Texte intégral
E. Cugny, D. Jeambar et E. Le Boucher E. Cugny : Nous sommes ce matin en compagnie du secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie auprès du ministre des Affaires étrangères, J.-M. Bockel, bonjour. C'est vrai que c'est un petit peu long, mais enfin cela en dit beaucoup sur l'étendue de votre portefeuille. Pour les commentaires, je ne présente plus D. Jeambar et E. Le Boucher, qui nous livrent quotidiennement leur regard aiguisé sur l'actualité. Soyez les bienvenus. Parlons politique justement. Les sondages, encore les sondages, toujours les sondages. Alors soyons direct : à la baisse pour N. Sarkozy, une baisse, D. Jeambar, qui ressemble à aucune de celle subie par le passé par un président de la République. [Commentaire de D. Jeambar]. J.-M. Bockel, il se murmure que le président vit très mal ces enquêtes d'opinion à répétition. Il aurait même, hier dans le huis clos du Conseil des ministres, envoyé un message clair à ses troupes, promettant notamment de prendre les bonnes décisions qui s'imposent après les municipales. C'est un message lancé aux voix divergentes de la majorité ?
R.- D'abord, s'agissant des sondages, comme vous l'avez dit vous-même, actuellement, toutes les enquêtes tombent en même temps et cela donne un effet de répétition, mais qui en fait traduit, je dirais en général, la même tendance et pas une accélération de cette tendance. Ensuite, s'agissant du président de la République, ce n'est pas dans la bourrasque que nous allons prendre de la distance, au contraire, c'est un moment où il faut serrer les coudes. Parce que nous, nous avons tout à fait conscience que l'action engagée c'est ce qu'il faut faire. S'agissant du Président, moi je peux dire que le Président écoute. J'ai été plusieurs fois dans des réunions interministérielles sur des sujets importants qui relèvent de ma compétence avec lui, il accepte même et il souhaite même la discussion. Lorsqu'on n'est pas d'accord avec lui, on peut le lui dire, il répond, on peut lui répondre. Donc, c'est loin de l'image parfois...
D. Jeambar : Sans qu'il s'énerve ?
R.-... sans s'énerver, avec gentillesse et humour. Là aussi, je dirais qu'il ne faudrait pas qu'apparaisse la légende de quelqu'un d'agité, ce n'est pas comme ça que nous le vivons au quotidien. Le Président travaille, le Président réfléchit, le Président - et moi, c'est ce que j'ai retenu du Conseil des ministres d'hier - a une vision, donc a une réflexion sur le long terme. La bourrasque actuelle avec les aspects contrastés qu'elle peut avoir, il y en avait de l'anticipation il y a déjà plusieurs mois. On sait bien que quand on réforme, il y a des moments difficiles. Alors pour le reste, pour je dirais le style, la manière d'être, la présence, moi je dirais deux choses. La première c'est que, vous savez s'il n'y avait pas quelqu'un avec l'énergie qui est la sienne et qui bouscule et qui entraîne, un pays comme la France, on le voit bien quand même depuis quelques années, peinerait à être réformé. Donc je veux dire, n'oublions pas cette qualité première. Pour ce qui est maintenant des effets d'images négatifs, moi j'ai vraiment le sentiment que le Président a une analyse, même si tout cela est souvent extrêmement injuste, soit dit en passant ! Moi je suis très content qu'il soit heureux et je trouve que le bonheur c'est aussi un élément de l'équilibre, surtout à un poste de responsabilité aussi important. Sur les critiques de « pipolisation », je n'ai jamais eu le sentiment que le Président s'était détourné de sa mission, s'était détourné de son travail. Et pour ce qui est maintenant du style et de la manière d'être, reconnaissez-lui l'intelligence et la lucidité, permettant, je dirais une analyse de la situation, de la manière dont son image est perçue, parfois d'une manière injuste. Et moi je suis certain que par rapport à la conduite à tenir, il aura, il a déjà la capacité d'en tenir compte. Et pour ce qui est de la bonne image du Premier ministre, eh bien, on ne peut que s'en réjouir. Enfin, rappelez-vous tout ce que l'on disait encore il y a quelques mois. C'est fou comme...
E. Cugny : Pas sur cette antenne !
R.- Non, mais c'est fou, de manière générale, moi je ne rentre pas...
E. Cugny : ...Sur cette antenne, je veux dire que F. Fillon connaît la maison.
R.- Je vous le confirme, c'est fou comme les commentaires parfois varient du tout au tout. Tant mieux si le Premier ministre aujourd'hui est reconnu dans ses qualités, dans son travail et dans son rôle. Et s'agissant du Président, il est à la barre du navire, il a solidité, sang-froid, perspective, et moi je suis confiant.
E. Cugny : Alors justement, J.-M. Bockel, dans Le Parisien Aujourd'hui en France ce matin, P. Devedjian, secrétaire général de l'UMP, juge nécessaire un minimum d'ordre et de discipline dans la majorité. D'où l'idée de créer une structure qui engloberait les petits partis, dont le vôtre, donc la Gauche Moderne. Vous dites banco ?
R.- Vous savez, vous dites que je fais preuve de discipline, moi je pense que l'on peut s'exprimer et se distinguer autrement qu'en taclant...
E. Cugny : Mais vous l'avez montré au sein du Parti socialiste d'ailleurs !
R.- Eh bien, écoutez, merci de le rappeler, en général je dis ce que je pense, même quand cela agace, même quand cela me cause du tort. Oui, revenons à ce que vous disiez sur...
E. Cugny : Cette structure que veut créer P. Devedjian en réunissant les petits partis alliés.
R.- C'est une démarche qui est en gestation, c'est une démarche qui n'a pas encore abouti. Il y a effectivement une réflexion à laquelle, personnellement, au titre de ma formation politique, Gauche Moderne, je suis favorable. Car le jour où il y aura, je pense que cela viendra à un moment ou à un autre, un lieu qui nous permette, de manière un peu organisée, un peu institutionnalisée - bon, il y a déjà les petits déjeuners des responsables de la majorité qui sont des moments très utiles d'échanges. Mais là, entre formations politiques, qu'il y ait un lieu où nous puissions, nous, par exemple, pôle de gauche avec E. Besson, nous exprimer, pas simplement par le coup de gueule de temps en temps, qui parfois est sans lendemain - je ne parle pas pour nous, mais du principe du coup de gueule à répétition. Mais que nous puissions nous exprimer avec notre projet politique, des propositions en amont, des prises de décision etc. Que l'on puisse avoir ce type d'échange avec le pôle centriste, avec l'UMP et ses alliés radicaux etc., moi je trouve que c'est plutôt une bonne idée. Je ne le vois pas du tout comme une démarche de discipline, moi je me sens extrêmement libre. La polyphonie est un atout pour un Gouvernement d'ouverture, mais c'est certainement un lieu qui nous permettra en tant que formation politique de nous sentir utiles, de jouer notre rôle et de contribuer d'ailleurs et ça cela ne touche pas que les différentes formations, cela touche aussi la grande formation qu'est l'UMP, soit dit en passant. Et, à mon avis, le propos de Devedjian visait aussi l'UMP et peut-être d'abord l'UMP, à mettre parfois un peu de cohérence dans les expressions des uns et des autres. Car trop d'incohérences ce n'est plus de la polyphonie, cela serait de la cacophonie et cela irait évidemment à l'encontre de ce souci d'avoir une meilleure lisibilité de notre action.
