Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, sur la préparation d'un nouveau plan de développement des services à la personne pour 2008, Paris le 18 décembre 2007.

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Circonstance : Ouverture du colloque "Les services à la personne au coeur du territoire", à Paris les 18 et 19 décembre 2007

Texte intégral

Monsieur le Président
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureuse d'être parmi vous ce matin pour vous annoncer la préparation en 2008 d'un nouveau plan de développement des services à la personne. Le premier a fait l'objet d'une loi votée par le Parlement le 26 juillet 2005 et a connu un grand succès, preuve que les services à la personne répondent aux nouveaux besoins de la société française. Le XIXe siècle fut celui des domestiques, le XXe celui des robots. Le XXIe sera celui des services, et notamment celui des services à la personne.
J'aimerais (I) revenir rapidement sur les raisons de cette évolution, (II) avant de vous présenter les principales dynamiques des services à la personne, et (III) de vous détailler les missions du nouveau plan de développement.
(I) Les services à la personne s'imposent aujourd'hui comme une nécessité sociale et économique
On assiste à un véritable basculement vers une économie de services généralisée. Avec 18,5 millions de personnes employées (ETP), les activités de services représentent 75 % des emplois contre 57 % en 1980. Dans cet ensemble, la place des services à la personne est considérable : entre 1982 et 2002, le secteur a contribué à 20 % de la création nette d'emploi, soit 446 000 postes. Cette tendance ne peut que s'accentuer : au Canada, 50 % de la population a recours aux services à la personne, contre 15 % chez nous.
Les rasions à cet essor ne manquent pas :
La démographie tout d'abord : l'augmentation de l'espérance de vie et le vieillissement de la population accroissent le risque de dépendance et la nécessité de répondre aux besoins de soins et d'assistance à domicile.
Le rééquilibrage de la population ensuite : la France connaît depuis 15 ans d'importants courants migratoires internes, qui renforcent la dimension territoriale des services à la personne.
L'émergence de nouveaux modes de vie enfin. La solitude, choisie ou subie, devient un véritable phénomène de société. Avec une augmentation de 1,2 million entre 1999 et 2005 ! Les familles monoparentales sont devenues courantes. Quant au taux d'activité féminine, il ne fait que croître de façon continue : la part des femmes dans la population active est passée à 46 %. Encore 4 %, et l'égalité sera atteinte.
Au total, de plus en plus de personnes ne peuvent plus, matériellement, s'occuper elles-mêmes des tâches domestiques qui se partageaient autrefois en famille. C'est une réalité qui concerne toutes les générations, du jeune cadre workaholic jusqu'à la personne âgée dépendante, en passant par la mère célibataire.
(II) Les services à la personne se développent donc à la fois (1) en termes d'emploi, et (2) de couverture territoriale
(1) Le plan de développement des services à la personne lancé par Jean Louis Borloo a connu un succès incontestable : à partir d'une dépense publique en hausse de 10 %, soit 400 millions euros de plus sur les 4 milliards consacrés au secteur, les créations d'emploi en rythme annuel ont doublé. 10 % d'un côté, 50 % de l'autre : on souhaiterait qu'un tel effet de levier existe dans toutes les sphères de la dépense publique !
Selon les prévisions établies par le BIPE, cette évolution s'est poursuivie en 2007, avec un nombre de créations d'emplois estimé entre 120 000 et 160 000. De nouveaux métiers apparaissent de jour en jour dans le secteur, preuve de l'inépuisable gisement d'emplois qui semble s'y trouver. Dès que sera résolue la question de l'attractivité des métiers par une revalorisation des conditions de rémunération et de travail, les services à la personne pourront constituer une vraie réponse à l'emploi des salariés peu qualifiés.
Parallèlement, le chiffre d'affaires du secteur est en forte progression. Il est estimé à 12,3 milliards d'euros en 2006, soit une augmentation de + 11,8 % en un an. On aimerait que la croissance du PIB soit de cet ordre...
Notons que cet essor s'est fait dans le respect de la liberté de choix et d'organisation du bénéficiaire, qu'il soit particulier employeur, client d'une association ou d'une entreprise.
La diffusion du chèque emploi-service universel (CESU) a bien sûr permis une rencontre plus rapide et plus souple entre employeurs et employés. 120 millions d'euros de pouvoir d'achat ont ainsi été distribués en CESU préfinancés par les entreprises et les collectivités locales de janvier à fin septembre 2007, contre 55,5 M euros sur la même période en 2006. Un tel résultat laisse présager un volume d'émission d'environ 160 à 170 M euros pour l'ensemble de l'année 2007, soit deux fois plus qu'en 2006.
