Texte intégral
C. Barbier.- P. Devedjian, bonjour. Bonjour. F. Bayrou a été élu hier président de son MoDem. Reconnaissez-vous la réussite de son opération politique ?
R.- Oui, tout à fait.
Q.- Pouvez-vous dire encore qu'il est un homme seul après un tel rassemblement : plusieurs milliers de personnes, un mouvement qui revendique 40.000 adhérents ?
R.- Je crois qu'il y a une vraie sensibilité centriste dans notre pays, quoi qu'il arrive. Mais simplement, ce que je constate, c'est que F. Bayrou a le génie pour faire le vide autour de lui, que tous ceux qui ont collaboré depuis de longues années à son projet sont partis les uns après les autres.
Q.- 6.800.000 électeurs, ce n'est pas vraiment le vide, c'est ce qu'il a eu au premier tour.
R.- Oui, mais est-ce qu'il les a gardés ?
Q.- Ça, on le saura en 2012, mais personne n'est maître de ses électeurs, pas même le Président.
R.- Enfin, il ne les a pas gardés aux élections législatives, et puis, il ne semble pas les conserver non plus dans les sondages aujourd'hui. Mais pourtant, le centrisme, ça existe en France. Et c'est vrai que le centre a un rôle à jouer.
Q.- F. Bayrou subit les attaques virulentes des centristes qui, eux, ont rallié l'UMP et sont entrés au Gouvernement. "Bayrou est au service d'une dérive personnelle", dit de lui H. Morin, le ministre de la Défense. Est-ce que tous les ralliés de l'ouverture ne sont pas chacun au service d'une dérive personnelle ?
R.- Non, parce que, ce que N. Sarkozy a voulu construire, c'est une "majorité plurielle", d'une certaine manière, c'est-à-dire avoir un pôle UMP, fort, dont j'assure le secrétariat général, avoir un pôle centriste, qui est quand même important, avec le Nouveau centre, et qui consiste, avec H. Morin, F. Sauvadet et beaucoup d'autres, à recueillir justement cette sensibilité centriste qui existe dans le pays, et puis aussi un pôle de gauche, d'une gauche moderne, d'une gauche libérale, d'une gauche ouverte, qui est détachée des idéologies. Et finalement, je crois que cette majorité fonctionne bien comme ça.
Q.- Malheureusement, même pour vous, malgré ces trois pôles, eh bien écoutez, le centre continue à exister indépendamment avec Bayrou...
R.- Bien sûr...
Q.- Le PS n'est pas mort, S. Royal revient. L'opération a un peu échoué, vous n'avez pas épuisé, asphyxié le territoire politique.
R.- Heureusement qu'on n'a pas asphyxié le territoire politique. Mais quand même, cette majorité est forte, cette majorité est solide, et même s'il y a plusieurs courants centristes, l'essentiel il est dans la majorité gouvernementale.
Q.- Le MoDem, dixit Bayrou, sera un mouvement de résistance internationale au modèle dominant de la planète, qui fait de l'argent le pilier central de la construction des sociétés. Est-ce que l'argent est le pilier central de la société "sarkozyenne" ?
R.- Je ne crois pas, non. Mais à force d'ignorer les lois de l'économie, on va aussi dans le mur. Ce n'est pas l'argent qui est le pilier de la société, c'est la croissance, pour pouvoir répartir les richesses plus harmonieusement.
Q.- Il n'y a pas de matérialisme "sarkozyen" ostentatoire ?
R.- Je ne crois pas, non. Je ne crois pas. Mais ça, c'est des petites phrases un peu empoisonnées que l'on entend dans les couloirs.
Q.- F. Bayrou raconte que N. Sarkozy lui a proposé une rencontre au lendemain du premier tour de la présidentielle, et qu'il aurait été son Premier ministre s'il avait accepté cette rencontre, c'est vrai, ça a failli se jouer comme ça ?
