Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, sur le dispositif des Ecoles de la deuxième chance et leur rôle dans l'insertion des jeunes en échec scolaire, Trappes-Elancourt, le 6 décembre 2007.

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Circonstance : Inauguration de l'Ecole de la 2ème chance de Saint-Quentin-en-Yvelines Trappes

Texte intégral

Madame le Premier Ministre, (Mme Edith Cresson, ancien Premier Ministre et Présidente de la Fondation des E2C en France)
M. le Président de la Communauté d'agglomération de St Quentin en Yvelines (Robert Cadalbert)
Monsieur le Maire, (M. Guy Malandain - Maire de Trappes)
Monsieur le Président (M. Michel Maulvault - Président de l'école de l'Ecole de la 2ème chance du 78)
Monsieur le directeur (M. Hervé Demarcq - directeur de l'école de l'Ecole de la 2ème chance du 78)
Mesdames, Messieurs,
Merci de m'accueillir pour l'inaugurationde l'École de la 2e Chance de Saint-Quentin-en-Yvelines-Trappes.
Je tiens avant tout à saluer celle qui a lancé en France en 2004, cette remarquable idée d'école de la 2ème chance : vous, Madame le Premier ministre, suite au Livre blanc de la Commission européenne sur la société cognitive, que vous aviez présenté en 1995.
Je remercie également le Président de cette nouvelle école que nous inaugurons aujourd'hui, M. Michel MAULVAULT, qui se met aujourd'hui au service de jeunes en grande difficulté, après avoir mené une brillante carrière au sein du groupe ARCELOR, ainsi que son Directeur, M. Hervé DEMARCQ.
Je n'oublie pas naturellement toutes les personnes et institutions grâce auxquelles ce projet a pu voir le jour : le Fonds social européen, les collectivités locales, la Chambre de commerce et d'industrie de Versailles et bien sûr, l'Etat, particulièrement la DIV, mais aussi et surtout, les entreprises partenaires : le Laboratoire National de Métrologie et d'Essais, EDF-GDF, DECATHLON, Bouygues, Renault ainsi qu'une vingtaine de PME/PMI locales.
En dépit des réussites incontestables de notre système éducatif, la sélection scolaire et la sélection sociale tendent à faire de nouveau cause commune. La prégnance du déterminisme social dans les parcours de formation a repris de la vigueur. Il se traduit par un manque d'appétence de nombreux jeunes issus de catégories socioprofessionnelles peu favorisées, pour tout type d'études au même moment où la société de la connaissance requiert des salariés de plus en plus qualifiés, de plus en plus compétents et adaptables. On assiste bien à un essoufflement de la méritocratie républicaine par l'école.
Dans certains quartiers, l'école ne parvient plus à instruire. Elle doit parfois se substituer aux familles qui n'arrivent plus à éduquer, si tant est qu'elles le veuillent encore. L'école n'a jamais désespéré autant de jeunes. Chaque année, des milliers d'enfants décrochent dans les « oubliettes » de l'échec scolaire :
* 80 000 d'entre eux entrent en 6ème sans savoir réellement lire, écrire, compter.
* 150 000 élèves sortent du système éducatif sans diplôme ni qualification reconnue.
Sur une décennie, cela fait des cohortes considérables de jeunes.
Ils ne sont pas moins capables que les autres, loin de là, mais ils ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux : rédiger, manier avec aisance une règle de trois ... Or malheureusement, quelle que soit la profession à laquelle on se destine - ou à laquelle on se résigne - ne nous voilons pas la face : il faut avoir les bases élémentaires. Sinon ... on « reste sur le carreau », on connaît à nouveau l'échec au moment de l'entrée dans la vie d'adulte. C'est ce que l'on appelle l'illettrisme. Or, en tant que Ministre chargée de la lutte contre l'exclusion, la lutte contre l'illettrisme, par tous les moyens appropriés, entre justement dans les combats que je veux mener.
A mes yeux, parmi les moyens appropriés pour lutter contre l'illettrisme, figurent les dispositifs que l'on peut qualifier de « 2ème chance ».
L'Ecole de la deuxième chance en est un.
Elle s'adresse à des jeunes de 18-26 ans, sortis sans diplôme ni qualification du système scolaire, qui sont volontaires pour « retourner à l'école » tout en étant accompagnés vers une formation ou une activité professionnelle.
Ce que l'Ecole de la 2ème chance offre à ces jeunes, c'est donc la possibilité de se faire une place dans le monde des adultes. C'est la possibilité d'un vrai départ, d'un développement personnel et d'un projet pour l'avenir.
Les jeunes d'aujourd'hui aspirent tous à un travail, à un logement pour vivre « comme tout le monde ». Mais ils ont avant tout besoin du regard de la société, sans condescendance et sans complaisance. Ainsi, au-delà des perspectives d'emploi, ils obtiendront dans vos murs, une rétribution symbolique majeure : la reconnaissance.
Les écoles de la deuxième chance sont entrées officiellement dans le paysage de la formation, grâce au fameux « amendement Bockel », introduit dans la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance.
