Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre, du travail, des relations sociales et de la solidarité, sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, la promotion de la diversité et la lutte contre toutes les formes de discriminations au travail, Paris le 4 décembre 2007.

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Circonstance : Forum CFTC de l'égalité des chances à Paris le 4 décembre 2007

Texte intégral

Monsieur le Président, (Jacques VOISIN)
Mesdames, Messieurs,
[Merci Monsieur le Président de m'avoir invité à cette grande réunion et de me permettre de m'exprimer devant vos adhérents et militants réunis en si grand nombre].
Le Forum « La diversité un point c'est tout » qui vous réunit aujourd'hui et demain, je le sais, est un moment important pour vous. C'est aussi un moment important pour moi, car j'ai souhaité mettre ce thème de l'égalité des droits et des chances au coeur du dialogue social.
En effet, l'entreprise doit également être le lieu d'expression de la diversité, avant tout parce que cette diversité présente un intérêt économique et social. A l'heure où la ressource humaine commence à se raréfier, tous les gisements d'emploi doivent être mobilisés, y compris ceux auxquels les employeurs ne pensent pas spontanément. Et le capital humain, c'est ce qui fait la richesse de nos entreprises et donc de la France.
Vous le savez, j'ai organisé la semaine dernière, au ministère du Travail et des Relations sociales, une conférence tripartite sur l'égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes, ainsi que le Président de la République me l'a demandé. Cette conférence a permis de dégager, dans la concertation, des pistes d'action concrètes, et j'aimerais très simplement saluer ici le rôle qu'y a joué la CFTC. Vos propositions ont été pour moi une base de travail importante, et même si toutes n'ont pas pu être retenues, je crois pouvoir dire que les points de sortie de la conférence sont conformes à l'esprit des attentes de vos représentants.
Mais l'égalité des chances et des droits doit pleinement s'exprimer sous d'autres aspects que ceux liés au genre. Il est de mon devoir en tant que ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, de favoriser la diversité dans le monde du travail et de lutter contre toutes les formes de discrimination dans l'emploi. J'y reviendrai.
I. Sur l'égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes tout d'abord :
En matière d'égalité salariale, nous devons commencer par mieux appliquer les règles existantes. Depuis 1972, la France s'est dotée d'un arsenal juridique très complet visant à réduire les écarts de rémunération et à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. L'on constate pourtant que la loi demeure inappliquée et, de fait, que les inégalités salariales persistent (20 % à 25 % d'écart, dont 6 à 10 % demeurent inexpliqués et peuvent donc être considérés comme discriminatoires).
Depuis la loi du 13 juillet 1983, les entreprises de plus de 300 salariés doivent produire un rapport de situation comparée et, pour celles comprises entre 50 et 300 salariés, un rapport simplifié. Or, 30 % seulement des entreprises satisfont à l'obligation de produire ce rapport. Nous allons donc adapter ce document.
Je sais que la CFTC sera attentive à ce que le rapport de situation comparée ne soit pas édulcoré. Je veux vous dire ici qu'il ne s'agit en aucun cas d'aboutir à une coquille vide. Je pense qu'on peut rendre ce document plus performant, plus opérant sur certains points, notamment sur la question de la rémunération et du plan d'action.
Pour rénover le rapport de situation comparée, je vais demander notamment à des directeurs de ressources humaines de faire, avant fin décembre, des propositions d'amélioration de ce document. Ces propositions seront ensuite étudiées dans le cadre du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, qui pourrait, lui, en ayant une discussion ouverte, proposer un nouveau document. Au plus tard pour le 1er mars 2008, ce premier travail sera effectué. L'Etat mettrait ensuite ce nouveau rapport à la disposition des entreprises par Internet, dès le mois de juin 2008.
Le rôle de vos délégués syndicaux et de vos représentants du personnel dans les comités d'entreprise est à cet égard essentiel : je souhaite favoriser le financement des actions spécifiques de formation, permettant de mieux analyser les données et de mieux suivre les plans d'action.
La même logique doit s'appliquer au niveau territorial. Je vais donc demander aux préfets de réunir les partenaires sociaux sur le thème de l'égalité professionnelle, et ce au cours du premier semestre 2008.
