Conférence de presse de Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, sur la modernisation du MEDEF, la fusion ANPE-Unédic et la conjoncture économique, Paris le 13 novembre 2007.

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Hier, lors du Conseil exécutif, nous avons abordé notamment trois points.
Le patronat du XXIème siècle
Premier point, peut-être pour nous en ce moment de loin le plus important : nous sommes en train d'organiser, d'orchestrer, la mutation de nos organisations patronales vers un nouveau patronat. Je l'ai appelé le patronat du XXIème siècle.
Hier, le Conseil exécutif du MEDEF a approuvé la première étape de cette mutation, de cette transformation en ratifiant les propositions du Comité statutaire. Le Comité statutaire en effet a proposé que, désormais, pour être adhérent de notre organisation, du Mouvement des entreprises de France, il convient :
- premièrement, de disposer, de faire la preuve que l'association adhérente a des comptes certifiés par des Commissaires aux comptes. Et il a été dit hier au Conseil exécutif que la date limite pour se mettre à cette norme - pour ceux qui n'y sont pas encore, car il faut quand même bien comprendre que beaucoup d'adhérents sont déjà certifiés -, la date limite pour se mettre à jour et en conformité avec cette norme nouvelle fait référence aux comptes de 2008. Donc, au plus tard pour les comptes de 2008, toute fédération professionnelle ou toute association territoriale devra pouvoir faire état de comptes, bilan et compte de résultats, certifiés par un commissaire aux comptes.
- Deuxième élément, qui a été également approuvé par le Conseil exécutif : nous demandons à tout président de fédération ou d'association territoriale adhérente de s'engager sur l'honneur à respecter la loi d'une part, et à respecter la mission et l'objet de son association tels que cette mission et cet objet sont définis par ses propres statuts. Ceci a donc été approuvé hier par le Conseil exécutif.
La formulation définitive va être élaborée dans les jours qui viennent et sera définitivement ratifiée par le prochain Conseil exécutif de notre mouvement.
Mais j'insiste sur une chose : cette étape n'est qu'une première étape. Je l'ai déjà rappelé, je crois que chaque jour j'en mesure un peu plus l'importance, j'ai été élue il y a un peu plus de deux ans présidente du MEDEF pour conduire cette modernisation du patronat, pour emmener le patronat vers le XXIème siècle. Et avant même la révélation de l'affaire UIMM, nous avions engagé une démarche, un processus de modernisation, que nous avions appelé « Réseau Ambition 2010 ». Nous vous en avions déjà parlé. Cette mobilisation, ce projet, prend une ampleur, une dimension et une intensité accrues avec les révélations que nous avons comprises ces derniers temps. C'est pourquoi j'ai demandé à l'ensemble des présidents de MEDEF territoriaux et l'ensemble des présidents de fédérations, de se rassembler ici même au MEDEF les 18 décembre et 19 décembre, dans une journée que nous avons appelée le « grand brainstorming ». Le « grand brainstorming », de quoi s'agit-il ? Il s'agit d'une manière collective, d'une manière participative, d'une manière créative de redéfinir ensemble les valeurs que nous voulons porter, que nous voulons promouvoir, les missions que nous voulons nous assigner. Et les méthodes de fonctionnement dont nous devons nous doter. Avec une règle, une ligne directrice qui est très claire et que j'ai indiquée hier à notre Conseil exécutif. Cette ligne directrice est de ne jamais oublier que nous sommes au service des entreprises et des entrepreneurs. Et non pas au service de nos organisations. Comme je l'ai dit hier au Conseil exécutif, j'ai bien lu Michel Crozier quand j'étais étudiante, il y a une tendance naturelle à toute organisation à penser à sa propre défense plutôt que de se concentrer sur la promotion de ceux qu'elle est censée représenter. Donc, la ligne directrice est claire : elle est de parler au nom des entreprises et des chefs d'entreprise. Et les principes de fonctionnement sont clairs aussi. Et là, nous avons un énorme travail à faire. Ces principes de fonctionnement, c'est de faire en sorte que nos organisations vivent, travaillent, fonctionnent, se développent comme nos entreprises. Avec les mêmes exigences, avec le même type de gouvernance. Avec des principes de mesure, de contrôle, de reporting, avec des objectifs, avec bien sûr, de la transparence. Voilà l'ambition, voilà l'objectif, voilà le programme. Sachez qu'il y a unanimité. Pas seulement au Conseil exécutif. J'ai eu l'occasion de parler à différents responsables de nos différentes organisations, j'ai eu l'occasion d'aller sur le terrain ces trois dernières semaines : il y a unanimité dans l'ensemble du mouvement patronal pour aller vers cette direction. Et je crois que l'effort que nous avions déjà prévu, que nous avions déjà anticipé, mais que nous demandons simplement à chacun d'accélérer, nous allons le faire avec, j'ose vous le dire, enthousiasme. Avec enthousiasme.