D. Jeambar : Mais est-ce que ces deux pôles de gauche peuvent vraiment compter, dès lors que vous-même et E. Besson, vous n'avez même pas créé une formation commune ? Qu'est-ce qui vous sépare, qu'est-ce qui vous différencie ?
R.- Nous le ferons. Chacun a son histoire, chacun construit son histoire, chacun a sa personnalité et ses réseaux. Mais nous travaillons d'ores et déjà ensemble, nous nous voyons régulièrement. Nos convergences sur le fond sont extrêmement importantes et nous sommes tout à fait dans l'état d'esprit qu'au lendemain des municipales, ces deux formations seront amenées à se rapprocher, c'est évident. Donc c'est simplement une histoire qui se construit. D'ailleurs le fait que vous en parliez, le fait que nous ayons aujourd'hui deux formations, eh bien vous intéresse. Et demain, lorsque nous déciderons de nous rapprocher, cela sera également un moment fort où nous aurons des choses à dire sur le fond. Moi, actuellement si vous voulez, je sillonne la France chaque semaine pour soutenir les candidats de la Gauche Moderne sur différentes listes dans des villes moyennes ou grandes. Et pour moi, c'est d'ailleurs un contact extrêmement important et cela permet également de donner corps à l'ouverture. D'ailleurs, soit dit en passant, on critique parfois l'ouverture, on dit, parfois : vous verrez l'ouverture sera remise en cause par certains de la majorité, je n'en sais rien. Moi en tout cas ce que je peux vous dire, c'est que les élus de la majorité qui me reçoivent dans leur ville ne remettent pas du tout en cause l'ouverture, bien au contraire, ils la mettent en avant. Ils la considèrent comme nécessaire. Nous sommes aujourd'hui dans ce temps, après l'élection nous serons dans le temps...
E. Cugny : Vous diriez, comme le dit Devedjian ce matin, que vous incarnez le "sarkozysme de gauche" ?
R.- Je ne récuse ni ne m'attribue cette expression, parce que je la trouve... D'ailleurs je l'assume pleinement, puisque nous avons rejoint N. Sarkozy dans le cadre de l'ouverture. Nous avons gardé nos valeurs de gauche. Mais en même temps, je trouve cette expression réductrice. Parce que, vraiment, nous étions avant au Parti socialiste où nous avons eu une histoire. Moi-même, j'ai essayé pendant dix ans de rénover le PS. Et bien avant l'ouverture, j'avais, avec le ministre de l'Intérieur qui était N. Sarkozy, en tant que maire, un certain nombre de convergences, sur les questions de sécurité, de société. Et d'ailleurs très souvent, je le soutenais ou je m'inspirais un peu de cette démarche au niveau local. Alors est-ce que j'étais pour autant un "sarkozyste du PS" à l'époque ? Vous voyez ce que je veux dire ! Cette démarche est un petit peu réductrice, mais comme vous aimez bien, vous les journalistes...
E. Cugny : Non c'est Devedjian.
R.- Finalement, je ne la récuse pas, je l'assume pleinement.
E. Cugny : On va continuer après cette discussion, Monsieur J.- M. Bockel, secrétaire d'Etat à la Francophonie. Bien sûr nous poursuivons notre entretien après la pause.
[8h32 : deuxième partie]
E. Cugny : Alors, E. Le Boucher, votre commentaire ce matin. Là, c'est l'éditorialiste et peut-être aussi le membre de la commission Attali qui s'exprime, puisqu'on l'a vu hier...
E. Le Boucher : L'ancien membre.
E. Cugny : L'ancien membre, effectivement, mais toujours très actif en terme de réflexion. En tous cas les taxis, Sarkozy a jeté l'éponge. Les taxis également ont levé leur mouvement. Comment interpréter cette décision : le Gouvernement qui ne reprendra pas les propositions Attali sur les taxis ?
E. Le Boucher : À un mois des municipales, ça ressemble beaucoup à de la "chiraquisation" de Sarkozy. C'est un peu étonnant de voir comment il renonce à une réforme pourtant simple, que tout le monde demande, aussi vite, à un mois des municipales. D'abord il faut voir que c'est difficile de comprendre. En réalité, Alain Estival, le représentant des taxis, a été reçu hier à Matignon et à la sortie, il y va tout de go : "Le conflit est terminé, le Gouvernement ne reprendra pas les propositions Attali sur les taxis". Point final. Dans un communiqué qui est paru après, le Premier ministre est plus nuancé, si je puis dire, même différent. "Il veillera à ce que les évolutions de la profession - donc il y aura des évolutions - soient mises en oeuvre, dans le respect de l'équité, sans mettre en péril l'équilibre économique de l'activité des taxis". En fait, je comprends, moi, que Fillon renvoie l'affaire à une négociation ultérieure. Donc on est dans le flou et dans ce flou, les chauffeurs de taxi crient victoire et on le comprend.
E. Cugny : Le dossier n'est pas fermé. On voyait hier d'ailleurs les images, sortie de l'Elysée : "Attention, ne crions pas trop vite victoire, quand même". E. Le Boucher :
R.- Oui, enfin victoire qui... Pour les taxis vous voulez dire ?
E. Cugny : Oui, absolument.
E. Le Boucher : Mais enfin, dans toute cette histoire, c'est quand même un peu étrange la façon dont ça se passe. Le Gouvernement n'a d'abord pas présenté une réforme précise pour les taxis. C'est juste le président de la République qui, recevant J. Attali et son rapport, a dit : "Je le reprendrai". Voilà c'est tout, sans détail. Et donc, du coup, aucun ministre n'a défendu une réforme quelconque puisqu'il n'y avait pas de réforme sur la table. C'est une drôle de façon de faire tout ça. Alors du coup, personne ne prend en charge et explique cette réforme. Et explique aux taxis qu'il ne s'agit pas non plus de passer à 50.000 le nombre de taxis, comme on l'a dit, à Paris. Il ne s'agit pas de déréglementer d'aucune façon, on conservera, enfin normalement les propositions devaient conserver les compteurs etc. Simplement deux choses : ajouter 6.500 taxis, c'est-à-dire multiplier leur nombre à Paris, multiplier leur nombre par 1,4 seulement, et puis faire des voitures de place beaucoup plus libres avec des chauffeurs qui ont toutes les qualifications nécessaires.
E. Cugny : Donc affaire à suivre ?
E. Le Boucher : Non, parce que, alors c'est un peu étrange. Une autre remarque c'est aussi l'UMP qui tire à boulet rouge sur une réforme. On comprend très bien que les élus UMP ont été piétinés depuis 9 mois par Sarkozy. Donc ils tirent, ils tirent un peu dans tous les coins, à l'angoisse de perdre les municipales. Ils dégomment au passage les ministres d'ouverture, on l'a entendu... Mais sur le fond, moi je voudrais quand même revenir à une réforme qui, si elle est abandonnée, ce serait très symbolique et très mal vu pour ce que veut faire Sarkozy. Pourquoi ?