Le nombre de bénéficiaires du CESU s'élève aujourd'hui à 760 000 personnes, pour l'essentiel des salariés. Le réseau d'acceptation du CESU préfinancé a dépassé 66 000 affiliés fin septembre, et l'encaissement bancaire du CESU préfinancé progresse fortement.
(2)Parallèlement à ces progrès quantitatifs, l'offre de services à la personne se densifie rapidement sur tout le territoire.
Déjà les métiers des services à la personne bénéficient partout d'une image meilleure, résultant d'une professionnalisation accrue : si les particuliers peuvent être eux-mêmes employeurs, ils recourent de plus en plus souvent à des prestataires. Vingt enseignes jouent ainsi un rôle d'intermédiaire entre l'offre et la demande de services à la personne. Fin 2006, on dénombrait 11 000 prestataires de services à la personne, soit 100 % d'augmentation en un an, tandis que le nombre de structures agréées est de 12 400, soit 125 % d'augmentation.
Le secteur des services à la personne est désormais inscrit durablement dans les territoires. Les acteurs locaux se sont saisis des opportunités offertes en matière de développement économique, d'emploi, de développement local, d'insertion sociale et de qualité de vie. Les initiatives locales sont innombrables, que ce soit à travers des particuliers employeurs, qui contribuent à la professionnalisation de leurs salariés, à travers des micro entreprises, qui proposent une offre nouvelle à partir d'un talent jusqu'ici inexploité, ou enfin à travers des organismes plus importants, qui recrutent sur une base élargie.
Ces initiatives s'enracinent souvent dans le cadre d'une démarche de développement local mûrement réfléchie, associant l'ensemble des acteurs du territoire. Elles sont étroitement liées non seulement aux politiques publiques de l'emploi et de l'insertion, mais aussi à des dispositifs de reconversion économique, ou à des politiques en faveur de la famille, des personnes âgées, des personnes handicapées...
Rien n'est trop beau pour améliorer la vie quotidienne. S'agissant de services de proximité, la créativité locale s'exerce pleinement. Ces deux journées nous donnent l'occasion de le constater.
(III) Plus que d'un nouveau plan de développement il nous faut prolonger le premier plan en travaillant sur des aspects plus qualitatifs
- faciliter l'accès aux services pour le plus grand nombre possible de nos concitoyens ;
- élargir au maximum le champ des services.
Je souhaite lancer dès le mois prochain une concertation avec tous les acteurs du secteur. Nous réfléchirons ensemble, en prenant en compte les éventuelles propositions de la commission Attali, sur les meilleurs moyens de développer les activités de service, d'élargir la couverture territoriale, de professionnaliser les employés, et de populariser davantage le chèque emploi-service universel.
C'est pour moi une priorité, car je suis consciente des nombreux avantages que les services à la personne peuvent procurer à notre économie :
En multipliant les contacts quotidiens entre des habitants de milieux sociaux et culturels très variés, ils contribuent à retisser le lien social, notamment dans les quartiers les plus difficiles.
En permettant à de nombreux salariés d'arrondir leurs fins de mois, ils se mettent au service de notre politique de pouvoir d'achat.
En créant des dizaines de milliers d'emplois tous les ans, ils diminuent d'autant notre taux de chômage.
En enregistrant des chiffres d'affaires élevés, ils contribuent fortement à la croissance de notre pays.
Enfin, en détournant l'intérêt des ménages des marchandises vers les personnes, ils participent à une réorientation de l'économie vers le développement durable.
Plus encore, les services à la personne se trouvent au coeur de la discrète révolution culturelle qui s'opère depuis quelques années, et qui nous conduit peu à peu d'une société de consommation à une société de services.
À l'issue de l'examen de la loi de finances pour 2008 le cadre des exonérations spécifiques pour les services à la personne a été reconduit à l'identique. Au total l'effort s'élèvera en 2008 à 3.4 Milliard d'euros. L'année 2008 sera donc également mise à profit pour évaluer l'effet des dépenses publiques, budgétaires ou fiscales, afin d'en optimiser le dispositif et en tenant compte des besoins de ce secteur.
Mesdames, Messieurs, je tenais à vous féliciter pour les initiatives que vous prenez sur l'ensemble de notre territoire, et qui portent rapidement leurs fruits. Contrairement à d'autres secteurs économiques, les services à la personne ont des répercussions immédiates : c'est ici une personne âgée qui peut rester chez elle plutôt que de partir en maison de retraite ; c'est là une jeune maman qui n'est pas contrainte d'abandonner son travail pour élever ses enfants ; c'est ailleurs encore un professionnel qui ne trouve plus son frigo vide et sa maison pleine de poussière quand il rentre tard le soir.
Tous ceux-là, et tous ceux qui ont pu trouver un emploi à leur convenance, pourraient témoigner que vos efforts quotidiens ont changé bien des existences.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 20 décembre 2007