Fusion Anpe-Unedic
Nous avons abordé également hier en Conseil exécutif, un dossier très important, qui va, je crois, faire l'objet d'un prochain Conseil des ministres : la fusion Anpe-Unedic.
Nous estimons que le projet à ce stade va dans le bon sens. Mais à l'issue de différents échanges, je tiens à vous dire que nous formons le voeu que certains points de la gouvernance envisagée soient améliorés, ou en tout cas précisés. Puisqu'il va y avoir une nouvelle institution qui va être créée, il nous semble très important que le président de cette nouvelle institution puisse être élu parmi les membres du Conseil d'administration de cette nouvelle institution. Alors, je précise pour ceux qui ne sont pas des spécialistes du dossier, que dans un projet initial, il avait été dit que le président de la nouvelle institution ne pouvait être élu que par un des collèges composant le conseil d'administration. Je crois que beaucoup de choses dans la gouvernance des entreprises peuvent servir de modèle. Je l'applique aussi pour la nouvelle institution issue de la fusion Anpe-Unedic : il faut que d'une manière normale, le président du Conseil d'administration, puisse être choisi, élu parmi l'ensemble des membres du Conseil d'administration.
Deuxième point, très important et à mon avis fondamental pour l'efficacité de cette gouvernance : nous souhaitons que le directeur général de cette nouvelle institution puisse être nommé sur proposition du Conseil d'administration. Dans une première version, il avait été dit que le directeur général pouvait être nommé par l'Etat, mais sur simple avis du Conseil d'administration. Il faut qu'il puisse être nommé sur proposition du Conseil d'administration. Il est évident que le Conseil d'administration de la nouvelle institution doit avoir un minimum de responsabilité dans le nouvel ensemble.
Deux derniers points importants dans cette opération. Nous souhaiterions que la question de la sanction soit vraiment clairement précisée. Pour le moment, il est établi que la nouvelle institution va avoir un rôle sur la sanction, mais nous ne savons pas encore quel va être le véritable mécanisme pour prononcer la sanction ultime qu'est la radiation. Sur ce point important, nous souhaiterions avoir des précisions. Et, « last but not least », nous souhaitons que, dans le projet de loi final, soit rédigé de la manière la plus claire qu'il soit le fait que même si l'ensemble de la trésorerie est confiée à l'Accoss, il faut qu'il y ait une garantie très claire de séparation entre la trésorerie gérée par l'Accoss, mais issue de l'Unedic, c'est-à-dire de la collecte des cotisations d'assurance chômage, et les autres sources de trésorerie gérées par l'Accoss. Il n'est pas question qu'il puisse y avoir la moindre perméabilité entre les différentes ressources gérées par l'Accoss. Vous comprenez l'objectif de cette remarque qui est absolument essentiel : si nous sommes tout-à-fait d'accord et si nous soutenons et si nous encourageons cette fusion opérationnelle, il est évident que nous sommes très attachés à ce que, dans le cadre de l'Unedic qui subsisterait bien sûr, la maitrise de la détermination des modalités et des niveaux de cotisations reste entre les mains des partenaires sociaux et également que la trésorerie qui est ainsi engendrée soit bien sous le contrôle des partenaires sociaux.
Voilà le point important sur le dossier Anpe-Unedic. Mais je tiens à souligner que nous allons vraiment, sur cette affaire, dans la bonne direction, et que ça va certainement pouvoir se conclure d'ici la fin de l'année. C'est donc une avancée majeure dans l'évolution de nos institutions. Et probablement, du moins je l'espère, dans la volonté que nous avons tous d'améliorer le fonctionnement du marché du travail. Ceci dit, le Conseil exécutif hier sur ce point a insisté sur le fait qu'il fallait absolument que la nouvelle institution se dote d'indicateurs clairs, mesurables, d'indicateurs dont on peut souhaiter qu'ils soient régulièrement communiqués publiquement et qui permettent ainsi de mesurer l'efficacité, la performance du nouveau système.