R.- Parce que nous sommes exactement avec les taxis dans ce qu'on appelle une boucle malthusienne : on ne trouve pas de taxis à Paris, en France donc ; on renonce à prendre le taxi ; donc du coup les taxis gagnent assez peu et donc ils vivent mal et donc ils refusent d'ailleurs parfois des clients pour des petites courses. Et donc du coup, puisqu'ils vivent mal, il n'y a pas de taxis. Vous comprenez, on est vraiment dans une boucle infernale. Il faut tout changer. Il faut mettre plus de taxis pour que les Français reprennent les taxis et les taxis vivront mieux. C'est cette mentalité-là qu'il faudrait arriver à retourner en France. C'est une affaire pas si importante que ça, les taxis. Mais c'est très symbolique pour la profession, quand même.
E. Cugny : J.-M. Bockel vous prenez le taxi à Paris ? Plus maintenant puisque vous avez une voiture.
R.- J'ai un abonnement de taxi, je suis un usager, un peu moins en ce moment, mais du métro, du taxi...
E. Cugny : Ca se comprend de par la fonction.
R.- Chez moi je fais de la bicyclette.
E. Le Boucher : Et le maire de Mulhouse, il pense quoi de cette dérégulation ?
R.- Le maire de Mulhouse pense exactement la même chose que le membre du Gouvernement. D'abord, vous avez employé un mot qui est au coeur de tout : le problème c'est la question de la mentalité. Moi je pense plusieurs choses. D'abord la profession des taxis, je la connais un peu car lorsque j'étais ministre du Commerce il y a 22 ans, le dernier arrêté que j'ai signé concernait cette profession, après une négociation, déjà. Et ce qui me permet de dire qu'en terme de mentalité et de psychologie, une chose évidemment qui n'a pas été suffisamment comprise et mise en avant, on la découvre chemin faisant, moi je le savais, c'est évidemment l'angoisse légitime d'un certain nombre de taxis, artisans ou salariés. Il y a des statuts très différents. Mais sur le devenir de leur retraite... c'est d'ailleurs un des problèmes en France, c'est celui des gens qui pour des raisons de cotisation insuffisante, etc. ou de statut peu équilibré et faible, ont cette angoisse en permanence. Alors ça nous ramène évidemment à la question de la vente de la licence etc. Toutes ces questions ont une influence psychologique énorme et n'ont pas été prises en considération. Et ça m'amène d'ailleurs à une remarque sur la méthode. Moi je suis un de ceux qui ont défendu, je dirais dans la plupart de ses pistes et de ses mesures, le rapport Attali parce que je considère que c'est un rapport d'inspiration sociale libérale, qui peut contribuer par beaucoup de ses mesures - je suis en désaccord avec certaines d'entre elles, je ne vais pas vous les détailler, ce serait trop long, mais sur l'urbanisme commercial j'aurais des choses à dire etc., mais il peut contribuer - à moderniser le pays. Mais c'est toute la question du statut d'un rapport d'experts, de la manière dont il est appréhendé, de la manière, vous l'avez dit vous-même d'ailleurs monsieur Le Boucher, la manière dont il est mis en musique parce que sinon finalement, ce qui arrive en ce moment... Il y a aussi eu des propos peut-être un peu excessifs du président disant toutes les mesures sont à prendre ou alors ça n'a pas de sens. Enfin on ne dit pas ça quand on présente un rapport d'experts de 320 mesures. Donc je pense qu'il y a une dimension psychologique par rapport à la pesanteur, par rapport à la réalité des mentalités qui rend plus difficile, c'est pour ça qu'il faut maintenant faire un peu la pause surtout en période électorale, l'évolution des mentalités, la dimension de pédagogie qui est tout à fait nécessaire quand on veut réformer. Cette affaire, cette polémique autour du rapport Attali et des taxis vient nous le rappeler, à point nommé.
E. Cugny : Vous pensez qu'il aurait été préférable de le présenter après les municipales pour ne pas hystériser les débats ?
R.- Maintenant qu'on sait la manière dont ça s'est passé, on peut en conclure que oui. Mais moi, je ne le dis pas parce que je pense qu'un rapport présenté début janvier mais présenté comme un rapport et pas comme un mode d'emploi pour l'action - ça, ça a été un peu la maladresse d'Attali qui par ailleurs est quelqu'un de remarquable qui, je crois, a apporté son intelligence et sa vision, son acuité à la modernisation de notre pays - mais il a commis, peut-être par orgueil, quelques excès de langage qui, dans une période électorale, du coup ont favorisé la polémique. Ce n'est pas un drame. Le travail reste, il a son utilité mais je crois que pour le moment, il faut calmer le jeu sinon de toutes façons, ça ne sert à rien. On n'est pas compris, on n'a jamais raison tout seul.
E. Cugny : J.-M. Bockel, on va revenir à la politique avec la perspective des élections municipales. Mais quand même, vous travaillez avec B. Kouchner, donc les Affaires étrangères. Vous êtes secrétaire d'Etat chargé de la Coopération. Il y a les déclarations du président I. Deby hier à N'Djamena. Il a reçu le ministre français de la Défense, H. Morin. A l'issue de cet entretien, le Président Deby n'a pas exclu de gracier les six Français de l'Arche de Zoé. Ça y est, on est sorti de l'embrouillamini diplomatique avec le Tchad ?
R.- J'ai envie de vous dire d'abord que l'évènement important hier par rapport à la situation en Afrique, par rapport à la géopolitique de la région, même si on a tous beaucoup d'attention au sort de nos compatriotes aujourd'hui en France, c'est quand même ce qui s'est passé au Tchad : le fait que la France ait quant même eu - et là, je crois que vraiment tant B. Kouchner qu'H. Morin, que le président lui-même qui était vraiment très engagé sur ce dossier, ont permis à la France d'avoir- la bonne attitude. Ça me ramène, excusez-moi, avant de dire un mot sur l'Arche de Zoé mais quand même ce qui est d'abord fondamental par rapport à tous les débats sur la France Afrique etc., débats sur lesquels vous savez je me suis également...
E. Cugny : Que vous entretenez un blog d'ailleurs à ce sujet.
R.- Oui, absolument parce que j'ai mission d'être à l'écoute de la jeunesse africaine, des Africains plus généralement par rapport à ce qu'ils attendent un peu aussi de notre coopération. Mais sur cette affaire, avec sa connotation également militaire, la présence de forces armées françaises en Afrique etc., la France, je crois, a eu la bonne attitude qui était à la fois une attitude d'allié loyal et fidèle par rapport à un risque majeur et face à un président légitime, et en même temps, on n'a pas été trop loin dans l'engagement, ce qui aurait pu amener les reproches qu'on a tellement souvent entendus et parfois d'ailleurs, au-delà des reproches, des situations ensuite inextricables.
E. Cugny : Enfin on a le feu vert de l'ONU pour le faire.
R.- Nous avons été, j'allais le dire, soutenus de manière unanime et forte et par l'Union africaine et par le Conseil de sécurité, de manière unanime des Nations unies. Donc à partir de là, tout ce que nous serons amenés à faire à la fois au Tchad et dans l'accompagnement de la mise en place des forces européennes, se fera dans un cadre international. Je pense franchement, d'ailleurs il y a eu assez peu de critiques de l'attitude française et ça c'est aussi un signe de la manière dont évolue notre rapport à l'Afrique : à la fois loyauté, respect des alliances et en même temps respect d'une règle, comment dirai-je, de non intervention directe. Voilà. Et ensuite, alors, que dans la conversation avec les journalistes, le président Deby...