R.- Je ne crois pas que ça se soit passé comme ça, non.
Q.- F. Fillon a réuni hier soir les ministres concernés par le pouvoir d'achat. Une loi est annoncée de manière imminente. C'est pour quand ?
R.- Ca va être mis à l'ordre du jour du Parlement, bien sûr, le Président a annoncé toutes les mesures, vous l'avez entendu, il y en a pour plus de 30 milliards...
Q.- Ça, c'est le chiffrage de l'UMP. Alors, comment vous arrivez à ce chiffrage-là ?
R.- Comment on arrive à ce chiffrage ? D'abord, il y a 12 milliards qui ont été débloqués au titre de la participation...
Q.- Si les entreprises veulent bien, et si les salariés veulent le prendre...
R.- Vous savez, s'ils ont besoin de leur pouvoir d'achat, ce que je crois, compte tenu du retard français, ils vont l'employer, et c'est quand même une masse financière considérable. C'est en plus de l'argent qui est à eux, dont ils sont autorisés à disposer, jusque-là, ils ne l'étaient pas, maintenant, ils sont autorisés à en disposer. Donc ça fait 12 milliards. Si vous ajoutez à ça les 6 milliards qui sont consacrés à la défiscalisation des heures supplémentaires, qui sont seulement en service depuis le 1er octobre...
Q.- Ces 6 milliards qui étaient déjà depuis l'été dans le projet, ce n'est pas 6 milliards nouveaux...
R.- Oui mais qui ne fonctionnaient pas. Maintenant, ils fonctionnent depuis le 1er octobre.
Q.- À plein, vraiment à plein ?
R.- Ah oui, à plein, puisque vous avez 6 millions de gens qui utilisent les heures supplémentaires à fin novembre. Donc ça marche.
Q.- Ça marche.
R.- Evidemment, l'effet sur la croissance va mettre un petit peu de temps à se développer, mais ça marche. Ce qui est intéressant d'ailleurs dans cette politique, c'est qu'on échange du loisir - de l'absence de travail - contre du travail ; l'argent qui est injecté, il est injecté avec une contrepartie : du travail. Et puis, vous avez le rachat ou l'échange plus exactement de la RTT contre de l'argent, et là aussi, ça fait quand même une somme importante. Et vous avez les heures supplémentaires dans la fonction publique, plus 25% en plus pour le paiement, dans les trois fonctions publiques, qui vont être désormais payées, là aussi. La montée en charge...
Q.- Ça, c'est payé par les contribuables quand même, ce que vous donnez aux fonctionnaires d'un côté, vous le prenez dans la poche des salariés du privé de l'autre...
R.- Non, non, pas du tout, parce que c'est une créance que les fonctionnaires ont. Ils font des heures supplémentaires, on ne les leur paie pas. C'est quand même un peu injuste de ce point de vue-là.
Q.- Racheter les RTT, c'est bien s'il y a du travail à donner aux gens, est-ce qu'il y aura du travail dans les entreprises à donner pour des heures sup. et des RTT à racheter ?
R.- Voilà, la différence qu'il y a entre la droite et la gauche sur ces questions-là, c'est que la gauche croit que le travail, ça se partage, et nous, nous pensons que le travail des uns crée le travail des autres : quand il y a un peu plus de travail, il y a un cercle vertueux qui s'engage, parce que quand vous avez un revenu supplémentaire, vous créez du travail pour d'autres.
Q.- Alors, 1.000 euros de prime possible dans les entreprises de moins de 50 salariés. Le Premier ministre a ajouté ça hier.
R.- A détaxer...
Q.- C'est le retour à la prime Villepin ?
R.- Non, ce n'est pas le retour à la prime Villepin, puisque c'est totalement détaxé et que c'est un encouragement qui est donné aux petites et aux moyennes entreprises pour le faire.