Un décret devait être pris en application de ce texte, prévoyant notamment la possibilité pour les écoles de la 2ème chance de percevoir des versements exonératoires de la taxe d'apprentissage. C'est aujourd'hui chose faite ! Je me suis assurée auprès du Premier Ministre de sa signature par les Ministres concernés. Il va paraître au JO dans quelques jours.
C'est bien sûr une étape importante, puisqu'elle garantit aux écoles de la 2ème chance le bénéfice de ces versements. Mais pour moi, ce n'est qu'une étape, il faut maintenant que nous engagions ensemble le travail pour que vous soyez éligibles à ce type de versements sans aucune restriction.
Vous comptez aujourd'hui une quinzaine d'écoles dans votre réseau. 2/3 des jeunes qui passent par vos structures obtiennent au bout d'un an un emploi ou une formation, dans des secteurs d'activité en déficit de recrutement. C'est donc un grand succès.
Cette réussite tient à deux choses :
* la première, c'est la mise au point d'une méthode d'apprentissage originale mixant l'acquisition à la fois des savoirs fondamentaux et des aptitudes sociales : encadrés par des personnes d'expérience, les jeunes ont la possibilité de développer leur esprit d'initiative, de poursuivre leur quête d'autonomie et de responsabilité. L'apprentissage des « savoirs être », les initient aux comportements adaptés au monde du travail et aux exigences des employeurs.
* La seconde, c'est le rapprochement du monde de l'éducation et du monde de l'entreprise sur le mode de l'alternance. Je crois beaucoup dans le développement de la formation en alternance, parce qu'elle est une passerelle directe entre le monde des études et le monde du travail et qu'elle répond à l'aspiration de très nombreux jeunes à une entrée rapide sur le marché du travail. Il faut en finir avec une vision rétrograde d'un enseignement dit classique, qui serait au-dessus de l'enseignement plus professionnalisant. A chaque jeune ses aspirations et ses objectifs professionnels. C'est à l'enseignement de s'adapter à cette diversité et non l'inverse !! Les écoles de la 2ème chance démontrent une nouvelle fois la pertinence de la formation en alternance.
Cette meilleure adéquation entre les jeunes en quête d'emploi et les entreprises, qui manquent souvent cruellement d'effectifs, c'est justement une des grandes ambitions du plan « Respect égalité des chances » en direction des jeunes des quartiers fragiles de notre pays, élaboré en ce moment par Mme Fadela Amara, Secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, et qui va être lancé en janvier prochain.
Je sais l'attention particulière que vous accordez depuis 2 ans à l'accueil de jeunes en provenance des quartiers fragiles et je considère donc votre dispositif comme un réel acteur de la politique de la ville, que nous voulons promouvoir pour sortir les jeunes de l'échec et de l'enfermement.
Mesdames, Messieurs,
Votre établissement de Trappes pourra accueillir à terme environ 100/110 jeunes par an.
Je sais par ailleurs que l'objectif est d'ouvrir 2 établissements supplémentaires dans le département : un aux Mureaux et un dans le Mantois probablement avant la fin de l'année prochaine.
Vous pouvez compter sur moi pour l'essaimage de votre Réseau des écoles de la 2ème chance. J'ai demandé à la Délégation interministérielle à la ville de vous apporter son plus complet soutien et de me signaler toute difficulté.
Grâce au soutien de la DIV, vous avez déjà pu recruter une chargée de mission pour impulser et accompagner une démarche qualité avec l'élaboration d'un label, et mettre en place une commission nationale de labellisation au sein de laquelle va siéger la DIV.
Vous avez pu aussi impulser une expérimentation pour ouvrir 5 écoles aux 16-18 ans, car on sait bien que le décrochage intervient dans cette période cruciale après 16 ans, lorsque l'école n'est plus obligatoire !
Je vous annonce que la DIV accompagnera aussi vos nouveaux projets, à Vaulx-en-Velin, Valence, Grenoble, Laval et je ne les cite pas tous...
Mesdames, Messieurs,
Je veux permettre à chacun, de faire sa place dans la société. Je veux permettre à chacun, de prendre son destin en main. Je pense que nous devons sortir d'une vision trop restrictive du savoir et valoriser les savoirs acquis par l'expérience tout au long de la vie, au delà d'un diplôme et de la formation initiale.
Ce doit être une ambition et un défi partagés que de reconstruire, tous ensemble, une société ré-agrégée, forte et confiante dans l'avenir.
Chacun d'entre nous, a son rôle à jouer pour faire de ces jeunes, des hommes et des femmes « capables ». Capables de construire leur vie, avec les autres, dans leur métier, dans leur famille, dans leur quartier. En somme, capables d'être heureux et libres.
Je vous remercie d'être un acteur essentiel et engagé de cette vaste ambition.Source http://www.ville.gouv.fr, le 13 décembre 2007