Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le bilan de la politique gouvernementale réalisée en 2007, les objectifs pour 2008 et la réforme des institutions pour renforcer les pouvoirs du Parlement, Paris le 16 janvier 2008.

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Circonstance : Voeux au Sénat le 16 janvier 2008

Texte intégral


Monsieur le président, Cher Christian,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Fidèle à la tradition, mais surtout en vous parlant avec le coeur, je vous adresse mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année. Sur le plan personnel, je vous souhaite, à vous et à vos proches, tout ce que la vie peut apporter de bonheur et de tendresse. Et sur le plan "professionnel", j'ai le plaisir de vous annoncer une année 2008 particulièrement dense.
Depuis 8 mois, mesdames et messieurs, notre pays est en mouvement. Il commence à obtenir des résultats, et il y a des motifs de fierté.
Notre croissance résiste mieux que prévu et devrait être, pour l'année 2007, très proche des 2% envisagés. C'est le signe que nous avons en nous des marges de résistance et de progression et que nos objectifs d'une croissance en 2008 entre 2% et 2,25% sont atteignables. Notre taux de chômage, à 7,9%, n'a cessé de décroître. C'est la preuve que le syndrome du chômage de masse peut réellement être brisé par des adaptations supplémentaires.
Les partenaires sociaux sont, ensemble, en train de démontrer qu'ils sont capables de sortir d'une logique conflictuelle pour élaborer des compromis sociaux, à l'image des grandes démocraties qui nous entourent. Les chiffres de la délinquance continuent de baisser, avec un recul de 3,6% cette année.
Après le référendum de mai 2005, la France est de retour dans l'Europe et se prépare à assurer la présidence de l'Union européenne.
Voilà quelques exemples qui illustrent nos atouts.
Je n'ignore nullement nos handicaps et nos insuffisances. Je sais que nous faisons face à la mondialisation avec le temps de travail le plus bas d'Europe et avec la fiscalité et la dette les plus élevées. Je n'esquive pas tout ce qui reste encore à entreprendre pour assouvir la soif de progrès de nos concitoyens, mais j'ai la conviction que nous sommes sur la bonne voie et qu'il faut continuer de se retrousser les manches.
Je parle de se retrousser les manches, car je ne veux pas biaiser avec la réalité : le temps est d'autant plus au volontarisme et à l'effort qu'il y a des vents contraires qui se lèvent.
La croissance américaine s'essouffle et la crise des subprimes fait sentir ses effets ; le prix des matières premières, et notamment du pétrole, est et restera à un niveau élevé ; les tensions géopolitiques obscurcissent les perspectives de la croissance mondiale. Ce freinage de la conjoncture n'autorise aucune pause et aucun repli, mais au contraire une accélération et un approfondissement des réformes.
Nos objectifs sont clairs.
Figurer parmi les trois premiers Etats européen pour la croissance.
Atteindre le plein emploi, avec un chômage ramené à 5%.
Equilibrer nos comptes publics.
Baisser d'un tiers la pauvreté dans notre pays.
Placer dix de nos universités parmi les cents premières mondiales.
Atteindre les objectifs chiffrés du Grenelle de l'environnement pour donner corps à une véritable politique de développement durable.
Voilà notre horizon.
Et pour y arriver, l'année 2008 sera une année charnière car nous entrons dans le vif du sujet :
- réforme du marché de l'emploi
- réforme de notre économie
- réforme de l'Etat
- mise en place du plan en faveur des banlieues
- adaptation de notre outil de défense
- réforme de nos prélèvements obligatoires
- rééquilibrage des finances de l'Etat, en gelant les dépenses publiques, y compris les concours aux collectivités locales...
Toutes ces réformes convergent vers la nécessaire rénovation de notre pays.
Cette rénovation est au coeur du mandat du président de la République. Et ce mandat, j'ai le devoir de le respecter à la lettre, et, pour cela, j'ai la charge de solliciter votre appui.
Depuis 8 mois, la majorité ne m'a jamais fait défaut, et je l'en remercie chaleureusement.
Et l'opposition ne m'a jamais épargné, et je ne lui en fais pas grief car le contraire m'aurait un peu inquiété...
Mais je ne désespère pas de trouver avec elle des points de consensus. Ce que syndicats et patronat réussissent à faire, pourquoi ne pourrions-nous pas le réaliser nous-mêmes ?
Sur l'emploi, sur l'organisation de notre système de santé, sur la question de la dépendance, sur la mise en oeuvre d'un nouveau service public télévisé libéré de l'audimat et de la publicité... il existe des espaces de compromis qui répondent à l'intérêt général.
Je crois à l'utilité absolue d'une opposition claire, comme je crois à la nécessité d'une majorité sans complexe.
Mais on peut être fidèle à ses convictions et faire un pas les uns vers les autres. C'est du moins l'un des voeux que je forme pour cette année 2008.
Ce voeu n'est pas tout à fait illusoire, car en 2008, il y aura une nouvelle donnée qui peut contribuer à modifier certaines de nos habitudes politiques : je veux parler de la rénovation de nos institutions qui dépend largement de votre accord.
A la demande du président de la République, j'ai reçu tous les partis et j'ai longuement évoqué ce dossier avec Christian Poncelet.
J'ai pris notes de leurs réserves et de leurs attentes. C'est un fait : il y a des différences entre les formations politiques, qui d'ailleurs traversent chacune des formations elles-mêmes. Mais tout le monde, je dis bien tout le monde, m'a fait part de son souhait de voir revalorisé le rôle du Parlement. Alors, faisons-le ensemble, en laissant un instant de côté les clivages.
Car ce n'est pas une affaire de droite ou de gauche : c'est la maison de la République - notre maison ! - dont nous avons l'opportunité de renforcer les pouvoirs maintenant. Je dis « maintenant », car les occasions de revisiter nos institutions ne se représentent pas tous les jours.
Comme vous, j'ai entendu certains parler de réforme à minima !
Sincèrement, qui peut prétendre que la maîtrise de la moitié de son ordre du jour par le Parlement constitue une réforme à minima ?
Qui peut dire que l'examen en séance plénière du projet de loi adopté et amendé en commission, et non tel que présenté par le gouvernement, ne constitue pas une forme de révolution du travail législatif et une formidable occasion de repenser les relations entre l'exécutif et le législatif ?
Qui peut prétendre que le contrôle des nominations des autorités indépendantes et des présidents des établissements publics par le Parlement n'est pas une réelle avancée démocratique ?
Vouloir moins, c'est en fait de pas vouloir de réforme du tout.
Et en vouloir plus, c'est en réalité préférer le statu quo à une amélioration sensible de notre démocratie.
Je remettrai prochainement au président de la République une proposition de projet de loi constitutionnel qui renforcera considérablement les pouvoirs du Parlement et créera de nouveaux droits pour les citoyens.
Et je souhaite, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, que l'année prochaine, à la même date, nous puissions tous constater que notre démocratie est plus vivante et plus équilibrée, et cela au plus grand bénéfice de notre République : elle qui est notre cause commune.
Bonne année à vous toutes et à vous tous.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 17 janvier 2008