E. Cugny : Ça se détend au niveau de l'Arche de Zoé.
R.-...le président Deby a été satisfait d'être, disons, en position à nouveau un petit peu plus solide par rapport à tout ce qu'il avait subi, a eu des paroles mais visiblement qui n'avaient pas été préparées - enfin, si vous écoutez l'entretien, simplement, spontanément, il a ouvert une porte, ce qui montre bien d'ailleurs ses bonnes dispositions par rapport à l'allié français - eh bien, tant mieux. C'est une affaire à suivre mais par les autorités compétentes. N'allons pas plus vite que la musique.
E. Cugny : Mais c'est bien parti en tous cas pour les six membres de l'Arche de Zoé ?
R.- Il faut vraiment l'espérer.
E. Cugny : Et vous allez vous-même vous impliquer dans ce dossier ?
R.- Nous nous impliquons avec B. Kouchner et R. Yade depuis le début naturellement, dans les dossiers qui concernent nos compatriotes en Afrique ou ailleurs d'ailleurs.
E. Le Boucher : Sur le terrain, cette victoire de N'Djamena comme on l'appelle, vous pensez qu'elle a vraiment fait basculer le rapport de force en faveur du Président et que les rebelles sont en recul ?
R.- Le rapport de force a évidemment basculé. Les rebelles, même s'ils ont subi des revers sévères, n'ont pas été démantelés. Il y a toujours les chefs rebelles. Toute la question, aujourd'hui, c'est de savoir au-delà des regroupements actuels, au-delà des ravitaillements qu'ils obtiennent, parce qu'ils étaient à court de carburant, où ils vont aller dans la prochaine étape ; est-ce qu'il va y avoir de nouvelles offensives ? Est-ce qu'ils vont aller dans telles ou telles régions sur lesquelles je ne reviens pas plus, pour attendre une meilleure opportunité ?
E. Le Boucher : Vous ne voulez pas dire le Soudan ?
R.- En l'occurrence, non, puisqu'on est loin du Soudan mais ça c'était le retour sur des bases arrière. C'est autre chose. Mais c'est aussi une hypothèse. Nous ne le savons pas. Donc je ne suis pas en train de nous dire, nous ne sommes pas en train de dire que la situation est tranquille ad vitam aeternam. Mais rapport à la situation de la semaine dernière, on peut dire effectivement que c'est une vraie victoire et voilà. Mais tout cela reste encore à suivre évidemment de près. Nous-mêmes, en tous cas, nous sommes dans le respect des règles que j'ai rappelées tout à l'heure, totalement aux côtés de notre allié, du Président Deby et avec le souhait bien sûr que nous puissions dans un contexte plus stable, contribuer maintenant à l'installation définitive des forces, de la force européenne sur place.
E. Cugny : (...). J.-M. Bockel, secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie est avec nous ce matin. D. Jeambar est là également pour parler un peu quand même politique en France. Il y a la perspective des municipales.
D. Jeambar : Vous nous avez dit tout à l'heure que vous parcourez le pays dans le cadre de ces élections municipales. J'imagine que vous faites aussi campagne pour vous-même à Mulhouse. Comment vous sentez les choses sur le terrain aujourd'hui ? Tous les sondages ont l'air d'annoncer que ça va être une catastrophe pour la majorité. Vous pressentez la catastrophe ?
E. Cugny : On va prendre une dégelée, aurait même dit quelqu'un.
R.- Vous savez, j'ai quelques élections derrière moi, y compris locales ou nationales. J'ai gagné des élections, j'en ai aussi perdues. Donc je pense avoir une vision assez lucide de ce genre de situation. On est dans la séquence de fin janvier, début février, en ce moment qui n'est, pour les raisons que vous expliquez, pour partie en tous cas au début de l'émission, pas une séquence des plus faciles. On voit bien que les mauvais sondages nationaux ont une incidence notamment dans les grandes villes. Mais ensuite il y aura la séquence de février et ensuite il y aura la séquence de début mars. Je veux dire par là que tout ça, ça peut encore bouger au niveau, je veux parler de l'impact national limité mais réel sur des élections locales. Cela donne d'ailleurs, soit dit en passant, raison au Président lorsqu'il disait - c'était parfois critiqué à l'époque - qu'on ne peut pas dissocier totalement deux élections. Il y a forcément des interférences même si l'élection municipale reste d'abord une élection locale et même plus encore, le lien entre un maire ou un ou une aspirant à la mairie et une population parce que c'est beaucoup ça. Moi j'aborde ma 5ème campagne et ma 4ème en tant que maire. Et je peux vous dire ça. Alors une fois qu'on a dit ça, sur le terrain bien sûr qu'il y a des questions qui reviennent : sur les retraites, le pouvoir d'achat. En plus c'est normal, les gens vous parlent aussi de leurs soucis. Moi, je me souviens d'époque où la question numéro un, c'était l'emploi. Aujourd'hui, il y a une forte amélioration du chômage même si beaucoup reste à faire naturellement. C'est d'ailleurs des sujets sur lesquels, au niveau local, nous sommes très engagés avec des politiques d'accès à l'emploi. En d'autres époques encore, je me rappelle en 2001, c'était la sécurité.
D. Jeambar : Mais vous n'avez pas d'inquiétude particulière.
R.- Ces questions n'ont pas disparu. Aujourd'hui c'est le pouvoir d'achat. Mais en même temps que les gens vous interpellent sur ces questions, ce qui est normal, et sur d'autres questions encore, ils ont conscience des enjeux locaux. Et moi si vous voulez, je suis évidemment beaucoup sur le terrain, là je serai tout à l'heure dans ma ville. Je suis également dans un certain nombre de quartiers populaires. On aborde les problèmes de logement, d'habitat etc., de vie quotidienne. J'ai vécu des climats plus difficiles déjà mais je ne veux pas non plus dire que tout est facile et tirer des conclusions hâtives. Mais franchement, on est dans une campagne municipale, on peut discuter avec les gens des enjeux locaux. On peut parler aux gens des projets pour nos villes.
D. Jeambar : On a eu pire, quoi, à vous entendre.
R.- Je dis simplement qu'on est tout début février, qu'il y a quatre semaines de campagne, que dans l'esprit des gens, on n'est pas encore vraiment en campagne municipale.
D. Jeambar : Les choses peuvent encore bouger.
R.- Donc il ne faut pas, je crois, aller plus vite là aussi que la musique.
D. Jeambar : Vous êtes dans une ville qui connaît les problèmes d'immigration.
R.- Oui, pas seulement d'ailleurs.
D. Jeambar : Et, de fait, vous n'en avez pas parlé à l'instant même, ces questions-là, est-ce qu'elles restent très aigues à vos yeux ou est-ce qu'elles sont en voie de règlement ? Et est-ce qu'il y a un impact de la politique qui a été conduite depuis le mois dernier ? E. Cugny : Alors question concise et je vous demande une réponse tout aussi concise.
R.- Ces questions-là restent très aigues. Par contre, à partir du moment où les gens ont le sentiment qu'un sujet est pris en compte... Après on peut discuter : est-ce que c'est exactement comme ça qu'il faudrait faire ? Est-ce qu'on pourrait mieux faire ? Moi je pense que tant au niveau français qu'au niveau européen, qu'il y ait une politique de régulation de l'immigration, afin que nous puissions rester un pays d'immigration sans avoir ces situations souvent dramatiques qui, peu à peu, se constituent sur le terrain et qui ne sont bonnes ni pour les villes concernées, ni pour les habitants qui arrivent parce que condition de logement etc. A partir du moment où on a le sentiment que ce problème est fortement pris en considération, ce problème demeure mais au moins il n'y a plus cette espèce de désespérance, un sentiment de sauve-qui-peut. Donc, là, je dirai que les choses ne sont pas réglées mais l'état d'esprit a quelque peu changé.