Conjoncture économique
Ce n'est pas si facile que cela de faire une synthèse simple, univoque je dirais, de la conjoncture économique aujourd'hui.
Sur quoi sommes-nous tous d'accord ? Premièrement sur le fait que globalement, l'économie mondiale est en bonne forme. On est tous frappé de l'excellente performance des pays émergents. Pour autant, nous relevons beaucoup de facteurs d'inquiétudes ou de zones d'incertitudes. Bien sûr, tout d'abord, la crise financière. Je ne sais pas d'ailleurs si on peut parler véritablement de crise financière puisque tout le monde s'accorde à dire qu'il ne s'agit pas d'une crise de liquidités. Il y a néanmoins une crise de confiance. Dans la note interne du MEDEF, une expression a été utilisée : « un certain stress ». Sur les marchés financiers, et notamment sur les marchés interbancaires. Ce stress, pour reprendre l'expression, engendre sans aucun doute des hésitations chez les différents acteurs économiques.
A cela, s'ajoute l'envolée du prix du pétrole, du prix des matières première en général et notamment des autres énergies. Mais aussi des matières premières tout-à-fait essentielles comme les matières premières alimentaires.
Dans ces turbulences, on constate que certaines zones s'en sortent mieux que d'autres. Et ce qui est tout-à-fait embêtant pour nous, c'est qu'en matière de consommation énergétique, la zone euro ne s'en sort pas très bien. Les USA couvrent à peu près 70 % de leur consommation d'énergie à eux seuls, la Chine plus de 90 %, alors que la zone euro n'est qu'à 33 %. Donc voilà une difficulté propre à la zone euro par rapport aux autres grandes zones avec lesquelles elle est en concurrence.
Ceci est évidemment aggravé par la question du dollar et de la parité euro-dollar qui met à mal encore plus la zone euro. Et de ce point-de vue là, je voudrais souligner le fait que dans les différentes rencontres internationales que nous avons eues ces derniers temps, nous avons été frappés de voir que nos partenaires allemands sont de plus en plus inquiets sur le niveau de l'euro par rapport au dollar. C'est une inquiétude qui n'était pas aussi manifeste il y a à peine 6 mois. Sachez également qu'en marge de la visite du président Sarkozy aux Etats-Unis, il y a eu pour la première fois depuis trois ans une réunion du French American Business Council, et qu'à cette occasion, qui était une occasion de rencontre entre chefs d'entreprise français et chefs d'entreprise américains en présence de membres du gouvernement américain et notamment Henri Paulson, nous avons abordée la question de la parité euro-dollar. Dire que nous l'avons abordée ne veut absolument pas dire que nous avons trouvé des solutions. Mais si je vous dis d'une part l'inquiétude des Allemands, d'autre part le fait que nous avons parlé de cela à l'occasion de la réunion du French American Business Council, c'est vous dire à quel point il nous semble que nous rentrons dans une zone de grande fragilité et à quel point il est nécessaire que s'engage à l'échelle internationale de vraies discussions sur les monnaies, sur les parités. Et nous allons prendre, nous MEDEF, au début de l'année prochaine, une initiative de ce point-de-vue là, notamment dans le cadre de la préparation du G8 patronal qui se tiendra à Tokyo au mois d'avril car nous pensons qu'il est temps qu'il y ait une discussion de haut niveau sur la question des monnaies et qu'il est temps de voir si une nouvelle forme de coopération monétaire internationale ne peut pas être envisagée.
