Déclaration de M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, sur la lutte contre l'échec scolaire, Paris le 21 novembre 2007.

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Circonstance : 90ème Congrès des maires et des présidents de communauté de France à Paris du 21 au 23 novembre 2007

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je voulais absolument venir, même en retard, en m'excusant de ce retard, et même si beaucoup de nos collègues ont dû partir, parce que le ministère de l'Education nationale sait combien il a besoin des communes pour réussir l'école primaire, et d'autre part parce que, précisément, l'école primaire, c'est notre objectif principal. Tout se joue là, nous savons qu'il n'y a pas de politique éducative sans une politique à l'école primaire, et lorsqu'on regarde les statistiques comparatives des performances de l'école du premier degré en France par rapport à la plupart des pays qui sont d'un niveau comparable avec nous, les choses ne vont pas bien. Nous consacrons beaucoup de temps, d'argent, de moyens à l'école primaire, plus en moyenne que la plupart des pays voisins - nous ne le regrettons pas, c'est très bien de le faire, il faut continuer - mais, en revanche, les comparatifs, en particulier dans le domaine de l'acquisition des fondamentaux, la langue et la lecture, ne cessent de se dégrader. Dans les dernières statistiques, publiées par des sociétés indépendantes, une enquête qui s'appelle PIRLS va bientôt montrer que nous sommes dans les six derniers des pays comparés. Ce n'est pas normal.
Donc il faut « mettre le paquet » sur l'école primaire, et l'école primaire, c'est la commune, nous le savons. Et nous sommes donc obligés de travailler ensemble, de collaborer, de penser ensemble les diverses politiques.
Je vous dis quelques mots simplement sur ce que nous mettons en place, et sur ce dont nous avons besoin de parler ensemble :
D'abord, nous souhaitons recentrer les programmes de l'école primaire sur l'essentiel. Nous avons le sentiment que les élèves font beaucoup de choses, sans doute trop. Ce n'est pas grave pour les très bons, pour ceux que leur famille aide, pour ceux qui trouvent dans leur environnement un soutien scolaire... mais pour ceux qui sont les plus modestes, dont les familles ne sont pas les plus disposées à les aider scolairement, cette dispersion n'est pas de nature à les scolariser de bonne manière.
D'autre part, nous avons le sentiment que la confiance excessive que l'on a fait à l'initiative de l'enfant, à sa spontanéité, à sa liberté, favorise aussi ceux qui sont déjà les mieux socialisés, et qu'en conséquence les élèves en difficulté sont souvent ceux qui sur le plan social ne vont pas bien.
Lorsqu'on regarde, à la fin de l'école primaire, au moment où on entre en sixième, qui a déjà redoublé une fois, s'il y a des élèves qui ont déjà perdu un an, voire un an et demi, parfois deux ans même, lorsqu'on regarde ces élèves, ils sont à peu près un sur cinq, un peu moins. Lorsqu'on regarde de quelle population sociale il s'agit, on se rend compte que parmi eux il y a 3% de fils d'enseignants, 7% de fils de cadres supérieurs, 25% de fils d'ouvriers, 41% de fils d'inactifs ; c'est-à-dire qu'à la sortie de l'école primaire, on a installé définitivement le déterminisme social sans l'avoir conjuré.
Et cela, l'école primaire ne peut pas se le permettre, parce qu'elle est là précisément pour empêcher ça. Comment l'empêcher ? C'est là que je vais reparler des communes. Je vous rappelle que je suis maire depuis dix ans, et avant, j'ai été adjoint aux affaires culturelles et scolaires pendant deux mandats, donc j'ai connu vos propres problèmes.
Comment le conjurer ?
D'abord, évidemment, en faisant nous-mêmes en école primaire ce que nous avons à faire, c'est notre responsabilité à nous, ministère de l'Education nationale, je ne vais pas insister dessus. Mais aussi en donnant aux élèves qui sont dans ces situations sociales difficiles les mêmes chances que ceux qui ont des familles qui les entourent et qui les soutiennent.
Voilà pourquoi nous encourageons l'installation rapide à l'école primaire, peut-être dès la rentrée prochaine si nous le pouvons, mais au plus tard à la rentrée 2009, de ces dispositifs d'accompagnement éducatif en fin de journée, que nous avons déjà installés, comme vous le savez, pour des collèges de l'éducation prioritaire et que nous mettrons en place pour tous les collèges à la rentrée prochaine. Pourquoi ?
