Texte intégral
Q - Nicolas Sarkozy a transformé ses voeux à la presse en conférence à laquelle près de 500 journalistes assisteront mercredi matin. Avez-vous repensé la manière de faire de la communication par rapport aux gouvernements précédents ?
R - Il y a eu des rodages sous l'ère Chirac. La réforme des retraites menée par François Fillon avait donné lieu à un vrai travail de communication et d'anticipation, mais sur un temps long durant lequel on a englouti toutes les forces du gouvernement. On a connu aussi l'antithèse avec le CPE : zéro communication, réforme à la hussarde, pas d'anticipation, pas de discussion avec les acteurs clés, pas de travail d'explication. Depuis, nous avons eu une réflexion sur les exemples étrangers, notamment Tony Blair et sa façon de séquencer : on pose un diagnostic, on ouvre un moment de discussion et après on décide. Avec à chaque étape, un travail de communication et d'anticipation. Il y a eu aussi un changement de génération dans la classe politique qui a intégré cette nécessité de communiquer. Aujourd'hui faire descendre la parole d'en haut, ça ne veut plus rien dire.
Q - Lors de la crise concernant la réforme des universités, Valérie Pécresse a occupé le terrain médiatique. C'est votre stratégie ?
R - Dans ce genre de débats, le contraste de communication était dramatique. Du côté des opposants, il y a beaucoup d'intervenants, étudiants, syndicalistes... De l'autre, il y a un ministre qui va parler une fois dans la semaine. L'idée qui est assumée, c'est que le ministre doit être sur le pont pour communiquer. Valérie Pécresse a bien occupé le terrain. Elle a aussi et avant tout anticipé. Elle a fait de la pédagogie. Pour être comprise, une réforme doit d'abord être bien conçue et ensuite elle doit être bien expliquée. C'est ce qu'a fait Valérie Pécresse. Pendant la crise des régimes spéciaux, Xavier Bertrand et moi étions les seuls à nous exprimer. Tous les soirs, même très tard, nous nous appelions pour être dans la réactivité.
Q - Un conflit peut-il vous faire changer d'avis ?
R - Les réformes suscitent des craintes. C'est légitime, il faut les écouter. En revanche, il y a un noyau dur de la réforme sur lequel on ne veut pas lâcher. Par exemple, sur les régimes spéciaux, c'était de passer de 37,5 années de cotisations à 40 années. Après, on est prêts à discuter du reste et la porte est toujours ouverte. Mais on dit clairement au début qu'on ne lâchera pas sur le noyau dur.
Q - Vous anticipez de nouvelles crises sur le dossier des régimes spéciaux ?
R - On ne peut jamais dire que c'est derrière nous. Mais il est vrai qu'une partie du travail a été faite. Les syndicats ont compris que même dans un pays comme la France, il pouvait y avoir plus à gagner qu'à s'opposer brutalement.
Q - Avez-vous décidé de nourrir les médias pour ne pas les subir ?
R - Tout n'est pas aussi planifié. Il est vrai qu'il y a la volonté d'occuper l'espace médiatique pour éviter de le subir. Mais il faut surtout accepter d'être transparent : arrêter la dissimulation en politique qui ne sert à rien ! Le politique est constamment sous le feu des projecteurs de par la multiplicité des médias. Tu discutes d'un sujet avec trois personnes, et le lendemain, c'est dans le Canard Enchaîné, sur un blog, sur 20minutes.fr... Tout sort. On ne peut rien cacher. Il y a un besoin de réinventer un espace pour que le politique ne soit pas asservi et qu'il ne se fasse pas dicter son agenda par les médias. Notre réponse, c'est celle de l'initiative.
Q - La sortie de Rama Yade contre la visite de Kadhafi, c'est un vrai couac ou une ouverture orchestrée ?
R - Ce n'est pas orchestré. Ça fait partie des changements en termes de communication : on ne cherche pas à avoir la fiction que tout le monde est sur la même ligne. On accepte qu'il y ait des différences qui s'expriment. Pour moi, c'est un gros boulot car je dois expliquer pourquoi tout ça garde une cohérence !
Q - Comment on gère la vie privée du Président quand celui-ci la met lui-même en scène ?
R - Ce n'est pas mon travail. Moi, je commente et j'explique l'action du gouvernement. Mais le problème, c'est que quand on est président de la République, tout le monde vous suit dès que vous bougez le petit doigt. Est-ce pour avoir une vie privée on est obligé de rester calfeutrer à l'Elysée ? Non, son choix, c'est d'assumer la réalité de sa vie privée. S'il a envie d'aller à Disneyland, ou de partir en vacances, il le fait. Il faut trouver un équilibre et sortir de l'hypocrisie de part et d'autre.
Q - Comment anticipe-t-on le prochain remaniement ?
R - Ça fait partie des prérogatives du Président et du Premier Ministre. Je ne suis pas investi pour préparer quoi que soit. Etre Ministre, ce n'est pas une assurance tous risques. On peut sauter du jour au lendemain. En tant que porte-parole, je sais que pour un mot de travers, tu exploses.
Q - Votre volontarisme à marche forcée ne risque-t-il pas de se heurter aux réalités économiques ?
R - On se cogne dans le mur si jamais on attend que le mur se rapproche. Une des grandes leçons de Nicolas Sarkozy, c'est d'avoir réhabilité le volontarisme politique. Le politique n'est pas là pour subir, même si on ne peut pas tout faire, même si on n'a pas toutes les solutions, même si on peut faire des erreurs. Au moins on a essayé.
