nicolas Sarkozy, ni au PS, en crise et inaudible. Dès que nous avons annoncé sa création, des dizaines de milliers de personnes nous ont rejoints.

Matin Plus : Dans votre volonté de vous affranchir de la droite, le départ des députés UDF entre les deux tours de la présidentielle vous a-t-il, finalement rendu service en termes d'image ?
FB: En effet, cela a été blessant mais pas si pénalisant au final. Les Français préfèrent une démarche d'intégrité - même si cela entraîne une certaine solitude parmi les élus - à une démarche de complaisance. Je suis persuadé que le jour viendra où les élus, eux aussi, entendront le message de l'opinion publique. C'est une étape qui garantit la liberté que nous avons choisie.

Matin Plus : Ce choix est-il difficile à assumer après le départ de plusieurs fidèles, dont celui de Jean-Marie Cavada, cette semaine ?
FB: Il n'y a aucun mystère dans cette affaire. Cavada voulait à tout prix un portefeuille. Pour prix de ce maroquin, on lui a demandé de se rallier à l'UMP pour conduire une liste dans le 12e arrondissement [à Paris] où il a avoué n'avoir jamais mis les pieds. On lui a également demandé de «tirer à boulets rouges» sur ses anciens amis. Eh bien, il vaut mieux que les gens qui conçoivent ainsi la vie publique ne restent pas avec nous. Cet événement est clarificateur. Il y a une génération nouvelle qui arrive.

Matin Plus : Quelle est votre stratégie pour les municipales? Y aura-t-il des alliances ?
FB: Nous présenterons des listes dans la majorité des villes de France. Quant aux alliances, j'ai choisi l'indépendance pour éviter toute soumission à l'égard de l'UMP ou du PS. Nous avons une conception de la vie municipale qui ne se résume pas au combat des étiquettes. Pour nous, les écoles, la circulation, la propreté, ce n'est plus affaire d'étiquettes. Nous voulons que le travail municipal soit ouvert au pluralisme. Et nous voulons parler de la vie des gens, la vie réelle, les familles, les enfants, les différents âges de la vie plutôt que de politique. Nous acceptons de travailler avec des élus de bords différents. Cela va nous permettre de faire apparaître partout une nouvelle génération de candidats.

Matin Plus : Et vous, comment comptez-vous vous rendre audible ?
FB: Sept millions de Français ont voté pour moi à l'élection présidentielle. Tous les jours, ils me disent combien ils regrettent que nous n'ayons pas gagné. Ils se rendent bien compte que les promesses qu'on leur avait faites ne sont pas tenues, en matière de croissance, de pouvoir d'achat, de pacification de banlieues. Je défendrai un autre projet de société, et je dirai la vérité. La vérité est plus forte que les mensonges.

Matin Plus : Vous vous réclamez de la socialdémocratie, vous semblez avoir des points communs avec Dominique Strauss-Kahn
FB: La France n'acceptera pas qu'on augmente sans cesse les inégalités. La France n'acceptera pas la société de l'argent roi. Dans le même temps, il faut une économie qui marche, des entreprises à qui on fait confiance, il faut arrêter de tout demander à l'Etat, qui n'a plus de moyens et qui creuse tous les jours la dette. Si nous réfléchissons une seconde, alors nous conviendrons tous que cet équilibre-là, ce sera l'équilibre du XXIe siècle. C'est ce que j'appelle la social-économie.

Matin Plus : Pensez-vous que la démocratie soit malade ?
FB: Les règles élémentaires de la démocratie - pluralisme dans la représentation et séparation des pouvoirs - ne sont pas respectées. Un courant qui a représenté 7 millions de Français n'a que quatre sièges à l'Assemblée nationale, il y a quelque chose qui ne va pas ! On devrait au moins en avoir entre 80 et 100. La France est un pays trop centralisé, et la concentration des pouvoirs entre les mains du président de la République est une faiblesse nationale. Nous dénoncerons ces injustices, et nous les corrigerons !

Source http://www.mouvementdemocrate.fr, le 5 décembre 2007