Parce que si ces enfants, lorsqu'ils ont quitté la classe, restent une heure, deux heures, sur le site scolaire, non pour faire encore de l'école stricto-sensu - ce n'est pas parce qu'ils n'aiment pas la soupe qu'il faut leur en donner deux cuillerées de plus tous les soirs - mais pour faire quelque chose de différent, dans de plus petits effectifs, pour faire des exercices différents, pour faire du sport, de la culture, des activités de toutes natures qui les conduisent à se sentir mieux dans la classe, pour parler différemment avec le maître, pour réussir quelque chose, tout simplement. Si nous arrivons à mettre en place ce système très rapidement, nous donnerons à ceux qui sont en situations sociale si difficile ce que les plus aisés trouvent dans leur famille. Quand l'enfant d'un milieu aisé rentre chez lui, ses parents sont là, et s'ils ne sont pas là, il y a des gens qui les gardent, qui leur donnent des leçons, qui les envoient prendre des cours de ceci ou de cela... mais les autres ?
Voilà pourquoi il faut à tout prix que nous réussissions pour ceux que le président de la République a appelé « les orphelins de 16h » - c'est une expression que je n'utilise pas parce qu'elle est un peu dure, mais qui veut dire quelque chose - à organiser cet accueil pour les élèves en difficulté, tous les jours de 16 à 18h, quatre jours par semaine.
Cela pose de gros problèmes aux communes, parce qu'il faut que les écoles soient ouvertes ; cela pose de gros problèmes aux départements parce qu'il va falloir organiser les transports scolaires ; nous en parlons, encore que le primaire, ce n'est pas là que les problèmes de transport se posent principalement, mais c'est une question dont nous avons à débattre.
Et puis, en supprimant le samedi matin, nous avons récupéré deux heures de temps scolaire qui sont dans le service des enseignants, et qu'ils consacrerons, cette fois-ci dans le temps scolaire, aux 15% d'élèves qui sont en plus grande difficulté.
Je ne vais pas détailler l'ensemble des dispositifs que nous souhaitons mettre en place. L'idée, en tous les cas, c'est de créer pour tout le monde un environnement culturel, social, affectif, éducatif et scolaire, qui fasse que les élèves qui sont très tôt en échec scolaire ne soient pas définitivement « plombés ».
Aujourd'hui, un élève qui redouble le CP n'a aucune chance d'avoir le baccalauréat ; les statistiques sont claires, c'est zéro pour cent. Zéro, pas un demi ! Donc nous devons savoir que c'est là que ça se joue, et que c'est là qu'il faut mettre beaucoup, beaucoup de moyens.
Nous avons prévu que les heures supplémentaires que feront les éducateurs ou le personnel municipal qui concourent à l'ensemble de ces actions seront des heures supplémentaires sans charges sociales et défiscalisées, de sorte que ces personnes aient intérêt à le faire, c'est une condition que nous avons pu créer pour les communes, et puis il faut continuer, comme cela se fait déjà, à faire en sorte que l'Etat et les communes travaillent bien ensemble, parce que pour le premier degré, c'est la condition de la réussite.
Je vous félicite enfin, et j'en termine par là, d'avoir parlé de la question de la réussite scolaire en générale et de ne pas avoir oublié le handicap. Nous avons cette année accueilli dans nos établissements 10.000 élèves handicapés de plus que l'année précédente - 38.000. Je crois qu'on a créé les auxiliaires de vie scolaire (AVS) dont nous avions besoin.
Il y a peut-être des difficultés ici ou là, il ne faut pas hésiter ?? nous le signaler, parce que c'est une chance pour l'école et, je dirais, pour ceux qui ne sont pas handicapés, que d'avoir un enfant handicapé dans sa classe. Parce que le climat change, la relation entre les enfants est tout à fait différente, et puis surtout, tout simplement, parce que pour les enfants handicapés, il est tout à fait normal qu'ils soient scolarisés comme tout le monde, cela va de soit.
Voilà ce que je voulais vous dire rapidement, en m'excusant d'être si bref, et d'avoir été si tardif.Source http://www.amf.asso.fr, le 28 novembre 2007