Propos recueillis par David Carzonsource http://www.porte-parole.gouv.fr, le 9 janvier 2008
R - Il y a eu des rodages sous l'ère Chirac. La réforme des retraites menée par François Fillon avait donné lieu à un vrai travail de communication et d'anticipation, mais sur un temps long durant lequel on a englouti toutes les forces du gouvernement. On a connu aussi l'antithèse avec le CPE : zéro communication, réforme à la hussarde, pas d'anticipation, pas de discussion avec les acteurs clés, pas de travail d'explication. Depuis, nous avons eu une réflexion sur les exemples étrangers, notamment Tony Blair et sa façon de séquencer : on pose un diagnostic, on ouvre un moment de discussion et après on décide. Avec à chaque étape, un travail de communication et d'anticipation. Il y a eu aussi un changement de génération dans la classe politique qui a intégré cette nécessité de communiquer. Aujourd'hui faire descendre la parole d'en haut, ça ne veut plus rien dire.
Q - Lors de la crise concernant la réforme des universités, Valérie Pécresse a occupé le terrain médiatique. C'est votre stratégie ?
R - Dans ce genre de débats, le contraste de communication était dramatique. Du côté des opposants, il y a beaucoup d'intervenants, étudiants, syndicalistes... De l'autre, il y a un ministre qui va parler une fois dans la semaine. L'idée qui est assumée, c'est que le ministre doit être sur le pont pour communiquer. Valérie Pécresse a bien occupé le terrain. Elle a aussi et avant tout anticipé. Elle a fait de la pédagogie. Pour être comprise, une réforme doit d'abord être bien conçue et ensuite elle doit être bien expliquée. C'est ce qu'a fait Valérie Pécresse. Pendant la crise des régimes spéciaux, Xavier Bertrand et moi étions les seuls à nous exprimer. Tous les soirs, même très tard, nous nous appelions pour être dans la réactivité.
Q - Un conflit peut-il vous faire changer d'avis ?
R - Les réformes suscitent des craintes. C'est légitime, il faut les écouter. En revanche, il y a un noyau dur de la réforme sur lequel on ne veut pas lâcher. Par exemple, sur les régimes spéciaux, c'était de passer de 37,5 années de cotisations à 40 années. Après, on est prêts à discuter du reste et la porte est toujours ouverte. Mais on dit clairement au début qu'on ne lâchera pas sur le noyau dur.
Q - Vous anticipez de nouvelles crises sur le dossier des régimes spéciaux ?
R - On ne peut jamais dire que c'est derrière nous. Mais il est vrai qu'une partie du travail a été faite. Les syndicats ont compris que même dans un pays comme la France, il pouvait y avoir plus à gagner qu'à s'opposer brutalement.
Q - Avez-vous décidé de nourrir les médias pour ne pas les subir ?
R - Tout n'est pas aussi planifié. Il est vrai qu'il y a la volonté d'occuper l'espace médiatique pour éviter de le subir. Mais il faut surtout accepter d'être transparent : arrêter la dissimulation en politique qui ne sert à rien ! Le politique est constamment sous le feu des projecteurs de par la multiplicité des médias. Tu discutes d'un sujet avec trois personnes, et le lendemain, c'est dans le Canard Enchaîné, sur un blog, sur 20minutes.fr... Tout sort. On ne peut rien cacher. Il y a un besoin de réinventer un espace pour que le politique ne soit pas asservi et qu'il ne se fasse pas dicter son agenda par les médias. Notre réponse, c'est celle de l'initiative.
Q - La sortie de Rama Yade contre la visite de Kadhafi, c'est un vrai couac ou une ouverture orchestrée ?
R - Ce n'est pas orchestré. Ça fait partie des changements en termes de communication : on ne cherche pas à avoir la fiction que tout le monde est sur la même ligne. On accepte qu'il y ait des différences qui s'expriment. Pour moi, c'est un gros boulot car je dois expliquer pourquoi tout ça garde une cohérence !
Q - Comment on gère la vie privée du Président quand celui-ci la met lui-même en scène ?
R - Ce n'est pas mon travail. Moi, je commente et j'explique l'action du gouvernement. Mais le problème, c'est que quand on est président de la République, tout le monde vous suit dès que vous bougez le petit doigt. Est-ce pour avoir une vie privée on est obligé de rester calfeutrer à l'Elysée ? Non, son choix, c'est d'assumer la réalité de sa vie privée. S'il a envie d'aller à Disneyland, ou de partir en vacances, il le fait. Il faut trouver un équilibre et sortir de l'hypocrisie de part et d'autre.
Q - Comment anticipe-t-on le prochain remaniement ?
R - Ça fait partie des prérogatives du Président et du Premier Ministre. Je ne suis pas investi pour préparer quoi que soit. Etre Ministre, ce n'est pas une assurance tous risques. On peut sauter du jour au lendemain. En tant que porte-parole, je sais que pour un mot de travers, tu exploses.
Q - Votre volontarisme à marche forcée ne risque-t-il pas de se heurter aux réalités économiques ?
R - On se cogne dans le mur si jamais on attend que le mur se rapproche. Une des grandes leçons de Nicolas Sarkozy, c'est d'avoir réhabilité le volontarisme politique. Le politique n'est pas là pour subir, même si on ne peut pas tout faire, même si on n'a pas toutes les solutions, même si on peut faire des erreurs. Au moins on a essayé.
Propos recueillis par David Carzonsource http://www.porte-parole.gouv.fr, le 9 janvier 2008