Je terminerai ce point de conjoncture en vous parlant de la France. Ce qui me frappe aujourd'hui, quand je regarde la situation économique de la France et la situation des entreprises françaises, ce sont les écarts de situation. C'est-à-dire qu'il est évident qu'il y a une minorité, une petite minorité, mais une minorité très visible si je puis dire, d'entreprises françaises qui vont bien, qui vont très bien, qui se portent excellemment. Mais il y a une écrasante majorité, alors je ne peux pas vous dire si c'est 90 %, si c'est 95 % des entreprises françaises qui se sentent étranglées. Etranglées. Et dans cette situation, elles sont étranglées parce qu'il y a cette conjoncture internationale délicate que je viens de rappeler, mais elles sont étranglées parce que les réformes de structures, même si elles commencent à être engagées, ne peuvent pas encore produire leurs effets, et puis de grandes réformes de structures ne sont pas même encore engagées. Elles sont étranglées, cela ne veut pas dire qu'elles ne sont pas pleines de potentiel. Cela ne veut pas dire qu'elles sont malades. Elles ont au contraire des éléments extrêmement sains dans leurs produits, dans leurs services, dans leurs technologies, dans leurs ressources humaines. Mais ces éléments ne peuvent pas pleinement s'exprimer. Cela veut dire qu'il faut continuer à probablement envisager une autre approche des choses, notamment sur le plan économique. Et je le dis d'autant plus que, vous vous souvenez, plusieurs fois j'ai attiré votre attention sur un tiercé de chiffres qui résume la problématique économique de la France. Si je regarde l'augmentation des achats des ménages, l'augmentation de la production et l'augmentation des importations. La dernière fois que je vous en ai parlé, j'ai comparé la moyenne de l'année 2006 par rapport à la moyenne de l'année 2000 et je vous ai dit : l'augmentation des achats des ménages de 2006 sur 2000, c'est + 19 %, l'augmentation de la production sur la même période, c'est + 8 % et l'augmentation des importations, c'est + 57 %. Eh bien si j'actualise ces chiffres-là, et si je fais désormais la moyenne du premier semestre 2007, toujours par rapport à 2000 qui est mon point de base, eh bien l'augmentation des ménages, c'est + 23 %, donc toujours une consommation plutôt soutenue, plutôt bonne. L'augmentation des importations, c'est + 66 % ; on avait + 57 %, donc cette augmentation des achats des ménages continue à profiter beaucoup aux importations. Et l'augmentation de la production : + 9 % seulement. On peut peut-être dire qu'il y a un léger mieux en passant de + 8 % à + 9% , quoique je ne sais pas si on n'est pas dans la marge d'erreurs statistiques.
Le problème, tel que nous le posons depuis un certain temps, est toujours là. Et la nécessité de poser les éléments d'une politique économique de l'offre est toujours là également. Cela veut dire qu'il faut vraiment se demander comment, dans les mois à venir, nous pouvons envisager une baisse de la fiscalité, que ce soit celle qui relève des impôts ou bien celle des charges sociales qui pèsent sur les entreprises. Et quand nous disons cela, cela ne veut pas dire forcément qu'il faut inventer une recette nouvelle par ailleurs. On peut élaborer des propositions, mais peut-être que cela veut aussi tout simplement dire qu'il y a certains types d'économies qui peuvent être mises en compensation d'une baisse de la fiscalité et des charges sociales qui pèsent sur les entreprises.
Et c'est pourquoi nous attendons beaucoup, beaucoup, de la revue générale des politiques publiques qui a été initiée par le gouvernement, dont je crois que des premiers éléments vont être communiqués très prochainement. Cela nous semble être un levier majeur pour trouver des moyens de renforcer la compétitivité des entreprises et donc de notre pays. Si je termine sur ce point, c'est que parce que je ne voudrais pas que vous croyez que nous sommes pessimistes, nous pensons qu'il y a des bonnes raisons d'espérer. Je mets dans ces bonnes raisons également le fait qu'il me semble que nous entrons dans une ère de plus grande transparence. Et je pense que cela est très sain, est très prometteur. Et je mettrai ensemble dans un même paquet, tout en disant que cela n'a rien à voir, qu'il me semble que c'est une bonne nouvelle que le budget de l'Elysée ne soit plus un tabou, que c'est une bonne nouvelle qu'on puisse parler, même si c'est douloureux, des régimes spéciaux et de la nécessité de les faire évoluer, que c'est une bonne nouvelle que nous puissions avoir toutes les conditions devant nous pour faire évoluer le patronat et également pour faire sauter les tabous qui étaient dans le patronat jusqu'alors.Source http://www.medef.fr, le 16 novembre 2007