Interview de M. Patrick Devedjian, secrétaire général de l'UMP, à LCI le 28 janvier 2008, sur la position de l'UMP pour les élections municipales, les pertes financières de la Société Générale, et l'éventuelle suppression d'emplois dans la sidérurgie.

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Texte intégral

C. Barbier.- Plus 7 points à Clamart, plus 13 points à Chartres : le PS progresse nettement dans les deux partielles de ce week-end. Est-ce un désaveu pour le Président Sarkozy et sa première année ?
 
R.- D'abord, vous comptez mal. Il ne faut pas compter plus 7 points à Clamart, parce que ce n'est pas la même distribution qu'à la dernière élection législative. C'est-à-dire, que le candidat socialiste... par exemple, il n'y avait pas de candidat Verts, donc il récupère ses voix, ce n'est pas de la progression ça.
 
Q.- En tout cas, la gauche fait le plein ?
 
R.- Tant mieux si c'est le plein, parce que ça veut dire qu'on va gagner. Il n'y a aucune réserve de voix, il est à 37 %, on est à 44 à Clamart sur la circonscription, et il n'a aucune réserve de voix, je ne voix pas comment il peut gagner.
 
Q.- Pour les municipales, néanmoins, cela ne donne-t-il pas l'impression que l'opposition, très mobilisée, va pouvoir, autour du slogan "sanction nationale", vous causer des troubles ?
 
R.- Bien sûr, les élections intermédiaires sont souvent une revanche pour l'opposition, elle nationalise, vous l'avez vu, elle-même, elle le dit comme cela, ces élections. Donc, ce qui prouve qu'il faut, à la fois, avoir un discours d'enjeu local pour répondre aux aspirations de la population, c'est le premier devoir des élus locaux. Et de ce point de vue-là, les maires de droite sont bons. Par exemple, ils offrent des services que la gauche n'offre pas, par exemple, le service minimum en cas de grève de l'Education nationale.
 
Q.- Certains maires de droite ont râlé la semaine dernière, ils ne l'ont pas appliqué.
 
R.- Ils s'y mettent parce qu'il faut s'organiser, cela suppose une nouvelle organisation, d'avoir un personnel compétent qu'il faut former, ça prend un petit peu temps. Mais beaucoup le faisaient déjà, et maintenant ça va se développer, c'est un service de plus qui est rendu à la population. Et puis il faut en même temps un discours national pour montrer que les collectivités locales sont le relais des réformes et que notre pays a fait en huit mois plus de chemin qu'il n'en n'a jamais fait en cinq ans avec aucun président d'ores et déjà. Et qu'il faut continuer pour moderniser notre pays si on veut affronter la compétition mondiale.
 
Q.- A Neuilly même, le protégé de N. Sarkozy, son porte-parole de l'Elysée, D. Martinon, est en difficulté... Mais non ! ...sur le terrain, malgré l'aide de J. Sarkozy...
 
R.- Mais non !
 
Q.-...Il est contesté, la polémique est là. C'est le Président qui est visé ?
 
R.- Mais non ! Il n'est pas...Et puis, écoutez, il va être élu sans problème.
 
Q.- Oui, à Neuilly, on le pense mais enfin dans un climat quand même un peu compliqué.
 
R.- Mais non, mais il y a toujours eu d'ailleurs des candidats de droite dissidents à Neuilly, cette fois comme ailleurs et comme les autres fois, et ça ne pose aucune difficulté sérieuse.
 
Q.- Dans l'affaire de la Société Générale, le trader incriminé, J. Kerviel, se défend ; ses avocats affirment que la Société Générale profite de cette affaire pour dissimuler des pertes beaucoup plus importantes enregistrées sur d'autres marchés. Qui croyez-vous ?
 
R.- J'attends... Quand même, il faut être prudent ; j'attends les résultats de l'enquête financière de la Brigade financière, qui a l'air d'avancer très vite, c'est bien. La justice est dans l'actualité. Et je pense que dans 24 ou 48 heures nous aurons des éléments d'information importants, on le voit, qui permettront de se faire un jugement moins abrupte que certains ne le font aujourd'hui.
 
Q.- D'autres n'ont pas votre patience. Par exemple, C. Lagarde, ministre de l'Economie, vient de déclarer que la Société Générale avait fait tout ce qu'il fallait faire dans cette affaire. Un blanc-seing un peu rapide ?
 
R.- Non, mais d'abord, elle est dans son rôle de protéger l'ensemble du système parce que si nous avons une crise de confiance sur le système bancaire, les conséquences seront incalculables.
 
Q.- Donc, on fait le chapeau à J. Kerviel ?
 