Q.- Si les loyers sont indexés sur les prix et plus sur l'indice de construction, est-ce que vous n'allez pas casser le dynamisme du BTP en décourageant les promoteurs, ça sera moins intéressant ?
R.- Franchement, il y a d'autres misères que celle des promoteurs tout de même. Le bâtiment va assez bien, et c'est juste aussi de fonder les loyers sur l'indice des prix et non pas sur celui du bâtiment, qui va beaucoup plus vite, enfin, beaucoup plus vite que celui des prix, et qui est en plus affecté par l'énergie. Ce n'est pas tout à fait normal que le prix du pétrole influence le prix des loyers.
Q.- Considérez-vous les 35 heures comme désormais caduques ?
R.- Je les considère comme en voie de réduction, voilà...
Q.- D'extinction ?
R.- Ça sera plus long, parce que ça se fait dans la liberté, et ça se fait dans la convenance. Simplement, il s'agit de montrer aux partenaires économiques que les 35 heures, c'est finalement malthusien, que ça ne fonctionne pas très bien au plan de la croissance, et qu'ils ont peut-être intérêt à en sortir. On leur offre la possibilité d'en sortir en leur proposant l'intérêt d'en sortir.
Q.- Alors si cet argent, ces 30 milliards que vous calculez, retourne dans la poche des Français pour de la consommation, comment allez-vous faire pour que ça ne profite pas...
R.- Ou pour de l'investissement. Je veux dire, c'est de l'argent dont ils feront ce qu'ils voudront...
Q.- S'il y a un problème de pouvoir d'achat, ils vont acheter, donc ils vont consommer, ils vont consommer, on le sait, des produits importés, donc ça ne va pas aider les emplois français...
R.- Oui, pas seulement, pas seulement. Mais bien sûr que c'est un volet de la politique économique : en même temps, il faut investir, en même temps, il faut produire français. Quand le président de la République va chercher 20 milliards de commandes en Chine ou 5 milliards de commandes en Algérie, c'est du travail pour la France aussi. Alors, on peut avoir un rééquilibrage de la balance commerciale par de telles commandes.
Q.- Alors vendre des parts d'EDF, on parle maintenant juste de 3,7% peut-être d'EDF vendues pour financer l'université autour de 5 milliards. C. Lagarde annonce qu'on pourrait continuer en 2008 ; c'est une bonne politique où on revend l'argenterie pour développer les universités ?
R.- Eh bien écoutez, d'abord, l'argenterie c'est l'université, parce que c'est notre futur, c'est la formation de nos jeunes, et c'est aussi là que sont les vraies ressources de croissance. Donc la vraie argenterie, elle est dans l'université, pardon de le dire comme ça. Quant à EDF, il y a de la marge de manoeuvre, je vous rappelle que l'Etat s'est conservé une très forte majorité.
Q.- R. Dati a-t-elle commis une erreur en n'allant pas vendredi à la rentrée du barreau de Paris ?
R.- Je ne crois pas que ce soit très important, non.
Q.- C'est une indélicatesse, en plein conflit sur la carte judiciaire, c'était un signe à donner que d'aller...
R.- Oui, mais enfin, peut-être aussi, les avocats en l'occurrence n'étaient pas animés des meilleures intentions, elle pouvait craindre...
Q.- Un traquenard...
R.- Un traquenard, une bronca, alors qu'elle s'est quand même largement expliquée sur l'intérêt de cette réforme. Franchement, moi, je suis avocat de formation, je trouve que ma profession a parfois manqué d'à propos dans cette réorganisation de notre justice.
Q.- La grogne continue, il ne faut pas réexaminer la carte judiciaire, il ne faut pas tout remettre à plat ?
R.- La carte judiciaire, il faut continuer à la reformer, ça c'est sûr, parce que notre... vous savez, la vraie proximité, c'est celle qui permet de juger rapidement, ce n'est pas d'avoir le tribunal en bas de chez soi, c'est d'être jugé rapidement.