E. Cugny : Merci beaucoup J.-M. Bockel, secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie invité de Radio Classique ce matin, avec D. Jeambar.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 février 2008
R.- D'abord, s'agissant des sondages, comme vous l'avez dit vous-même, actuellement, toutes les enquêtes tombent en même temps et cela donne un effet de répétition, mais qui en fait traduit, je dirais en général, la même tendance et pas une accélération de cette tendance. Ensuite, s'agissant du président de la République, ce n'est pas dans la bourrasque que nous allons prendre de la distance, au contraire, c'est un moment où il faut serrer les coudes. Parce que nous, nous avons tout à fait conscience que l'action engagée c'est ce qu'il faut faire. S'agissant du Président, moi je peux dire que le Président écoute. J'ai été plusieurs fois dans des réunions interministérielles sur des sujets importants qui relèvent de ma compétence avec lui, il accepte même et il souhaite même la discussion. Lorsqu'on n'est pas d'accord avec lui, on peut le lui dire, il répond, on peut lui répondre. Donc, c'est loin de l'image parfois...
D. Jeambar : Sans qu'il s'énerve ?
R.-... sans s'énerver, avec gentillesse et humour. Là aussi, je dirais qu'il ne faudrait pas qu'apparaisse la légende de quelqu'un d'agité, ce n'est pas comme ça que nous le vivons au quotidien. Le Président travaille, le Président réfléchit, le Président - et moi, c'est ce que j'ai retenu du Conseil des ministres d'hier - a une vision, donc a une réflexion sur le long terme. La bourrasque actuelle avec les aspects contrastés qu'elle peut avoir, il y en avait de l'anticipation il y a déjà plusieurs mois. On sait bien que quand on réforme, il y a des moments difficiles. Alors pour le reste, pour je dirais le style, la manière d'être, la présence, moi je dirais deux choses. La première c'est que, vous savez s'il n'y avait pas quelqu'un avec l'énergie qui est la sienne et qui bouscule et qui entraîne, un pays comme la France, on le voit bien quand même depuis quelques années, peinerait à être réformé. Donc je veux dire, n'oublions pas cette qualité première. Pour ce qui est maintenant des effets d'images négatifs, moi j'ai vraiment le sentiment que le Président a une analyse, même si tout cela est souvent extrêmement injuste, soit dit en passant ! Moi je suis très content qu'il soit heureux et je trouve que le bonheur c'est aussi un élément de l'équilibre, surtout à un poste de responsabilité aussi important. Sur les critiques de « pipolisation », je n'ai jamais eu le sentiment que le Président s'était détourné de sa mission, s'était détourné de son travail. Et pour ce qui est maintenant du style et de la manière d'être, reconnaissez-lui l'intelligence et la lucidité, permettant, je dirais une analyse de la situation, de la manière dont son image est perçue, parfois d'une manière injuste. Et moi je suis certain que par rapport à la conduite à tenir, il aura, il a déjà la capacité d'en tenir compte. Et pour ce qui est de la bonne image du Premier ministre, eh bien, on ne peut que s'en réjouir. Enfin, rappelez-vous tout ce que l'on disait encore il y a quelques mois. C'est fou comme...
E. Cugny : Pas sur cette antenne !
R.- Non, mais c'est fou, de manière générale, moi je ne rentre pas...
E. Cugny : ...Sur cette antenne, je veux dire que F. Fillon connaît la maison.
R.- Je vous le confirme, c'est fou comme les commentaires parfois varient du tout au tout. Tant mieux si le Premier ministre aujourd'hui est reconnu dans ses qualités, dans son travail et dans son rôle. Et s'agissant du Président, il est à la barre du navire, il a solidité, sang-froid, perspective, et moi je suis confiant.
E. Cugny : Alors justement, J.-M. Bockel, dans Le Parisien Aujourd'hui en France ce matin, P. Devedjian, secrétaire général de l'UMP, juge nécessaire un minimum d'ordre et de discipline dans la majorité. D'où l'idée de créer une structure qui engloberait les petits partis, dont le vôtre, donc la Gauche Moderne. Vous dites banco ?
R.- Vous savez, vous dites que je fais preuve de discipline, moi je pense que l'on peut s'exprimer et se distinguer autrement qu'en taclant...
E. Cugny : Mais vous l'avez montré au sein du Parti socialiste d'ailleurs !
R.- Eh bien, écoutez, merci de le rappeler, en général je dis ce que je pense, même quand cela agace, même quand cela me cause du tort. Oui, revenons à ce que vous disiez sur...
E. Cugny : Cette structure que veut créer P. Devedjian en réunissant les petits partis alliés.
R.- C'est une démarche qui est en gestation, c'est une démarche qui n'a pas encore abouti. Il y a effectivement une réflexion à laquelle, personnellement, au titre de ma formation politique, Gauche Moderne, je suis favorable. Car le jour où il y aura, je pense que cela viendra à un moment ou à un autre, un lieu qui nous permette, de manière un peu organisée, un peu institutionnalisée - bon, il y a déjà les petits déjeuners des responsables de la majorité qui sont des moments très utiles d'échanges. Mais là, entre formations politiques, qu'il y ait un lieu où nous puissions, nous, par exemple, pôle de gauche avec E. Besson, nous exprimer, pas simplement par le coup de gueule de temps en temps, qui parfois est sans lendemain - je ne parle pas pour nous, mais du principe du coup de gueule à répétition. Mais que nous puissions nous exprimer avec notre projet politique, des propositions en amont, des prises de décision etc. Que l'on puisse avoir ce type d'échange avec le pôle centriste, avec l'UMP et ses alliés radicaux etc., moi je trouve que c'est plutôt une bonne idée. Je ne le vois pas du tout comme une démarche de discipline, moi je me sens extrêmement libre. La polyphonie est un atout pour un Gouvernement d'ouverture, mais c'est certainement un lieu qui nous permettra en tant que formation politique de nous sentir utiles, de jouer notre rôle et de contribuer d'ailleurs et ça cela ne touche pas que les différentes formations, cela touche aussi la grande formation qu'est l'UMP, soit dit en passant. Et, à mon avis, le propos de Devedjian visait aussi l'UMP et peut-être d'abord l'UMP, à mettre parfois un peu de cohérence dans les expressions des uns et des autres. Car trop d'incohérences ce n'est plus de la polyphonie, cela serait de la cacophonie et cela irait évidemment à l'encontre de ce souci d'avoir une meilleure lisibilité de notre action.
D. Jeambar : Mais est-ce que ces deux pôles de gauche peuvent vraiment compter, dès lors que vous-même et E. Besson, vous n'avez même pas créé une formation commune ? Qu'est-ce qui vous sépare, qu'est-ce qui vous différencie ?
