Texte intégral
Je commencerai par exprimer deux regrets. Le premier c'est que je déteste conclure un débat que je n'ai pas pu entendre, mais j'avais une réunion sur l'hébergement d'urgence, pour trouver avec le secteur associatif le moyen de lever ses interrogations légitimes sur la question. Et mon deuxième regret est que vous êtes si nombreux à ce colloque que je n'ai pas pu vous accueillir au haut commissariat comme prévu initialement !
Je fais partie de ceux qui ont alerté depuis un certain temps les partenaires de l'IAE sur les critères d'évaluation, qui ne sont pas bons, car prendre comme critère d'évaluation des sorties vers des CDI à plein temps, cela ne tient évidemment pas la route. La première fois que j'ai participé à des journées d'insertion dans un département, le conseil général avait demandé à un cabinet privé de procéder à l'évaluation des SIAE, sans donner aucune consigne sur les critères à utiliser, et sans non plus consulter les acteurs. Le cabinet privé a donc apporté un diaporama très bien fait, montrant des taux de réussite qui n'étaient pas bons, ce qui a suscité un tollé !
Cela a au moins eu le mérite de montrer que les objectifs de l'insertion, le moyen de mesurer ses résultats ne peuvent être définis par une méthode simpliste. Cela étant, des indicateurs plus adaptés, plus consensuels, sont difficiles à trouver, ils n'existent pas vraiment. C'est un premier chantier que nous aurons à prolonger dans le cadre de ce qui s'appelle - grâce à Nathalie Bartman, ici présente, qui a interpellé à ce sujet le président de la République à Dijon - un « Grenelle de l'insertion ».
Autre question : que faire des contrats aidés, faut-il un contrat unique d'insertion ? Depuis un certain temps, nous assistons à des modifications sans fi n des appellations, caractéristiques, normes, etc., des contrats aidés. On n'a jamais pris le temps de mettre tout cela à plat. Il y a des détracteurs des contrats aidés, qui reprochent à ceux-ci de ne pas diminuer le taux de chômage, d'être inefficaces, alors qu'ils mobilisent 2,7 milliards d'euros d'enveloppe.
J'ai récemment entendu dans un chantier que j'ai visité un encadrant qui regrettait qu'à l'issue de son contrat de 24 mois, un salarié doive « retourner à la rue ». Un directeur de l'ANPE lui a alors répondu que c'était la vocation de l'insertion de préparer au retour à un emploi classique. Or, quand je lui ai demandé ce qu'il avait comme offre d'emploi pour ce monsieur, il est devenu très flou, a dit qu'il n'en avait pas pour ce monsieur. Il s'agissait de quelqu'un qui avait connu de très grandes difficultés, avait un handicap physique, mais ne voulait pas passer par les Cotorep et préférait travailler. Mais il n'aurait pas été embauché par une entreprise. Il n'avait pas de diplôme, et pourtant tous les salariés le considéraient comme le chef, parce qu'il avait de l'expérience. De la même façon, à Dijon, le président de la République a rencontré des personnes qui lui ont dit qu'elles ne voulaient pas passer Noël aux Assedic, d'autres ont réclamé de « travailler plus » que les 26 heures prévues par les contrats aidés. Tout cela avec une parfaite spontanéité.
Aussi faut-il distinguer les cas où l'insertion est vraiment un temps de transition vers un emploi classique des cas où l'insertion doit être un soutien durable, car l'alternative n'est pas alors entre être en insertion et être en emploi classique, mais plutôt être en contrat d'insertion ou être au RMI, au chômage ou dans d'autres allocations... Il faut pouvoir donc répondre à ces deux cas possibles, sans juger l'un par rapport et l'autre et vice versa. Autour du premier cas, il faut obtenir un engagement de l'employeur à déboucher sur un emploi pérenne, ne pas faire de turn-over, ne pas utiliser les dispositifs d'insertion uniquement comme des dispositifs d'allégement du coût du travail en ne prévoyant pas de débouché sur un emploi durable. Il faut aussi que la formation, l'accompagnement, etc. soient accessibles. Dans l'autre cas, celui des gens qui ont besoin d'un soutien durable, le fait de rester dans une SIAE pour ceux qui n'aspirent pas à autre chose ne doit pas être vécu comme un échec, et il ne doit pas y avoir de couperet temporel.
S'il y a un consensus là-dessus - cette vision est peut-être un peu binaire -, il faut ensuite voir comment cela se traduit en termes d'instruments juridiques, de financement, d'objectifs, de méthodes, etc. Il ne faut pas non plus mettre les personnes dans des cases jusqu'à la fin de leurs jours...