Q.- Garder les condamnés pour pédophilie en centre de détention après leur peine, ce qu'on appelle la rétention de sûreté, est-ce que ce n'est pas un abus de droit ?
R.- Eh bien, ça dépend... ça sera ordonné par un tribunal...
Q.- Il y a un projet de loi qui est là, mais...
R.- Ça sera ordonné par une juridiction, ça serait...
Q.- On condamne et on "surcondamne"...
R.- Non, mais, vous savez, ça a toujours existé la peine de sûreté, par exemple...
Q.- Oui, mais elle est dans la peine. Une fois qu'on a purgé sa peine, se voir finalement gardé !
R.- Mais dans d'autres conditions d'ailleurs, avec des conditions curatives, il y a aussi un problème d'hygiène sociale, de sécurité pour les citoyens, mais vous ne pouvez pas relâcher quelqu'un qui est dangereux.
Q.- N. Sarkozy se rend en Algérie. Ne doit-il pas demander des excuses au ministre qui l'a accusé de servir le lobby juif ou bien condamner sur place les propos de ce ministre, comme l'a demandé F. Hollande ?
R.- Eh bien, fort heureusement, le Président Bouteflika a désavoué ce ministre dont les propos sont bêtes et méchants.
Q.- Et ça suffit qu'il y ait eu ce désaveu ?
R.- L'Etat algérien, il est représenté par le Président Bouteflika, pas par ce ministre tout de même.
Q.- R. Yade, absente du voyage en Chine, absente du voyage en Algérie. À quoi sert une secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme si elle ne va pas dans les pays où il y a des problèmes de Droits de l'Homme ?
R.- Je crois qu'elle s'exprime par ailleurs, elle a une action très forte sur la question des Droits de l'Homme, elle n'est pas obligée d'être de tous les voyages à chaque fois pour être efficace...
Q.- Elle est de peu de voyages...
R.- Franchement ! Vous pointez ses voyages ? Vous trouvez que ça a un intérêt de faire ça ?
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 décembre 2007
R.- Oui, tout à fait.
Q.- Pouvez-vous dire encore qu'il est un homme seul après un tel rassemblement : plusieurs milliers de personnes, un mouvement qui revendique 40.000 adhérents ?
R.- Je crois qu'il y a une vraie sensibilité centriste dans notre pays, quoi qu'il arrive. Mais simplement, ce que je constate, c'est que F. Bayrou a le génie pour faire le vide autour de lui, que tous ceux qui ont collaboré depuis de longues années à son projet sont partis les uns après les autres.
Q.- 6.800.000 électeurs, ce n'est pas vraiment le vide, c'est ce qu'il a eu au premier tour.
R.- Oui, mais est-ce qu'il les a gardés ?
Q.- Ça, on le saura en 2012, mais personne n'est maître de ses électeurs, pas même le Président.
R.- Enfin, il ne les a pas gardés aux élections législatives, et puis, il ne semble pas les conserver non plus dans les sondages aujourd'hui. Mais pourtant, le centrisme, ça existe en France. Et c'est vrai que le centre a un rôle à jouer.
Q.- F. Bayrou subit les attaques virulentes des centristes qui, eux, ont rallié l'UMP et sont entrés au Gouvernement. "Bayrou est au service d'une dérive personnelle", dit de lui H. Morin, le ministre de la Défense. Est-ce que tous les ralliés de l'ouverture ne sont pas chacun au service d'une dérive personnelle ?
R.- Non, parce que, ce que N. Sarkozy a voulu construire, c'est une "majorité plurielle", d'une certaine manière, c'est-à-dire avoir un pôle UMP, fort, dont j'assure le secrétariat général, avoir un pôle centriste, qui est quand même important, avec le Nouveau centre, et qui consiste, avec H. Morin, F. Sauvadet et beaucoup d'autres, à recueillir justement cette sensibilité centriste qui existe dans le pays, et puis aussi un pôle de gauche, d'une gauche moderne, d'une gauche libérale, d'une gauche ouverte, qui est détachée des idéologies. Et finalement, je crois que cette majorité fonctionne bien comme ça.