R.- Nous le ferons. Chacun a son histoire, chacun construit son histoire, chacun a sa personnalité et ses réseaux. Mais nous travaillons d'ores et déjà ensemble, nous nous voyons régulièrement. Nos convergences sur le fond sont extrêmement importantes et nous sommes tout à fait dans l'état d'esprit qu'au lendemain des municipales, ces deux formations seront amenées à se rapprocher, c'est évident. Donc c'est simplement une histoire qui se construit. D'ailleurs le fait que vous en parliez, le fait que nous ayons aujourd'hui deux formations, eh bien vous intéresse. Et demain, lorsque nous déciderons de nous rapprocher, cela sera également un moment fort où nous aurons des choses à dire sur le fond. Moi, actuellement si vous voulez, je sillonne la France chaque semaine pour soutenir les candidats de la Gauche Moderne sur différentes listes dans des villes moyennes ou grandes. Et pour moi, c'est d'ailleurs un contact extrêmement important et cela permet également de donner corps à l'ouverture. D'ailleurs, soit dit en passant, on critique parfois l'ouverture, on dit, parfois : vous verrez l'ouverture sera remise en cause par certains de la majorité, je n'en sais rien. Moi en tout cas ce que je peux vous dire, c'est que les élus de la majorité qui me reçoivent dans leur ville ne remettent pas du tout en cause l'ouverture, bien au contraire, ils la mettent en avant. Ils la considèrent comme nécessaire. Nous sommes aujourd'hui dans ce temps, après l'élection nous serons dans le temps...
E. Cugny : Vous diriez, comme le dit Devedjian ce matin, que vous incarnez le "sarkozysme de gauche" ?
R.- Je ne récuse ni ne m'attribue cette expression, parce que je la trouve... D'ailleurs je l'assume pleinement, puisque nous avons rejoint N. Sarkozy dans le cadre de l'ouverture. Nous avons gardé nos valeurs de gauche. Mais en même temps, je trouve cette expression réductrice. Parce que, vraiment, nous étions avant au Parti socialiste où nous avons eu une histoire. Moi-même, j'ai essayé pendant dix ans de rénover le PS. Et bien avant l'ouverture, j'avais, avec le ministre de l'Intérieur qui était N. Sarkozy, en tant que maire, un certain nombre de convergences, sur les questions de sécurité, de société. Et d'ailleurs très souvent, je le soutenais ou je m'inspirais un peu de cette démarche au niveau local. Alors est-ce que j'étais pour autant un "sarkozyste du PS" à l'époque ? Vous voyez ce que je veux dire ! Cette démarche est un petit peu réductrice, mais comme vous aimez bien, vous les journalistes...
E. Cugny : Non c'est Devedjian.
R.- Finalement, je ne la récuse pas, je l'assume pleinement.
E. Cugny : On va continuer après cette discussion, Monsieur J.- M. Bockel, secrétaire d'Etat à la Francophonie. Bien sûr nous poursuivons notre entretien après la pause.
[8h32 : deuxième partie]
E. Cugny : Alors, E. Le Boucher, votre commentaire ce matin. Là, c'est l'éditorialiste et peut-être aussi le membre de la commission Attali qui s'exprime, puisqu'on l'a vu hier...
E. Le Boucher : L'ancien membre.
E. Cugny : L'ancien membre, effectivement, mais toujours très actif en terme de réflexion. En tous cas les taxis, Sarkozy a jeté l'éponge. Les taxis également ont levé leur mouvement. Comment interpréter cette décision : le Gouvernement qui ne reprendra pas les propositions Attali sur les taxis ?
E. Le Boucher : À un mois des municipales, ça ressemble beaucoup à de la "chiraquisation" de Sarkozy. C'est un peu étonnant de voir comment il renonce à une réforme pourtant simple, que tout le monde demande, aussi vite, à un mois des municipales. D'abord il faut voir que c'est difficile de comprendre. En réalité, Alain Estival, le représentant des taxis, a été reçu hier à Matignon et à la sortie, il y va tout de go : "Le conflit est terminé, le Gouvernement ne reprendra pas les propositions Attali sur les taxis". Point final. Dans un communiqué qui est paru après, le Premier ministre est plus nuancé, si je puis dire, même différent. "Il veillera à ce que les évolutions de la profession - donc il y aura des évolutions - soient mises en oeuvre, dans le respect de l'équité, sans mettre en péril l'équilibre économique de l'activité des taxis". En fait, je comprends, moi, que Fillon renvoie l'affaire à une négociation ultérieure. Donc on est dans le flou et dans ce flou, les chauffeurs de taxi crient victoire et on le comprend.
E. Cugny : Le dossier n'est pas fermé. On voyait hier d'ailleurs les images, sortie de l'Elysée : "Attention, ne crions pas trop vite victoire, quand même". E. Le Boucher :
R.- Oui, enfin victoire qui... Pour les taxis vous voulez dire ?
E. Cugny : Oui, absolument.
E. Le Boucher : Mais enfin, dans toute cette histoire, c'est quand même un peu étrange la façon dont ça se passe. Le Gouvernement n'a d'abord pas présenté une réforme précise pour les taxis. C'est juste le président de la République qui, recevant J. Attali et son rapport, a dit : "Je le reprendrai". Voilà c'est tout, sans détail. Et donc, du coup, aucun ministre n'a défendu une réforme quelconque puisqu'il n'y avait pas de réforme sur la table. C'est une drôle de façon de faire tout ça. Alors du coup, personne ne prend en charge et explique cette réforme. Et explique aux taxis qu'il ne s'agit pas non plus de passer à 50.000 le nombre de taxis, comme on l'a dit, à Paris. Il ne s'agit pas de déréglementer d'aucune façon, on conservera, enfin normalement les propositions devaient conserver les compteurs etc. Simplement deux choses : ajouter 6.500 taxis, c'est-à-dire multiplier leur nombre à Paris, multiplier leur nombre par 1,4 seulement, et puis faire des voitures de place beaucoup plus libres avec des chauffeurs qui ont toutes les qualifications nécessaires.
E. Cugny : Donc affaire à suivre ?
E. Le Boucher : Non, parce que, alors c'est un peu étrange. Une autre remarque c'est aussi l'UMP qui tire à boulet rouge sur une réforme. On comprend très bien que les élus UMP ont été piétinés depuis 9 mois par Sarkozy. Donc ils tirent, ils tirent un peu dans tous les coins, à l'angoisse de perdre les municipales. Ils dégomment au passage les ministres d'ouverture, on l'a entendu... Mais sur le fond, moi je voudrais quand même revenir à une réforme qui, si elle est abandonnée, ce serait très symbolique et très mal vu pour ce que veut faire Sarkozy. Pourquoi ?
R.- Parce que nous sommes exactement avec les taxis dans ce qu'on appelle une boucle malthusienne : on ne trouve pas de taxis à Paris, en France donc ; on renonce à prendre le taxi ; donc du coup les taxis gagnent assez peu et donc ils vivent mal et donc ils refusent d'ailleurs parfois des clients pour des petites courses. Et donc du coup, puisqu'ils vivent mal, il n'y a pas de taxis. Vous comprenez, on est vraiment dans une boucle infernale. Il faut tout changer. Il faut mettre plus de taxis pour que les Français reprennent les taxis et les taxis vivront mieux. C'est cette mentalité-là qu'il faudrait arriver à retourner en France. C'est une affaire pas si importante que ça, les taxis. Mais c'est très symbolique pour la profession, quand même.