L'instrument le mieux adapté est donc un contrat unique d'insertion, contrat qui n'est pas un cadre rigide mais un outil modulable, dans lequel on tient compte du couple employeur-employé, pour voir déterminer s'il faut un CDI ou un CDD, à temps plein ou à temps partiel, s'il faut concentrer l'aide sur la subvention du coût du travail, la formation, le tutorat, etc. C'est ce qu'on commence à faire avec un certain nombre d'acteurs, en étudiant les besoins des personnes, la demande du secteur économique. Cela amène à se poser la question de la finalité de l'IAE et donc de la nature et du mode de son financement, en rediscutant notamment de la part de son financement issue de son activité, de la part correspondant à son rôle social, etc. Car il y a des structures qui tirent la majorité de leurs ressources de leur activité, d'autres beaucoup moins. Si on voit bien l'intérêt de cet autofinancement pour les structures, on sait aussi quel est le risque lorsqu'on fait pression sur les SIAE pour qu'elles le développent. Ce risque est que les structures et les travailleurs sociaux se retrouvent avec une injonction paradoxale, leur disant d'un côté « vous êtes là pour vous occuper des gens cassés », et leur imposant de l'autre côté des critères qui les incitent à sélectionner et écrémer leurs publics en ne prenant pas des personnes « trop cassées ».
Il faut travailler ensemble sur ces objectifs, pour voir si on les partage, comment les mettre en oeuvre, dans une démarche participative. Quel doit être aussi le rôle du secteur de l'économie classique ? Tout cela peut nourrir un Grenelle de l'insertion. Un Grenelle n'implique pas forcément un mai 68, mais en tout cas un questionnement large, un travail approfondi, une écoute des différents acteurs, une concertation et une négociation, dont il faudra voir comment vous souhaitez qu'on les organise, sachant que ce qui m'importe c'est ce qui en sortira...
Dans ce gouvernement, ma mission est que les objectifs de réduction de la pauvreté soient atteints, que le revenu de solidarité active (RSA) soit mis en place, que l'on réforme avec la ministre de l'Emploi les contrats aidés, que l'on monte des programmes expérimentaux qui puissent nourrir des politiques publiques, etc.
Pour finir, je dirai donc un mot sur le RSA. 17 départements dits de « première vague » vont commencer à l'expérimenter. La loi permet que 10 autres puissent l'expérimenter, et nous avons déjà reçu une trentaine de candidatures. Ce qui veut dire qu'au moins la moitié des départements français s'estiment intéressés par la démarche. En novembre 2007 dans 15 % des départements français et au début 2008 dans un quart de ceux-ci, nous pourrons garantir aux allocataires du RMI et l'allocation de parent isolé (API) une visibilité de trois ans sur leurs revenus quand ils reprendront un travail. Attention, nous n'avons jamais prétendu que le RSA était en lui-même créateur d'emplois ! Il peut seulement faciliter le retour à l'emploi, le rendre plus juste, permettre d'accéder à des emplois non pourvus dans des conditions plus satisfaisantes.
La mobilisation des acteurs de l'économie solidaire, de l'insertion et, plus largement, des entreprises est importante, non seulement pour la phase expérimentale du RSA, mais également pour la suite. Nous avons déjà, avec un certain nombre de réseaux, diffusé la cartographie de nos expérimentations. A chaque fois, le RSA est aussi le catalyseur d'autre chose. Il participe en effet à un « tout », où il y a la mobilisation de l'ensemble des acteurs. Et concrètement, grâce au dispositif, les travailleurs sociaux, face à un allocataire du RMI qui voit les choses bouger lentement dans un long parcours, peuvent ainsi rapidement parler emploi.
D'ailleurs, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), qui a de l'argent dans son organisme paritaire collecteur agréé (Opca), est prête à réfléchir à des parcours en trois phases, une d'emploi saisonnier, une de formation, une de travail dans la transformation. L'idée serait de partir des besoins de main-d'oeuvre des entreprises, mais de prendre également en compte les besoins des salariés.