Par ailleurs, la CFTC est très attentive à la situation des entreprises de moins de 50 salariés : elles ne sont pas oubliées dans ce plan d'action. L'idée, même s'il n'y a pas d'obligation pour elles de produire un rapport de situation comparée, c'est qu'elles se conforment à leurs obligations de négociation annuelle. Je souhaite donc qu'on mette en place un groupe de travail dans le cadre du conseil supérieur de l'égalité professionnelle, pour disposer d'outils de diagnostic qui soient fondés sur des données existantes concernant ces entreprises.
Il faut rappeler aussi l'intérêt des négociations au niveau des branches, qui trouvent à s'appliquer dans les entreprises de moins de 50 salariés.
Le deuxième principe central dans ce plan d'action, c'est que les entreprises doivent intensifier le processus de négociation. Seules 3 % des entreprises ont ouvert des négociations sur l'égalité professionnelle ou salariale à ce jour ; ce chiffre est ridicule s'agissant d'une obligation légale !
L'Etat, vous le savez, ne peut évidemment pas décréter des augmentations de salaire. Il est impératif en revanche pour les entreprises de respecter loyalement l'obligation annuelle de négociation à laquelle elles sont tenues depuis la loi du 23 mars 2006 et de conclure des accords sur l'égalité salariale.
Offrir une progression salariale plus soutenue en direction des femmes pour opérer le rattrapage, c'est notre objectif. C'est-à-dire qu'il n'y ait pas de blocage des salaires, mais il y ait une enveloppe spécifique pour le rattrapage salarial. Des entreprises de télécommunication ou des grandes banques l'ont fait : c'est donc possible.
L'égalité salariale, il ne s'agit plus seulement d'en parler, il faut la faire. C'est une question de justice sociale et nous avons une obligation de résultat. Ces négociations devront donc avoir abouti au 31 décembre 2009.
Enfin, si tout cela n'a pas suffis, et c'est le troisième temps de ce plan d'action, des sanctions financières seront prononcées à l'encontre de toute entreprise qui, au 31 décembre 2009, n'aurait pas, alors même qu'elle y est tenue, mis en place de plan de résorption des écarts sur la base du rapport de situation comparée, lui-même accompagné de l'avis motivé du comité d'entreprise.
Cette sanction financière pourrait par exemple, être exprimée en pourcentage de la masse salariale. Il faut que la sanction soit suffisamment dissuasive pour que les entreprises se disent qu'il vaut mieux jouer le jeu. Pour la mettre en place, je devrai recourir à la loi.
Je veux en outre que cette sanction soit utile, constructive, qu'elle ait une vocation redistributive. Je souhaite donc que les ressources dégagées par la pénalité soient redéployées, au bénéfice d'entreprises souhaitant engager une démarche en faveur de l'égalité professionnelle.
A côté de ces mesures en faveur de l'égalité salariale, nous devons aussi lutter contre les facteurs structurels des inégalités professionnelles qui créent des discriminations.
La mixité, tout d'abord. Nous le savons : les mentalités doivent évoluer, et nous devons faire de la lutte contre les stéréotypes une priorité. Plusieurs initiatives ont déjà été prises, par exemple dans le BTP, où une campagne de recrutement de femmes comme conductrices de grue ou comme peintres en bâtiment, a été menée. On voit que cela produit des résultats immédiatement, et que cela permet aux femmes de progresser dans la grille des salaires.
Notre système éducatif doit donc être davantage tourné vers la mixité professionnelle. En matière d'apprentissage par exemple, je donnerai les instructions pour que les Contrats d'objectifs et de moyens qui sont signés entre l'Etat, les Régions, et éventuellement les branches, incluent bien des objectifs de féminisation.
La deuxième priorité sur laquelle nous devons axer nos efforts est le temps partiel subi. La Conférence sociale du 26 novembre a particulièrement insisté sur le « temps partiel éclaté », cette pratique qui consiste à prévoir jusqu'à plusieurs heures entre deux plages de travail, ce qui peut conduire à un temps de présence dans l'entreprise très important. Les caissières, les agents d'entretien connaissent bien cette situation. Les salariées concernées cumulent alors les difficultés : transport, garde d'enfants et faible qualification. La CFTC a d'ailleurs préconisé un meilleur aménagement des horaires de travail.
