Entretien de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec France 2 le 6 janvier 2008, sur la dénonciation de la fraude électorale au Kenya, le sort des otages en Colombie et la médiation du président vénézuélien Hugo Chavez, l'arrestation de deux journalistes français au Niger.

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Média : France 2

Texte intégral

Q - Vous connaissez très bien le continent africain. Vous avez affirmé que les élections ont été truquées au Kenya.
R - Les élections, selon les observateurs européens que nous avions envoyés, n'ont pas été justes et il faut en tenir compte. Le président du Kenya propose qu'il y ait un gouvernement d'unité nationale. M Odinga refuse.
Quelle est notre position ? Que peut-on faire ? D'abord, mettre en place une aide humanitaire : la France y participe. Ensuite, il faut rétablir la paix : il semble, pour le moment, que le calme puisse revenir.
Q - Qui a la main sur la médiation ? Plutôt les Etats-Unis ?
R - Certainement. Les Etats-Unis et les Britanniques. Mais également l'Union européenne. M. Javier Solana s'en est occupé, nous aussi. Ce qu'il faut faire, c'est essayer de trouver une solution entre un gouvernement d'unité nationale refusé par l'opposition, laquelle pense avoir gagné - je vous rappelle que les élections législative et présidentielle avaient lieu le même jour, le 27 décembre -, et le retour aux urnes.
Demain, le président de l'Union africaine, M. Kufuor, sera à Nairobi et si nous pouvons jouer un rôle, nous le ferons.
Nous envoyons désormais des observateurs partout, c'est un progrès. Regardez ce qui s'est passé en Géorgie : les observateurs ont dit que les élections ne s'étaient pas trop mal passées. Au Kenya, ils ont dit le contraire.
Que va-t-on faire au Pakistan ? L'Union européenne va proposer de suivre l'enquête avec un groupe d'intellectuels, de policiers, de juges qui pourraient garantir et accompagner l'enquête sur l'assassinat de Mme Benazir Bhutto. Nous jouons un rôle à chaque fois, et la France en particulier.
Q - Au sujet d'un autre dossier, on avait cru que la situation en Colombie évoluait en ce qui concerne le sort des otages. Il y a maintenant cet imbroglio au sujet du petit Emmanuel. Est-ce qu'on est pessimiste aujourd'hui sur le sort des otages ?
R - Il est regrettable que les entreprises de M. Chavez, que la France a sollicité, aient été interrompues au moment où nous pensions pouvoir assister à la libération de trois otages, dont le petit Emmanuel. Au sujet de ce garçon, il y a une compétition politique entre M. Chavez et M. Uribe.
Q - Vous n'avez désormais plus confiance en Hugo Chavez ?
R - Il faut faire en sorte que de cette animosité naisse une dynamique qui profitera à Ingrid Betancourt et aux autres otages. Pour cette fois, c'est M. Uribe qui a contre-attaqué en disant que le petit Emmanuel était à Bogota depuis un certain temps. Cet épisode entraîne l'effacement de M. Chavez qui va probablement revenir.
Q - Ce soir, pouvez-vous dire que les fils du dialogue ne sont pas rompus ?
R - Ils ne sont sûrement pas rompus.
Personne ne s'occupait des otages et d'Ingrid Betancourt avant que la France n'intervienne. Après le message du président de la République, tous les présidents latino-américains sont en mouvement.
Q - Un mot au sujet des deux journalistes arrêtés au Niger. Vous suivez le dossier ?
R - Bien entendu. Il faut à chaque fois que nous nous acharnions. Nous nous acharnons, souvent avec succès. Il y a de plus en plus de journalistes arrêtés et de personnels humanitaires tués. C'est une préoccupation constante des personnels du Quai d'Orsay.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 janvier 2008