Q.- Malheureusement, même pour vous, malgré ces trois pôles, eh bien écoutez, le centre continue à exister indépendamment avec Bayrou...
R.- Bien sûr...
Q.- Le PS n'est pas mort, S. Royal revient. L'opération a un peu échoué, vous n'avez pas épuisé, asphyxié le territoire politique.
R.- Heureusement qu'on n'a pas asphyxié le territoire politique. Mais quand même, cette majorité est forte, cette majorité est solide, et même s'il y a plusieurs courants centristes, l'essentiel il est dans la majorité gouvernementale.
Q.- Le MoDem, dixit Bayrou, sera un mouvement de résistance internationale au modèle dominant de la planète, qui fait de l'argent le pilier central de la construction des sociétés. Est-ce que l'argent est le pilier central de la société "sarkozyenne" ?
R.- Je ne crois pas, non. Mais à force d'ignorer les lois de l'économie, on va aussi dans le mur. Ce n'est pas l'argent qui est le pilier de la société, c'est la croissance, pour pouvoir répartir les richesses plus harmonieusement.
Q.- Il n'y a pas de matérialisme "sarkozyen" ostentatoire ?
R.- Je ne crois pas, non. Je ne crois pas. Mais ça, c'est des petites phrases un peu empoisonnées que l'on entend dans les couloirs.
Q.- F. Bayrou raconte que N. Sarkozy lui a proposé une rencontre au lendemain du premier tour de la présidentielle, et qu'il aurait été son Premier ministre s'il avait accepté cette rencontre, c'est vrai, ça a failli se jouer comme ça ?
R.- Je ne crois pas que ça se soit passé comme ça, non.
Q.- F. Fillon a réuni hier soir les ministres concernés par le pouvoir d'achat. Une loi est annoncée de manière imminente. C'est pour quand ?
R.- Ca va être mis à l'ordre du jour du Parlement, bien sûr, le Président a annoncé toutes les mesures, vous l'avez entendu, il y en a pour plus de 30 milliards...
Q.- Ça, c'est le chiffrage de l'UMP. Alors, comment vous arrivez à ce chiffrage-là ?
R.- Comment on arrive à ce chiffrage ? D'abord, il y a 12 milliards qui ont été débloqués au titre de la participation...
Q.- Si les entreprises veulent bien, et si les salariés veulent le prendre...
R.- Vous savez, s'ils ont besoin de leur pouvoir d'achat, ce que je crois, compte tenu du retard français, ils vont l'employer, et c'est quand même une masse financière considérable. C'est en plus de l'argent qui est à eux, dont ils sont autorisés à disposer, jusque-là, ils ne l'étaient pas, maintenant, ils sont autorisés à en disposer. Donc ça fait 12 milliards. Si vous ajoutez à ça les 6 milliards qui sont consacrés à la défiscalisation des heures supplémentaires, qui sont seulement en service depuis le 1er octobre...
Q.- Ces 6 milliards qui étaient déjà depuis l'été dans le projet, ce n'est pas 6 milliards nouveaux...
R.- Oui mais qui ne fonctionnaient pas. Maintenant, ils fonctionnent depuis le 1er octobre.
Q.- À plein, vraiment à plein ?
R.- Ah oui, à plein, puisque vous avez 6 millions de gens qui utilisent les heures supplémentaires à fin novembre. Donc ça marche.
Q.- Ça marche.