C'est pourquoi je souhaite, organiser très prochainement une table ronde avec les branches qui utilisent le plus de temps partiel, en ayant comme double objectif d'analyser les causes structurelles du recours au temps partiel éclaté et de trouver des réponses sur des questions comme l'amplitude horaire, le déploiement prioritaire vers le temps plein, la polyvalence, le développement de la formation, de la multiactivité ou encore des groupements d'employeurs, autre proposition de la CFTC.
Enfin, j'aimerais aborder le sujet qui me semble le plus central dans les facteurs structurels : l'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle. La CFTC y a été particulièrement attentive durant les travaux préparatoires de la conférence sur l'égalité professionnelle et a été une force de proposition. Cette articulation est nécessaire pour l'équilibre de la famille et pour mieux vivre ensemble dans la société.
La maternité ne doit pas pénaliser le déroulement des carrières. Si les femmes ont envie d'être à la fois mères et de réussir leur carrière professionnelle, si c'est cela leur choix, nous devons tout faire pour les y aider.
Sur le mode de garde, nous allons très prochainement commencer à travailler sur le droit de garde opposable en associant l'ensemble des partenaires sociaux. Je suis également d'accord pour qu'on puisse intégrer dans cette réflexion la question des parents dépendants, comme la CFTC l'a proposé à l'occasion de la conférence : cette conciliation là doit aussi être prise en compte.
Voilà succinctement résumés les points de sortie de la conférence sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui a poursuivi le double objectif de lutte contre les discriminations dont sont victimes les femmes au travail et de promotion de la mixité dans l'entreprise.
C'est un des aspects de la lutte contre les discriminations en général, sur lequel nous avançons, mais ce n'est pas le seul.
II - S'agissant de la promotion de la diversité et de la lutte contre toutes les formes de discrimination :
Le droit français, vous le savez, comporte de nombreux textes relatifs à la lutte contre les discriminations, notamment en matière d'emploi. Je ne vais pas faire ici le rappel de toutes les lois intervenues depuis trente ans. Je voudrais simplement souligner que beaucoup d'entre elles découlent des engagements internationaux et européens de la France.
A cet égard, je vous annonce que le gouvernement soumettra prochainement au parlement un projet de loi parachevant la transposition des directives communautaires relatives à l'égalité de traitement entre les personnes, notamment en matière d'emploi et de travail, à la demande de la Commission européenne.
Il s'agit de préciser la définition des discriminations directes et indirectes (exemple : un critère de taille dans une offre d'emploi, qui s'il n'est pas justifié, peut entraîner l'exclusion de beaucoup de femmes), de mieux poser l'interdiction d'enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination, et de mieux défendre les droits des victimes de discriminations (par l'aménagement de la charge de la preuve devant une juridiction civile). Avant la fin de l'année européenne de l'égalité des chances pour tous, la France se sera ainsi mise en parfaite conformité avec le droit communautaire.
Le Gouvernement français soutient par ailleurs la campagne française, lancée vendredi dernier, de soutien à l'action de l'Organisation internationale du travail, dans sa défense des droits fondamentaux au travail et sa promotion du travail décent, avec pour thème, cette année, des discriminations au travail. Elle a commencé par une campagne d'affichage dans les transports parisiens et se déclinera dans d'autres grandes villes.
Forts de ces instruments, il nous faut continuer à encourager toutes les formes de diversité dans l'entreprise.
En France, l'âge a longtemps servi de variable d'ajustement du marché du travail. La conséquence, c'est que le taux d'emploi actuel des personnes âgées de 55 à 64 ans est de 37,9 %, parmi les plus bas de l'Union européenne. Les partenaires sociaux et les pouvoirs publics visent ensemble à porter ce taux à 50 % d'ici à 2010.