Dernier élément : quand nous avons travaillé en commission sur le RSA, nous avions aussi bien en tête la problématique de la qualité de l'emploi. Nous faisons donc attention à ce que cette mesure réponde à la fois aux problèmes des travailleurs pauvres et des allocataires des minima sociaux, que cela ne se traduise pas par un gel des augmentations de salaires, etc. Le RSA, son contexte et ses conséquences seront introduits dans la conférence sociale ouverte le 23 octobre par Christine Lagarde, Xavier Bertrand et moi-même, avec l'ensemble des partenaires sociaux. C'est un des thèmes de la conférence, et nous allons faire en sorte que cette problématique de la qualité de l'emploi soit bien prise en compte.Source http://www.lettre-insertion.fr, le 3 janvier 2008
Je fais partie de ceux qui ont alerté depuis un certain temps les partenaires de l'IAE sur les critères d'évaluation, qui ne sont pas bons, car prendre comme critère d'évaluation des sorties vers des CDI à plein temps, cela ne tient évidemment pas la route. La première fois que j'ai participé à des journées d'insertion dans un département, le conseil général avait demandé à un cabinet privé de procéder à l'évaluation des SIAE, sans donner aucune consigne sur les critères à utiliser, et sans non plus consulter les acteurs. Le cabinet privé a donc apporté un diaporama très bien fait, montrant des taux de réussite qui n'étaient pas bons, ce qui a suscité un tollé !
Cela a au moins eu le mérite de montrer que les objectifs de l'insertion, le moyen de mesurer ses résultats ne peuvent être définis par une méthode simpliste. Cela étant, des indicateurs plus adaptés, plus consensuels, sont difficiles à trouver, ils n'existent pas vraiment. C'est un premier chantier que nous aurons à prolonger dans le cadre de ce qui s'appelle - grâce à Nathalie Bartman, ici présente, qui a interpellé à ce sujet le président de la République à Dijon - un « Grenelle de l'insertion ».
Autre question : que faire des contrats aidés, faut-il un contrat unique d'insertion ? Depuis un certain temps, nous assistons à des modifications sans fi n des appellations, caractéristiques, normes, etc., des contrats aidés. On n'a jamais pris le temps de mettre tout cela à plat. Il y a des détracteurs des contrats aidés, qui reprochent à ceux-ci de ne pas diminuer le taux de chômage, d'être inefficaces, alors qu'ils mobilisent 2,7 milliards d'euros d'enveloppe.
J'ai récemment entendu dans un chantier que j'ai visité un encadrant qui regrettait qu'à l'issue de son contrat de 24 mois, un salarié doive « retourner à la rue ». Un directeur de l'ANPE lui a alors répondu que c'était la vocation de l'insertion de préparer au retour à un emploi classique. Or, quand je lui ai demandé ce qu'il avait comme offre d'emploi pour ce monsieur, il est devenu très flou, a dit qu'il n'en avait pas pour ce monsieur. Il s'agissait de quelqu'un qui avait connu de très grandes difficultés, avait un handicap physique, mais ne voulait pas passer par les Cotorep et préférait travailler. Mais il n'aurait pas été embauché par une entreprise. Il n'avait pas de diplôme, et pourtant tous les salariés le considéraient comme le chef, parce qu'il avait de l'expérience. De la même façon, à Dijon, le président de la République a rencontré des personnes qui lui ont dit qu'elles ne voulaient pas passer Noël aux Assedic, d'autres ont réclamé de « travailler plus » que les 26 heures prévues par les contrats aidés. Tout cela avec une parfaite spontanéité.
Aussi faut-il distinguer les cas où l'insertion est vraiment un temps de transition vers un emploi classique des cas où l'insertion doit être un soutien durable, car l'alternative n'est pas alors entre être en insertion et être en emploi classique, mais plutôt être en contrat d'insertion ou être au RMI, au chômage ou dans d'autres allocations... Il faut pouvoir donc répondre à ces deux cas possibles, sans juger l'un par rapport et l'autre et vice versa. Autour du premier cas, il faut obtenir un engagement de l'employeur à déboucher sur un emploi pérenne, ne pas faire de turn-over, ne pas utiliser les dispositifs d'insertion uniquement comme des dispositifs d'allégement du coût du travail en ne prévoyant pas de débouché sur un emploi durable. Il faut aussi que la formation, l'accompagnement, etc. soient accessibles. Dans l'autre cas, celui des gens qui ont besoin d'un soutien durable, le fait de rester dans une SIAE pour ceux qui n'aspirent pas à autre chose ne doit pas être vécu comme un échec, et il ne doit pas y avoir de couperet temporel.
S'il y a un consensus là-dessus - cette vision est peut-être un peu binaire -, il faut ensuite voir comment cela se traduit en termes d'instruments juridiques, de financement, d'objectifs, de méthodes, etc. Il ne faut pas non plus mettre les personnes dans des cases jusqu'à la fin de leurs jours...