R.- Non, non, non. On va savoir la vérité. Mais enfin, il semble quand même que ce jeune homme ait agi très inconsidérément. Alors, je ne sais pas quelles infractions il a commises, et il faut respecter la présomption d'innocence. Mais il a pris des engagements que dans l'organisation même de la Société Générale, il n'avait pas le droit de prendre.
 
Q.- Un trader isolé réalisant 50 milliards de placements, c'est possible à la Société Générale ?
 
R.- Cela pose un problème, voilà ! Et c'est un problème majeur parce que, en fait, ça mine la confiance. Le capitalisme doit être transparent et moral, sinon il fait perdre confiance à tous ses acteurs et dans ce cas-là, il va lui-même à sa perte.
 
Q.- Souhaitez-vous, pensez-vous, que D. Bouton aurait déjà dû démissionner ?
 
R.- Je pense que c'est beaucoup trop tôt pour le dire. Laissez quand même les informations venir à émergence pour tout le monde.
 
Q.- Le problème de gestion, les 5 milliards qui manquent, ça c'est acté, donc le président aurait pu rendre son tablier ?
 
R.- Oui, mais on va savoir comment, pourquoi, quelles sont les erreurs qui ont été commises, quelles sont les responsabilités des uns et des autres ? Ne jugeons pas trop vite quand même.
 
Q.- Pendant cinq jours la Société Générale n'a pas prévenu les pouvoirs publics, a caché la situation. Vous n'êtes pas choqué par cette manière de gérer la crise ?
 
R.- D'abord, je pense que le gouverneur de la Banque De France a été immédiatement prévenu et c'est l'autorité normale.
 
Q.- Oui, mais enfin, le ministre du Budget, sur notre plateau, l'a appris en même temps que nous par dépêche ?
 
R.- Oui, mais encore une fois, c'est le Gouverneur de la Banque de France qui a la surveillance... La vraie question d'ailleurs, c'est de savoir si la Commission bancaire a joué son rôle. Il y a une institution qui a pour objet de vraiment contrôler le système. Est-ce que la Commission bancaire, qui a dit d'ailleurs avoir contrôlé six ou sept fois dans les deux dernières années la Société Générale, ce qui est normal, et elle n'a rien découvert.
 
Q.- Le Sénat auditionne D. Bouton dès mercredi. Le président de la commission des Finances de l'Assemblée, le socialiste, D. Migaud, lui, préfère attendre. Est-il trop frileux ?
 
R.- Non, je ne dis pas cela. Je crois que, pour que ce soit utile, il faut quand même attendre d'avoir un minimum d'informations avant de, immédiatement, crier haro sur les premières personnes qui sont mises sur la scène.
 
Q.- Alors, le groupe socialiste propose une commission d'enquête, en marge de l'enquête judiciaire qui est déjà en cours, sur la gestion de la Société Générale, par exemple, dans ses deux dernières années. Vous soutiendriez, vous, à l'UMP une telle proposition ?
 
R.- Mais non, d'abord c'est illégal, parce que dès lors que la justice est saisie...
 
Q.- Oui, mais à côté de cette affaire, sur la gestion générale de cette banque ?
 
R.- Eh bien, alors, ce n'est pas la vocation du Parlement de contrôler la gestion des entreprises, privées en tous les cas.
 
Q.- Sa vocation, c'est de débattre. Si c'est un débat à l'Assemblée sur la crise des marchés boursiers, mondiaux et nationaux ?
 
R.- Cela, ça peut avoir un intérêt, un débat économique, plus large. Mais vouloir se focaliser sur la gestion d'une entreprise plutôt qu'une autre, ça n'a pas de sens.
 
Q.- L'Etat ne restera pas les bras croisés si la Société Générale doit faire l'objet d'un raid, affirme, H. Guaino, le conseiller du Président de la République. Etes-vous d'accord, et faut-il donc nationaliser la Société Générale pour la protéger ?
 
R.- Non, il ne faut pas nationaliser la Société Générale, mais l'Etat n'est pas obligé de rester inerte quand la substance même de son économie est en péril.
 
Q.- Que faire, puisque c'est une banque privée ?
 
R.- Il y a plein de choses à faire, mais ce n'est peut-être pas la peine d'annoncer ce que l'Etat peut faire par rapport aux prédateurs qui, déjà, montrent les dents. On a quand même intérêt à protéger notre économie, parce que ce sont des emplois, c'est de la croissance. On ne peut pas pleurer toute la journée sur le pouvoir d'achat, sur l'insuffisance de la croissance, sur le chômage qui ne baisse pas assez vite, et puis dès qu'il y a un problème, dire : on s'en lave les mains !
 