E. Cugny : J.-M. Bockel vous prenez le taxi à Paris ? Plus maintenant puisque vous avez une voiture.
R.- J'ai un abonnement de taxi, je suis un usager, un peu moins en ce moment, mais du métro, du taxi...
E. Cugny : Ca se comprend de par la fonction.
R.- Chez moi je fais de la bicyclette.
E. Le Boucher : Et le maire de Mulhouse, il pense quoi de cette dérégulation ?
R.- Le maire de Mulhouse pense exactement la même chose que le membre du Gouvernement. D'abord, vous avez employé un mot qui est au coeur de tout : le problème c'est la question de la mentalité. Moi je pense plusieurs choses. D'abord la profession des taxis, je la connais un peu car lorsque j'étais ministre du Commerce il y a 22 ans, le dernier arrêté que j'ai signé concernait cette profession, après une négociation, déjà. Et ce qui me permet de dire qu'en terme de mentalité et de psychologie, une chose évidemment qui n'a pas été suffisamment comprise et mise en avant, on la découvre chemin faisant, moi je le savais, c'est évidemment l'angoisse légitime d'un certain nombre de taxis, artisans ou salariés. Il y a des statuts très différents. Mais sur le devenir de leur retraite... c'est d'ailleurs un des problèmes en France, c'est celui des gens qui pour des raisons de cotisation insuffisante, etc. ou de statut peu équilibré et faible, ont cette angoisse en permanence. Alors ça nous ramène évidemment à la question de la vente de la licence etc. Toutes ces questions ont une influence psychologique énorme et n'ont pas été prises en considération. Et ça m'amène d'ailleurs à une remarque sur la méthode. Moi je suis un de ceux qui ont défendu, je dirais dans la plupart de ses pistes et de ses mesures, le rapport Attali parce que je considère que c'est un rapport d'inspiration sociale libérale, qui peut contribuer par beaucoup de ses mesures - je suis en désaccord avec certaines d'entre elles, je ne vais pas vous les détailler, ce serait trop long, mais sur l'urbanisme commercial j'aurais des choses à dire etc., mais il peut contribuer - à moderniser le pays. Mais c'est toute la question du statut d'un rapport d'experts, de la manière dont il est appréhendé, de la manière, vous l'avez dit vous-même d'ailleurs monsieur Le Boucher, la manière dont il est mis en musique parce que sinon finalement, ce qui arrive en ce moment... Il y a aussi eu des propos peut-être un peu excessifs du président disant toutes les mesures sont à prendre ou alors ça n'a pas de sens. Enfin on ne dit pas ça quand on présente un rapport d'experts de 320 mesures. Donc je pense qu'il y a une dimension psychologique par rapport à la pesanteur, par rapport à la réalité des mentalités qui rend plus difficile, c'est pour ça qu'il faut maintenant faire un peu la pause surtout en période électorale, l'évolution des mentalités, la dimension de pédagogie qui est tout à fait nécessaire quand on veut réformer. Cette affaire, cette polémique autour du rapport Attali et des taxis vient nous le rappeler, à point nommé.
E. Cugny : Vous pensez qu'il aurait été préférable de le présenter après les municipales pour ne pas hystériser les débats ?
R.- Maintenant qu'on sait la manière dont ça s'est passé, on peut en conclure que oui. Mais moi, je ne le dis pas parce que je pense qu'un rapport présenté début janvier mais présenté comme un rapport et pas comme un mode d'emploi pour l'action - ça, ça a été un peu la maladresse d'Attali qui par ailleurs est quelqu'un de remarquable qui, je crois, a apporté son intelligence et sa vision, son acuité à la modernisation de notre pays - mais il a commis, peut-être par orgueil, quelques excès de langage qui, dans une période électorale, du coup ont favorisé la polémique. Ce n'est pas un drame. Le travail reste, il a son utilité mais je crois que pour le moment, il faut calmer le jeu sinon de toutes façons, ça ne sert à rien. On n'est pas compris, on n'a jamais raison tout seul.
E. Cugny : J.-M. Bockel, on va revenir à la politique avec la perspective des élections municipales. Mais quand même, vous travaillez avec B. Kouchner, donc les Affaires étrangères. Vous êtes secrétaire d'Etat chargé de la Coopération. Il y a les déclarations du président I. Deby hier à N'Djamena. Il a reçu le ministre français de la Défense, H. Morin. A l'issue de cet entretien, le Président Deby n'a pas exclu de gracier les six Français de l'Arche de Zoé. Ça y est, on est sorti de l'embrouillamini diplomatique avec le Tchad ?
R.- J'ai envie de vous dire d'abord que l'évènement important hier par rapport à la situation en Afrique, par rapport à la géopolitique de la région, même si on a tous beaucoup d'attention au sort de nos compatriotes aujourd'hui en France, c'est quand même ce qui s'est passé au Tchad : le fait que la France ait quant même eu - et là, je crois que vraiment tant B. Kouchner qu'H. Morin, que le président lui-même qui était vraiment très engagé sur ce dossier, ont permis à la France d'avoir- la bonne attitude. Ça me ramène, excusez-moi, avant de dire un mot sur l'Arche de Zoé mais quand même ce qui est d'abord fondamental par rapport à tous les débats sur la France Afrique etc., débats sur lesquels vous savez je me suis également...
E. Cugny : Que vous entretenez un blog d'ailleurs à ce sujet.
R.- Oui, absolument parce que j'ai mission d'être à l'écoute de la jeunesse africaine, des Africains plus généralement par rapport à ce qu'ils attendent un peu aussi de notre coopération. Mais sur cette affaire, avec sa connotation également militaire, la présence de forces armées françaises en Afrique etc., la France, je crois, a eu la bonne attitude qui était à la fois une attitude d'allié loyal et fidèle par rapport à un risque majeur et face à un président légitime, et en même temps, on n'a pas été trop loin dans l'engagement, ce qui aurait pu amener les reproches qu'on a tellement souvent entendus et parfois d'ailleurs, au-delà des reproches, des situations ensuite inextricables.
E. Cugny : Enfin on a le feu vert de l'ONU pour le faire.
R.- Nous avons été, j'allais le dire, soutenus de manière unanime et forte et par l'Union africaine et par le Conseil de sécurité, de manière unanime des Nations unies. Donc à partir de là, tout ce que nous serons amenés à faire à la fois au Tchad et dans l'accompagnement de la mise en place des forces européennes, se fera dans un cadre international. Je pense franchement, d'ailleurs il y a eu assez peu de critiques de l'attitude française et ça c'est aussi un signe de la manière dont évolue notre rapport à l'Afrique : à la fois loyauté, respect des alliances et en même temps respect d'une règle, comment dirai-je, de non intervention directe. Voilà. Et ensuite, alors, que dans la conversation avec les journalistes, le président Deby...
E. Cugny : Ça se détend au niveau de l'Arche de Zoé.
R.-...le président Deby a été satisfait d'être, disons, en position à nouveau un petit peu plus solide par rapport à tout ce qu'il avait subi, a eu des paroles mais visiblement qui n'avaient pas été préparées - enfin, si vous écoutez l'entretien, simplement, spontanément, il a ouvert une porte, ce qui montre bien d'ailleurs ses bonnes dispositions par rapport à l'allié français - eh bien, tant mieux. C'est une affaire à suivre mais par les autorités compétentes. N'allons pas plus vite que la musique.