L'instrument le mieux adapté est donc un contrat unique d'insertion, contrat qui n'est pas un cadre rigide mais un outil modulable, dans lequel on tient compte du couple employeur-employé, pour voir déterminer s'il faut un CDI ou un CDD, à temps plein ou à temps partiel, s'il faut concentrer l'aide sur la subvention du coût du travail, la formation, le tutorat, etc. C'est ce qu'on commence à faire avec un certain nombre d'acteurs, en étudiant les besoins des personnes, la demande du secteur économique. Cela amène à se poser la question de la finalité de l'IAE et donc de la nature et du mode de son financement, en rediscutant notamment de la part de son financement issue de son activité, de la part correspondant à son rôle social, etc. Car il y a des structures qui tirent la majorité de leurs ressources de leur activité, d'autres beaucoup moins. Si on voit bien l'intérêt de cet autofinancement pour les structures, on sait aussi quel est le risque lorsqu'on fait pression sur les SIAE pour qu'elles le développent. Ce risque est que les structures et les travailleurs sociaux se retrouvent avec une injonction paradoxale, leur disant d'un côté « vous êtes là pour vous occuper des gens cassés », et leur imposant de l'autre côté des critères qui les incitent à sélectionner et écrémer leurs publics en ne prenant pas des personnes « trop cassées ».
Il faut travailler ensemble sur ces objectifs, pour voir si on les partage, comment les mettre en oeuvre, dans une démarche participative. Quel doit être aussi le rôle du secteur de l'économie classique ? Tout cela peut nourrir un Grenelle de l'insertion. Un Grenelle n'implique pas forcément un mai 68, mais en tout cas un questionnement large, un travail approfondi, une écoute des différents acteurs, une concertation et une négociation, dont il faudra voir comment vous souhaitez qu'on les organise, sachant que ce qui m'importe c'est ce qui en sortira...
Dans ce gouvernement, ma mission est que les objectifs de réduction de la pauvreté soient atteints, que le revenu de solidarité active (RSA) soit mis en place, que l'on réforme avec la ministre de l'Emploi les contrats aidés, que l'on monte des programmes expérimentaux qui puissent nourrir des politiques publiques, etc.
Pour finir, je dirai donc un mot sur le RSA. 17 départements dits de « première vague » vont commencer à l'expérimenter. La loi permet que 10 autres puissent l'expérimenter, et nous avons déjà reçu une trentaine de candidatures. Ce qui veut dire qu'au moins la moitié des départements français s'estiment intéressés par la démarche. En novembre 2007 dans 15 % des départements français et au début 2008 dans un quart de ceux-ci, nous pourrons garantir aux allocataires du RMI et l'allocation de parent isolé (API) une visibilité de trois ans sur leurs revenus quand ils reprendront un travail. Attention, nous n'avons jamais prétendu que le RSA était en lui-même créateur d'emplois ! Il peut seulement faciliter le retour à l'emploi, le rendre plus juste, permettre d'accéder à des emplois non pourvus dans des conditions plus satisfaisantes.
La mobilisation des acteurs de l'économie solidaire, de l'insertion et, plus largement, des entreprises est importante, non seulement pour la phase expérimentale du RSA, mais également pour la suite. Nous avons déjà, avec un certain nombre de réseaux, diffusé la cartographie de nos expérimentations. A chaque fois, le RSA est aussi le catalyseur d'autre chose. Il participe en effet à un « tout », où il y a la mobilisation de l'ensemble des acteurs. Et concrètement, grâce au dispositif, les travailleurs sociaux, face à un allocataire du RMI qui voit les choses bouger lentement dans un long parcours, peuvent ainsi rapidement parler emploi.
D'ailleurs, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), qui a de l'argent dans son organisme paritaire collecteur agréé (Opca), est prête à réfléchir à des parcours en trois phases, une d'emploi saisonnier, une de formation, une de travail dans la transformation. L'idée serait de partir des besoins de main-d'oeuvre des entreprises, mais de prendre également en compte les besoins des salariés.
Dernier élément : quand nous avons travaillé en commission sur le RSA, nous avions aussi bien en tête la problématique de la qualité de l'emploi. Nous faisons donc attention à ce que cette mesure réponde à la fois aux problèmes des travailleurs pauvres et des allocataires des minima sociaux, que cela ne se traduise pas par un gel des augmentations de salaires, etc. Le RSA, son contexte et ses conséquences seront introduits dans la conférence sociale ouverte le 23 octobre par Christine Lagarde, Xavier Bertrand et moi-même, avec l'ensemble des partenaires sociaux. C'est un des thèmes de la conférence, et nous allons faire en sorte que cette problématique de la qualité de l'emploi soit bien prise en compte.Source http://www.lettre-insertion.fr, le 3 janvier 2008