Q.- Acheter des actions de la Société Générale c'est un bon usage de l'argent des contribuables. Si l'Etat voulait prendre quelques pourcent ?
 
R.- Il l'avait fait pour Alstom avec beaucoup de succès, et l'Etat a gagné de l'argent. L'Etat a le droit d'être stratège. Toutes les entreprises ont une stratégie face aux problèmes économiques. L'Etat a le droit d'en faire autant.
 
Q.- Il y a une réunion demain de dirigeants européens à Londres, dont N. Sarkozy, pour réfléchir sur cette crise. Le système est devenu fou, a dit H. Guaino. Il faut changer le système mondial, financier ?
 
R.- Le problème est cette spéculation qui est incontrôlable et, parfois donc, en l'occurrence, incontrôlée, et qui génère des profits absolument considérables, des rémunérations pour ses acteurs parfois exorbitantes, et qui, en même temps, créent une véritable crise de confiance auprès des acteurs économiques. La spéculation a son utilité au plan de l'économie, on ne peut pas interdire la spéculation parce qu'elle permet de jouer avec le temps, donc c'est très important. Mais elle ne doit pas non plus être ce qui domine et qui écrase le reste de la production.
 
Q.- Vous étiez en Inde avec le Président Sarkozy ces derniers jours, il reçoit aujourd'hui L. Mittal pour éviter la suppression de 600 emplois en Moselle dans une usine de sidérurgie. Faut-il que l'Etat rachète cette usine ?
 
R.- D'abord, je rappelle que cette usine n'était pas une usine d'Arcelor, c'était une usine qui appartenait à M. Mittal avant même qu'il n'acquiert le capital d'Arcelor.
 
Q.- Il ouvre en Inde, il ferme en France ?
 
R.- Je crois que c'est une entreprise qui n'a peut-être fait toute la modernisation souhaitable. C'est bien que le président de la République, justement, s'investisse, et demande à monsieur Mittal de tenir compte de l'emploi en France. Il l'a déjà fait d'ailleurs, il a eu une conversation très active avec monsieur Mittal en Inde - j'ai vu cela - et je pense qu'il va poursuivre cela et je crois que nous pouvons avoir des résultats ; il se battra pour les emplois français.
 
Q.- On rachète l'usine ?
 
R.- Il y a peut-être d'autres méthodes quand même ; vous voulez tout racheter, vous !
 
Q.- La loi sur la rétention de sûreté ne pourra pas s'appliquer aux peines en cours, a décidé la commission des lois du Sénat. Les sénateurs, dans leur vote, doivent-ils rétablir ce principe ? C'est-à-dire que les détenus encore en prison aujourd'hui, quand ils sortiront, pourront voir leur sortie bloquée s'ils sont considérés comme dangereux. Cela risque une invalidation au Conseil constitutionnel cette rétroactivité.
 
R.- C'est un sujet de débat, c'est très complexe. Mais il y a une vraie dangerosité de gens qui sont parfois à la limite de la psychiatrie et qui ne veulent pas se soigner.
 
Q.- Il faut absolument obtenir cette garantie que les détenus, même déjà condamnés...
 
R.- Non... C'est compliqué, voilà.
 
Q.- Vous n'avez pas la solution.
 
R.- Je veux bien faire un débat là-dessus, mais pas le résumer en trente secondes.
 
Q.- S. Royal réaffirme son ambition pour 2012 ; si N. Sarkozy se représente en 2012, qui souhaitez-vous comme adversaire ? Royal, Delanoë, Strauss-Kahn ?
 
R.- Ce n'est pas à nous de souhaiter et de désigner le candidat de l'opposition quand même ! C'est à eux de se déterminer. Madame Royal est une très bonne candidate, même si elle n'a pas réussi cette fois-ci, elle est capable de progresser. Il ne faut surtout pas la sous-estimer.
 
Q.- N. Sarkozy fête aujourd'hui ses 53 ans ; lui avez-vous fait un cadeau ? Qu'allez-vous lui souhaiter ?
 
R.- Je lui souhaite de garder toute son énergie et de la mettre au service de la France comme il l'a fait avec beaucoup de succès jusqu'à présent.
 
Q.- En Inde, il vous a semblé prêt à être un peu plus discret dans sa vie privée, à changer de style ?
 
R.- Mais lui ne fait pas l'exposition de sa vie privée, non il ne fait pas l'exposition mais il est aussi sorti de l'hypocrisie, voilà. Comme la presse, finalement, fait des ventes avec cela, elle aime bien se focaliser sur la vie privée des hommes politiques.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 janvier 2008