R.- Evidemment, l'effet sur la croissance va mettre un petit peu de temps à se développer, mais ça marche. Ce qui est intéressant d'ailleurs dans cette politique, c'est qu'on échange du loisir - de l'absence de travail - contre du travail ; l'argent qui est injecté, il est injecté avec une contrepartie : du travail. Et puis, vous avez le rachat ou l'échange plus exactement de la RTT contre de l'argent, et là aussi, ça fait quand même une somme importante. Et vous avez les heures supplémentaires dans la fonction publique, plus 25% en plus pour le paiement, dans les trois fonctions publiques, qui vont être désormais payées, là aussi. La montée en charge...
Q.- Ça, c'est payé par les contribuables quand même, ce que vous donnez aux fonctionnaires d'un côté, vous le prenez dans la poche des salariés du privé de l'autre...
R.- Non, non, pas du tout, parce que c'est une créance que les fonctionnaires ont. Ils font des heures supplémentaires, on ne les leur paie pas. C'est quand même un peu injuste de ce point de vue-là.
Q.- Racheter les RTT, c'est bien s'il y a du travail à donner aux gens, est-ce qu'il y aura du travail dans les entreprises à donner pour des heures sup. et des RTT à racheter ?
R.- Voilà, la différence qu'il y a entre la droite et la gauche sur ces questions-là, c'est que la gauche croit que le travail, ça se partage, et nous, nous pensons que le travail des uns crée le travail des autres : quand il y a un peu plus de travail, il y a un cercle vertueux qui s'engage, parce que quand vous avez un revenu supplémentaire, vous créez du travail pour d'autres.
Q.- Alors, 1.000 euros de prime possible dans les entreprises de moins de 50 salariés. Le Premier ministre a ajouté ça hier.
R.- A détaxer...
Q.- C'est le retour à la prime Villepin ?
R.- Non, ce n'est pas le retour à la prime Villepin, puisque c'est totalement détaxé et que c'est un encouragement qui est donné aux petites et aux moyennes entreprises pour le faire.
Q.- Si les loyers sont indexés sur les prix et plus sur l'indice de construction, est-ce que vous n'allez pas casser le dynamisme du BTP en décourageant les promoteurs, ça sera moins intéressant ?
R.- Franchement, il y a d'autres misères que celle des promoteurs tout de même. Le bâtiment va assez bien, et c'est juste aussi de fonder les loyers sur l'indice des prix et non pas sur celui du bâtiment, qui va beaucoup plus vite, enfin, beaucoup plus vite que celui des prix, et qui est en plus affecté par l'énergie. Ce n'est pas tout à fait normal que le prix du pétrole influence le prix des loyers.
Q.- Considérez-vous les 35 heures comme désormais caduques ?
R.- Je les considère comme en voie de réduction, voilà...
Q.- D'extinction ?
R.- Ça sera plus long, parce que ça se fait dans la liberté, et ça se fait dans la convenance. Simplement, il s'agit de montrer aux partenaires économiques que les 35 heures, c'est finalement malthusien, que ça ne fonctionne pas très bien au plan de la croissance, et qu'ils ont peut-être intérêt à en sortir. On leur offre la possibilité d'en sortir en leur proposant l'intérêt d'en sortir.
Q.- Alors si cet argent, ces 30 milliards que vous calculez, retourne dans la poche des Français pour de la consommation, comment allez-vous faire pour que ça ne profite pas...
R.- Ou pour de l'investissement. Je veux dire, c'est de l'argent dont ils feront ce qu'ils voudront...
Q.- S'il y a un problème de pouvoir d'achat, ils vont acheter, donc ils vont consommer, ils vont consommer, on le sait, des produits importés, donc ça ne va pas aider les emplois français...
R.- Oui, pas seulement, pas seulement. Mais bien sûr que c'est un volet de la politique économique : en même temps, il faut investir, en même temps, il faut produire français. Quand le président de la République va chercher 20 milliards de commandes en Chine ou 5 milliards de commandes en Algérie, c'est du travail pour la France aussi. Alors, on peut avoir un rééquilibrage de la balance commerciale par de telles commandes.