C'est un vrai défi économique, car les entreprises devront faire face à de réelles difficultés de recrutement et de perte de savoir faire : la mixité des âges, en permettant d'assurer la transmission de la mémoire et des savoir-faire, est un élément de compétitivité des entreprises. A cet égard, le Gouvernement a décidé ne plus favoriser les préretraites, en augmentant notamment la contribution sociale due par les employeurs qui y recourent.
En ce qui concerne l'emploi des personnes handicapées, le rapport que m'a remis Patrick Gohet fin août dernier souligne que de réels progrès ont été accomplis : le nombre de travailleurs handicapés en recherche d'emploi a en effet baissé de près de 10 % depuis la parution de la loi du 11 février 2005. Néanmoins, l'obligation d'emploi d'au moins 6 % de personnes handicapées, réaffirmée par la loi du 11 février 2005, n'est aujourd'hui toujours pas atteinte, dans les secteurs public et privé. Il nous faut encore développer l'accessibilité à l'emploi des personnes handicapées, en incitant les employeurs à dépasser les barrières de la discrimination.
Je veux également aborder le sujet des discriminations à l'embauche en raison de l'origine, réelle ou supposée, des candidats. Je salue l'action déterminante de la HALDE, dont vous parlera son président, Louis Schweitzer. Il faut également compter sur les syndicats et les associations, qui osent porter devant la justice les cas avérés de discrimination, nous l'avons vu récemment dans une affaire de fichage ethnique.
Mais au-delà de la sanction, je compte surtout sur la diffusion des bonnes pratiques et l'exemplarité pour encourager la diversité des origines au sein de l'entreprise. L'accord national interprofessionnel sur la diversité, signé en octobre 2006, par l'ensemble des organisations représentatives du personnel et des employeurs, donne des orientations très positives, qu'il convient de concrétiser. Je serai attentif à la poursuite de sa mise en oeuvre par les partenaires sociaux. Ce que je constate, c'est que la CFTC contribue à cette mobilisation des acteurs qu'encourage l'accord interprofessionnel.
Je rappelle en outre que la promotion de la diversité est l'une des composantes de la responsabilité sociale des entreprises, qui tend à se développer et que des agences de notation peuvent valoriser.
Toujours dans le registre de l'incitation des entreprises à développer ces bonnes pratiques, un label diversité sera mis en place en 2008, sur le modèle du label égalité qui récompense les entreprises qui s'engagent pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Il pourrait par exemple tenir compte de la mise en place d'un prérecrutement anonymisé ou des efforts de l'entreprise en matière de sensibilisation à la diversité.
Mesdames et Messieurs, voilà ce que je voulais vous dire, pour vous présenter l'action qui est la mienne actuellement sur le front de la diversité dans l'entreprise, en faisant un zoom sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui nous a mobilisé il y a peu de temps.
Cette action, elle ne peut pas se faire sans vous. Je connais l'engagement qui est celui de la CFTC, je connais l'humanisme qui vous anime, et je veux saluer ici tout particulièrement le grand projet que vous menez depuis bientôt trois ans, en faveur de la « mixité, l'égalité et la qualité de vie au travail » (MEQ).
Vous avez mobilisé des milliers de militants autour de plusieurs dizaines d'actions dans toute la France, durant ces trois ans, car vous avez compris que c'est sur le terrain que l'on apporte les bonnes solutions. S'agissant de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, elle tient évidemment une place centrale dans votre projet, et je me félicite que la Conférence qui vient d'avoir lieu ait permis de doter les partenaires sociaux d'outils nouveaux pour avancer sur ces questions.
Je voudrais conclure mon intervention en abordant le sujet de la diversité syndicale. Les salariés, les entreprises, la France ont besoin de ce pluralisme syndical pour assurer un dialogue social de qualité. Au moment du lancement de votre campagne pour les élections prud'homales du 3 décembre 2008, je veux rappeler que ce sont les salariés qui décideront de la force de chaque syndicat.
Je sais qu'avec la CFTC, je peux compter sur l'engagement et le dynamisme d'un grand syndicat humaniste, et je voudrais vous dire très simplement que vous aussi, vous pouvez compter sur moi.Source http://www.cftc.fr, le 19 décembre 2007