E. Cugny : Mais c'est bien parti en tous cas pour les six membres de l'Arche de Zoé ?
R.- Il faut vraiment l'espérer.
E. Cugny : Et vous allez vous-même vous impliquer dans ce dossier ?
R.- Nous nous impliquons avec B. Kouchner et R. Yade depuis le début naturellement, dans les dossiers qui concernent nos compatriotes en Afrique ou ailleurs d'ailleurs.
E. Le Boucher : Sur le terrain, cette victoire de N'Djamena comme on l'appelle, vous pensez qu'elle a vraiment fait basculer le rapport de force en faveur du Président et que les rebelles sont en recul ?
R.- Le rapport de force a évidemment basculé. Les rebelles, même s'ils ont subi des revers sévères, n'ont pas été démantelés. Il y a toujours les chefs rebelles. Toute la question, aujourd'hui, c'est de savoir au-delà des regroupements actuels, au-delà des ravitaillements qu'ils obtiennent, parce qu'ils étaient à court de carburant, où ils vont aller dans la prochaine étape ; est-ce qu'il va y avoir de nouvelles offensives ? Est-ce qu'ils vont aller dans telles ou telles régions sur lesquelles je ne reviens pas plus, pour attendre une meilleure opportunité ?
E. Le Boucher : Vous ne voulez pas dire le Soudan ?
R.- En l'occurrence, non, puisqu'on est loin du Soudan mais ça c'était le retour sur des bases arrière. C'est autre chose. Mais c'est aussi une hypothèse. Nous ne le savons pas. Donc je ne suis pas en train de nous dire, nous ne sommes pas en train de dire que la situation est tranquille ad vitam aeternam. Mais rapport à la situation de la semaine dernière, on peut dire effectivement que c'est une vraie victoire et voilà. Mais tout cela reste encore à suivre évidemment de près. Nous-mêmes, en tous cas, nous sommes dans le respect des règles que j'ai rappelées tout à l'heure, totalement aux côtés de notre allié, du Président Deby et avec le souhait bien sûr que nous puissions dans un contexte plus stable, contribuer maintenant à l'installation définitive des forces, de la force européenne sur place.
E. Cugny : (...). J.-M. Bockel, secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie est avec nous ce matin. D. Jeambar est là également pour parler un peu quand même politique en France. Il y a la perspective des municipales.
D. Jeambar : Vous nous avez dit tout à l'heure que vous parcourez le pays dans le cadre de ces élections municipales. J'imagine que vous faites aussi campagne pour vous-même à Mulhouse. Comment vous sentez les choses sur le terrain aujourd'hui ? Tous les sondages ont l'air d'annoncer que ça va être une catastrophe pour la majorité. Vous pressentez la catastrophe ?
E. Cugny : On va prendre une dégelée, aurait même dit quelqu'un.
R.- Vous savez, j'ai quelques élections derrière moi, y compris locales ou nationales. J'ai gagné des élections, j'en ai aussi perdues. Donc je pense avoir une vision assez lucide de ce genre de situation. On est dans la séquence de fin janvier, début février, en ce moment qui n'est, pour les raisons que vous expliquez, pour partie en tous cas au début de l'émission, pas une séquence des plus faciles. On voit bien que les mauvais sondages nationaux ont une incidence notamment dans les grandes villes. Mais ensuite il y aura la séquence de février et ensuite il y aura la séquence de début mars. Je veux dire par là que tout ça, ça peut encore bouger au niveau, je veux parler de l'impact national limité mais réel sur des élections locales. Cela donne d'ailleurs, soit dit en passant, raison au Président lorsqu'il disait - c'était parfois critiqué à l'époque - qu'on ne peut pas dissocier totalement deux élections. Il y a forcément des interférences même si l'élection municipale reste d'abord une élection locale et même plus encore, le lien entre un maire ou un ou une aspirant à la mairie et une population parce que c'est beaucoup ça. Moi j'aborde ma 5ème campagne et ma 4ème en tant que maire. Et je peux vous dire ça. Alors une fois qu'on a dit ça, sur le terrain bien sûr qu'il y a des questions qui reviennent : sur les retraites, le pouvoir d'achat. En plus c'est normal, les gens vous parlent aussi de leurs soucis. Moi, je me souviens d'époque où la question numéro un, c'était l'emploi. Aujourd'hui, il y a une forte amélioration du chômage même si beaucoup reste à faire naturellement. C'est d'ailleurs des sujets sur lesquels, au niveau local, nous sommes très engagés avec des politiques d'accès à l'emploi. En d'autres époques encore, je me rappelle en 2001, c'était la sécurité.
D. Jeambar : Mais vous n'avez pas d'inquiétude particulière.
R.- Ces questions n'ont pas disparu. Aujourd'hui c'est le pouvoir d'achat. Mais en même temps que les gens vous interpellent sur ces questions, ce qui est normal, et sur d'autres questions encore, ils ont conscience des enjeux locaux. Et moi si vous voulez, je suis évidemment beaucoup sur le terrain, là je serai tout à l'heure dans ma ville. Je suis également dans un certain nombre de quartiers populaires. On aborde les problèmes de logement, d'habitat etc., de vie quotidienne. J'ai vécu des climats plus difficiles déjà mais je ne veux pas non plus dire que tout est facile et tirer des conclusions hâtives. Mais franchement, on est dans une campagne municipale, on peut discuter avec les gens des enjeux locaux. On peut parler aux gens des projets pour nos villes.
D. Jeambar : On a eu pire, quoi, à vous entendre.
R.- Je dis simplement qu'on est tout début février, qu'il y a quatre semaines de campagne, que dans l'esprit des gens, on n'est pas encore vraiment en campagne municipale.
D. Jeambar : Les choses peuvent encore bouger.
R.- Donc il ne faut pas, je crois, aller plus vite là aussi que la musique.
D. Jeambar : Vous êtes dans une ville qui connaît les problèmes d'immigration.
R.- Oui, pas seulement d'ailleurs.
D. Jeambar : Et, de fait, vous n'en avez pas parlé à l'instant même, ces questions-là, est-ce qu'elles restent très aigues à vos yeux ou est-ce qu'elles sont en voie de règlement ? Et est-ce qu'il y a un impact de la politique qui a été conduite depuis le mois dernier ? E. Cugny : Alors question concise et je vous demande une réponse tout aussi concise.
R.- Ces questions-là restent très aigues. Par contre, à partir du moment où les gens ont le sentiment qu'un sujet est pris en compte... Après on peut discuter : est-ce que c'est exactement comme ça qu'il faudrait faire ? Est-ce qu'on pourrait mieux faire ? Moi je pense que tant au niveau français qu'au niveau européen, qu'il y ait une politique de régulation de l'immigration, afin que nous puissions rester un pays d'immigration sans avoir ces situations souvent dramatiques qui, peu à peu, se constituent sur le terrain et qui ne sont bonnes ni pour les villes concernées, ni pour les habitants qui arrivent parce que condition de logement etc. A partir du moment où on a le sentiment que ce problème est fortement pris en considération, ce problème demeure mais au moins il n'y a plus cette espèce de désespérance, un sentiment de sauve-qui-peut. Donc, là, je dirai que les choses ne sont pas réglées mais l'état d'esprit a quelque peu changé.
E. Cugny : Merci beaucoup J.-M. Bockel, secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie invité de Radio Classique ce matin, avec D. Jeambar.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 février 2008