Q.- Alors vendre des parts d'EDF, on parle maintenant juste de 3,7% peut-être d'EDF vendues pour financer l'université autour de 5 milliards. C. Lagarde annonce qu'on pourrait continuer en 2008 ; c'est une bonne politique où on revend l'argenterie pour développer les universités ?
R.- Eh bien écoutez, d'abord, l'argenterie c'est l'université, parce que c'est notre futur, c'est la formation de nos jeunes, et c'est aussi là que sont les vraies ressources de croissance. Donc la vraie argenterie, elle est dans l'université, pardon de le dire comme ça. Quant à EDF, il y a de la marge de manoeuvre, je vous rappelle que l'Etat s'est conservé une très forte majorité.
Q.- R. Dati a-t-elle commis une erreur en n'allant pas vendredi à la rentrée du barreau de Paris ?
R.- Je ne crois pas que ce soit très important, non.
Q.- C'est une indélicatesse, en plein conflit sur la carte judiciaire, c'était un signe à donner que d'aller...
R.- Oui, mais enfin, peut-être aussi, les avocats en l'occurrence n'étaient pas animés des meilleures intentions, elle pouvait craindre...
Q.- Un traquenard...
R.- Un traquenard, une bronca, alors qu'elle s'est quand même largement expliquée sur l'intérêt de cette réforme. Franchement, moi, je suis avocat de formation, je trouve que ma profession a parfois manqué d'à propos dans cette réorganisation de notre justice.
Q.- La grogne continue, il ne faut pas réexaminer la carte judiciaire, il ne faut pas tout remettre à plat ?
R.- La carte judiciaire, il faut continuer à la reformer, ça c'est sûr, parce que notre... vous savez, la vraie proximité, c'est celle qui permet de juger rapidement, ce n'est pas d'avoir le tribunal en bas de chez soi, c'est d'être jugé rapidement.
Q.- Garder les condamnés pour pédophilie en centre de détention après leur peine, ce qu'on appelle la rétention de sûreté, est-ce que ce n'est pas un abus de droit ?
R.- Eh bien, ça dépend... ça sera ordonné par un tribunal...
Q.- Il y a un projet de loi qui est là, mais...
R.- Ça sera ordonné par une juridiction, ça serait...
Q.- On condamne et on "surcondamne"...
R.- Non, mais, vous savez, ça a toujours existé la peine de sûreté, par exemple...
Q.- Oui, mais elle est dans la peine. Une fois qu'on a purgé sa peine, se voir finalement gardé !
R.- Mais dans d'autres conditions d'ailleurs, avec des conditions curatives, il y a aussi un problème d'hygiène sociale, de sécurité pour les citoyens, mais vous ne pouvez pas relâcher quelqu'un qui est dangereux.
Q.- N. Sarkozy se rend en Algérie. Ne doit-il pas demander des excuses au ministre qui l'a accusé de servir le lobby juif ou bien condamner sur place les propos de ce ministre, comme l'a demandé F. Hollande ?
R.- Eh bien, fort heureusement, le Président Bouteflika a désavoué ce ministre dont les propos sont bêtes et méchants.
Q.- Et ça suffit qu'il y ait eu ce désaveu ?
R.- L'Etat algérien, il est représenté par le Président Bouteflika, pas par ce ministre tout de même.
Q.- R. Yade, absente du voyage en Chine, absente du voyage en Algérie. À quoi sert une secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme si elle ne va pas dans les pays où il y a des problèmes de Droits de l'Homme ?
R.- Je crois qu'elle s'exprime par ailleurs, elle a une action très forte sur la question des Droits de l'Homme, elle n'est pas obligée d'être de tous les voyages à chaque fois pour être efficace...
Q.- Elle est de peu de voyages...
R.- Franchement ! Vous pointez ses voyages ? Vous trouvez que ça a un intérêt de faire ça ?
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 décembre 2007